R. c. Bouchard, 2007 QCCQ 715 (CanLII)
[14] Cela dit, dans le cadre d’application des articles 253 et 254 du Code criminel, le policier peut, de manière générale, lors de l’interception, se retrouver face à 2 situations :
a) L’interception lui donne des raisons de soupçonner la présence d’alcool dans l’organisme de la personne interceptée;
b) L’interception lui donne des motifs raisonnables de croire que la personne interceptée est en train de commettre, ou a commis dans les 3 heures précédentes, par l’absorption d’alcool, une infraction à l’article 253 du Code criminel.
[15] Dans le premier cas, le paragraphe 2, de l’article 253, autorise le policier à ordonner à la personne interceptée de fournir un échantillon d’haleine dans un appareil de détection approuvé.
[16] Dans le deuxième cas, le paragraphe 3 du même article permet au policier d’arrêter sans mandat, la personne interceptée.
[17] Il revient au policier de définir dans laquelle des 2 situations il se trouve. Il s’agit évidemment d’un processus subjectif.
[18] La première remarque que l’on peut faire est à l’effet que des soupçons ne donnent nullement ouverture à une arrestation, ce qui est conforme avec l’esprit et la lettre du régime général, prévu à l’article 495 du Code criminel.
[19] Si le policier ordonne à la personne de fournir un échantillon d’haleine dans un appareil de détection approuvé correctement utilisé et que la lecture indique un échec, alors le policier acquiert les motifs raisonnables pour procéder à son arrestation.
[20] Si le policier, peu importe la raison, n’ordonne pas à la personne interceptée de fournir un échantillon d’haleine dans un appareil de détection approuvée, la poursuite doit alors faire la démonstration, hors de tout doute raisonnable, que le policier, lors de l’arrestation, avait des motifs raisonnables de croire que la personne interceptée était en train de commettre l’infraction à l’article 253 ou l’avait commise dans les 3 heures précédentes.
[21] Sinon, l’arrestation sans mandat devient arbitraire, illégale et contraire aux droits garantis par la Charte.
[22] Le policier qui décide de procéder à l’arrestation de la personne interceptée, sans recourir à l’outil à sa disposition qu’est l’appareil de détection approuvé, est donc raisonnablement convaincu que le conducteur a de l’alcool dans son organisme et que l’appareil de détection approuvé correctement utilisé indiquerait probablement un échec. Ou il est raisonnablement convaincu que la personne interceptée a les capacités affaiblies par l’alcool, sans nécessairement avoir dans son organisme, un taux supérieur à la limite permise.
[23] Il a donc, lorsqu’il procède à l’arrestation dans ce contexte, quitté la sphère des soupçons.
[24] Comment en est-il arrivé à cette conclusion ? Forcément par l’observation de l’attitude, du comportement et des symptômes physiques constatés chez le conducteur. S’ajoute aussi, le cas échéant, l’observation de la conduite du véhicule jusqu’à son immobilisation lors de l’interception.
[25] Au paragraphe 49 de la décision Bernshaw, on retrouve ce qui suit :
«Il est clair que le législateur a établi un régime législatif qui permet au policier de faire subir un test de détection lorsqu’il a simplement des raisons de soupçonner la présence d’alcool dans l’organisme d’une personne. Ce test vise de toute évidence à aider le policier à fournir les motifs raisonnables le justifiant d’ordonner un alcootest. Le test de détection routier est un moyen utile de confirmer ou rejeter un soupçon relativement à la perpétration d’une infraction de conduite avec facultés affaiblies en contravention de l’art. 253 du Code. Le policier peut tenir compte d’un «échec» ainsi que de tout autre signe d’ébriété pour déterminer qu’il a des motifs raisonnables d’ordonner un alcootest. En temps normal, lorsqu’un test de détection routier bien effectué donne lieu à un «échec», ce résultat suffira à donner au policier les motifs requis.»
[26] Il se dégage donc de ce qui précède, 4 constats, simples en apparence :
1. Le test de détection est un moyen de confirmer ou rejeter un soupçon.
2. Le test de détection n'est pas obligatoire, mais demeure un outil utile.
3. Le policier peut tenir compte d'un échec au test et le cumuler avec tout autre signe d'ébriété.
4. Le résultat peut, à lui seul, fournir au policier, les motifs requis ou raisonnables.
[27] Il est donc évident que le test de détection, malgré tous les avantages qu’il procure, dont celui de permettre au policier de passer de la sphère des soupçons à celle des motifs, n’est pas d’utilisation obligatoire. Le policier jouit d'une discrétion qui doit être exercée de manière légale, c'est-à-dire sans abus ou motif oblique.
[28] Cela dit, son utilisation est tout à fait indiquée, sinon souhaitable, lorsque les signes d’ébriété observés peuvent aussi être des signes associés à un état autre qu’un état d’ébriété, tant par leur nature, leur ampleur, que leur nombre.
[29] Un examen de la jurisprudence fait clairement ressortir une série de signes que l’on retrouve toujours dans de semblables dossiers :
a) les yeux rougis ou vitreux, signe qui peut aussi être associé à un état autre tel par exemple la fatigue;
b) une haleine d’alcool, qui n’est en aucun cas une indication quantitative;
c) un langage lent qui peut aussi être associé à un problème d’élocution;
d) une démarche lente, qui peut aussi être associée à un état physique particulier;
e) une difficulté à remettre les documents qui peut aussi être associée au stress ou à la nervosité qui résulte de l’interception;
f) une difficulté à garder son équilibre, qui peut aussi être associée à une condition particulière de la personne;
g) une conduite irrégulière qui peut aussi trouver son explication dans une manœuvre problématique ou imprévue du conducteur.
[30] Quant à l’ampleur de ces signes, on peut, dans la jurisprudence notamment, identifier les suivants :
a) une très forte odeur d’alcool;
b) une perte évidente d’équilibre;
c) une démarche nettement chancelante au point où l’individu doit prendre appui;
d) une difficulté réelle à articuler;
e) l’impossibilité de remettre les documents ou de les identifier correctement.
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mardi 28 juillet 2009
Le profilage racial des policiers rend l'arrestation subséquente illégale
R. v. Richards, 1999 CanLII 1602 (ON C.A.)
[24] Racial profiling is criminal profiling based on race. Racial or colour profiling refers to that phenomenon whereby certain criminal activity is attributed to an identified group in society on the basis of race or colour resulting in the targeting
of individual members of that group. In this context, race is illegitimately used as a proxy for the criminality or general criminal propensity of an entire racial group.
[25] (...)The Crown conceded that it had the burden of proving that the arrest was lawful. If there was a reasonable doubt that the demand under s. 33 was racially motivated, the arrest was unlawful and the appellant was entitled to be acquitted. Appropriately, the trial judge dealt with the case on that basis.
