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vendredi 8 septembre 2023

L'interprétation de l’exigence d’immédiateté contenue à même l’article 320.27(1)b))

R. c. Breault, 2023 CSC 9

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[29]                          Il importe de s’attarder au sens de deux mots que l’on retrouve à la disposition sous étude : « fournir » et « immédiatement ». « Fournir » signifie « [f]aire avoir » quelque chose à quelqu’un (Le Petit Robert (nouv. éd. 2023), p. 1088). « Immédiatement » veut dire « [à] l’instant même, tout de suite » (Woods, par. 13, citant Le Nouveau Petit Robert (2003), p. 1312; voir aussi R. c. Grant1991 CanLII 38 (CSC), [1991] 3 R.C.S. 139, p. 150).

[30]                          Selon le sens ordinaire et grammatical de ces termes, le conducteur détenu en vertu de l’al. 254(2)b) C. cr. doit « faire avoir » un échantillon d’haleine à l’agent de la paix « [à] l’instant même, tout de suite ». Par ailleurs, selon le libellé de la disposition, cet échantillon doit être « nécessaire à la réalisation d’une analyse convenable » à l’aide d’un ADA.

[31]                          Partant, et contrairement à ce prétend le ministère public, le mot « immédiatement » qualifie l’ordre auquel doivent obéir les conducteurs. En effet, les conducteurs interceptés « sont tenus par le par. 254(2) d’obtempérer immédiatement » (Woods, par. 45). Ils n’ont pas le loisir de fournir l’échantillon quand bon leur semble.

[32]                          Certes, le mot « immédiatement » comprend implicitement un délai d’ordre opérationnel, car l’agent « doit préparer le matériel et indiquer au suspect ce qu’il doit faire » (Bernshaw, par. 64). Toutefois, ce n’est pas ce type de délai qui est en cause en l’espèce, mais plutôt le délai relatif à la livraison d’un appareil sur les lieux.

[38]                          Le 21 juin 2018, la Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport) et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, L.C. 2018, c. 21, reçoit la sanction royale. Par cette loi, le Parlement abroge les art. 249 à 261 du Code criminel et introduit les art. 320.11 à 320.4, lesquels sont entrés en vigueur le 18 décembre 2018.

[39]                          Pour l’essentiel, le libellé de l’al. 320.27(1)b) C. cr. est analogue à celui de l’al. 254(2)b) C. cr. L’alinéa 320.27(1)b) C. cr. prévoit que l’agent de la paix qui a des motifs raisonnables de soupçonner qu’une personne a de l’alcool dans son organisme et qu’elle a conduit un moyen de transport dans les trois heures précédentes peut lui ordonner de fournir immédiatement les échantillons d’haleine qu’il estime nécessaires à la réalisation d’une analyse convenable à l’aide d’un ADA. Aux termes du par. 320.15(1) C. cr., quiconque, sans excuse raisonnable, omet ou refuse d’obtempérer à un tel ordre, s’expose à des sanctions criminelles.

[40]                          L’une des distinctions entre le nouveau régime et l’ancien est le par. 320.27(2) C. cr., lequel autorise le dépistage aléatoire des conducteurs par l’agent de la paix ayant en sa possession un ADA et agissant dans l’exercice légitime de ses pouvoirs, et ce, même en l’absence de motifs raisonnables de soupçonner la présence d’alcool dans l’organisme du conducteur interpellé.

[41]                          Selon l’argument du ministère public, puisque l’al. 254(2)b) C. cr. ne requiert pas explicitement que les agents de la paix aient en leur possession un ADA lorsqu’ils formulent l’ordre, le mot « immédiatement » ne doit pas être interprété comme ayant, dans les faits, créé une obligation en ce sens. Devant nous, l’appelant a invité notre Cour à voir dans le nouveau régime un « indice » que le législateur fédéral a pris acte de la jurisprudence de certaines cours d’appel du pays qui tolère des délais de plusieurs minutes, et n’a pas voulu la répudier. Je suis d’avis que cet argument doit être rejeté, pour deux raisons.

