mercredi 5 août 2009

Énumération des facteurs dont doit tenir compte le tribunal dans l'exercice de sa discrétion relativement à la preuve d'antécédent judiciaire

R. c. Trudel, 1994 CanLII 5397 (QC C.A.)

La Cour suprême, dans l'arrêt R. c. Corbett, fait la synthèse, à la lumière de la jurisprudence et de la doctrine antérieures, des conditions, limites et paramètres d'une preuve d'antécédent judiciaire, en vertu de l'article 12 de la Loi sur la preuve. Bien que dissident sur le fond, le juge La Forest obtient néanmoins l'accord des juges Dickson, Beetz et Lamer dans l'énumération qu'il fait des facteurs dont doit tenir compte le juge du procès dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire d'accueillir ou de refuser une telle preuve. Il est intéressant de constater que bon nombre de ces facteurs se retrouvent d'ailleurs en matière d'admissibilité de preuve d'actes similaires. Pour les fins du présent appel, je retiens essentiellement les éléments suivants:

-Il y aura ouverture possible à une telle preuve dans tous les cas où la crédibilité d'un accusé est mise en cause, soit de façon directe dans le cadre de son propre témoignage, soit dans les cas où lui-même, dans son témoignage, attaque la crédibilité des témoins à charge;

-Il y aura lieu, cependant, de peser la valeur probante de cette preuve en regard du préjudice qu'elle est susceptible de causer à l'accusé relativement à la nature de l'infraction qui lui est reprochée. Il faut garder à l'esprit, à ce sujet, que l'objet de cette preuve est d'attaquer la crédibilité de l'accusé et non de faire une preuve de caractère visant à établir que l'accusé est un individu qui a la personnalité voulue pour commettre un crime de la nature de celui qui lui est reproché;

-La valeur probante et l'effet préjudiciable de la condamnation antérieure découlent donc directement de la nature de cette dernière. Comme le souligne le juge La Forest, «plus l'infraction qui a donné lieu à la condamnation antérieure ressemble à la conduite pour laquelle l'accusé subit son procès, plus le préjudice résultant de son admission en preuve risque d'être grand.» Par ailleurs, un antécédent «de fraude, de tromperie, ou de tricherie, indiquant un manque d'honnêteté ou d'intégrité, vise directement la crédibilité du témoignage de l'accusé,» ainsi que le disait la Court of Appeal, du district de Columbia, dans l'arrêt Gordon v. The United States, auquel réfère avec approbation le juge La Forest;

-Le Tribunal doit donc être fort réticent à admettre en preuve une condamnation pour un crime antérieur similaire, dont la nature n'a rien à voir avec la crédibilité ou la véracité possible du témoignage de l'accusé;

-La pertinence de la preuve ayant comme contrepoids la nature du préjudice possible, il y a donc lieu pour le juge du procès d'écarter tout élément de preuve dont la valeur probante se révèlerait nettement inférieure à l'effet préjudiciable possible;

-C'est donc la connexité entre la crédibilité et la nature de l'antécédent judiciaire qu'il faut considérer et non la connexité entre la nature de cet antécédent et la nature du crime en l'instance;

-La proximité dans le temps entre les deux infractions constitue également un facteur susceptible d'affecter soit sa pertinence, soit le degré de préjudice causé à l'accusé;

-Enfin, la preuve de cet antécédent constitue-t-elle un élément de preuve nécessaire ou utile à la Couronne au point que la résolution du litige peut en dépendre.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire