R. c. Ouimet, 2019 QCCA 727
[21] Il ne s’agit pas ici de remettre en cause les enseignements de l’arrêt Coderre, alors que cet arrêt ne s’applique pas à la situation de l’intimé.
[22] Il convient de souligner que le résultat de l’arrêt Coderre a été dicté par des considérations très spécifiques, telles que décrites précédemment. Notre Cour précise en effet que les circonstances sont « fort particulières et requièrent une solution qui ne le sera pas moins »[6].
[23] La juge d’appel considère que les trois considérations suivantes, présentes dans l’affaire Coderre, existaient dans le présent dossier, c’est-à-dire : l’existence d’une entente avec le ministère public pour régler le dossier; l’intention exprimée de répudier l’entente exprimée avant verdict; et l’absence de préjudice à la poursuite[7].
[24] Or, avec égards, ces considérations ne sont pas présentes dans l’affaire qui nous occupe.
[25] Dans le cas de l’intimé, contrairement à l’affaire Coderre, il n’y a pas de véritable entente avec le ministère public, qui n’a fait aucun compromis, sur un plaidoyer, sur des admissions ou sur un règlement global du dossier. Le ministère public n’a fait que donner son accord à ce que le jugement puisse être rendu quelques mois plus tard, ce que le juge a accepté.
[26] De toute manière, s’il y avait eu entente, celle-ci a été complètement exécutée avant que l’intimé exprime son intention de se rétracter. Contrairement à l’affaire Coderre, l’intimé n’a pas exprimé son intention de répudier l’« entente » avant le début de son procès. En effet, lorsque l’intimé présente sa demande pour retrait des admissions le 4 juillet 2016, son procès est déjà rendu au stade du verdict, la preuve étant close de part et d’autre depuis le 3 février 2016.
[27] Autre distinction très importante, contrairement à l’affaire Coderre, l’intimé a clairement formulé une admission devant la Cour du Québec le 3 février 2016. Par la bouche de son avocat, alors qu’il prenait place à ses côtés, l’intimé a reconnu « les faits » à la source de l’accusation de conduite avec facultés affaiblies. Cette admission a été faite par l’intermédiaire d’un avocat, ce que permet l’article 655 du Code criminel.
[28] Partant, l’admission de l’intimé ne pouvait être rétractée de manière unilatérale et son retrait devait être autorisé par le juge. Une telle autorisation en matière de retrait d’admission est discrétionnaire et tributaire des circonstances particulières de l’affaire[8].
[29] Le juge peut notamment considérer si l’admission a été faite par erreur, par inadvertance ou si elle a été faite sans être autorisée. Le juge peut évaluer le préjudice à l’accusé, c’est-à-dire, s’il subirait une injustice manifeste du maintien de l’admission. Il peut également évaluer l’existence ou l’absence de préjudice pour le ministère public[9].
[30] Par ailleurs, s’agissant ici d’une admission s’apparentant à un plaidoyer de culpabilité, c’est-à-dire que l’intimé reconnaissait l’ensemble des faits et ne présentait aucune défense, ce qui était de nature à entraîner une déclaration de culpabilité, il est également utile de considérer les critères applicables au retrait de plaidoyer.
[31] Un accusé qui allègue que son plaidoyer n’était pas éclairé puisqu’il n’était pas au courant de ses conséquences juridiques devrait établir, à l’aide d’une déclaration assermentée, l’existence d’une possibilité raisonnable que, s’il avait été informé de ces conséquences, il aurait soit plaidé non coupable à l’infraction ou plaidé coupable à d’autres conditions[10].
[32] Le juge peut évidemment évaluer la crédibilité de cette prétention subjective avancée par l’accusé[11].
[33] Dans notre dossier, le juge a adéquatement exercé sa discrétion de refuser le retrait de l’admission. Cette admission était claire et sans équivoque. Elle a été faite par l’avocat de l’intimé, en sa présence. Cette affaire de facultés affaiblies n’est pas complexe et l’intimé pouvait valablement reconnaître les faits à la source de l’accusation, dans leur ensemble. En outre, l’intimé a eu l’occasion de discuter avec son avocat avant de faire l’admission.
[34] Le juge a considéré non crédibles les explications de l’intimé. Selon le juge, l’intimé connaissait parfaitement les conséquences de ses admissions, d’où justement sa demande de reporter le jugement après ses vacances d’été. Le juge était aux premières loges pour tirer cette conclusion et celle-ci est inattaquable.
[35] La conduite de l’intimé était par ailleurs préjudiciable. L’évaluation du préjudice ne se limite pas à regarder de manière étroite l’affaire en cause, mais plus généralement, le juge pouvait également considérer l’impact du retrait de l’admission sur la bonne administration de la justice en général, incluant la considération des impératifs de réduction des délais judiciaires et de préservation de la confiance du public, cette analyse devant toutefois se faire dans le respect du droit à un procès juste et équitable[12].
[36] Le juge conclut, ce que la juge d’appel ne remet pas en cause, que l’intimé a adopté une tactique dilatoire, visant précisément à retarder le plus possible la perte de son permis de conduire. Il faut rappeler que les faits, dans cette affaire de facultés affaiblies, sont survenus il y a près de dix ans.
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