samedi 7 mars 2009

Probation intimant à l’accusé de s’abstenir de consommer de l’alcool et des narcotiques

R. c. Shoker, [2006] 2 R.C.S. 399

Résumé des faits
L’accusé est condamné à une peine d’emprisonnement suivie d’une période de probation. L’ordonnance de probation lui intime de s’abstenir totalement de consommer et de posséder de l’alcool et des narcotiques non vendus sur ordonnance et de se soumettre, à la demande d’un agent de la paix ou d’un agent de probation, à des analyses de sang, d’urine et d’haleine permettant de vérifier si la condition interdisant la consommation et la possession de ces substances est respectée. L’ordonnance précise également que tout résultat d’analyse positif constituera une violation de cette condition.

Analyse
Bien qu’une condition intimant de s’abstenir de consommer et de posséder de l’alcool et des narcotiques non vendus sur ordonnance soit autorisée par le Code criminel et qu’elle fût raisonnable compte tenu de la situation de l’accusé, les al. 732.1(3)c) et h) du Code n’habilitaient pas le juge chargé de la détermination de la peine à autoriser le prélèvement de substances corporelles dans le cadre d’une ordonnance de probation. Ce juge n’avait pas non plus compétence pour décider d’avance que tout résultat d’analyse positif constituerait une violation de l’ordonnance de probation

L’alinéa 732.1(3)h) confère au tribunal un vaste pouvoir de concevoir d’autres conditions raisonnables destinées à protéger la société et à faciliter la réinsertion sociale de l’accusé. Cependant, l’al. 732.1(3)h) n’a pas une portée illimitée et doit être interprété dans son contexte. Les conditions énumérées au par. 732.1(3) peuvent aider à circonscrire la portée de cette disposition résiduelle. Le respect de ces conditions, qui ont trait à un comportement ou à une abstention d’adopter un comportement, n’a aucune conséquence incriminante pour le probationnaire.

Une condition susceptible de présenter un risque, comme celle intimant de participer à un programme de traitement, ne peut être imposée qu’avec le consentement du probationnaire.

Du fait qu’elles ne permettent pas simplement de surveiller le comportement du probationnaire, les conditions obligeant à fournir des échantillons de substances corporelles dans le but de faciliter l’obtention d’éléments de preuve aux fins d’exécution sont différentes et soulèvent, à cause de leur effet potentiel, des questions d’ordre constitutionnel dans le cas où le probationnaire n’y a pas consenti.

Un tel libellé est intéressant non seulement en ce qui concerne les conditions conçues en vertu de ce pouvoir résiduel, mais également en ce qui a trait aux conditions facultatives énumérées au par. 732.1(3) : la condition imposée doit être « raisonnable » dans les circonstances et viser à assurer la protection de la société et à faciliter la réinsertion sociale du délinquant en question. Les conditions raisonnables sont généralement, mais pas nécessairement, liées à l’infraction en cause. Il doit y avoir un lien entre le délinquant, la protection de la société et la réinsertion sociale de ce délinquant.

La violation d’une ordonnance de probation est une infraction criminelle prévue par le Code criminel et, à ce titre, elle est sujette aux techniques d’enquête et au mode de preuve qui sont habituellement utilisés pour n’importe quelle autre infraction. Partant, le probationnaire surpris en train de consommer de l’alcool avec ses amis dans un débit de boissons peut être poursuivi sur la foi du témoignage de ceux qui l’ont vu faire. De même, le probationnaire qui montre des signes de facultés affaiblies en raison de la consommation d’alcool ou de drogue peut être poursuivi et l’infraction peut être prouvée au moyen d’une preuve testimoniale à peu près de la même façon qu’une infraction de conduite avec facultés affaiblies. Il ne fait aucun doute que le pouvoir de demander des échantillons de substances corporelles et les analyses qui en découleraient aideraient à exécuter une condition imposée en vertu de l’al. 732.1(3)c), mais cela n’est pas suffisant pour tout simplement conclure que ce pouvoir existe implicitement.

Il est possible d’imposer toute une série de conditions supplémentaires destinées à assurer le respect, par le probationnaire, de la condition interdisant la consommation et la possession de certaines substances.

Un juge chargé de la détermination de la peine pourrait interdire au délinquant de fréquenter les copains avec qui il aime prendre un verre ou tout endroit où de l’alcool est vendu ou servi, ou encore lui imposer un couvre‑feu. Toutes ces conditions pourraient être imposées pour assurer un meilleur respect de la condition interdisant la consommation et la possession d’alcool et ainsi faciliter la réadaptation du délinquant et protéger la société. En l’absence de circonstances particulières, on ne saurait sérieusement prétendre qu’une telle condition serait déraisonnable.

On peut raisonnablement inférer que des conditions supplémentaires imposées en vertu du pouvoir résiduel seraient du même genre que celles qui sont énumérées. Toutefois, du fait qu’elles ne permettent pas simplement de surveiller le comportement du probationnaire, les conditions destinées à faciliter l’obtention d’éléments de preuve aux fins d’exécution sont différentes et soulèvent, à cause de leur effet potentiel, des questions d’ordre constitutionnel dans le cas où le probationnaire n’y a pas consenti.

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