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mercredi 3 décembre 2025

Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun

R. v. Atwell, 2022 NSSC 304



[8]            The Crown has a duty to make disclosure of all relevant information to an accused: R. v. Stinchcombe1991 CanLII 45 (SCC), [1991] 3 S.C.R. 326. This duty is inherent in the right of the accused under s.7 of the Charter to make full answer and defence. Relevance is defined as “any information in respect of which there is a reasonable possibility that it may assist the accused in the exercise of the right to make full answer and defence”: R. v. McNeil2009 SCC 3 at para.17.

[9]            Disclosure it not absolute. Non-disclosure is justified by the law of privilege and a judge may review the decision of the Crown to withhold or delay production of information due to the security or safety of witnesses or persons who have supplied information to the investigation: Stinchcombe, supra at para.22. The trial judge, on a review, should be guided by the principle that information should not be withheld if there is a reasonable possibility that the withholding of information will impair the accused’s right to make full answer and defence, unless the non-disclosure is justified by the law of privilege: see R. v. Downey2018 ABQB 915 at paras.12-18.

[10]         Mr. Dennis has a right to disclosure of possibly relevant information. However, it is a right that must be asserted: see R. v. Eadie2010 ONCJ 403 at para.42. As stated in Stinchcombe, supra at para.28, “The obligation to disclose will be triggered by a request by or on behalf of the accused.” Once a request is made the onus shifts to the Crown to comply with the request: Eadie at para.44.  The onus is on the defence to particularize any further disclosure requests: ibid.

[11]         The onus on the defence to particularize, for the Crown, further disclosure requests is one that must be carried out in a timely way: Eadie, supra at para.47, citing R. v. Michelutti [2009] O.J. No. 2839 (SCJ). The Crown and defence are “entwined in a mutual, continuous and reciprocal process,” in which they each have a duty to cooperate in a reasonable and timely manner in the disclosure process: Eadie, supra at para.48. The purpose of the duty is not simply to provide information and documents for the narrow purpose of physical production in order to allow full answer and defence. Rather, it is directly related to conducting trials within a reasonable time: Eadie, supra at para.49.  Although the accused does not have a direct duty to bring himself to trial, this is modified somewhat by the duty to co-operate in the disclosure process, which mutual co-operation should enhance trials within a reasonable time and avoid adjournments and delay: ibid.

Cadre juridique applicable à la communication de dossiers policiers extérieurs au dossier où les accusations sont déposées

Bolduc c. R., 2016 QCCA 91

Lien vers la décision


[46]        L’appelant requiert qu’on lui communique le dossier de ces événements. L’intimée avise ne pas être en possession du dossier et ajoute que celui-ci est sans pertinence. L’appelant présente alors une requête de type O’Connor afin d’obtenir du SPVL le dossier relatif à ces événements. Le juge la rejette[11].

[47]        Avant d’examiner ce rejet, quelques mots sur l’argument de l’appelant voulant qu’on aurait dû lui communiquer le dossier sans l’obliger à procéder par requête de type O’Connor. Dans l’arrêt Quesnelle, la Cour suprême rappelle que l’obligation de communication ne concerne pas les dossiers en possession de tiers dont les autres services de police, sauf pour les renseignements qui découlent de l’enquête ou qui s’y rapportent :

[11] […] Pour les besoins de la communication par la « partie principale », « le ministère public » ne s’entend pas de toutes les composantes de l’État fédéral ou provincial, mais seulement du poursuivant. Toutes les autres composantes de l’État, y compris la police, sont des « tiers ». Exception faite de l’obligation qui incombe à la police de transmettre au ministère public les fruits de l’enquête, les dossiers en la possession de tiers, y compris d’autres composantes de l’État, ne sont habituellement pas assujettis aux règles établies dans l’arrêt Stinchcombe en matière de communication.

[12] […] Notre Cour reconnaît aussi l’obligation de la police de communiquer, sans qu’il soit nécessaire de lui en faire la demande, « tous les renseignements se rapportant à son enquête sur l’accusé » (par. 14), ainsi que les autres renseignements qui « se rapportent manifestement à la poursuite engagée contre l’accusé ».[12]

[48]        En l’espèce, le SPVL n’est pas mêlé à l’enquête. L’appelant devait procéder par requête de type O’Connor s’il souhaitait obtenir le dossier du SPVL.

