vendredi 13 février 2009

L'abus de confiance de la part d'un fonctionnaire en droit criminel

La gravité de l'affaire n'est pas tant son aspect purement lucratif que l'abus du pouvoir confié au défenseur de l'intérêt public à son propre profit. Pour donner l'exemple, il faut infliger une punition lorsque quelqu'un se rend coupable d'un tel abus de la confiance du public
Tiré de http://www.justice.gc.ca/fr/ps/inter/imp_use_pub/page10.html

Article du code criminel applicable
122. Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans tout fonctionnaire qui, relativement aux fonctions de sa charge, commet une fraude ou un abus de confiance, que la fraude ou l’abus de confiance constitue ou non une infraction s’il est commis à l’égard d’un particulier.

Un arrêt relativement récent de la Cour Suprême, l'arrêt Boulanger ([2006] 2 R.C.S. 49, 2006 CSC), est venu clarifier l'état du droit relativement à cette infraction d'intention générale. Au paragraphe 58 de cette décision, la Cour a clairement énoncé qu'il doit y avoir preuve hors de tout raisonnable de la poursuite des 5 points suivants pour qu'il y ait culpabilité de l'accusé. Les 5 points sont:

1) l’accusé est un fonctionnaire;

- Le fonctionnaire est définit à l'article 118 C.c.r. La Cour d'Appel du Québec, dans l'arrêt Lafrance, a formulé son interprétation de la définition de fonctionnaire et a répertorié des illustrations jurisprudentielles que tel corps de métier correspond à la définition de fonctionnaire au sens du Code criminel

2) l’accusé agissait dans l’exercice de ses fonctions;

- L'accusé doit utiliser les pouvoirs ou le prestige reliés à sa charge
- L'accusé a des responsabilités et une autorité qui le placent dans un poste de confiance

3) l’accusé a manqué aux normes de responsabilité et de conduite que lui impose la nature de sa charge ou de son emploi ;

- Identification du comportement reproché

4) la conduite de l’accusé représente un écart grave et marqué par rapport aux normes que serait censé observer quiconque occuperait le poste de confiance de l’accusé;
- Qualification du comportement reproché. Une faute admisnistrative et/ou une contravention à une politique administrative ou code de déontologie n'amène pas automatiquement une responsabilité criminelle. Il faut qu'il y ait une analyse objective dudit comportement.
- l'abus de confiance est une infraction d'intention générale dont la commission doit être analysée objectivement: une personne raisonnable en pleine connaissance de tous les faits considérerait-elle les actes reprochés répréhensibles? On doit ensuite se demander naturellement si l'accusé a posé ces actes en toute connaissance de cause (arrêt R. c. Power, 1993 CanLII 3223 (NS C.A.))

5) l’accusé a agi dans l’intention d’user de sa charge ou de son emploi publics à des fins autres que l’intérêt public, par exemple dans un objectif de malhonnêteté, de partialité, de corruption ou d’abus.

- Il ne s’agit pas d’inconduite lorsque l’intéressé rend une décision sachant qu’elle favorise ses intérêts personnels, s’il a pris la décision honnêtement en croyant sincèrement qu’il exerce correctement le pouvoir que lui confère sa charge ou son emploi publics (par 64 Boulanger)
- L'insouciance peut suffire à prouver la mens rea (R. c. Carré, 1989 CanLII 946 (QC C.A.))

Je tiens à souligner que "l’infraction prévue a 122 Ccr n’exige pas que l’accusé ait agit malhonnêtement ou de façon corrompue. Si la confiance manifestée par l’État est trahie par des actes ou des omissions qui vont au-dela de la simple incompétence ou négligence, il y a abus de confiance" (tiré de Hébert c. La Reine, (1986) RJQ 236 (CA))

Voici différentes illustrations jurisprudentielles tiré d'une décision que j'ai consulté qui a répertorié des situations où il fut reconnu que le comportement posé par le fonctionnaire était un abus de confiance

Dans R. c. McMorran l'accusé a préféré dans l'attribution de certains contrats, sa propriété à d'autres. Il y a là abus de confiance, abus du pouvoir que sa charge lui confère.

Dans Leblanc c. R. le trésorier de la municipalité a reçu 1,125.00$ d'un urbaniste à titre de cadeau pour son bon travail. Même si on ne lui a demandé aucune faveur en échange, c'est une inconduite inacceptable d'un fonctionnaire.

Dans R. c. Lessard c'est le cas du maire d'une ville qui fait un profit sur la vente d'un immeuble à sa propre municipalité par l'intermédiaire d'un prête-nom; la fraude est évidente.

Dans R. c. Curzi l'accusé a reçu une somme d'argent pour accepter de recommander aux autorités municipales la candidature d'une firme.

Dans R. c. Hébert l'accusé a fait exécuter par des employés les travaux à sa résidence personnelle; en ce sens l'accord tacite de ses supérieurs ne change rien à l'abus.

Dans R. c. Chrétien il y abus de confiance et usage impropre de son poste public lorsqu'il accepte l'asphaltage gratuit de l'entrée de sa résidence.

Dans Carré c. R., la Cour d'appel du Québec a maintenu la culpabilité d'un fonctionnaire qui avait communiqué à deux de ses assistants un numéro de téléphone confidentiel à n'utiliser que pour le service gouvernemental.

Dans Flamand, c. R, un haut fonctionnaire a tenté d'influencer un autre fonctionnaire pour obtenir de lui la levée d'une hypothèque nuisant au financement d'une compagnie dans laquelle il avait des intérêts.

Dans Gagné c. R., il s'agit d'un maire intervenant auprès des fonctionnaires de la municipalité pour favoriser la délivrance d'un permis de construction sur un lot appartenant à son propre fils et à l'un de ses amis.

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