samedi 5 octobre 2024

Une question posée par un policier n’est pas une fouille et une réponse obtenue n’est pas une saisie

Tremblay c. R., 2020 QCCA 1131

Lien vers la décision


[34]        Dans un même ordre d’idée, l’appelant a tort de prétendre que la communication en elle-même doit être assimilée à une fouille. Une question n’est pas une fouille et une réponse n’est pas une saisie. À l'appui de sa prétention, l’appelant cite les arrêts Mellenthin[31]Young[32] Simpson[33] et Bennett[34]. Les propos tenus dans ces arrêts doivent être mis en contexte. Dans les quatre cas, l’accusé était détenu par les agents de l’État. C’est donc dans ces circonstances bien particulières que les tribunaux ont conclu que certaines questions constituaient une fouille.  À cet effet, les propos du juge Cory dans l’arrêt Mellethin sont particulièrement clairs :

L'appelant a incontestablement été détenu et on pouvait donc raisonnablement s'attendre à ce qu'il se sente obligé de répondre aux questions de la police.

[…]

On a vu que le contrôle routier a entraîné la détention de l'appelant. La détention arbitraire a été imposée dès qu'il a rangé son véhicule sur le côté de la route. En raison de cette détention, on peut raisonnablement déduire que l'appelant s'est senti obligé de répondre aux questions de l'agent de police. Dans ces circonstances, il appartient au ministère public de prouver que la personne détenue a effectivement donné un consentement éclairé à la fouille tout en connaissant son droit de refuser de répondre aux questions ou de consentir à la fouille. En l'espèce, il n'y a aucune preuve en ce sens. À mon avis, le juge du procès a eu raison de conclure que l'appelant s'est senti obligé de répondre aux questions de la police. Dans les circonstances, on ne saurait dire que la fouille était consensuelle.

 

Les questions de la police sur le sac de sport de l'appelant et la fouille de son sac et de son véhicule étaient tous des éléments d'une fouille. De plus, cette fouille a été effectuée sans la justification requise des motifs raisonnables et probables. Elle était donc abusive et contraire à l'art. 8 de la Charte.[35].

 

[soulignements ajoutés]

 

[35]        Vu le caractère contraignant de la détention, la discussion entre un justiciable et un agent de l’État doit nécessairement être analysée différemment dans un tel contexte. La conversation téléphonique qui a eu lieu entre l’appelant et l’agent d’infiltration ne peut, en elle-même, être qualifiée de fouille. Lorsqu’un agent de l’État se présente au domicile d’un justiciable vêtu en civil et qu’il omet de révéler son statut de policier, l’occupant de la résidence peut difficilement prétendre que les éléments incriminants qu’il révèle de son plein gré lors d’une discussion consentante ont été obtenus par une fouille ou encore, qu’il s’est senti « obligé » de répondre à son interlocuteur. Dans ces circonstances bien particulières, les déclarations faites par l’occupant ne risquent pas d’être obtenues sous contrainte. Leur caractère libre et volontaire est nécessairement moins préoccupant. La Cour suprême souligne d’ailleurs qu’il n’existe aucune expectative raisonnable de vie privée lors d’un entretien en personne avec un agent d’infiltration.[36]

[36]        Il est vrai que le présent dossier se trouve à la limite des principes énoncés dans l’arrêt Evans. Même si l’agent d’infiltration n’avait pas l’intention expresse de recueillir des éléments de preuve concrets, il est d’une évidence qu’il s’est présenté à la résidence dans le but, ou du moins l’espoir, d’obtenir par voie de communication orale des motifs raisonnables de croire que le trafic de stupéfiants se faisait à partir de la résidence. Cela dit, l'expectative de vie privée de l'interlocuteur n'est pas accrue du simple fait que la conversation, et plus particulièrement les paroles « je suis venu chercher le stock »,  sont prononcées à la porte d’une résidence privée. L’interaction entre l’agent d’infiltration et  l’occupant aurait très bien pu se dérouler dans un autre lieu, comme une rue ou un commerce, sans que cela ait d’incidence sur le résultat de l’opération d’infiltration. En définitive, la cueillette d’information dépendait uniquement du bon vouloir de l’occupant. Il était libre de la révéler ou non.

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