Céré c. Directeur des poursuites criminelles et pénales, 2024 QCCA 344
[109] La défense de diligence raisonnable est recevable si le défendeur démontre qu’il a « pris toutes les précautions pour prévenir l’infraction »[81]. Ainsi, « le défendeur qui démontre qu’il a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter que l’événement en question ne se produise pourra échapper à la responsabilité »[82].
[110] Il ne faut pas confondre « passivité et diligence »[83]. Comme l’énonce le juge LeBel dans Lévis (Ville) c. Tétreault : « Le concept de diligence repose sur l’acceptation d’un devoir de responsabilité du citoyen de chercher activement à connaître les obligations qui lui sont imposées. L’ignorance passive ne constitue pas un moyen de défense valable en droit pénal »[84].
[111] L’évaluation du comportement du défendeur « est assujettie à une norme objective et elle suppose l’examen de l’attitude d’une personne raisonnable placée en pareilles circonstances »[85]. La conduite s’évalue notamment « d’après la prudence, les aptitudes et les connaissances que devrait avoir une personne raisonnable placée dans la même situation »[86]. Cela dit, la diligence raisonnable ne requiert pas une conduite parfaite et n’instaure pas une obligation de résultat[87].
[112] Par ailleurs, dans l’évaluation de la diligence raisonnable, on considère la conduite du défendeur à l’égard de l’infraction commise et non à l’égard de la raisonnabilité générale de la conduite du défendeur ou de sa bonne foi[88]. Cette nuance fait l’objet des commentaires qui suivent du juge Doherty de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Raham :
[47] A due diligence defence to a strict liability charge amounts to a claim that the defendant took all reasonable care to avoid committing the offence with which he or she is charged. Where the accused contends that he or she operated under a reasonable misapprehension of the relevant facts, the due diligence defence takes the form of a reasonable mistake of fact claim. As explained in Sault Ste. Marie, at p. 1326:
[T]he doing of the prohibited act prima facie imports the offence, leaving it open to the accused to avoid liability by proving that he took all reasonable care. This involves consideration of what a reasonable man would have done in the circumstances.
[48] The due diligence defence relates to the doing of the prohibited act with which the defendant is charged and not to the defendant’s conduct in a larger sense. The defendant must show he took reasonable steps to avoid committing the offence charged, not that he or she was acting lawfully in a broader sense: see John Swaigen, Regulatory Offences in Canada: Liability & Defences (Toronto: Carswell, 1992), at pp. 98-100. The point is well made in Kurtzman, at para. 37: "The due diligence defence must relate to the commission of the prohibited act, not some broader notion of acting reasonably" (emphasis in original). Just as a due diligence defence is not made out by acting generally in a reasonable way, it is not necessarily lost by virtue of actions surrounding the prohibited act, legal or illegal, unless those actions establish that the defendant, in committing the prohibited act, failed to take all reasonable care[89].
[Le soulignement est ajouté]
[113] La diligence raisonnable porte donc sur la perpétration de l’infraction elle-même, et non sur la raisonnabilité générale de la conduite du défendeur[90]. Cette distinction s’avère unanimement acceptée par la jurisprudence canadienne[91].
[114] Les tribunaux examinent un large éventail de facteurs pour déterminer si le défendeur a établi une défense de diligence raisonnable à l’égard d’une infraction réglementaire. Les facteurs suivants ont été jugés pertinents à cet égard : 1) la probabilité que l’acte interdit se produise, sa prévisibilité, la gravité de ses effets, de même que les conséquences qu’il pourrait avoir sur les personnes vulnérables et les quartiers environnants; 2) la capacité du défendeur à contrôler ou gérer le risque que l’acte interdit se produise; 3) les autres solutions envisageables; 4) la conformité de la conduite du défendeur à la réglementation en vigueur; 5) les normes de l’industrie; 6) les mesures de prévention en place; 7) les efforts déployés pour résoudre le problème et la rapidité de l’intervention du défendeur; 8) les facteurs échappant au contrôle du défendeur; 9) les limites de la technologie; 10) le niveau de compétence attendu du défendeur; 11) la complexité en cause; 12) les considérations économiques; 13) la formation et la supervision qui ont été données ou non aux employés[92].
[115] Comme l’explique la juge Lavallée dans ArcelorMittal Canada inc. « [c]ette nomenclature, sans être exhaustive, est un guide utile lorsqu’il s’agit de décider d’un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable »[93]. Cela dit, ces critères ne conviennent pas nécessairement à l’analyse de tous les types d’infractions réglementaires.
[116] Autre élément important que relèvent les auteurs de la cinquième édition de l’ouvrage Manning, Mewett & Sankoff: Criminal Law, l’exigence de diligence s’évalue, cela est fort logique, en fonction de la dangerosité de l’activité en cause :
As this excerpt indicates, the due diligence test normally concentrates upon the reasonableness of the precautions taken to avoid the unlawful occurrence, including any steps taken to ensure that the precautionary system operates properly. Offenders should not be excused, therefore, simply because the mistake was not egregious; because it was unintentional; because any resulting prejudice was small; or because there was some sort of reasonable explanation for the failure to comply. The focus is exclusively upon measures taken to prevent the offence. This inquiry certainly includes consideration of how foreseeable the event in question was, as the law does not hold an accused responsible for failure to take reasonable steps against risks that cannot be anticipated. The courts will also consider the dangerousness of the activity being undertaken. As a general rule, the greater the potential the conduct in question has to cause harm, the more precautions the court will require before finding that the accused acted diligently. That said, the goal is to take reasonable precautions; perfection or “superhuman efforts” are not required[94].
[Le soulignement est ajouté; renvois omis]
[117] Plus une activité est réglementée et dangereuse, plus le devoir de diligence du défendeur sera onéreux[95].
[118] L’analyse qui précède permet de mieux cerner les moyens de défense pouvant être soulevés à l’encontre d’une infraction de responsabilité stricte. Bien que l’angle développé par l’appelant soit centré sur l’erreur de fait, l’analyse de l’ensemble de ces moyens de défense jette un éclairage complet pour résoudre la question soulevée dans le pourvoi. À mon avis, peu importe le point de vue adopté, l’appelant ne peut être acquitté.