samedi 7 mars 2009

Communication du certificat d’utilisation prévu à l'article 4 du Règlement sur les appareils de détection d'alcool

R. c. Bouchard 2008 QCCQ 12214

Résumé des faits

Au début de l’audition, la défense présente une « requête en arrêt de procédure pour avoir fait défaut de divulguer toute la preuve pertinente à la préparation d’une défense pleine et entière » [la requête]. Essentiellement, elle prétend que la poursuite refuse de communiquer le certificat d’utilisation prévu à l'article 4 du Règlement sur les appareils de détection d'alcool

Analyse
Le ministère public doit divulguer à l'accusé tous les renseignements pertinents, qu'ils soient inculpatoires ou disculpatoires, sous réserve de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministère public de refuser de divulguer des renseignements privilégiés ou encore manifestement non pertinents. La pertinence s'apprécie tant à l'égard de l'accusation elle-même que des défenses raisonnablement possibles. Les renseignements pertinents doivent être divulgués, que le ministère public ait ou non l'intention de les produire en preuve et ce, avant que l'accusé n'ait été appelé à choisir son mode de procès ou à présenter son plaidoyer […]. En outre, toute déclaration obtenue de personnes qui ont fourni des renseignements pertinents aux autorités devrait être produite, même si le ministère public n'a pas l'intention de citer ces personnes comme témoins à charge […].

Le juge LeBel souligne que la Cour suprême a largement défini la notion de pertinence dans l'arrêt R. c. Egger[15] : « Une façon de mesurer la pertinence d'un renseignement dont dispose le ministère public est de déterminer son utilité pour la défense : s'il a une certaine utilité, il est pertinent et devrait être divulgué […]. Le juge qui effectue le contrôle doit déterminer si l'accusé peut raisonnablement utiliser la communication des renseignements pour réfuter la preuve et les arguments du ministère public, pour présenter un moyen de défense ou autrement pour parvenir à une décision susceptible d'avoir un effet sur le déroulement de la défense comme, par exemple, de présenter ou non une preuve. »

Le juge LeBel ajoute que le concept de pertinence favorise la divulgation de preuve. Ainsi :

[60] Peu de renseignements seront soustraits à l'obligation de communication de la preuve imposée à la poursuite. Comme l'affirmait notre Cour dans l'arrêt Dixon […] "le critère préliminaire fixé pour la divulgation [de la preuve] est fort peu élevé. [...] L'obligation de divulguer du ministère public est donc déclenchée chaque fois qu'il y a une possibilité raisonnable que le renseignement soit utile à l'accusé pour présenter une défense pleine et entière" […]. "Si le ministère public pèche, ce doit être par inclusion. Il n'est toutefois pas tenu de produire ce qui n'a manifestement aucune pertinence".

[61] Ce droit a un caractère constitutionnel. Protégé par l'art. 7 de la Charte, il contribue à assurer l'exercice du droit de l'accusé à une défense pleine et entière; […]. Tel que l'écrivait le juge Cory, au nom de notre Cour […] :

... lorsqu'un accusé démontre l'existence d'une possibilité raisonnable que les renseignements non divulgués auraient été utilisés pour réfuter la preuve du ministère public, pour présenter un moyen de défense ou, par ailleurs, pour prendre une décision qui aurait pu avoir une incidence sur la façon de présenter la défense, il se trouve également à établir l'existence d'une atteinte au droit à la divulgation que lui garantit la Charte.

Dans R. c. Chaplin, le juge Sopinka précise que : « [d]ans les cas où l'existence de certains renseignements a été établie, le ministère public est tenu de justifier la non-divulgation en démontrant soit qu'il n'en a pas le contrôle soit qu'ils sont manifestement sans pertinence ou privilégiés »

Le pouvoir discrétionnaire de la poursuite peut faire l’objet d’un contrôle par le juge du procès

Dans la présente affaire, le renseignement demandé existe et n’est pas privilégié. Il revient donc au ministère public de justifier le refus de divulguer sur la base de la non-pertinence

Le Tribunal retient que le renseignement recherché par la défense existe et, dans les faits, s’inscrit dans la mécanique prévue par les articles 254 (2) [soupçons lors de l'interception] et 254 (3) [motifs lors de l'arrestation]. Dans cette mesure, l’argument constitutionnel soulevé par la poursuite ne s'avère pas pertinent.

En outre, la demande de la défense ne correspond pas à une « expédition de pêche », expression qui signifie, au sens figuré, une recherche au hasard, sans savoir ce qu’on cherche ni trouvera. Bref, l’incertitude, liée à la chance, dans l’espoir d’une prise miraculeuse. Dans le présent cas, le renseignement existe.

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