*** L'auteur de ce blog suggère de lire la décision R. v. Campbell, 2005 CanLII 2337 (QC C.Q.) pour avoir un tour d'horizon assez exhaustif sur la question du profilage racial ***
[24] Racial profiling is criminal profiling based on race. Racial or colour profiling refers to that phenomenon whereby certain criminal activity is attributed to an identified group in society on the basis of race or colour resulting in the targeting
of individual members of that group. In this context, race is illegitimately used as a proxy for the criminality or general criminal propensity of an entire racial group.
[25] (...)The Crown conceded that it had the burden of proving that the arrest was lawful. If there was a reasonable doubt that the demand under s. 33 was racially motivated, the arrest was unlawful and the appellant was entitled to be acquitted. Appropriately, the trial judge dealt with the case on that basis.
*** L'auteur de ce blog suggère de lire la décision R. v. Campbell, 2005 CanLII 2337 (QC C.Q.) pour avoir un tour d'horizon assez exhaustif sur la question du profilage racial ***
Arrestation fondée sur des informations erronées contenues au CRPQ
R. c. Asselin, 2006 QCCQ 12589 (CanLII)
[26] Les premières questions que le Tribunal se posent sont les suivantes : Quelle fiabilité faut-il donner aux informations contenues sur le Centre de renseignements policiers du Québec (CRPQ)? Qui est responsable de tenir à jour lesdits renseignements?
[27] Le Tribunal a examiné la jurisprudence sur le sujet et a fait un résumé des causes suivantes :
➢ R. v. J.F.R. [1991] Y.J. No 235 (Yukon Territorial Court)
« Dans cette affaire, après l’interception d’un jeune contrevenant suspecté d’introduction par effraction, des vérifications d’identité ont été effectuées auprès du CPIC. L’information transmise indiquait que l’accusé était soumis à un couvre-feu. Bien que l’accusé ait mentionné que l’information était erronée, les policiers ont tout de même procédé à l’arrestation de l’accusé. Lors de la fouille incidente à l’arrestation, des stupéfiants ont été découverts. La preuve a démontré que les conditions auxquelles était assujetti l’accusé n’étaient plus en vigueur, et ce, depuis sept (7) semaines. La Cour a décidé que l’arrestation devait être exclue. Dans cette décision, il m’apparaît important de mentionner que suivant l’opinion de l’Honorable juge Terr, les policiers avaient agi de mauvaise foi. »
➢ R. v. Clark . [2003] O.J. No 1323 (Ontario Court of Justice)
« Dans cette affaire, lors d’une vérification de routine au CPIC, les policiers ont constaté que l’accusé était assujetti à un couvre-feu. Lors de la fouille incidente à l’arrestation pour bris d’engagement, les policiers ont découvert des stupéfiants. L’accusé a informé les policiers que les conditions de l’engagement n’étaient plus en vigueur. La preuve a démontré que l’information transmise par le CPIC était périmée, et ce, depuis dix (10) mois. La Cour a décidé que suivant l’article 495 du Code criminel, l’arrestation était légale, ajoutant que même en acquiesçant à l’argumentation de la Défense à l’effet que l’arrestation était illégale, la preuve ne devrait pas être exclue. »
➢ R. v. Wilson . [2003] O.J. No 4465 (Ontario Superior Court of Justice)
« Dans cette affaire, des informations transmises par le CPIC ont indiqué que l’accusé était assujetti à un engagement lequel comportait l’interdiction de posséder un téléphone cellulaire. Observant qu’il possédait un tel appareil, les policiers ont procédé à l’arrestation de l’accusé ne sachant pas que cette condition n’était plus en vigueur, et ce, depuis plus de huit (8) semaines. Lors de la fouille incidente à l’arrestation, des stupéfiants ont été trouvés. Il n’a pas été mis en preuve que l’accusé ait avisé les policiers de la caducité de l’information concernant l’interdiction de posséder un téléphone cellulaire. La Cour a décidé que l’arrestation était légale et que même en cas contraire, la preuve découverte ne devrait pas être exclue. »
➢ R. v. White . [2006] O.J. No 1677 (Ontario Court of Justice)
« Dans cette affaire, des renseignements obtenus du CPIC que l’accusé était soumis à un couvre-feu suivant les conditions d’un engagement sur remise en liberté. Lors de la fouille incidente à son arrestation, des stupéfiants ont été découverts. La preuve a démontré que les conditions de remise en liberté n’étaient plus en vigueur, et ce, depuis cinq (5) mois. Lors des événements, l’accusé est demeuré silencieux et n’a pas avisé les policiers de la fausseté des informations transmises par le CPIC. La Cour a conclu que l’arrestation était illégale mais que la preuve obtenue ne devait pas être exclue. »
« Il est à noter que l’ensemble des décisions précitées a abordé la question de la fiabilité des renseignements contenus au CPIC. L’Honorable juge Khawly, dans l’affaire R. v. Clark résume ainsi l’un des courants jurisprudentiels :
“Mindful of the Supreme Court of Canada R. v. Storrey test, .1990 CanLII 125 (S.C.C.), [1990] 1 S.C.R. 241, would a reasonable person standing in a position of the officer also find that this was a reasonable thing to do? Well, there is no evidence before me that CPIC is unreliable or that there is a rampant problem with that system where items that should be deleted from it remain there for an unusual period of time. In this case ten months, in my view, is unusual and unreasonable, but there is no evidence before me that this is a normal pattern with CPIC, which would have given the officer reason to pause before he chose to stop Mr. Clark. In my view, that goes into the area of would a reasonable person, looking at this matter objectively, follow through and do exactly what the officer did?”
“In my view, absent evidence of the unreliability of CPIC on a regular basis, that stop met the requirements of R. v. Storrey”
« Quant au second courant jurisprudentiel, celui-ci est exprimé en ces termes par l’Honorable juge MacDonnell dans l’affaire R. v. White :
“In neither Clark nor Wilson did the Crown call that kind of evidence. In both cases, the courts assumed the reliability of CPIC from the absence of evidence to the contrary. In taking that approach, they put the burden on the accused to show that reliance on CPIC was unreasonable rather than requiring the Crown to show that it was reasonable. The effect was to reverse the onus of persuasion in relation to the lawfulness of the arrest.”
“As I have indicated, the burden in this respect is on the Crown, and the Crown made no effort to meet that burden. I am not prepared to take judicial notice that CPIC is accurate and reliable in this respect. I simply do not know, for example, how information in relation to recognizances gets into the system, who is responsible for entering the information, how cancellations or variations are dealt with, how long it takes for cancellations or variations to be reflected on CPIC, whether there are things that do not get entered, or whether there are procedures in place to ensure that the system is accurate. I do know, from the cases that I have reviewed as well as the case at bat, that the system is not completely reliable. But I do not know how often problems arise, and I am in no position to determine, one way or the other, whether it was objectively reasonable for Constable Kirwan to rely on that system.”
