mardi 28 juillet 2009

Motifs raisonnables pour procéder à l'arrestation dans les cas de conduite capacités / facultés affaiblies

R. c. Bouchard, 2007 QCCQ 715 (CanLII)

[14] Cela dit, dans le cadre d’application des articles 253 et 254 du Code criminel, le policier peut, de manière générale, lors de l’interception, se retrouver face à 2 situations :

a) L’interception lui donne des raisons de soupçonner la présence d’alcool dans l’organisme de la personne interceptée;

b) L’interception lui donne des motifs raisonnables de croire que la personne interceptée est en train de commettre, ou a commis dans les 3 heures précédentes, par l’absorption d’alcool, une infraction à l’article 253 du Code criminel.

[15] Dans le premier cas, le paragraphe 2, de l’article 253, autorise le policier à ordonner à la personne interceptée de fournir un échantillon d’haleine dans un appareil de détection approuvé.

[16] Dans le deuxième cas, le paragraphe 3 du même article permet au policier d’arrêter sans mandat, la personne interceptée.

[17] Il revient au policier de définir dans laquelle des 2 situations il se trouve. Il s’agit évidemment d’un processus subjectif.

[18] La première remarque que l’on peut faire est à l’effet que des soupçons ne donnent nullement ouverture à une arrestation, ce qui est conforme avec l’esprit et la lettre du régime général, prévu à l’article 495 du Code criminel.

[19] Si le policier ordonne à la personne de fournir un échantillon d’haleine dans un appareil de détection approuvé correctement utilisé et que la lecture indique un échec, alors le policier acquiert les motifs raisonnables pour procéder à son arrestation.

[20] Si le policier, peu importe la raison, n’ordonne pas à la personne interceptée de fournir un échantillon d’haleine dans un appareil de détection approuvée, la poursuite doit alors faire la démonstration, hors de tout doute raisonnable, que le policier, lors de l’arrestation, avait des motifs raisonnables de croire que la personne interceptée était en train de commettre l’infraction à l’article 253 ou l’avait commise dans les 3 heures précédentes.

[21] Sinon, l’arrestation sans mandat devient arbitraire, illégale et contraire aux droits garantis par la Charte.

[22] Le policier qui décide de procéder à l’arrestation de la personne interceptée, sans recourir à l’outil à sa disposition qu’est l’appareil de détection approuvé, est donc raisonnablement convaincu que le conducteur a de l’alcool dans son organisme et que l’appareil de détection approuvé correctement utilisé indiquerait probablement un échec. Ou il est raisonnablement convaincu que la personne interceptée a les capacités affaiblies par l’alcool, sans nécessairement avoir dans son organisme, un taux supérieur à la limite permise.

[23] Il a donc, lorsqu’il procède à l’arrestation dans ce contexte, quitté la sphère des soupçons.

[24] Comment en est-il arrivé à cette conclusion ? Forcément par l’observation de l’attitude, du comportement et des symptômes physiques constatés chez le conducteur. S’ajoute aussi, le cas échéant, l’observation de la conduite du véhicule jusqu’à son immobilisation lors de l’interception.

[25] Au paragraphe 49 de la décision Bernshaw, on retrouve ce qui suit :

«Il est clair que le législateur a établi un régime législatif qui permet au policier de faire subir un test de détection lorsqu’il a simplement des raisons de soupçonner la présence d’alcool dans l’organisme d’une personne. Ce test vise de toute évidence à aider le policier à fournir les motifs raisonnables le justifiant d’ordonner un alcootest. Le test de détection routier est un moyen utile de confirmer ou rejeter un soupçon relativement à la perpétration d’une infraction de conduite avec facultés affaiblies en contravention de l’art. 253 du Code. Le policier peut tenir compte d’un «échec» ainsi que de tout autre signe d’ébriété pour déterminer qu’il a des motifs raisonnables d’ordonner un alcootest. En temps normal, lorsqu’un test de détection routier bien effectué donne lieu à un «échec», ce résultat suffira à donner au policier les motifs requis.»

[26] Il se dégage donc de ce qui précède, 4 constats, simples en apparence :

1. Le test de détection est un moyen de confirmer ou rejeter un soupçon.

2. Le test de détection n'est pas obligatoire, mais demeure un outil utile.

3. Le policier peut tenir compte d'un échec au test et le cumuler avec tout autre signe d'ébriété.

4. Le résultat peut, à lui seul, fournir au policier, les motifs requis ou raisonnables.

[27] Il est donc évident que le test de détection, malgré tous les avantages qu’il procure, dont celui de permettre au policier de passer de la sphère des soupçons à celle des motifs, n’est pas d’utilisation obligatoire. Le policier jouit d'une discrétion qui doit être exercée de manière légale, c'est-à-dire sans abus ou motif oblique.

[28] Cela dit, son utilisation est tout à fait indiquée, sinon souhaitable, lorsque les signes d’ébriété observés peuvent aussi être des signes associés à un état autre qu’un état d’ébriété, tant par leur nature, leur ampleur, que leur nombre.

[29] Un examen de la jurisprudence fait clairement ressortir une série de signes que l’on retrouve toujours dans de semblables dossiers :

a) les yeux rougis ou vitreux, signe qui peut aussi être associé à un état autre tel par exemple la fatigue;

b) une haleine d’alcool, qui n’est en aucun cas une indication quantitative;

c) un langage lent qui peut aussi être associé à un problème d’élocution;

d) une démarche lente, qui peut aussi être associée à un état physique particulier;

e) une difficulté à remettre les documents qui peut aussi être associée au stress ou à la nervosité qui résulte de l’interception;

f) une difficulté à garder son équilibre, qui peut aussi être associée à une condition particulière de la personne;

g) une conduite irrégulière qui peut aussi trouver son explication dans une manœuvre problématique ou imprévue du conducteur.

[30] Quant à l’ampleur de ces signes, on peut, dans la jurisprudence notamment, identifier les suivants :

a) une très forte odeur d’alcool;

b) une perte évidente d’équilibre;

c) une démarche nettement chancelante au point où l’individu doit prendre appui;

d) une difficulté réelle à articuler;

e) l’impossibilité de remettre les documents ou de les identifier correctement.

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