[42]                          Premièrement, l’évolution législative subséquente, soit les modifications apportées à la version d’une disposition en vigueur au moment des faits, « ne peut jeter aucune lumière sur l’intention du législateur, qu’il soit fédéral ou provincial » quant à cette version antérieure aux modifications (États‑Unis d’Amérique c. Dynar1997 CanLII 359 (CSC), [1997] 2 R.C.S. 462, par. 45; voir aussi Banque de Montréal c. Marcotte2014 CSC 55, [2014] 2 R.C.S. 725, par. 78). Comme le précise le par. 45(3) de la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, c. I‑21, « [l]’abrogation ou la modification, en tout ou en partie, d’un texte ne constitue pas ni n’implique une déclaration sur l’état antérieur du droit. » Dans le même ordre d’idées, le par. 45(4) de la Loi d’interprétation ajoute que « [l]a nouvelle édiction d’un texte, ou sa révision, refonte, codification ou modification, n’a pas valeur de confirmation de l’interprétation donnée, par décision judiciaire ou autrement, des termes du texte ou de termes analogues. »

[43]                          Même dans l’hypothèse où la conservation du mot « immédiatement » au par. 320.27(1) C. cr. (le mot « forthwith » a été remplacé par « immediately » dans la version anglaise) pourrait être vue comme une confirmation de l’interprétation que lui ont donnée les tribunaux (et qu’est présumé connaître le législateur), ce corpus jurisprudentiel est composé, au premier chef, des arrêts Thomsen, Grant, Bernshaw et Woods de notre Cour qui interprètent ce mot conformément à son sens ordinaire, sauf dans des circonstances inhabituelles (motifs de la C.A., par. 67 in fine). Comme le souligne à juste titre le juge Doyon dans ses motifs, si le Parlement souhaitait s’éloigner de cette interprétation, il lui était loisible d’employer d’autres termes — tels que « dès que raisonnablement possible » ou « dans les meilleurs délais » (par. 68). Pourtant, il ne l’a pas fait.

[44]                          Deuxièmement, et plus important encore, il existe une différence conceptuelle entre l’exigence de possession prévue au par. 320.27(2) C. cr. et l’exigence d’immédiateté, laquelle est relative à la temporalité. D’ailleurs, le mot « immédiatement » figure aussi au par. 320.27(2) C. cr. Il s’ensuit que les enseignements du présent arrêt relatifs à l’interprétation de l’exigence d’immédiateté contenue à l’al. 254(2)b) C. cr. s’appliquent à l’interprétation du mot « immédiatement » figurant à l’al. 320.27(1)b) C. cr.

[47]                          Le sens ordinaire du mot « immédiatement » s’accorde avec l’objet de l’al. 254(2)b) C. cr. et le contexte dans lequel s’inscrit cette disposition. D’ailleurs, la jurisprudence de notre Cour a constamment interprété ce mot en lui attribuant ce sens précis sous réserve de circonstances inhabituelles. Par exemple, dans l’arrêt Grant, notre Cour refuse d’interpréter le mot « immédiatement » comme permettant un délai de 30 minutes pour la livraison d’un ADA sur les lieux d’une interception (voir aussi Thomsen, p. 653‑655; Woods, par. 13 et 43‑44).

Est-ce possible d'obtenir une prolongation du délai de détention des biens saisis in camera ex parte?

Re: Section 490 Application - Without Notice, 2022 ABPC 100

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[43]           The mandate of the Provincial Court is sufficiently broad in relation to protecting the secrecy of ongoing investigations to suggest a legislative intention to implicitly confer jurisdiction and power on the Provincial Court to delay notice and to proceed on an in camera and ex parte basis for the purposes of supervising the detention of seized items while also protecting the covert nature of criminal investigations where necessary.  For example, the Criminal Code allows the Court to delay notice of a covert search [section 487.01(5.2)], to issue sealing orders to protect ongoing investigations [section 487.3(2)(ii)], and to order non-disclosure, for a specific period of time, of a preservation demand or a preservation order, or a production order [section 487.0191(1)].

[44]           The jurisdiction sought is necessary because the Criminal Code does not address, through expressly granted powers, a scenario in which an investigation will be materially jeopardized by complying with the notice requirements of section 490(2).

[45]           There is no indication that Parliament addressed its mind to the issue and decided against conferring on the Provincial Court the power to delay notice to interested parties for the purpose of protecting an ongoing criminal investigation which surpasses the three-month mark where no charges have yet been laid.

[46]           Considering all of the above, I am of the view that the Provincial Court of Alberta does have the implied jurisdiction to delay the notice requirement in section 490(2).  In other words, this implicit power under s. 490 of the Criminal Code to delay notice to interested parties is practically necessary for the Provincial Court to fulfill its mandate of supervising the ongoing detention of seized items while protecting the covert nature of criminal investigations and those involved.

[47]           Whether an in camera proceeding without notice to interested parties is warranted will depend on the circumstances of each case.

[53]           I note that the issue which is before me was also before the Nova Scotia Provincial Court in Application to extend period of detention of items seized2021 NSPC 51. In that case, Chief Judge Williams concluded, at paragraph 10 of her Reasons, that the Rules of the Nova Scotia Provincial Court gave her “authority to dispense with the notice requirement under section 490(2) of the Criminal Code and order an in-camera proceeding.”

[54]           I am also aware that Justice Schultes, in Further Detention of Things Seized (Re)supra, when a similar rules-based submission was made to him, said (in obiter):

…I am doubtful that a court-instituted rule, which forms a part of what is essentially a case management regime under delegated powers, can function as the equivalent of a missing Code provision on the substantive issue of detention of seized property, despite the expansive language in the Code provision that permitted its enactment.

[61]           The Criminal Code, by necessarily implication, provides to the Provincial Court of Alberta the power to hear an ex parte application under section 490(2)in camera, and to delay providing notice of that application to the owners of the items seized and to the persons from whom the items were seized.

Quelles sont les options ouvertes à la Poursuite lorsqu'un juge de paix refuse erronément d'émettre un mandat?

Comtois c. R., 2017 QCCA 1376

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[22]        In this matter the prosecution had two alternatives following the refusal of the justice to issue the warrants. His decisions were not final and did not bind anyone as res judicata. The prosecution could either present the same or revised informations to another justice of the peace, without seeking relief by certiorari, or it could present the same or revised informations to another tribunal having the jurisdiction of a justice, again without recourse to prerogative relief.[18] To avoid any suggestion of “judge-shopping” the prosecution in either of these cases of “reapplication” would be, to say the least, prudent to advise the justice that a previous application had been refused.[19] It might also be prudent for issuing judges to inquire whether a previous application has been made. Even if a motion for certiorari was successful to quash a justice’s refusal to issue a warrant, a reapplication is distinct from proceedings in certiorari. There is no foundation in law for the respondent’s suggestion that the motion for certiorari was also, “de facto,” a reapplication for the issuance of the warrants refused by the justice.

lundi 4 septembre 2023

L’utilisation faite de la trousse médico-légale et son contenu lors du contre-interrogatoire

Atma c. R., 2023 QCCS 1132

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[40]   Lors du contre-interrogatoire, l’appelant a été confronté avec des réponses qu’elle a données à l’infirmière qui a procédé à compléter la trousse médico-légale. Cette Cour discutera plus en détail de ses réponses et du témoignage de l’infirmière au moment d’analyser le quatrième motif d’appel.

[67]   On reproche au juge d’avoir bonifié ses conclusions sur la sincérité/ crédibilité de la plaignante en écoutant l’enregistrement de son témoignage :

L’écoute de l’enregistrement d’ASH (la plaignante) permet également de percevoir dans son ton de voix les conséquences que le comportement de l’accusé a pu avoir sur sa personne. Elle semble sincère lorsqu’elle relate les événements…[5]

[68]   On reproche au juge d’avoir conclu que les contradictions soulevées ne portaient que sur la « … séquence des événements ou certains détails périphériques »[6]. On fait référence, notamment, à des contradictions :

   quant au dévoilement de l’agression;

   le témoignage quant à la présence d’une photo sur Instagram;

   sur la présence d’un tampon vaginal; et

   les paroles prononcées pour mettre fin aux activités sexuelles.

[69]   L’appelant argumente que l’utilisation faite de la trousse médico-légale et son contenu constituait une erreur de droit. Alors qu’il déclare que cette preuve n’avait pas de valeur probante, il s’en sert pour bonifier la crédibilité de la plaignante.

[75]   Les contradictions sur les sujets décrits au paragraphe 68 du présent jugement étaient reliées à « … la séquence des événements ou certains détails périphériques ». La position du juge que, pris individuellement ou ensemble, ils n’affectaient pas la conclusion sur la crédibilité ou la fiabilité de la plaignante, ne constituait pas une erreur de droit.

