lundi 13 janvier 2025

La défense de diligence raisonnable à l’égard d’une infraction réglementaire

Céré c. Directeur des poursuites criminelles et pénales, 2024 QCCA 344

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[109]   La défense de diligence raisonnable est recevable si le défendeur démontre qu’il a « pris toutes les précautions pour prévenir l’infraction »[81]. Ainsi, « le défendeur qui démontre qu’il a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter que l’événement en question ne se produise pourra échapper à la responsabilité »[82].

[111]   L’évaluation du comportement du défendeur « est assujettie à une norme objective et elle suppose l’examen de l’attitude d’une personne raisonnable placée en pareilles circonstances »[85]. La conduite s’évalue notamment « d’après la prudence, les aptitudes et les connaissances que devrait avoir une personne raisonnable placée dans la même situation »[86]. Cela dit, la diligence raisonnable ne requiert pas une conduite parfaite et n’instaure pas une obligation de résultat[87].

[112]   Par ailleurs, dans l’évaluation de la diligence raisonnable, on considère la conduite du défendeur à l’égard de l’infraction commise et non à l’égard de la raisonnabilité générale de la conduite du défendeur ou de sa bonne foi[88]. Cette nuance fait l’objet des commentaires qui suivent du juge Doherty de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Raham :

[47]      A due diligence defence to a strict liability charge amounts to a claim that the defendant took all reasonable care to avoid committing the offence with which he or she is charged. Where the accused contends that he or she operated under a reasonable misapprehension of the relevant facts, the due diligence defence takes the form of a reasonable mistake of fact claim. As explained in Sault Ste. Marie, at p. 1326:

[T]he doing of the prohibited act prima facie imports the offence, leaving it open to the accused to avoid liability by proving that he took all reasonable care. This involves consideration of what a reasonable man would have done in the circumstances.

[48]      The due diligence defence relates to the doing of the prohibited act with which the defendant is charged and not to the defendant’s conduct in a larger sense. The defendant must show he took reasonable steps to avoid committing the offence charged, not that he or she was acting lawfully in a broader sense: see John Swaigen, Regulatory Offences in Canada: Liability & Defences (Toronto: Carswell, 1992), at pp. 98-100. The point is well made in Kurtzman, at para. 37: "The due diligence defence must relate to the commission of the prohibited act, not some broader notion of acting reasonably" (emphasis in original). Just as a due diligence defence is not made out by acting generally in a reasonable way, it is not necessarily lost by virtue of actions surrounding the prohibited act, legal or illegal, unless those actions establish that the defendant, in committing the prohibited act, failed to take all reasonable care[89].

[Le soulignement est ajouté]

[113]   La diligence raisonnable porte donc sur la perpétration de l’infraction elle-même, et non sur la raisonnabilité générale de la conduite du défendeur[90]. Cette distinction s’avère unanimement acceptée par la jurisprudence canadienne[91].

[114]   Les tribunaux examinent un large éventail de facteurs pour déterminer si le défendeur a établi une défense de diligence raisonnable à l’égard d’une infraction réglementaire. Les facteurs suivants ont été jugés pertinents à cet égard : 1) la probabilité que l’acte interdit se produise, sa prévisibilité, la gravité de ses effets, de même que les conséquences qu’il pourrait avoir sur les personnes vulnérables et les quartiers environnants; 2) la capacité du défendeur à contrôler ou gérer le risque que l’acte interdit se produise; 3) les autres solutions envisageables; 4) la conformité de la conduite du défendeur à la réglementation en vigueur; 5) les normes de l’industrie; 6) les mesures de prévention en place; 7) les efforts déployés pour résoudre le problème et la rapidité de l’intervention du défendeur; 8) les facteurs échappant au contrôle du défendeur; 9) les limites de la technologie; 10) le niveau de compétence attendu du défendeur; 11) la complexité en cause; 12) les considérations économiques; 13) la formation et la supervision qui ont été données ou non aux employés[92].

[115]   Comme l’explique la juge Lavallée dans ArcelorMittal Canada inc. « [c]ette nomenclature, sans être exhaustive, est un guide utile lorsqu’il s’agit de décider d’un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable »[93]. Cela dit, ces critères ne conviennent pas nécessairement à l’analyse de tous les types d’infractions réglementaires.