“In the circumstances, the Crown has not established that it was objectively reasonable for Constable Kirwan to rely on either the board or CPIC in forming his belief that the applicant was breaching his bail order.”
[28] Le Tribunal est d’avis que lorsqu’une arrestation est effectuée sans mandat, il appartient à la Poursuite de démontrer, suivant la balance des probabilités, que ladite arrestation repose sur des motifs raisonnables et probables de croire à la commission d’une infraction. En omettant de démontrer la fiabilité des renseignements contenus au CRPQ, lesquels constituent les motifs de l’arrestation, la Poursuite ne rencontre pas son fardeau de démontrer que l’arrestation est légale.
[29] Même si une arrestation est illégale, la preuve matérielle découverte lors de la fouille peut être admise en preuve si elle ne déconsidère pas l’administration de la justice en vertu de l’article 24(2) de la Charte canadienne des droits et libertés.
[30] La Cour doit examiner la gravité de la violation et l’effet que pourrait avoir son exclusion de la preuve par rapport à son utilisation sur l’administration de la justice.
[26] Les premières questions que le Tribunal se posent sont les suivantes : Quelle fiabilité faut-il donner aux informations contenues sur le Centre de renseignements policiers du Québec (CRPQ)? Qui est responsable de tenir à jour lesdits renseignements?
[27] Le Tribunal a examiné la jurisprudence sur le sujet et a fait un résumé des causes suivantes :
➢ R. v. J.F.R. [1991] Y.J. No 235 (Yukon Territorial Court)
« Dans cette affaire, après l’interception d’un jeune contrevenant suspecté d’introduction par effraction, des vérifications d’identité ont été effectuées auprès du CPIC. L’information transmise indiquait que l’accusé était soumis à un couvre-feu. Bien que l’accusé ait mentionné que l’information était erronée, les policiers ont tout de même procédé à l’arrestation de l’accusé. Lors de la fouille incidente à l’arrestation, des stupéfiants ont été découverts. La preuve a démontré que les conditions auxquelles était assujetti l’accusé n’étaient plus en vigueur, et ce, depuis sept (7) semaines. La Cour a décidé que l’arrestation devait être exclue. Dans cette décision, il m’apparaît important de mentionner que suivant l’opinion de l’Honorable juge Terr, les policiers avaient agi de mauvaise foi. »
➢ R. v. Clark . [2003] O.J. No 1323 (Ontario Court of Justice)
« Dans cette affaire, lors d’une vérification de routine au CPIC, les policiers ont constaté que l’accusé était assujetti à un couvre-feu. Lors de la fouille incidente à l’arrestation pour bris d’engagement, les policiers ont découvert des stupéfiants. L’accusé a informé les policiers que les conditions de l’engagement n’étaient plus en vigueur. La preuve a démontré que l’information transmise par le CPIC était périmée, et ce, depuis dix (10) mois. La Cour a décidé que suivant l’article 495 du Code criminel, l’arrestation était légale, ajoutant que même en acquiesçant à l’argumentation de la Défense à l’effet que l’arrestation était illégale, la preuve ne devrait pas être exclue. »
➢ R. v. Wilson . [2003] O.J. No 4465 (Ontario Superior Court of Justice)
« Dans cette affaire, des informations transmises par le CPIC ont indiqué que l’accusé était assujetti à un engagement lequel comportait l’interdiction de posséder un téléphone cellulaire. Observant qu’il possédait un tel appareil, les policiers ont procédé à l’arrestation de l’accusé ne sachant pas que cette condition n’était plus en vigueur, et ce, depuis plus de huit (8) semaines. Lors de la fouille incidente à l’arrestation, des stupéfiants ont été trouvés. Il n’a pas été mis en preuve que l’accusé ait avisé les policiers de la caducité de l’information concernant l’interdiction de posséder un téléphone cellulaire. La Cour a décidé que l’arrestation était légale et que même en cas contraire, la preuve découverte ne devrait pas être exclue. »
➢ R. v. White . [2006] O.J. No 1677 (Ontario Court of Justice)
« Dans cette affaire, des renseignements obtenus du CPIC que l’accusé était soumis à un couvre-feu suivant les conditions d’un engagement sur remise en liberté. Lors de la fouille incidente à son arrestation, des stupéfiants ont été découverts. La preuve a démontré que les conditions de remise en liberté n’étaient plus en vigueur, et ce, depuis cinq (5) mois. Lors des événements, l’accusé est demeuré silencieux et n’a pas avisé les policiers de la fausseté des informations transmises par le CPIC. La Cour a conclu que l’arrestation était illégale mais que la preuve obtenue ne devait pas être exclue. »
« Il est à noter que l’ensemble des décisions précitées a abordé la question de la fiabilité des renseignements contenus au CPIC. L’Honorable juge Khawly, dans l’affaire R. v. Clark résume ainsi l’un des courants jurisprudentiels :
“Mindful of the Supreme Court of Canada R. v. Storrey test, .1990 CanLII 125 (S.C.C.), [1990] 1 S.C.R. 241, would a reasonable person standing in a position of the officer also find that this was a reasonable thing to do? Well, there is no evidence before me that CPIC is unreliable or that there is a rampant problem with that system where items that should be deleted from it remain there for an unusual period of time. In this case ten months, in my view, is unusual and unreasonable, but there is no evidence before me that this is a normal pattern with CPIC, which would have given the officer reason to pause before he chose to stop Mr. Clark. In my view, that goes into the area of would a reasonable person, looking at this matter objectively, follow through and do exactly what the officer did?”
“In my view, absent evidence of the unreliability of CPIC on a regular basis, that stop met the requirements of R. v. Storrey”
« Quant au second courant jurisprudentiel, celui-ci est exprimé en ces termes par l’Honorable juge MacDonnell dans l’affaire R. v. White :
“In neither Clark nor Wilson did the Crown call that kind of evidence. In both cases, the courts assumed the reliability of CPIC from the absence of evidence to the contrary. In taking that approach, they put the burden on the accused to show that reliance on CPIC was unreasonable rather than requiring the Crown to show that it was reasonable. The effect was to reverse the onus of persuasion in relation to the lawfulness of the arrest.”
“As I have indicated, the burden in this respect is on the Crown, and the Crown made no effort to meet that burden. I am not prepared to take judicial notice that CPIC is accurate and reliable in this respect. I simply do not know, for example, how information in relation to recognizances gets into the system, who is responsible for entering the information, how cancellations or variations are dealt with, how long it takes for cancellations or variations to be reflected on CPIC, whether there are things that do not get entered, or whether there are procedures in place to ensure that the system is accurate. I do know, from the cases that I have reviewed as well as the case at bat, that the system is not completely reliable. But I do not know how often problems arise, and I am in no position to determine, one way or the other, whether it was objectively reasonable for Constable Kirwan to rely on that system.”