[49]        Je reviens à la décision du juge de rejeter cette requête. Dans R. c. Poitras, notre Cour décrit les étapes pour traiter une requête de type O’Connor :

[33]  Une demande de type O’Connor comporte deux étapes. À la première, la partie requérante doit établir la pertinence vraisemblable des renseignements demandés. Si cette partie réussit à franchir la première étape, le juge peut alors prendre connaissance des renseignements requis et décider ensuite, au terme de la seconde étape, d’en ordonner ou non la communication à l’accusé.[13]

[50]        Procédant à la première étape, le juge note l’objet limité de la demande et précise que « le procureur de l’accusé mentionne à la Cour que sa requête ne vise que les informations touchant les menaces alléguées contre le ou les policiers de Lévis »[14], puis il conclut que l’appelant ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer la pertinence vraisemblable entre ces informations et la crédibilité du témoin. Il écrit :

[15] Ici, le contexte entourant la requête est très particulier, d’abord parce que la preuve est close, tant en [poursuite] qu’en défense, que les événements pour lesquels l’accusé recherche des renseignements se seraient produits après le témoignage [du plaignant], que ces renseignements ne sont aucunement en lien avec les faits de la cause et postérieurs à ceux-ci, que contrairement à la première requête de type O’Connor présentée par l’accusé dans la présente affaire, il n’est plus question de l’habilité à témoigner [du plaignant] et que nous sommes en présence d’infractions alléguées pour lesquelles aucune accusation n’a encore été portée.

[16] De plus, rien dans la preuve, que le Tribunal a eu le bénéfice d’entendre en entier avant le dépôt de la requête, ne laisse voir que [le plaignant] a menacé l’accusé dans la présente affaire.

[17] Une requête de ce type ne doit pas être spéculative ou basée sur des simples affirmations ou un raisonnement discriminatoire ou stéréotypé.

[20]  Le simple fait que le témoin […] puisse être éventuellement accusé d’avoir menacé un policier suite à son interception pour une infraction de capacités de conduite affaiblies ne peut être automatiquement considéré, dans les circonstances de la présente affaire, comme une cause potentielle de non-fiabilité de son témoignage déjà rendu et corroboré en partie par d’autres témoins de la poursuite.

[21] Il doit exister une probabilité raisonnable que l’information recherchée soit probante relativement à une question en litige ou à la capacité de témoigner du témoin.

[Je souligne]

[51]        Rappelons que l’appelant reconnaît que le plaignant ne l’a jamais menacé lors des événements, les menaces reçues provenant de gens qu’il ne connaissait pas. Dans ce contexte, la démonstration de l’appelant voulant que les renseignements recherchés puissent servir à attaquer la crédibilité du plaignant n’étant pas convaincante, le juge a eu raison de rejeter la requête de type O’Connor.

Il est erroné d'inviter le jury à scinder sa démarche et à ne retenir que la preuve qu'il considère crédible et fiable, car le doute raisonnable peut résulter autant d'une preuve que le jury rejette ou ne croit pas, que de celle qu'il retient (erreur de type « Miller »)

Hunt c. R., 2022 QCCA 805



[33]      Il va de soi que les directives doivent être analysées selon une approche fonctionnelle qui tient compte tant de la preuve que des plaidoiries et de l’ensemble des directives pour vérifier si le jury a été correctement instruit en droit.

[34]      Or, lorsque la crédibilité est au centre du litige, le jury doit comprendre qu’un doute raisonnable peut émaner d’un témoignage, même s’il ne le retient pas comme vrai. En d’autres termes, même s’il ne peut affirmer que le témoignage est vrai, celui-ci peut néanmoins susciter un doute raisonnable. Si cette règle s’applique à la version de l’accusé : R. c. W.(D.), 1991 CanLII 93 (CSC), [1991] 1 R.C.S. 742; R. c. Avetysan2000 CSC 56, [2000] 2 R.C.S. 745; R. v. Reid, 2003 CanLII 14779 (Ont C.A.), rien ne permet de croire qu’elle ne s’applique pas à la version d’un témoin sur laquelle se fonde la défense et vitale à celle-ci. C’est d’ailleurs ce que proposent les auteurs Martin Vauclair et Tristan Desjardins, dans Béliveau-Vauclair : Traité général de preuve et de procédure pénales, 28e éd., Montréal, Yvon Blais, 2021, p. 1229, paragr. 34.41, note 159 :

