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jeudi 19 septembre 2024

Ce que la vulnérabilité de la victime signifie au point de vue juridique

Lemieux c. R., 2023 QCCA 480

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[53]      Dans Friesen, précité, la Cour suprême se prononce sur la circonstance aggravante que constitue l’abus de confiance. Le juge en chef Wagner et le juge Rowe y expliquent, au paragr. 125, que « [l]es relations de confiance se présentent dans de nombreuses situations et elles ne devraient pas toutes être traitées sur le même pied ».

[54]      Tout récemment, dans Mentor c. R., 2022 QCCA 1270, la Cour a retenu que la situation de confiance au sens où l’entend l’article 718.2a)(iii) C.cr. doit être évaluée selon les circonstances propres à chaque affaire. Le juge Rancourt écrit :

[98]      L’acception de l’abus de confiance retenue par la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Audet est large. La qualification est affaire de contexte, fait appel au concept de « situation de confiance », n’impose aucun rapport de dépendance ou relation de fiduciaire et est tributaire de la preuve administrée devant la juge du procès.

                                                                                                            [Renvois omis]

[55]      La Cour rappelait encore plus récemment, dans Pierre c. R., 2023 QCCA 84, au paragr. 35, qu’il n’y a pas de définition stricte d’abus de confiance en matière de peine et que la relation de confiance n’a pas à être « forte » pour être prise en compte quoique, évidemment, le « degré de cette relation pourra toutefois affecter le poids à lui donner dans la pondération globale des facteurs pertinents ».

[56]      Évoquant une trame factuelle similaire à la présente affaire, l’auteur Clayton C. Ruby souligne ce qui suit dans Sentencing, 10e éd., Toronto, LexisNexis, 2020 :

§5.93   […] The rule respecting breach of trust has been extended to situations where it seems strained. A sexual assault upon a close friend has been regarded as breach of trust because, had the offender and the victim not been friends, the victim would not have allowed the offender to sleep in the living room of her premises.

[57]      La preuve soutient la conclusion du juge selon laquelle il y avait relation de confiance entre l’appelant et la victime. C’est d’ailleurs en raison de cette relation étroite que celle-ci a autorisé l’appelant à s’étendre à ses côtés.

[58]      Je partage l’avis de la juge Kennedy de la Cour du Québec lorsqu’elle écrit, dans R. c. Couture2021 QCCQ 6597 :

[29]      […] Dans la mesure où la confiance est générée par un sentiment d’empathie, par le respect accordé à une personne ou par l’assurance qu’elle nous inspire, son exploitation est particulièrement dommageable. D’où son caractère aggravant. […]

[59]      Il va sans dire que la conduite de la victime au moment où elle a ressenti les symptômes et a accepté son offre de se rendre dans la chambre était mue par l’assurance que lui inspirait l’appelant, la confiance qu’elle avait en lui, sentiments qu’il a exploités à son propre bénéfice en s’allongeant à ses côtés avant de l’agresser.

[60]      En ce qui a trait à la situation de vulnérabilité de la victime, celle-ci a également été amplement démontrée.

[61]      Elle ressentait d’importants symptômes dus à la consommation de drogue; elle vomit, a froid, tremble, frissonne, est fatiguée et veut se reposer. Elle est étendue sur un lit, frôlant l’inconscience, les yeux fermés, en proie à un malaise. Au regard de cet état de fait, le juge pouvait conclure que la victime était en situation de vulnérabilité au sens de la loi et écrire :

[52]      Le délinquant et la victime se connaissaient depuis plusieurs années puisque la victime est l’épouse d’un des meilleurs amis d’enfance du délinquant. La fête se tenait chez lui et c’est à titre d’hôte qu’il a accompagné la victime à l’étage de sa résidence après que cette dernière eut été malade. Prétextant vouloir se coucher pour se reposer, le délinquant en profite pour agresser sexuellement la victime, et ce, bien qu’il soutienne avoir voulu lui porter assistance. Il a certes démontré de l’empathie à son égard, mais je conclus qu’elle était intéressée et servait davantage à tenter d’enjôler, à séduire, la victime. Il a profité de la vulnérabilité de la victime pour la caresser aux seins et à la vulve, et pour tenter de lui insérer son pénis dans la bouche dans le but d’obtenir une fellation.

[62]      Dans leur Traité de droit criminel, tome III, « La peine », 3e éd., Montréal, Thémis, 2020, p. 210, les auteurs Parent et Desrosiers retiennent que :

[…] la vulnérabilité de la victime désigne, au point de vue juridique, l’état ou la position d’une personne qui, en raison de sa condition « physique », « mentale », « factuelle », « professionnelle » ou « sociale » est plus susceptible d’être blessée, attaquée ou exploitée. […]

[63]      C’est le cas ici et il va de soi que la vulnérabilité de la victime constitue un facteur aggravant. Les mêmes auteurs soulignent d’ailleurs, avec raison, à la page 210, qu’est « particulièrement à blâmer » l’individu qui s’en prend à celui qui est faible, car la victime n’est pas en mesure de se défendre adéquatement. La gravité subjective de l’agression s’accroît en conséquence. Le statut précaire et l’impuissance de la victime augmentent la gravité du crime.

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