“In the circumstances, the Crown has not established that it was objectively reasonable for Constable Kirwan to rely on either the board or CPIC in forming his belief that the applicant was breaching his bail order.”
[28] Le Tribunal est d’avis que lorsqu’une arrestation est effectuée sans mandat, il appartient à la Poursuite de démontrer, suivant la balance des probabilités, que ladite arrestation repose sur des motifs raisonnables et probables de croire à la commission d’une infraction. En omettant de démontrer la fiabilité des renseignements contenus au CRPQ, lesquels constituent les motifs de l’arrestation, la Poursuite ne rencontre pas son fardeau de démontrer que l’arrestation est légale.
[29] Même si une arrestation est illégale, la preuve matérielle découverte lors de la fouille peut être admise en preuve si elle ne déconsidère pas l’administration de la justice en vertu de l’article 24(2) de la Charte canadienne des droits et libertés.
[30] La Cour doit examiner la gravité de la violation et l’effet que pourrait avoir son exclusion de la preuve par rapport à son utilisation sur l’administration de la justice.
lundi 27 juillet 2009
Appréciation de la crédibilité - Éviter qu’une déclaration de culpabilité se résume à un choix entre la preuve de l’accusé et celle du Poursuivant
Sen c. R., 2009 QCCA 539 (CanLII)
[6] La Cour suprême a rendu récemment deux arrêts dans lesquels elle rappelle les fondements de la méthode développée dans l’arrêt R. c. W.(D.).
[7] Dans l’arrêt R. c. C.L.Y., la juge Abella indique que l’essence de la méthode développée dans l’arrêt R. c. W.(D.) est d’éviter qu’une déclaration de culpabilité se résume à un choix entre la preuve de l’accusé et celle du ministère public. Elle cite avec approbation un extrait de l'arrêt R. c. Levasseur, dans laquelle le juge Fish, alors juge de notre Cour, mentionnait :
[traduction]
Le juge du procès doit expliquer au jury, dans une directive d’une clarté incontestable, que prononcer un verdict ne se résume pas à choisir la plus crédible des deux histoires contradictoires [. . .] Pour éviter qu’un innocent ne soit déclaré coupable, on exige une preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable. L’application de cette norme aux questions de crédibilité est un principe bien établi de notre droit. La directive la plus compatible avec ce principe, dans les cas où la crédibilité est une question importante, consiste à expliquer expressément et clairement au jury qu’il doit appliquer le critère du doute raisonnable à cette question.
[8] Dans l’arrêt R. c. J.H.S., le juge Binnie souligne :
L’essentiel c’est que le manque de crédibilité de l’accusé n’équivaut pas à une preuve de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable.
[9] L’application de la méthode prescrite par la Cour suprême n’est cependant pas un exercice d’une rigueur sacramentelle, particulièrement lorsqu’un juge agit à titre de juge des faits. Comme la Cour suprême a eu l’occasion de le rappeler à de nombreuses reprises, c’est l’essence du raisonnement qui compte : il suffit que les motifs du juge reflètent son souci de fonder la culpabilité de l’accusé sur une preuve faite hors de tout doute raisonnable
[6] La Cour suprême a rendu récemment deux arrêts dans lesquels elle rappelle les fondements de la méthode développée dans l’arrêt R. c. W.(D.).
[7] Dans l’arrêt R. c. C.L.Y., la juge Abella indique que l’essence de la méthode développée dans l’arrêt R. c. W.(D.) est d’éviter qu’une déclaration de culpabilité se résume à un choix entre la preuve de l’accusé et celle du ministère public. Elle cite avec approbation un extrait de l'arrêt R. c. Levasseur, dans laquelle le juge Fish, alors juge de notre Cour, mentionnait :
[traduction]
Le juge du procès doit expliquer au jury, dans une directive d’une clarté incontestable, que prononcer un verdict ne se résume pas à choisir la plus crédible des deux histoires contradictoires [. . .] Pour éviter qu’un innocent ne soit déclaré coupable, on exige une preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable. L’application de cette norme aux questions de crédibilité est un principe bien établi de notre droit. La directive la plus compatible avec ce principe, dans les cas où la crédibilité est une question importante, consiste à expliquer expressément et clairement au jury qu’il doit appliquer le critère du doute raisonnable à cette question.
[8] Dans l’arrêt R. c. J.H.S., le juge Binnie souligne :
L’essentiel c’est que le manque de crédibilité de l’accusé n’équivaut pas à une preuve de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable.
[9] L’application de la méthode prescrite par la Cour suprême n’est cependant pas un exercice d’une rigueur sacramentelle, particulièrement lorsqu’un juge agit à titre de juge des faits. Comme la Cour suprême a eu l’occasion de le rappeler à de nombreuses reprises, c’est l’essence du raisonnement qui compte : il suffit que les motifs du juge reflètent son souci de fonder la culpabilité de l’accusé sur une preuve faite hors de tout doute raisonnable
dimanche 26 juillet 2009
La responsabilité criminelle d’une compagnie
Canadian Dredge & Dock Co. c. La Reine, 1985 CanLII 32 (C.S.C.)
En l'espèce, l'application de la théorie de l'identification permet de conclure à la responsabilité criminelle des appelantes. Cette théorie repose sur l'identité de l'âme dirigeante et de la compagnie en question; en effet, l'employé qui a commis l'infraction est l'incarnation de la compagnie qui est son employeur. Par conséquent, même dans le cas d'infractions qui exigent la mens rea, si la cour conclut que l'administrateur ou le cadre est un organe vital de la compagnie et qu'il en est en réalité l'âme dirigeante dans l'exercice de ses attributions, de sorte que ses actes et ses intentions deviennent ceux de la compagnie elle‑même, celle‑ci peut être déclarée responsable en droit criminel. L'imputation à la compagnie de l'acte illégal de son représentant principal crée une responsabilité directe plutôt qu'une responsabilité du fait d'autrui. La doctrine de l'identité réunit le conseil d'administration, le directeur général, le directeur, le gérant et toute autre personne à qui est déléguée l'autorité directrice de la compagnie et la conduite de l'une quelconque des entités ainsi réunies est alors attribuée à la compagnie. Une compagnie peut, de cette façon, avoir plus d'une âme dirigeante.
Pour que la théorie puisse s'appliquer, il faut que l'âme dirigeante agisse dans le cadre de ses pouvoirs, c'est‑à‑dire que ses actes doivent relever du secteur d'activités de la compagnie qui lui est attribué. Le secteur peut être fonctionnel, géographique ou peut englober toutes les activités de la compagnie. L'utilisation de l'expression "cadre de l'emploi" soulève des difficultés terminologiques.
