samedi 7 mars 2009

Violation de 10a) et 10 b) - conduite avec les facultés affaiblies causant des lésions corporelles

R. c. Savoie, 2008 QCCQ 10399 (CanLII)

[84] Une personne ne peut valablement exercer le droit que lui garantit l'al. 10 b) que si elle connaît l'ampleur du risque qu'elle court.

[85] À mon avis, il ne convient pas qu'une cour de justice se demande quel genre d'avis juridique aurait été donné si l'accusée avait réussi à communiquer avec son avocat après le changement de l'accusation.

[86] Dans l'affaire Bath, la Cour suprême de Terre-Neuve a conclu qu'il y avait violation de l'alinéa 10 a) de la Charte et a exclu les résultats des tests d'ivressomètre dans un dossier où une personne a été informée qu'elle était accusée de conduite alors que sa faculté de conduire était affaiblie par l'alcool alors qu'une accusation de conduite avec les facultés affaiblies causant des lésions corporelles a été portée.

[87] Dans l'affaire Bath, le juge Halley décide comme suit:

« MacNeil's failure to advice the Accused that he would be charge with either Impaired Driving causing Bodily Arm or Impaired Driving causing Death resulted in a breach of the s. 10 a) Charter right on the Accused. »

[88] Il en est de même dans la décision Montgomery rendue par la Cour suprême de la Colombie-Britannique où le juge Collver décide en ces termes[4] :

« Because of likely penal consequences (having regard to both the statutary maximum and the prevailing range of sentences) following a conviction for impaired driving causing death or bodily arm, contrasted with penalties usually imposed in impaired driving cases where death or bodily arm does not ensue, can I reasonably conclude that Mr. Montgomery was properly informed either on the reasons of his detention or the reasons for the demand for samples on his blood?

(…)

In the present case I am compelled to conclude that Constable Emond's decision to inform Mr. Montgomery that he was being investigated only for impaired driving minimized the legal consequences on Mr. Montgomery's driving. »

[89] L'affaire Benson[5] est au même effet. Le juge Easton de la Cour suprême de Terre Neuve conclut en ces termes:

«62. In the instant case the "total situation" undoubtedly understood by the accused was that he was possibly going to be charged with impaired driving simpliciter. There is nothing in the evidence to indicate that he was any way made aware of any greater jeopardy.

(…)

79. The penalty sections alone indicate that the extent of jeopardy to which one is exposed, rises dramatically from impaired driving simpliciter to impaired driving causing death, even though the facts leading up to the accident may be the same.

80. Under all of the circumstances here, I have concluded that the informational component under s.10 of the Charter was deficient to the extent that when the accused was seeking advice from duty counsel he did not in a meaningful way know the extent of his jeopardy. I conclude then that the blood samples obtained from the accused on the night in question were obtained in a manner that infringed his right to counsel.»

[90] Enfin, la situation est la même dans l'affaire Rocha , une décision rendue par la Cour municipale de Montréal.

[92] Dans la présente affaire, il appert clairement de la preuve que, malgré la connaissance le soir même des blessures chez l'autre automobiliste impliqué dans l'accident, les policiers n'ont pas informé l'accusé qu'il était arrêté pour conduite alors que sa capacité de conduire était affaiblie par l'effet de l'alcool et ce, causant des lésions corporelles à un tiers. Plutôt, l'accusé a été informé qu'il était arrêté pour une accusation simple de conduite alors que sa capacité de conduire était affaiblie par l'effet de l'alcool. Il en a été de même pour le procureur que l'accusé a rejoint.

[93] Compte tenu des faits et de la jurisprudence citée ci-avant, le tribunal conclut que l'accusé n'a pas été informé de l'ampleur du risque qu'il courrait et qu'il n'a pu valablement exercer le droit que lui garantit l'alinéa 10 b) de la Charte.

[117] Le tribunal conclut que monsieur Savoie a présenté une preuve prépondérante qu'il a demandé de communiquer avec sa mère afin d'obtenir le numéro de téléphone de son oncle, avocat au Nouveau-Brunswick, et que sa demande a été refusée par le policier Hamel parce qu'il voulait communiquer avec un tiers et non directement avec un avocat.

[118] Il faut maintenant analyser le droit au sujet de l'alinéa 10 b) de la Charte. Le principe est qu'il n'existe pas au Canada une obligation, de la part des policiers, de s'informer auprès d'un détenu pour déterminer si le but d'un appel à un tiers est l'obtention de conseils juridiques. Ainsi, chaque cas est un cas d'espèce.

[121] Plusieurs jugements ont été rendus dans lesquels les tribunaux ont, à plusieurs reprises, décidé que, lorsque les faits établissent qu'un prévenu veut communiquer avec un tiers afin d'obtenir des conseils juridiques et de rejoindre un avocat, les policiers doivent lui permettre de le faire.

[123] Le tribunal prend acte des décisions présentées dans lesquelles les tribunaux ont conclu à la non-violation du droit de consulter un avocat pour le motif que le prévenu a demandé de communiquer avec un tiers mais sans préciser que c'était dans le but de parler à un avocat ou d'obtenir les coordonnées d'un avocat afin d'obtenir des conseils juridiques.

[124] Bien qu'il n'existe pas d'obligation de la part des policiers de s'informer auprès d'un prévenu pour connaître le but de l'appel à un tiers, il ressort de la jurisprudence, que l'accusé a le droit de choisir un avocat et qu'il doit avoir la possibilité raisonnable d'exercer ce droit. Dès que l'accusé exprime clairement le désir de communiquer avec un avocat particulier, et ce, même par l'entremise d'un tiers, il doit avoir la possibilité raisonnable de rejoindre ce tiers afin d'éventuellement exercer, avec diligence raisonnable, son droit à l'avocat.

[128] Comme la Cour suprême l'a décidé dans l'arrêt Prosper, « les échantillons d'haleine sont des éléments de preuve obtenus en mobilisant l'accusé contre lui-même et qui n'auraient peut-être pas été disponibles s'il n'y avait pas eu violation des droits que lui garantit l'al. 10 b) et qui devraient être écartés en application du par. 24 (2) parce qu'ils sont susceptibles de déconsidérer l'administration de la justice. La violation du droit de l'appelant à l'assistance d'un avocat porte directement atteinte à son privilège de ne pas s'incriminer, et l'utilisation des résultats des alcootests découlant de cette violation est susceptible de miner ce privilège et, partant, de rendre le processus judiciaire inéquitable. Ni l'indéniable bonne foi de la police ni la gravité relative de l'infraction de conduite avec facultés affaiblies ne pourraient compenser le manque d'équité qu'entraînerait l'utilisation de cet élément de preuve. »

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