L'approche de l'arrêt R. c. W. (D.)1991 CanLII 93 (CSC), [1991] 1 R.C.S. 742 s'applique non seulement lorsque l'accusé témoigne, mais aussi lorsque, comme dans l'arrêt R. v. D. (B.) (2011), 2011 ONCA 51 (CanLII), 266 C.C.C. (3d) 197 (C.A.O.), repris dans les arrêts R. c. Phillips (2017), 355 C.C.C. (3d) 141, 2017 ONCA 752 (par. 257), R. c. M.P. (2018), 363 C.C.C. (3d) 61, 2018 ONCA 608 (par. 60), et R. c. Brown (2018), 361 C.C.C. (3d) 510, 2018 ONCA 481 (par. 68), lorsqu'il y a conflit sur une question cruciale entre la thèse de la poursuite et les témoins produits par la défense ou ceux de la poursuite qui appuient la thèse de la défense (par. 114). […]

[35]      Plus précisément, voici ce qu’écrit la juge Epstein dans R. v. Brown :

[68] The requirement of a W.(D.) instruction applies where, on a vital issue, there are credibility findings to be made between conflicting evidence and the trial judge must relate the concept of reasonable doubt to those credibility findings: R. v. B.D.2011 ONCA 51, 273 O.A.C. 241, at para. 114. The trial judge must make clear that it is not necessary for the jurors to believe the defence evidence on the issue in order to acquit; it is sufficient if “viewed in the context of all of the evidence – the conflicting evidence leaves them in a state of reasonable doubt as to the accused’s guilt”: B.D.at para. 114.

[36]      Dans Durette c. R., 2013 QCCA 1791, au paragr. 46, la Cour cite avec approbation ce passage de R. v. B.D.2011 ONCA 51 :

[114] What I take from a review of all of these authorities is that the principles underlying W.(D.) are not confined merely to cases where an accused testifies and his or her evidence conflicts with that of Crown witnesses.  They have a broader sweep.  Where, on a vital issue, there are credibility findings to be made between conflicting evidence called by the defence or arising out of evidence favourable to the defence in the Crown's case, the trial judge must relate the concept of reasonable doubt to those credibility findings.  The trial judge must do so in a way that makes it clear to the jurors that it is not necessary for them to believe the defence evidence on that vital issue; rather, it is sufficient if – viewed in the context of all of the evidence – the conflicting evidence leaves them in a state of reasonable doubt as to the accused's guilt:  Challice.  In that event, they must acquit.

[37]      Or, même si la deuxième étape du modèle décrit par le juge Cory dans R. c. W.(D.), précité, (« deuxièmement, si vous ne croyez pas le témoignage de l'accusé, mais si vous avez un doute raisonnable, vous devez prononcer l'acquittement ») ne constitue pas un dictat immuable qui doit obligatoirement être répété sans nuance et sans en changer un iota, il reste que sa substance doit être transmise au jury. Il faut en livrer l’essentiel : R. c. J.H.S., 2008 CSC 30, paragr. 13, et il est donc nécessaire de rappeler au jury que l’acquittement n’est pas tributaire d’une conclusion de crédibilité de la version de l’accusé (ou, comme ici, du témoin de la défense). L’essentiel du message requérait en l’espèce une information que le jury n’a pas eue, comme je le démontrerai plus loin.

[38]      Selon R. c. Lifchus1997 CanLII 319 (CSC), [1997] 3 R.C.S. 320, à la page 337, le doute raisonnable « […] doit logiquement découler de la preuve ou de l’absence de preuve ». En ce sens, il n’est évidemment pas requis d’accepter comme vrai le témoignage de l’accusé pour entretenir un doute raisonnable. En d’autres mots, un juré peut très bien ne pas retenir la version de l’accusé, ne pas être en mesure d’affirmer qu’il dit la vérité, mais néanmoins entretenir un doute raisonnable en raison de cette version.

[39]      Même s’il a adéquatement expliqué la règle du doute raisonnable ailleurs dans ses directives, le juge de première instance n’a pas indiqué au jury qu’il pouvait acquitter l’appelant même s’il ne croyait pas Mme Binette, à la condition évidemment que son témoignage engendre néanmoins un doute raisonnable. Face à l’importance de ce témoignage pour la défense, le jury devait comprendre que l’accusé avait droit à l’acquittement si ce témoignage soulevait un doute raisonnable et pas seulement s’il était cru.

[40]      Le juge a bien décrit la norme au début des directives et il en répétera ensuite l’essence. Par contre, le problème survient lorsqu’il aborde précisément les moyens de défense. Est alors exclue de ses directives la possibilité d’un doute raisonnable même si la crédibilité du témoin n’est pas établie ou que son témoignage n’est pas cru. Voici ce que le juge dit au jury :

Les témoignages de Rachel Wickenheiser et de Mélanie Binette relativement à ce qui s’est passé dans le boisé doivent être au centre de votre analyse. Ces témoignages doivent être évalués à la lumière de l’ensemble de la preuve, y compris la preuve matérielle. Si vous retenez le témoignage de Mélanie Binette, cela pourrait vous amener à conclure à une défense de nécessité, dans la mesure où vous considérez que les conditions prévues par la loi sont satisfaites. Si vous rejetez le témoignage de Mélanie Binette, cela devrait vous amener à rejeter la défense de nécessité dans la mesure où les conditions prévues par la loi ne sont pas satisfaites. Aussi, il vous faudra analyser chacune des conditions d’application de cette défense en tenant compte de ce que je vous ai expliqué et de l’ensemble de mes directives.

                                                                                                               [Je souligne]

[41]      Il est vrai que le juge renvoie à l’ensemble de ses directives, mais il reste que le jury peut très bien avoir compris que s’il rejetait le témoignage de Mme Binette, il devait rejeter ce moyen de défense, et ce, même s’il entretenait un doute raisonnable en raison de ce témoignage. Vu sous un autre angle, il ne pouvait acquitter l’appelant que s’il retenait le témoignage de Mme Binette, ce qui est erroné en droit.

[42]      La directive est identique en ce qui a trait à la légitime défense :

Encore une fois, les témoignages de Rachel Wickenheiser et de Mélanie Binette relativement à ce qui s’est passé dans le boisé doivent être au centre de votre analyse. Ces témoignages doivent être évalués à la lumière de l’ensemble de la preuve, y compris la preuve matérielle. Si vous retenez le témoignage de Mélanie Binette, cela pourrait vous amener à conclure à une défense de légitime défense dans la mesure où vous considérez que les conditions prévues par la loi sont satisfaites. Si vous rejetez le témoignage de Mélanie Binette, cela devrait vous amener à rejeter la défense de légitime défense dans la mesure où les conditions prévues par la loi ne sont pas satisfaites.

                                                                                                               [Je souligne]

[43]      En somme, ce n’est pas une fois, de manière isolée, mais bien deux fois que le jury entend le juge insister erronément sur la nécessité de retenir le témoignage de Mme Binette pour être en mesure d’acquitter l’appelant. En outre, à un autre moment, le juge dira au jury :

Si vous retenez l’un de ces moyens [nécessité et légitime défense], l’accusé doit être acquitté […]. Si vous ne retenez pas l’un des moyens, vous devez poursuivre votre analyse […].

                                                                                                               [Je souligne]

[44]      La directive décrite plus haut s’apparente à une erreur de type « Miller », selon l’arrêt R. v. Miller (1991), 1991 CanLII 2704 (ON CA), 68 C.C.C. (3d) 517 (Ont. C.A.), expression reprise par la Cour notamment dans R. c. Leblanc2001 CanLII 12528 et R. c. Ranwez2004 CanLII 20539, alors que le juge Proulx écrit :

[31] Puisqu'un jury doit apprécier toute la preuve et non seulement celle qu'il retient, notre Cour fut d'avis que cette manière d'apprécier la preuve était inappropriée, nous fondant sur l'arrêt Miller: «It [is] a misdirection to instruct the jury to examine the evidence in a first stage, to eliminate all evidence except that which the jurors accepted as true and reliable (a lower standard than proof beyond a reasonable doubt), and then to consider only the residual in arriving at their verdict».

[…]

[35] L'appréciation de la preuve et l'application de la norme de preuve requièrent que le jury ait d'abord compris ce que constitue la preuve ou son contenu : une erreur de type Miller tend donc à vicier l'ensemble du processus.

[36] Il est donc erroné d'inviter le jury à scinder sa démarche et à ne retenir que la preuve qu'il considère crédible et fiable. Le doute raisonnable peut résulter autant d'une preuve que le jury rejette ou ne croit pas, que de celle qu'il retient […].

[45]      Dans Miller, la Cour d’appel de l’Ontario ajoute, à la page 543 :

[…] evidence which is neither rejected nor accepted should survive to the final stage of the jury’s determination on the crucial application of reasonable doubt.

[46]      La directive dans le présent dossier n’est bien sûr pas identique à celle analysée dans Miller, mais elle transmet le même message : il faut retenir le témoignage pour qu’il puisse fonder un doute raisonnable : voir par exemple R. c. Subramaniam2022 BCCA 141, paragr. 63 à 65.