On ne peut opposer à l'application de la doctrine de l'identification qu'un acte criminel d'un employé de la compagnie ne peut relever du cadre de son autorité à moins qu'on ne lui ait expréssement ordonné de commettre l'acte en question. Pareille condition rendrait la règle quasiment inutile. La responsabilité peut exister avec ou sans délégation formelle, connaissance du conseil d'administration ou interdiction expresse.
Une compagnie comprend en réalité les éléments suivants: l'entité juridique, la personne actionnaire et l'employé. Du fait de la théorie de l'identification, la sanction criminelle les frappera directement ou indirectement tous les trois, ce qui est très différent de la situation du propriétaire naturel pour qui seulement deux de ces éléments existent. L'imposition de la responsabilité criminelle est acceptable au sein d'une communauté où la réalité impose que les compagnies soient tenues de répondre d'actes criminels dans certaines circonstances.
Chacune des compagnies en cause avait une âme dirigeante et ce n'est pas parce que celle‑ci a pu agir frauduleusement envers la compagnie qui était son employeur, pour son propre avantage ou contrairement aux instructions qu'elle a reçues, que ladite société échappe à toute responsabilité criminelle dans les circonstances.
Le fait qu'il y a eu des instructions générales ou précises interdisant la conduite en question n'est pas pertinent lorsqu'il s'agit de fixer la portée de la théorie de l'identification. Puisque la compagnie et son âme dirigeante sont devenues une seule entité, l'interdiction que la société a pu adresser à d'autres personnes n'a, en droit, aucun effet sur la détermination de la responsabilité criminelle soit de son âme dirigeante soit de la compagnie elle‑même en raison des actes de son âme dirigeante.
Les limites de l'applicabilité de la doctrine de la délégation sont cependant atteintes et dépassées lorsque l'âme dirigeante cesse complètement d'agir, en fait ou pour l'essentiel, dans l'intérêt de la compagnie. La théorie de l'identification ne s'applique plus lorsqu'une âme dirigeante commet intentionnellement une fraude au détriment de la compagnie et que ses actes illégaux constituent une partie importante des fonctions normales de son poste. En pareil cas, si tous les efforts du directeur visent à détruire l'entreprise de la compagnie, il est alors irréaliste de conclure qu'il agit en sa qualité d'âme dirigeante de la compagnie en question. Le raisonnement est le même pour le concept de l'avantage. Toutefois, un avantage diffère d'une fraude parce qu'il peut être partiel. Le cas où l'âme dirigeante vise à priver la compagnie d'un avantage relié à l'exploitation de son entreprise commerciale est en réalité bien différent de celui où l'âme dirigeante obtient un avantage par suite d'opérations isolées ou dans l'exercice de ses fonctions secondaires.
Lorsque l'acte criminel est complètement frauduleux envers la compagnie employeur, que cet acte était censé profiter exclusivement au directeur employé qui l'a commis et que tel a été le résultat, l'employé, âme dirigeante, dès la conception et l'exécution de son plan criminel, cesse d'être l'âme dirigeante de la compagnie. Par conséquent, ses actes ne peuvent être imputés à la compagnie en vertu de la doctrine de l'identification. Ainsi la doctrine de l'identification ne joue que lorsque le ministère public établit que l'acte de l'âme dirigeante a) entrait dans le domaine d'attribution de ses fonctions; b) n'était pas complètement frauduleux envers la compagnie; et c) avait en partie pour but ou pour conséquence de procurer un avantage à la compagnie.
En l'espèce, l'application de la théorie de l'identification permet de conclure à la responsabilité criminelle des appelantes. Cette théorie repose sur l'identité de l'âme dirigeante et de la compagnie en question; en effet, l'employé qui a commis l'infraction est l'incarnation de la compagnie qui est son employeur. Par conséquent, même dans le cas d'infractions qui exigent la mens rea, si la cour conclut que l'administrateur ou le cadre est un organe vital de la compagnie et qu'il en est en réalité l'âme dirigeante dans l'exercice de ses attributions, de sorte que ses actes et ses intentions deviennent ceux de la compagnie elle‑même, celle‑ci peut être déclarée responsable en droit criminel. L'imputation à la compagnie de l'acte illégal de son représentant principal crée une responsabilité directe plutôt qu'une responsabilité du fait d'autrui. La doctrine de l'identité réunit le conseil d'administration, le directeur général, le directeur, le gérant et toute autre personne à qui est déléguée l'autorité directrice de la compagnie et la conduite de l'une quelconque des entités ainsi réunies est alors attribuée à la compagnie. Une compagnie peut, de cette façon, avoir plus d'une âme dirigeante.
Pour que la théorie puisse s'appliquer, il faut que l'âme dirigeante agisse dans le cadre de ses pouvoirs, c'est‑à‑dire que ses actes doivent relever du secteur d'activités de la compagnie qui lui est attribué. Le secteur peut être fonctionnel, géographique ou peut englober toutes les activités de la compagnie. L'utilisation de l'expression "cadre de l'emploi" soulève des difficultés terminologiques.
On ne peut opposer à l'application de la doctrine de l'identification qu'un acte criminel d'un employé de la compagnie ne peut relever du cadre de son autorité à moins qu'on ne lui ait expréssement ordonné de commettre l'acte en question. Pareille condition rendrait la règle quasiment inutile. La responsabilité peut exister avec ou sans délégation formelle, connaissance du conseil d'administration ou interdiction expresse.
Une compagnie comprend en réalité les éléments suivants: l'entité juridique, la personne actionnaire et l'employé. Du fait de la théorie de l'identification, la sanction criminelle les frappera directement ou indirectement tous les trois, ce qui est très différent de la situation du propriétaire naturel pour qui seulement deux de ces éléments existent. L'imposition de la responsabilité criminelle est acceptable au sein d'une communauté où la réalité impose que les compagnies soient tenues de répondre d'actes criminels dans certaines circonstances.
Chacune des compagnies en cause avait une âme dirigeante et ce n'est pas parce que celle‑ci a pu agir frauduleusement envers la compagnie qui était son employeur, pour son propre avantage ou contrairement aux instructions qu'elle a reçues, que ladite société échappe à toute responsabilité criminelle dans les circonstances.
Le fait qu'il y a eu des instructions générales ou précises interdisant la conduite en question n'est pas pertinent lorsqu'il s'agit de fixer la portée de la théorie de l'identification. Puisque la compagnie et son âme dirigeante sont devenues une seule entité, l'interdiction que la société a pu adresser à d'autres personnes n'a, en droit, aucun effet sur la détermination de la responsabilité criminelle soit de son âme dirigeante soit de la compagnie elle‑même en raison des actes de son âme dirigeante.