[116]   Autre élément important que relèvent les auteurs de la cinquième édition de l’ouvrage Manning, Mewett & Sankoff: Criminal Law, l’exigence de diligence s’évalue, cela est fort logique, en fonction de la dangerosité de l’activité en cause :

As this excerpt indicates, the due diligence test normally concentrates upon the reasonableness of the precautions taken to avoid the unlawful occurrence, including any steps taken to ensure that the precautionary system operates properly. Offenders should not be excused, therefore, simply because the mistake was not egregious; because it was unintentional; because any resulting prejudice was small; or because there was some sort of reasonable explanation for the failure to comply. The focus is exclusively upon measures taken to prevent the offence. This inquiry certainly includes consideration of how foreseeable the event in question was, as the law does not hold an accused responsible for failure to take reasonable steps against risks that cannot be anticipated. The courts will also consider the dangerousness of the activity being undertaken. As a general rule, the greater the potential the conduct in question has to cause harm, the more precautions the court will require before finding that the accused acted diligently. That said, the goal is to take reasonable precautions; perfection or “superhuman efforts” are not required[94].

[Le soulignement est ajouté; renvois omis]

[117]   Plus une activité est réglementée et dangereuse, plus le devoir de diligence du défendeur sera onéreux[95].

[118]   L’analyse qui précède permet de mieux cerner les moyens de défense pouvant être soulevés à l’encontre d’une infraction de responsabilité stricte. Bien que l’angle développé par l’appelant soit centré sur l’erreur de fait, l’analyse de l’ensemble de ces moyens de défense jette un éclairage complet pour résoudre la question soulevée dans le pourvoi. À mon avis, peu importe le point de vue adopté, l’appelant ne peut être acquitté.

La défense d’intoxication involontaire face à l’infraction de conduite avec capacité affaiblie

Garneau c. R., 2023 QCCA 131

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[26]      La mens rea de l’infraction de conduite avec capacité affaiblie « réside dans le fait de s’intoxiquer volontairement »[12]. L’accusé doit être acquitté lorsque sa défense d’intoxication involontaire est retenue, c’est-à-dire « si une preuve soulève un doute raisonnable sur la capacité qu’avait cette personne, au moment où elle a décidé de conduire, de réaliser le caractère sérieux et inadéquat de son état sans une faute de sa part »[13].

[27]      Dans l’arrêt The Queen c. King, la Cour suprême, sous la plume du juge Ritchie, est venue préciser que la démonstration des éléments de l’infraction de conduite avec capacité affaiblie donne lieu à une présomption d’intoxication volontaire pouvant être réfutée par le biais d’une preuve soulevant un doute raisonnable :

The existence of mens rea as an essential ingredient of an offence and the method of proving the existence of that ingredient are two different things, and I am of opinion that when it has been proved that a driver was driving a motor vehicle while his ability to do so was impaired by alcohol or a drug, then a rebuttable presumption arises that his condition was voluntarily induced and that he is guilty of the offence created by s. 223 [now s. 320.14(1)a) of the Criminal Code] and must be convicted unless other evidence is adduced which raises a reasonable doubt as to whether he was, through no fault of his own, disabled when he undertook to drive and drove, from being able to appreciate and know that he was or might become impaired.[14]

[28]      Ainsi, lorsqu’un accusé soulève une défense d’intoxication involontaire, il assume un fardeau de présentation pour démontrer que sa défense satisfait le critère de vraisemblance. Il ne s’agit pas d’un fardeau de persuasion, puisqu’il revient au ministère public d’établir les éléments de l’infraction, dont l’intention coupable hors de tout doute raisonnable. L’accusé pourra ainsi être acquitté si la preuve soulève un doute raisonnable sur le caractère volontaire de son intoxication[15]. Il n’aura toutefois pas à faire la démonstration par preuve prépondérante d’une intoxication involontaire. Si, sur la base de l’ensemble de la preuve, le tribunal entretient un doute raisonnable quant au caractère volontaire de l’intoxication, l’accusé devra alors être acquitté.

Le critère reconnu pour évaluer les pouvoirs et les devoirs des agents de police en common law (Waterfield)

R. c. Godoy, 1999 CanLII 709 (CSC)

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12               Le critère reconnu pour évaluer les pouvoirs et les devoirs des agents de police en common law a été exposé dans l’arrêt Waterfield, précité, que notre Cour a suivi dans R. c. Stenning1970 CanLII 12 (CSC), [1970] R.C.S. 631, Knowlton c. La Reine1973 CanLII 148 (CSC), [1974] R.C.S. 443, et Dedman c. La Reine1985 CanLII 41 (CSC), [1985] 2 R.C.S. 2.  Si la conduite policière constitue de prime abord une atteinte à la liberté ou à la propriété d’une personne, le tribunal doit trancher deux questions:  Premièrement, la conduite entre‑t‑elle dans le cadre général d’un devoir imposé par une loi ou reconnu par la common law?  Deuxièmement, la conduite, bien que dans le cadre général d’un tel devoir, comporte‑t‑elle un exercice injustifiable des pouvoirs découlant de ce devoir?

