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mardi 24 juin 2025

Lorsque la règle d'harmonisation des peines est en cause, seul un écart marqué et substantiel peut justifier l'intervention en appel

Paré c. R., 2011 QCCA 2047

Lien vers la décision


[35]        On le sait : les cours d’appel doivent faire preuve d’une grande retenue dans l’examen des décisions des juges de première instance en matière de peine. Dans R. c. Shropshire1995 CanLII 47 (CSC)[1995] 4 R.C.S. 227, on peut lire, au paragr. 46 :

Une cour d'appel ne devrait pas avoir toute latitude pour modifier une ordonnance relative à la détermination de la peine simplement parce qu'elle estime qu'une ordonnance différente aurait dû être rendue.  La formulation d'une ordonnance relative à la détermination de la peine est un processus profondément subjectif; le juge du procès a l'avantage d'avoir vu et entendu tous les témoins, tandis que la cour d'appel ne peut se fonder que sur un compte rendu écrit. Il n'y a lieu de modifier la peine que si la cour d'appel est convaincue qu'elle n'est pas indiquée, c'est‑à‑dire si elle conclut que la peine est nettement déraisonnable.

[36]        Puis, dans R. c. M. (C.A.), 1996 CanLII 230 (CSC)[1996] 1 R.C.S. 500, au paragr. 90 :

Plus simplement, sauf erreur de principe, omission de prendre en considération un facteur pertinent ou insistance trop grande sur les facteurs appropriés, une cour d'appel ne devrait intervenir pour modifier la peine infligée au procès que si elle n'est manifestement pas indiquée. Le législateur fédéral a conféré expressément aux juges chargés de prononcer les peines le pouvoir discrétionnaire de déterminer le genre de peine qui doit être infligée en vertu du Code criminel et l'importance de celle‑ci.

[37]        Ce principe de retenue judiciaire a été repris par la Cour suprême dans R. c. L.M.2008 CSC 31 (CanLII), [2008] 2 R.C.S. 163, aux paragr. 14 et 15R. c. Proulx2000 CSC 5 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 61, aux paragr. 123 à 126R. c. McDonnell1997 CanLII 389 (CSC), [1997] 1 R.C.S. 948, aux paragr. 14 à17, et R. c. Nasogaluak2010 CSC 6 (CanLII), [2010] 1 R.C.S. 206. Dans ce dernier arrêt, le juge LeBel écrit :

Le vaste pouvoir discrétionnaire conféré aux juges chargés de la détermination de la peine comporte toutefois des limites. Il est en partie circonscrit par les décisions qui ont établi, dans certaines circonstances, des fourchettes générales de peines applicables à certaines infractions, en vue de favoriser, conformément au principe de parité consacré par le Code, la cohérence des peines infligées aux délinquants. Il faut cependant garder à l’esprit que, bien que les tribunaux doivent en tenir compte, ces fourchettes représentent tout au plus des lignes directrices et non des règles absolues.  Un juge peut donc prononcer une sanction qui déroge à la fourchette établie, pour autant qu’elle respecte les principes et objectifs de détermination de la peine. Une telle sanction n’est donc pas nécessairement inappropriée, mais elle doit tenir compte de toutes les circonstances liées à la perpétration de l’infraction et à la situation du délinquant, ainsi que des besoins de la collectivité au sein de laquelle l’infraction a été commise. 

[38]        Bref, le juge de première instance a une grande discrétion, et une cour d'appel ne peut intervenir que dans des circonstances qui dénotent une erreur de principe, une insistance indue sur un facteur approprié ou encore une omission de considérer un facteur pertinent, à moins que la peine soit tout simplement manifestement non indiquée, autrement dit, nettement déraisonnable. C'est dans cet esprit que les cours d'appel conservent donc le pouvoir de s'assurer que la peine s'harmonise à celles infligées « pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables »; c'est d'ailleurs le paragr. 718.2 b) C.crqui le prévoit. De même, dans R. c. M.(C.A.), précité, on peut lire :

92   Il va de soi que les cours d'appel jouent un rôle important en contrôlant et en réduisant au minimum la disparité entre les peines infligées à des contrevenants similaires, pour des infractions similaires commises dans les diverses régions du Canada. […] Toutefois, dans l'exercice de ce rôle, les cours d'appel doivent néanmoins faire montre d'une certaine retenue avant d'intervenir dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire spécialisé que le législateur fédéral a expressément accordé aux juges chargés de déterminer les peines. […] Pour ces motifs, conformément à la norme générale de contrôle que nous avons formulée dans Shropshireje crois qu'une cour d'appel ne devrait intervenir afin de réduire au minimum la disparité entre les peines que dans les cas où la peine infligée par le juge du procès s'écarte de façon marquée et substantielle des peines qui sont habituellement infligées à des délinquants similaires ayant commis des crimes similaires.

[Je souligne.]

[39]        En somme, lorsque la règle d'harmonisation des peines est en cause, seul un écart marqué et substantiel peut justifier l'intervention en appel.

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