Les limites de l'applicabilité de la doctrine de la délégation sont cependant atteintes et dépassées lorsque l'âme dirigeante cesse complètement d'agir, en fait ou pour l'essentiel, dans l'intérêt de la compagnie. La théorie de l'identification ne s'applique plus lorsqu'une âme dirigeante commet intentionnellement une fraude au détriment de la compagnie et que ses actes illégaux constituent une partie importante des fonctions normales de son poste. En pareil cas, si tous les efforts du directeur visent à détruire l'entreprise de la compagnie, il est alors irréaliste de conclure qu'il agit en sa qualité d'âme dirigeante de la compagnie en question. Le raisonnement est le même pour le concept de l'avantage. Toutefois, un avantage diffère d'une fraude parce qu'il peut être partiel. Le cas où l'âme dirigeante vise à priver la compagnie d'un avantage relié à l'exploitation de son entreprise commerciale est en réalité bien différent de celui où l'âme dirigeante obtient un avantage par suite d'opérations isolées ou dans l'exercice de ses fonctions secondaires.
Lorsque l'acte criminel est complètement frauduleux envers la compagnie employeur, que cet acte était censé profiter exclusivement au directeur employé qui l'a commis et que tel a été le résultat, l'employé, âme dirigeante, dès la conception et l'exécution de son plan criminel, cesse d'être l'âme dirigeante de la compagnie. Par conséquent, ses actes ne peuvent être imputés à la compagnie en vertu de la doctrine de l'identification. Ainsi la doctrine de l'identification ne joue que lorsque le ministère public établit que l'acte de l'âme dirigeante a) entrait dans le domaine d'attribution de ses fonctions; b) n'était pas complètement frauduleux envers la compagnie; et c) avait en partie pour but ou pour conséquence de procurer un avantage à la compagnie.
Le principe d'inclusion de la preuve par le «n'eût été»
R. c. Auclair, 2004 CanLII 24201 (QC C.A.)
[52] C'est un truisme d'affirmer que le droit prétorien n'a pas créé une règle d'exclusion automatique de la preuve obtenue par suite d'une violation de la Charte. Depuis l'arrêt R. c. Collins, précité, il est acquis que le par. 24(2) introduit un processus de pondération en fonction de trois facteurs (1) l'équité du procès, (2) la gravité de la violation et (3) l'incidence de l'utilisation de la preuve sur la considération d'un jouit l'administration de la justice.
[53] Dans l'examen du premier facteur, la jurisprudence avait d'abord proposé que dans le cas d'une preuve autoincriminante sous forme de déclaration, obtenue en violation de la Charte, cela tendait généralement à rendre le procès inéquitable et par conséquent justifiait l'exclusion. Graduellement, cette interprétation a été modifiée: le procès ne serait pas inéquitable s'il est démontré que les aveux auraient été fournis même si les policiers avaient respecté leurs obligations de renseignement, d'où le principe du «n'eût été»: mais qui en a le fardeau?
[54] C'est au ministère public qu'incombe ce fardeau: R. c. Stillman, précité, p. 667, et auparavant R. c. Harper, 1994 CanLII 68 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 343, p. 354, 355. Ce fardeau ne doit pas être confondu avec celui de l'inculpé qui, dans le cadre d'une demande d'exclusion selon le par. 24(2), doit convaincre le tribunal que l'utilisation de la preuve est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.
[55] L'arrêt Harper, précité, illustre avec clarté le principe du «n'eût été». On a estimé que l'omission de la police de renseigner adéquatement le détenu sur son droit à l'avocat n'a pas influencé la conduite de l'appelant, en raison d'un désir presque irrésistible de passer aux aveux et de la preuve qu'après chacune des mises en garde il avait clairement indiqué qu'il avait compris.
[56] Également dans R. v. Hieronymi, 1995 CanLII 1109 (ON C.A.), [1995] 25 O.R. (3d) 363 (C.A. Ont.), le même principe fut appliqué pour justifier l'inclusion d'aveux. Hieronymi est arrêté pour avoir commis un vol simple et les policiers l'informent de ses droits. Après avoir admis son crime et dans le but de négocier sa mise en liberté, il discute avec les policiers de sa toxicomanie, ce qui le mène à avouer des crimes pour lesquels il n'est pas soupçonné et sans que les policiers l'avisent de ses droits à chaque admission. La Cour d'appel se rangea de l'avis du premier juge qu'il s'agissait d'une violation plutôt «technique» de l'al. 10 b) de la Charte et que dans les circonstances il était évident qu'il aurait confessé ses crimes de toute façon:
These factors lead me to believe that Mr. Hieronymi was fully aware of his right to remain silent and also the extent of his jeopardy. I have gone into detail regarding the circumstances surrounding the statement and the conduct of Mr. Hieronymi because in my opinion on the particular facts of this case, I am satisfied beyond any doubt that Mr. Hieronymi would have confessed to the additional offences even if he had been re-advised of his rights to counsel.
[57] L'application de ce principe du «n'eût été» exige beaucoup de nuances.
[58] Il me paraît essentiel, pour éviter de diluer l'importance du respect de ces garanties fondamentales, de rappeler les avertissements formulés par la Cour suprême du Canada à propos du danger de conjecturer sur la question de savoir si des aveux auraient été faits même en l'absence d'une violation du droit à l'avocat et du droit au silence: R. c. Elshaw, 1991 CanLII 28 (C.S.C.), [1991] 3 R.C.S. 24; R. c. Bartle, 1994 CanLII 64 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 173 et R. c. Harper, précité, p. 353. Notamment, dans R. c. Elshaw, sous la plume du juge Iacobbucci, on a affirmé qu'on ne peut pas spéculer sur ce qu'un inculpé aurait fait ou dit si ses droits avaient été respectés: justifier ainsi l'inclusion minerait complètement l'importance des droits enchâssés dans la Charte.
[59] Ces avertissements peuvent être conciliés avec le principe du «n'eût été» même dans le cas d'aveux; le «n'eût été» a été appliqué dans des cas où le sujet a compris ses droits mais des accrocs d'ordre informationnel sont survenus. À titre d'exemple, dans l'affaire Elshaw, on ne pouvait se prêter à cet exercice quand les policiers obtiennent une admission avant même de mettre la personne en garde. Par contre, dans Harper, les policiers procèdent à l'arrestation en informant Harper de son droit à l'avocat et de son droit au silence; toutefois, la Cour suprême conclut qu'il y a violation du fait que les policiers n'ont pas en plus informé l'individu de l'existence d'un service d'avocats de garde. La Cour s'est refusée de se prêter à cet exercice du principe du «n'eût été» sur cette seule base: elle s'est plutôt fondée sur la preuve que l'individu éprouvait un désir presque irrésistible de passer aux aveux pour ne pas écarter la preuve.