[47]      Cette erreur n’est pas anodine ou sans conséquence.

Une accusation pendante d'un témoin de la défense n’a pas de véritable valeur probante en ce qui a trait à sa crédibilité, sauf si la Poursuite peut en démontrer la pertinence

Hunt c. R., 2022 QCCA 805



[59]      L’appelant se plaint que la poursuite a été autorisée à contre-interroger Mme Binette sur les accusations pendantes auxquelles elle devait faire face. Selon lui, cela lui a causé un préjudice sérieux, portant même atteinte à l’équité du procès, surtout que, dès après le contre-interrogatoire, le juge a indiqué au jury qu’il pouvait en tenir compte pour évaluer sa crédibilité :

Alors, je vais maintenant vous donner une directive relativement aux causes pendantes du témoin Mélanie Binette. Je vais profiter de ce moment qui suit le témoignage entendu de madame Mélanie Binette. Je ne vous ai pas donné de semblables directives jusqu’à maintenant. Alors voici la directive, Mélanie Binette a témoigné à l’effet qu’elle avait des causes pendantes.

Une première cause pendante concernant deux (2) chefs de meurtre au premier degré et un (1) chef de tentative de meurtre pour un événement du premier (1er) décembre deux mille seize (2016). Une deuxième cause pendante du dix-sept (17) avril deux mille dix-sept (2017) pour une possession de stupéfiants dans le but de trafic.

Une troisième cause pendante du quatre (4) décembre deux mille dix-huit (2018) pour une entrave à la justice. Je vous indique qu’une cause pendante n’est pas une condamnation. Madame Mélanie Binette bénéficie de la présomption d’innocence pour chacune de ces causes pendantes. Une (1) ou des causes pendantes peuvent vous servir à évaluer la crédibilité du témoignage d’un témoin et la valeur à y accorder.

Une (1) ou des causes pendantes ne rendent pas nécessairement peu crédible ou digne de foi la preuve présentée par le témoin. Elles ne constituent que l’un des nombreux facteurs que vous devez tenir compte pour évaluer le témoignage de madame Mélanie Binette. Alors, c’était ma directive en droit.

[60]      Comme telle, une accusation pendante n’a pas de véritable valeur probante en ce qui a trait à la crédibilité, sauf lorsque l’on peut en démontrer la pertinence, par exemple, si elle permet de croire que le témoin pourrait avoir intérêt à favoriser une partie : Titus c. R., 1983 CanLII 49 (CSC), [1983] 1 R.C.S. 259, à la page 263. Par ailleurs, les faits sous-jacents à une accusation pendante peuvent parfois être pertinents à l’évaluation de la crédibilité d’un témoin, s’il ne s’agit  évidemment pas de l’accusé. Ainsi, dans Poitras c. R.2011 QCCA 1677, la Cour cite avec approbation ce passage de R. v. Gonzague1983 CanLII 3541 (ON CA), [1983] O.J. No. 53, (Ont. C.A.) :

[…] Clearly, the fact that a person is charged with an offence cannot degrade his character or impair his credibility, but an ordinary witness unlike an accused may be cross-examined with respect to misconduct on unrelated matters which has not resulted in a conviction: see R. v. Davison, DeRosie and MacArthur (1974), 1974 CanLII 787 (ON CA), 20 C.C.C. (2d) 424 at 443-4, O.R. (2d) 103. Consequently, counsel was entitled to cross-examine the witness, Charbonneau, on the facts underlying the 15 charges of fraud in order to impeach his credibility.

[61]      Les arrêts R. v. John2017 ONCA 622, paragr. 59, et R v. Pascal2020 ONCA 287, paragr. 109-110, vont dans le même sens.

[62]      Il va de soi que le juge a commis une erreur en permettant un tel contre-interrogatoire alors qu’il n’y avait aucun fondement démontrant sa pertinence et qu’il ne portait pas sur des faits sous-jacents qui auraient pu être pertinents à l’évaluation de la crédibilité. Il a aussi erré en instruisant le jury de la sorte immédiatement après le contre-interrogatoire. En revanche, j’estime qu’aucun tort important n’a été causé à l’appelant. Je m’explique.