dimanche 12 janvier 2025

Les trois éléments de l’infraction de leurre d’enfants

R. c. Bertrand Marchand, 2023 CSC 26



[135]                     Les trois éléments de l’infraction de leurre d’enfants suivant l’art. 172.1 sont : (1) l’accusé a communiqué intentionnellement par un moyen de télécommunication; (2) avec une personne dont il sait ou croit qu’elle est âgée de moins de 18 ans (ou de 16 ou 14, selon l’alinéa applicable); et (3) la communication de l’accusé visait à faciliter expressément la perpétration d’une infraction secondaire désignée à l’égard de la personne mineure (Legare, par. 36Levigne, par. 23). Dans le contexte d’une opération policière d’infiltration, lorsque la personne plaignante n’est pas réellement un enfant, la croyance de l’accusé que son interlocuteur est un enfant remplace l’élément de connaissance ou d’aveuglement volontaire.

[136]                     L’actus reus de l’infraction de leurre d’enfants comprend la communication avec la personne plaignante au moyen de télécommunications. Le mot « télécommunication » est défini au par. 35(1) de la Loi d’interprétation, comme suit : « La transmission, l’émission ou la réception de signes, signaux, écrits, images, sons ou renseignements de toute nature soit par système électromagnétique, notamment par fil, câble ou système radio ou optique, soit par tout procédé technique semblable ». À titre d’infraction inchoative, le leurre d’enfants est distinct des infractions secondaires désignées. De plus, il se rattache à un vaste éventail d’infractions secondaires, et « peut être commi[s] de plusieurs façons, dans des circonstances très variées » (Morrison, par. 179, la juge Karakatsanis, motifs concordants). Dans le contexte de l’infraction de leurre, « faciliter » s’entend du fait « d’aider à provoquer et de rendre plus facile ou plus probable » la perpétration de l’infraction (Legare, par. 28 (italique omis)).

Les principes juridiques applicables à l’infraction de port ou de possession d’arme dans un dessein dangereux pour la paix publique

Labranche c. R., 2024 QCCS 4667

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[40]        L’infraction de port ou de possession d’arme dans un dessein dangereux pour la paix publique est prévue au premier paragraphe de l’article 88 C.cr. :

88 (1) Commet une infraction quiconque porte ou a en sa possession une arme, une imitation d’arme, un dispositif prohibé, des munitions ou des munitions prohibées dans un dessein dangereux pour la paix publique ou en vue de commettre une infraction.

[41]        Le ministère public doit établir (i) que l’accusé avait l’arme en sa possession et (ii) que cette possession visait un dessein dangereux pour la paix publique[40]. La perpétration de cette infraction exige une intention spécifique étant donné que l’acte prohibé doit être accompli dans l’intention d’obtenir un résultat précis[41]. En outre, il doit y avoir, à un moment donné, rencontre des éléments que sont la possession et un dessein dangereux pour la paix publique[42].

[42]        L’arrêt Kerr rendu par la Cour suprême en 2004, a été source de controverses jurisprudentielles. En effet, parmi les trois motifs concordants majoritaires, les juges Bastarache et LeBel se montrent en désaccord face à l’examen de la mens rea par le juge d’instance.

[43]        Pour le juge Bastarache, appuyé par le juge Major, l’approche appropriée est celle où on favorise un critère à la fois subjectif et objectif[43]. En cela, ils trouvent l’appui des juges Fish et Deschamps[44].

[44]        Ainsi, « le juge des faits doit tout d’abord déterminer le dessein de l’accusé, ce qu’il fait d’une manière subjective. Le juge des faits doit ensuite décider si, compte tenu de toutes les circonstances, ce dessein était dangereux pour la paix publique, ce qu’il fait d’une manière objective »[45]. Partant, « [i]l ne suffit donc pas de conclure que l’accusé avait l’arme en sa possession dans un but défensif; le juge doit ensuite déterminer si le dessein en question était dangereux pour la paix publique eu égard à toutes les circonstances »[46].

[45]        Pour le juge LeBel, appuyé par la juge Arbour, le dessein de l’accusé « doit être déterminé d’une façon entièrement subjective. Plutôt que de s’embourber dans une analyse à la fois subjective et objective inutilement complexe »[47], il suggère que « le juge des faits devrait tenir compte non seulement du dessein avoué de l’accusé, mais aussi de toutes les circonstances qui montent l’intention subjective de l’accusé »[48]. Ainsi, « le juge des faits doit apprécier la crédibilité du témoignage de l’accusé eu égard à l’ensemble des autres éléments de preuve relatifs à son intention subjective »[49].