[52] C'est un truisme d'affirmer que le droit prétorien n'a pas créé une règle d'exclusion automatique de la preuve obtenue par suite d'une violation de la Charte. Depuis l'arrêt R. c. Collins, précité, il est acquis que le par. 24(2) introduit un processus de pondération en fonction de trois facteurs (1) l'équité du procès, (2) la gravité de la violation et (3) l'incidence de l'utilisation de la preuve sur la considération d'un jouit l'administration de la justice.
[53] Dans l'examen du premier facteur, la jurisprudence avait d'abord proposé que dans le cas d'une preuve autoincriminante sous forme de déclaration, obtenue en violation de la Charte, cela tendait généralement à rendre le procès inéquitable et par conséquent justifiait l'exclusion. Graduellement, cette interprétation a été modifiée: le procès ne serait pas inéquitable s'il est démontré que les aveux auraient été fournis même si les policiers avaient respecté leurs obligations de renseignement, d'où le principe du «n'eût été»: mais qui en a le fardeau?
[54] C'est au ministère public qu'incombe ce fardeau: R. c. Stillman, précité, p. 667, et auparavant R. c. Harper, 1994 CanLII 68 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 343, p. 354, 355. Ce fardeau ne doit pas être confondu avec celui de l'inculpé qui, dans le cadre d'une demande d'exclusion selon le par. 24(2), doit convaincre le tribunal que l'utilisation de la preuve est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.
[55] L'arrêt Harper, précité, illustre avec clarté le principe du «n'eût été». On a estimé que l'omission de la police de renseigner adéquatement le détenu sur son droit à l'avocat n'a pas influencé la conduite de l'appelant, en raison d'un désir presque irrésistible de passer aux aveux et de la preuve qu'après chacune des mises en garde il avait clairement indiqué qu'il avait compris.
[56] Également dans R. v. Hieronymi, 1995 CanLII 1109 (ON C.A.), [1995] 25 O.R. (3d) 363 (C.A. Ont.), le même principe fut appliqué pour justifier l'inclusion d'aveux. Hieronymi est arrêté pour avoir commis un vol simple et les policiers l'informent de ses droits. Après avoir admis son crime et dans le but de négocier sa mise en liberté, il discute avec les policiers de sa toxicomanie, ce qui le mène à avouer des crimes pour lesquels il n'est pas soupçonné et sans que les policiers l'avisent de ses droits à chaque admission. La Cour d'appel se rangea de l'avis du premier juge qu'il s'agissait d'une violation plutôt «technique» de l'al. 10 b) de la Charte et que dans les circonstances il était évident qu'il aurait confessé ses crimes de toute façon:
These factors lead me to believe that Mr. Hieronymi was fully aware of his right to remain silent and also the extent of his jeopardy. I have gone into detail regarding the circumstances surrounding the statement and the conduct of Mr. Hieronymi because in my opinion on the particular facts of this case, I am satisfied beyond any doubt that Mr. Hieronymi would have confessed to the additional offences even if he had been re-advised of his rights to counsel.
[57] L'application de ce principe du «n'eût été» exige beaucoup de nuances.
[58] Il me paraît essentiel, pour éviter de diluer l'importance du respect de ces garanties fondamentales, de rappeler les avertissements formulés par la Cour suprême du Canada à propos du danger de conjecturer sur la question de savoir si des aveux auraient été faits même en l'absence d'une violation du droit à l'avocat et du droit au silence: R. c. Elshaw, 1991 CanLII 28 (C.S.C.), [1991] 3 R.C.S. 24; R. c. Bartle, 1994 CanLII 64 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 173 et R. c. Harper, précité, p. 353. Notamment, dans R. c. Elshaw, sous la plume du juge Iacobbucci, on a affirmé qu'on ne peut pas spéculer sur ce qu'un inculpé aurait fait ou dit si ses droits avaient été respectés: justifier ainsi l'inclusion minerait complètement l'importance des droits enchâssés dans la Charte.
[59] Ces avertissements peuvent être conciliés avec le principe du «n'eût été» même dans le cas d'aveux; le «n'eût été» a été appliqué dans des cas où le sujet a compris ses droits mais des accrocs d'ordre informationnel sont survenus. À titre d'exemple, dans l'affaire Elshaw, on ne pouvait se prêter à cet exercice quand les policiers obtiennent une admission avant même de mettre la personne en garde. Par contre, dans Harper, les policiers procèdent à l'arrestation en informant Harper de son droit à l'avocat et de son droit au silence; toutefois, la Cour suprême conclut qu'il y a violation du fait que les policiers n'ont pas en plus informé l'individu de l'existence d'un service d'avocats de garde. La Cour s'est refusée de se prêter à cet exercice du principe du «n'eût été» sur cette seule base: elle s'est plutôt fondée sur la preuve que l'individu éprouvait un désir presque irrésistible de passer aux aveux pour ne pas écarter la preuve.
samedi 25 juillet 2009
Éléments à considérer pour aider la Cour à décider du caractère libre et volontaire des confessions
R. c. Brière, 2007 QCCQ 3143 (CanLII)
[32] La confession ou déclaration extrajudiciaire faite volontairement par l’accusé à une personne en autorité est, en principe, admissible lorsque produite par la poursuite, puisqu’il s’agit d’une exception reconnue à la règle interdisant le ouï-dire; une déclaration volontaire contre les intérêts de son auteur étant présumée fiable.
[33] La recevabilité en preuve et l’utilisation en contre-interrogatoire de la confession sont sous-jacentes au respect des droits constitutionnels de l’accusé et des règles de la Common law . Il doit être établi, suivant une preuve prépondérante, le respect du droit au silence, incluant la possibilité pour un accusé de se prévaloir des services d’un avocat, d’en être informé. La poursuite doit, par ailleurs, démontrer hors de tout doute raisonnable que la confession a été obtenue de façon libre et volontaire, sans crainte d’un préjudice et sans l’espoir d’un avantage dispensé ou promis, faite en l’absence d’un climat d’oppression ou d’une atmosphère d’intimidation pour une personne raisonnable et alors que l’accusé agissait avec conscience ou avait un état d’esprit conscient.
[34] Le Tribunal possède aussi le pouvoir limité, reconnu par la Common law, d’exclure une preuve dont l’utilisation porterait atteinte à l’équité du procès.
[35] Lorsqu’il s’agit de décider du caractère libre et volontaire des confessions, il y a lieu, pour le Tribunal, de s’assurer du respect du droit constitutionnel de l’accusé au silence, puisque leur admissibilité fait dorénavant partie intégrante de ce droit, mais, par ailleurs, il y a lieu de ne pas restreindre indûment le devoir des policiers d’enquêter et de résoudre les crimes.