[63]      Premièrement, l’opposition de l’appelant au contre-interrogatoire ne portait pas précisément sur l’existence d’accusations pendantes, mais bien sur le danger que ce contre-interrogatoire « devienne une façon détournée de mettre en preuve que madame a eu une implication dans un comportement post délictuel qui est en… évidemment, qui n’a pas été amené... ». La préoccupation de la défense portait sur la possibilité de mettre en preuve, de façon détournée, un comportement postdélictuel de l’appelant sous prétexte que Mme Binette y aurait participé. C’est à cette préoccupation que répond le juge en avisant les parties, hors jury, de ne pas présenter une preuve susceptible d’impliquer l’appelant dans l’une des causes pendantes de Mme Binette :

[…] le Tribunal doit prendre des précautions en ce sens que je veux m’assurer que le témoin n’amène pas un sujet qui pourrait être un sujet qui impliquerait monsieur Hunt dans une cause pendante.

[64]      Deuxièmement, dans ses directives finales, même en parlant précisément du témoin Mélanie Binette, le juge ne fait aucunement mention des accusations pendantes. Il ne traite que des condamnations antérieures. Voici ce qu’il dit :

Vous avez entendu que David Binette, Sean Lee et Mélanie Binette ont été dans le passé reconnus coupables d’infractions criminelles. Vous pouvez utiliser cette ou ces condamnations pour vous aider à décider jusqu’à quel point vous accordez foi à leur témoignage. Concernant les témoins David Binette et Mélanie Binette, ces derniers ont indiqué avoir été condamnés plusieurs fois. […]

Concernant Mélanie Binette, cette dernière a admis avoir été condamnée en 2008 pour trafic de stupéfiants. En 2011, pour trafic de stupéfiants. En 2014, pour vol de plus de cinq mille (5 000$). En 2015, pour possession de stupéfiants dans le but de trafic, complot et bris de conditions et une peine de deux ans d’emprisonnement lui a été infligée. 

Certaines condamnations, par exemple, celles comportant un élément de malhonnêteté peuvent être plus pertinentes que d’autres. De plus, une condamnation plus ancienne pourrait être moins pertinente qu’une condamnation plus récente. Une condamnation antérieure ne rend pas nécessairement le témoignage de ces témoins non crédible ou digne de foi. Ce n’est qu’un des nombreux facteurs dont vous devez tenir compte dans votre évaluation de leur témoignage.

[65]      Rien sur les causes pendantes.

[66]      Troisièmement, les causes pendantes de meurtres et de tentative de meurtre ne risquaient pas vraiment de causer préjudice à l’appelant, malgré l’importance de Mme Binette pour sa défense. Comme celle-ci, au début du procès, était coaccusée, le jury était d’emblée au courant des accusations de meurtres et de tentative de meurtre portées contre elle, de sorte que, de toute façon, le jury connaissait déjà l’existence de ces causes pendantes. En ce sens, rappeler ce fait lors du contre-interrogatoire était inoffensif et n’a pu avoir quelque incidence sur le verdict.

[67]      Quatrièmement, Mme Binette était accusée dans un dossier de possession de stupéfiants en vue d’en faire le trafic depuis 2017. Dans la mesure où il a aussi été mis en preuve qu’elle avait des antécédents judiciaires de trafic, possession simple et possession de stupéfiants dans le but d’en faire le trafic entre 2011 et 2015 , l’ajout d’une cause pendante du même type à une époque contemporaine n’a pu avoir de réelle incidence sur l’évaluation de sa crédibilité par le jury. Et cela est sans compter ses condamnations antérieures de vol de plus de 5 000 $, de bris d’engagement et de complot, qui avaient également été mis en preuve et dont l’impact sur sa crédibilité pouvait être encore plus grand que celui d’infractions en rapport avec des stupéfiants (selon les mots mêmes du juge : « Certaines condamnations, par exemple, celles comportant un élément de malhonnêteté peuvent être plus pertinentes que d’autres »).

[68]      Cinquièmement, compte tenu des nombreux antécédents judiciaires de Mme Binette, de sa relation avec l’appelant, du fait que le juge n’a pas rappelé au jury l’existence d’accusations pendantes dans ses directives finales, se limitant aux condamnations antérieures, il est difficile de voir comment le simple fait de mettre aussi en preuve l’existence d’une autre accusation pendante d’entrave à la justice a pu avoir une réelle incidence sur le verdict.

[69]      Bref, à mon avis, ce moyen d’appel doit être rejeté.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Il incombe à la défense de préciser ses demandes de communication de la preuve supplémentaires et cela doit être fait en temps opportun

R. v. Atwell, 2022 NSSC 304 Lien vers la décision [ 8 ]              The Crown has a duty to make disclosure of all relevant information to ...