[76]   Reste le traitement de la trousse médico-légale et de son contenu. Selon la Cour, ce point est le plus important avancé par l’appelant.

[77]   Commençons avec la production en preuve du rapport médico-légal (pièce D-1). L’intimé a contesté la production en argumentant que le rapport contenant du ouï-dire et devait faire l’objet d’un voir-dire Khelawon pour déterminer la nécessité de son admission et sa fiabilité. Quoi que le juge ait admis le document, le fondement juridique n’était pas clair.

[78]   Le rapport D-1 contenait des réponses ou observations de la plaignante notées par l’infirmière pour les fins de la préparation de la trousse médico-légale. La plaignante a été contre-interrogée sur ses réponses et observations contenues dans le document. À maintes reprises, elle a dit qu’elle ne se souvenait pas de ses réponses ou que les réponses notées étaient erronées. En tel cas, l’appelant, durant la présentation de la défense, avait le droit de produire la déclaration antérieure incompatible en vertu de l’art. 11 de la Loi sur la preuve.[7]

[79]   L’infirmière a témoigné que la trousse médico-légale (« le rapport », la « pièce D-1 ») a été rédigé par elle lors de la rencontre avec la victime. Une fois complété, l’infirmière consulte la médecin de garde qui termine l’examen. Ensemble, elles décident s’il y aura des suites basées sur les réponses de la victime. Elle n’a aucun souvenir de sa rencontre avec la plaignante dans le présent dossier.

[108]   Qu’en est-il de la conclusion du juge que le rapport D-1 n’avait pas de valeur probante comme facteur pour évaluer la crédibilité et la fiabilité du témoignage de la plaignante? Cette Cour est d’avis que cette conclusion était erronée. Avec égards, non seulement elle était erronée, mais il s’agissait d’une erreur de droit qui était manifeste et dominante dans l’appréciation de la crédibilité et la fiabilité de la plaignante.

[109]   L’absence de souvenir du cas de la plaignante par l’infirmière n’avait pas l’importance accordée par le juge. Il était clair que le rapport concernait la plaignante. Son nom, date de naissance et initiales se trouvaient sur la première page. Pour l’infirmière, il s’agissait d’un cas particulier qui a fait en sorte qu’elle a senti la nécessité d’inscrire des notes en bas de la page 2 du rapport. Si elle ne se souvenait pas du cas, elle a maintenu, tout au long de son témoignage, qu’elle avait posé toutes les questions prévues dans le rapport et que la plaignante a seulement parlé d’attouchements sur les parties génitales par-dessus ses vêtements. La décision de l’infirmière et de la médecin de ne pas procéder à des prélèvements ou à la prise de tests confirmait que la plaignante n’avait jamais parlé d’un contact d’une partie de son corps avec une partie du corps de son agresseur.

[110]   La référence au ouï-dire par le juge du procès comme facteur qui diminue la force probante du rapport est difficile à comprendre. Le rapport n’a jamais été produit pour faire preuve de son contenu. Le rapport a été produit pour faire preuve d’une déclaration antérieure incompatible de la plaignante lorsque comparé avec son témoignage.

[111]   Le fait que le mot à mot de la plaignante n’était pas reproduit dans le rapport n’avait pas l’importance accordée par le juge. Le genre de questions posées en fonction du rapport laissait peu de place à de l’interprétation.

[112]   Si on avait accordé la force probante à sa juste valeur au rapport, il aurait fallu que le juge analyse l’explication fournie par la plaignante pour comprendre les contradictions majeures avec son témoignage. Est-ce que c’était croyable que la plaignante, lors de sa rencontre avec l’infirmière et la médecin, aurait décidé d’elle-même quels sujets étaient importants – échange de fluides et pénétration – et, en conséquence, n’a pas cru que c’était important de répondre correctement à une question aussi simple que : « Est-ce que la bouche de ton agresseur a touché ta peau? »

[113]   Avec égards, sans cette analyse, la considération de la crédibilité et de la fiabilité du témoignage de la plaignante a été faussé. La Cour retient ce motif d’appel.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Comment le Tribunal doit se gouverner face à la demande d'un co-accusé d'avoir un procès séparé de ses complices

R. v. Zvolensky, 2017 ONCA 273 Lien vers la décision [245] It is difficult to underestimate the importance of a principled, case-specific ap...