[36] L’analyse de ces éléments doit être faite de façon contextuelle par un examen de l’ensemble des circonstances. Aucun critère n’est en soi déterminant, la globalité des circonstances doit être examinée. Sont notamment des éléments à considérer parmi d’autres :
- La violence, les menaces de nature à susciter la crainte d’un préjudice même voilées à l’égard du suspect ou d’un tiers;
- Des promesses d’avantages même voilées à l’égard du suspect ou d’un tiers, étant entendu qu’il faut considérer au premier plan l’importance accordée par le suspect à la contrepartie promise dans l’examen contextuel global du caractère volontaire de la confession, car en définitive c’est l’examen du caractère volontaire et non de la contrepartie qui occupe le premier plan;
- le climat de la rencontre;
- la réaction d’une personne raisonnable;
- la personnalité de l’accusé et sa capacité à résister à toute suggestivité;
- la confrontation de l’accusé par les policiers avec de faux éléments de preuve;
- l’utilisation de manipulation, de ruses odieuses (dirty tricks) ou d’artifices de nature à le tromper et à le priver de ses choix; par opposition à l’utilisation de simples stratégies (mere tricks) de façon à ce que le Tribunal se préoccupe de la crédibilité du système judiciaire et du choix effectif d’un suspect de parler ou non aux autorités;
- l’état d’esprit conscient de l’accusé;
- le fait que le suspect soit ou non détenu ou en état d’arrestation;
- la durée de la période de détention; une durée excessivement longue pouvant comporter des effets oppressifs;
- le fait de priver l’accusé des besoins de base : nourriture, vêtements, eau, sommeil, médicaments;
- les conditions de la détention;
- le nombre d’interrogatoires et leur durée respective et globale;
- le nombre de policiers en contact avec l’accusé et leur rôle respectif;
- le fait que le verbatim ait été ou non consigné le plus intégralement possible;
- le nombre de confessions écrites, le délai écoulé entre chacune d’elles, les références aux déclarations antérieures, la découverte de preuves incriminant le suspect postérieure aux déclarations antérieures, l’existence de circonstances ayant vicié l’une des premières déclarations;
- le respect des droits constitutionnels de l’accusé;
- le fait qu’il soit entré ou non en communication avec un avocat;
- la diligence de l’accusé à cet égard;
- dans le cas d’une renonciation à consulter un avocat, le caractère clair et délibéré de celle-ci;
- l’utilisation ou l’omission d’utiliser l’enregistrement par vidéo et les motifs qui la sous-tendent ;
- le contenu de la déclaration, surtout s’il est révélateur des circonstances de la prise de la déclaration.
[32] La confession ou déclaration extrajudiciaire faite volontairement par l’accusé à une personne en autorité est, en principe, admissible lorsque produite par la poursuite, puisqu’il s’agit d’une exception reconnue à la règle interdisant le ouï-dire; une déclaration volontaire contre les intérêts de son auteur étant présumée fiable.
[33] La recevabilité en preuve et l’utilisation en contre-interrogatoire de la confession sont sous-jacentes au respect des droits constitutionnels de l’accusé et des règles de la Common law . Il doit être établi, suivant une preuve prépondérante, le respect du droit au silence, incluant la possibilité pour un accusé de se prévaloir des services d’un avocat, d’en être informé. La poursuite doit, par ailleurs, démontrer hors de tout doute raisonnable que la confession a été obtenue de façon libre et volontaire, sans crainte d’un préjudice et sans l’espoir d’un avantage dispensé ou promis, faite en l’absence d’un climat d’oppression ou d’une atmosphère d’intimidation pour une personne raisonnable et alors que l’accusé agissait avec conscience ou avait un état d’esprit conscient.
[34] Le Tribunal possède aussi le pouvoir limité, reconnu par la Common law, d’exclure une preuve dont l’utilisation porterait atteinte à l’équité du procès.
[35] Lorsqu’il s’agit de décider du caractère libre et volontaire des confessions, il y a lieu, pour le Tribunal, de s’assurer du respect du droit constitutionnel de l’accusé au silence, puisque leur admissibilité fait dorénavant partie intégrante de ce droit, mais, par ailleurs, il y a lieu de ne pas restreindre indûment le devoir des policiers d’enquêter et de résoudre les crimes.
[36] L’analyse de ces éléments doit être faite de façon contextuelle par un examen de l’ensemble des circonstances. Aucun critère n’est en soi déterminant, la globalité des circonstances doit être examinée. Sont notamment des éléments à considérer parmi d’autres :
- La violence, les menaces de nature à susciter la crainte d’un préjudice même voilées à l’égard du suspect ou d’un tiers;
- Des promesses d’avantages même voilées à l’égard du suspect ou d’un tiers, étant entendu qu’il faut considérer au premier plan l’importance accordée par le suspect à la contrepartie promise dans l’examen contextuel global du caractère volontaire de la confession, car en définitive c’est l’examen du caractère volontaire et non de la contrepartie qui occupe le premier plan;
- le climat de la rencontre;
- la réaction d’une personne raisonnable;
- la personnalité de l’accusé et sa capacité à résister à toute suggestivité;
- la confrontation de l’accusé par les policiers avec de faux éléments de preuve;
- l’utilisation de manipulation, de ruses odieuses (dirty tricks) ou d’artifices de nature à le tromper et à le priver de ses choix; par opposition à l’utilisation de simples stratégies (mere tricks) de façon à ce que le Tribunal se préoccupe de la crédibilité du système judiciaire et du choix effectif d’un suspect de parler ou non aux autorités;
- l’état d’esprit conscient de l’accusé;
- le fait que le suspect soit ou non détenu ou en état d’arrestation;
- la durée de la période de détention; une durée excessivement longue pouvant comporter des effets oppressifs;
- le fait de priver l’accusé des besoins de base : nourriture, vêtements, eau, sommeil, médicaments;
- les conditions de la détention;
- le nombre d’interrogatoires et leur durée respective et globale;
- le nombre de policiers en contact avec l’accusé et leur rôle respectif;
- le fait que le verbatim ait été ou non consigné le plus intégralement possible;
- le nombre de confessions écrites, le délai écoulé entre chacune d’elles, les références aux déclarations antérieures, la découverte de preuves incriminant le suspect postérieure aux déclarations antérieures, l’existence de circonstances ayant vicié l’une des premières déclarations;
- le respect des droits constitutionnels de l’accusé;
- le fait qu’il soit entré ou non en communication avec un avocat;
- la diligence de l’accusé à cet égard;
- dans le cas d’une renonciation à consulter un avocat, le caractère clair et délibéré de celle-ci;
- l’utilisation ou l’omission d’utiliser l’enregistrement par vidéo et les motifs qui la sous-tendent ;
- le contenu de la déclaration, surtout s’il est révélateur des circonstances de la prise de la déclaration.
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