[46]        En outre, le concept de « dessein dangereux pour la paix publique » n’est pas non plus clairement défini en jurisprudence[50], les juges dans l’arrêt Kerr suggérant différentes définitions.

[47]        Ces approches contradictoires ont été abordées en doctrine. C’est notamment le cas des auteurs Manning et Sankoff qui, après une analyse de chacune des positions, en arrivent à une conclusion[51] :

¶18.78 Once the benefits and drawbacks are totalled up, the approach of Bastarache J. seems as good as any.24 It affords a reasonably clear test that allows certain acts to be exculpated where there are extenuating circumstances and restricts this excuse to acts that were unavoidable. Kerr provides one example, but others will surely arise. As Duncan J. noted in Canning:25

One can readily envision situations — the young woman who has to walk home or take the subway late at night; the homeowner who keeps a weapon at hand in case of a night-time intruder — where society would approve of — or at least tolerate - possession of some form of weapon for potential use against the possibility of violent attack, even though such attack is not specific or imminent.26

It may not be the most principled way of addressing the offence, and its “interpretation” of the section's language is tortured, but it is certainly practical, and with a crime as obtuse as section 88, that is probably as much as anyone could hope for.

____________________

24 While there was no clear majority in this case, the opinion of Bastarache J. seems to be the most commonly applied. See, e.g., Wint, [2006] O.J. No. 3601 (Ont. S.C.J.)Ross, 2007 NBBR 148 (CanLII)[2007] N.B.J. No. 186319 N.B.R. (2d) 230 (N.B.Q.B.)Seymour, [2011] B.C.J. No. 19652011 BCSC 1419 (B.C.S.C.)This is especially so where claims of self-defence are made, as the notion that possession for self-defence does not exonerate unless the attack was unavoidable seemed to attract a majority position of the CourtSakebow, 2012 SKCA 84 (CanLII)[2012] S.J. No. 592399 Sask. R. 191 (Sask. C.A.).

25 [2012] O.J. No. 26862012 ONCJ 359 (Ont. C.J.).

26 Ibid. at para. 12.

 

[Les soulignements du Tribunal]

[48]        Ainsi, pour les juges Bastarache, Major et Binnie, ce dernier ayant rédigé la seule opinion dissidente, « la "paix publique" renvoie généralement à l’ordre ou à l’état normal qui règne dans une société », quoique le juge Bastarache se montre en désaccord avec l’affirmation du juge Binnie selon laquelle « la violence présente toujours, sans exception, un danger pour la paix publique », préférant laisser au juge d’instance le loisir de décider à la lumière des facteurs pertinents[52].

[49]        Les juges LeBel et Arbour estiment plutôt que la définition d’un « danger pour la paix publique suppose une possibilité de lésions corporelles ou de dommages matériels ». Partant, au sens de l’article 88 C.cr., « il s’agit de la possession d’une arme dans l’intention de causer des lésions corporelles ou des dommages matériels ou sans se soucier de causer des lésions corporelles ou des dommages matériels »[53].

[50]        Les juges majoritaires dans Kerr conviennent toutefois « que l’utilisation effective d’une arme d’une manière dangereuse pour la paix publique n’établit pas que la possession de l’arme visait un dessein dangereux pour la paix publique. L’utilisation effective n’est que l’un des facteurs à considérer »[54].

[51]        Finalement, les tribunaux ont eu l’occasion de se pencher sur les moyens de défense pouvant être invoqués à l’encontre d’une accusation sous le régime du paragraphe 88(1) C.cr.

[52]        Le juge Bastarache, toujours dans l’arrêt Kerr, estime qu’« une conclusion selon laquelle l’accusé s’est effectivement servi de son arme d’une manière qui constitue un acte de légitime défense est pertinente eu égard à l’art. 88 mais n’est pas suffisante pour justifier un acquittement »[55].

[53]        À ses yeux, « dans les affaires où l’on a conclu que l’accusé possédait une arme pour se défendre, la question cruciale est de savoir si l’attaque que celui-ci projetait de faire échouer pouvait être évitée. Ainsi, ce n’est que lorsque l’attaque est absolument inéluctable que la possession d’une arme dans le but de faire échouer une attaque n’est pas une possession dans un dessein dangereux pour la paix publique »[56]. Partant, contrairement à la légitime défense où il faut s’attarder au caractère raisonnable des croyances de l’accusé, il faudra, à l’égard de l’article 88, examiner les circonstances objectives. « Ainsi, il peut être raisonnable pour une personne de croire qu’elle n’a d’autre moyen de se protéger, et pourtant, dans les circonstances, cette croyance peut être tout simplement erronée »[57].

[54]        Au surplus, le juge Bastarache affirme aussi, dans le cadre d’un obiter, qu’« un but défensif ne commandera pas un acquittement, même lorsque l’attaque anticipée est inévitable, si ce dessein est jumelé à un deuxième dessein dont la personne pourra vraisemblablement prévoir le résultat en conséquence de sa possession et qui constitue en fait un danger pour la paix publique »[58].

[55]        De l’avis du juge LeBel, « la possession d’une arme dans le but de se défendre ne rend pas cette possession licite. La légitime défense ne vicie pas la mens rea d’une infraction, elle sert plutôt à justifier une conduite qui engagerait autrement la responsabilité criminelle. [Il irait] même jusqu’à dire que, bien conçue, c’est la nécessité et non la légitime défense que pourrait invoquer un accusé comme moyen de défense sous le régime du par. 88(1) »[59].

[56]        Pour lui, un accusé ne sera exonéré de la responsabilité criminelle que lorsque la possession d’une arme est nécessaire pour sa défense, la nécessité comportant certaines limites. Ainsi, la défense de nécessité se limite aux situations de danger imminent et évident. L’acte doit être inévitable en ce que les circonstances n’offrent à l’accusé aucune possibilité raisonnable d’y échapper par des moyens légaux. Enfin, le préjudice infligé doit être moindre que le préjudice auquel on cherche à se soustraire[60].

[57]        Malgré leurs dissensions sur le plan conceptuel, les juges Bastarache et LeBel conviennent donc que « [TRADUCTION] la possession d’une arme pour se défendre est une possession d’une arme dans un dessein dangereux pour la paix publique, sauf s’il est prouvé que l’attaque perçue était inévitable »[61].

[58]        Le juge David Watt, dans son ouvrage Watt's Manual of Criminal Jury Instructions, propose quant à lui les directives suivantes quant à la question de l’intention, ou « purpose », de l’accusé[62] :

[6] Did (NOA) possess the weapon for a purpose dangerous to the public peace?

This question relates to (NOA)'s state of mind, his/her purpose in having the weapon in his/her possession. (NOA) must have this purpose in mind before s/he takes possession of the weapon.

Crown counsel does not have to prove that (NOA)'s purpose in taking possession of the weapon was to do a specific act, or to use it in a particular way. There is no requirement that (NOA) actually use the weapon, but if s/he does so, the fact it was used, how it was used and the circumstances in which (NOA) used it may help you decide (NOA)'s purpose in having the weapon in the first place.

To decide what was (NOA)'s purpose, you should consider all the circumstances of his/her possession of the weapon. You should take into account:

         what s/he did or did not do;

         how s/he did or did not do it;

         what s/he said or did not say.

You should look at (NOA)'s words and conduct before, at the time, and after s/he took possession of (got) the weapon. All these things, and the circumstances in which they happened, may shed light on (NOA)’s purpose in getting the weapon in the first place. No single circumstance, even a claim that the purpose of having the weapon was so that (NOA) could defend her/himself, others under his/her protection, or his/her property against others, is conclusive. All these circumstances are for you to consider. Use your good common sense.

[Les soulignements du Tribunal]

[59]        Dans ses notes explicatives, le juge Watt ajoute[63] :

The final essential element, purpose, is usually where the parties are at odds. Paragraph [6] offers an explanation about what is required. It includes several features.

First, the instruction makes it clear that purpose is an issue that has to do with D's state of mind in taking possession of the weapon. The purpose must precede the possession.

Second, P need not prove that D took possession to do some specific act or use the weapon in a particular way. Actual use is not required. But it may be valuable circumstantial evidence used retrospectantly to prove D's earlier and original purpose. The second internal paragraph could be expanded to point out that what is critical is that D intended to possess the weapon for a purpose dangerous to the public peace. It is not simply that what D did with the weapon was in fact dangerous to the public peace.

Further instruction will be necessary where D' original possession was innocent and P alleges a subsequent change in purpose.

A helpful way to describe the purpose required to be proven under s. 88 is an intent to do harm to another person or property, or to be reckless whether the same kind of harm occurs. For example, para. [6] could be revised to include:

A danger to the public peace is one that is potentially harmful to person or property.

Possession of a weapon with the intention of doing harm to persons or property, or showing a reckless disregard for harm to persons or property is possession for a purpose dangerous to the public peace.

A final point is worth emphasis in connection with the essential element of purpose and its proof. No single item of evidence is dispositive on the issue of purpose. All the circumstances, things done and said, require consideration.

[Les soulignements du Tribunal]