jeudi 22 octobre 2009

Détermination de la peine pour omisssion de se conformer à une condition d’une ordonnance de surveillance de longue durée (753.3(1) du Code criminel)

R. c. Myrthil, 2008 QCCQ 9174 (CanLII)

[22] La gravité objective de l’infraction de défaut de se conformer à une condition d’une ordonnance de surveillance de longue durée se distingue nettement de l’infraction de bris de probation. La première est un acte criminel pour lequel le contrevenant est passible d’un emprisonnement de 10 ans (art. 753.3(1) C.cr.). La seconde est une infraction mixte et l’acte criminel est passible d’un emprisonnement de 2 ans (art. 733.1(1) C.cr.).

[23] L’article 743.1(3.1) C.cr. prévoit de plus que le délinquant soumis à une ordonnance de surveillance qui est condamné pour une autre infraction pendant la période de surveillance doit purger sa peine dans un pénitencier.

[24] Dans R. v. H.P.W. (2003) A.J. No. 479, le délinquant à contrôler avait brisé une de ses conditions de surveillance en consommant de l’alcool. Suite à son plaidoyer de culpabilité, le juge avait imposé une peine de 4 mois de détention rappelant que les conditions d’interdiction de consommer de l’alcool étaient généralement des conditions d’importance secondaire dans les ordonnances et que les peines imposées pour ce type d’infraction étaient de courte durée.

[25] Dans son jugement, la Cour d’appel de l’Alberta traite de la différence fondamentale entre l’objectif d’une probation et celui d’une ordonnance de surveillance de longue durée. La Cour conclut que dans ce dernier cas, l’objectif premier de l’ordonnance est la gestion d’un risque et la protection de la société plutôt que la réhabilitation.

[26] Au nom de la Cour, l’Honorable Ritter écrit :

"Protection of society has to be the paramount consideration when such offenders are being supervised in the community. This will partially be achieved by close supervision but, given the recidivism and dangerous history of the offender, there is obvious need to supplement supervision with the reality of severe punishment upon breach of a condition. " (par.35)

[27] Pour déterminer la gravité de l’infraction, la Cour d’appel examine l’importance de la condition de l’ordonnance par rapport à la nature de la délinquance. Ainsi dans cette affaire, le profil du délinquant indiquait que les agressions sexuelles avaient été commises alors qu’il avait consommé de l’alcool. La Cour conclut que la condition interdisant la consommation d’alcool était une condition essentielle à la gestion du risque que pouvait représenter l’accusé pour la communauté et qu’une peine de près de 2 ans aurait été appropriée n’eut été de la présence de certaines circonstances atténuantes. La peine imposée a été de 1 an.

[28] Dans R. v. S.J.D. 2004 BCCA 78 (CanLII), (2004) BCCA 78, (parfois citée sous le nom de R v. Deacon), la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé la justesse d’une peine globale de 45 mois.

[29] Dans cette affaire, l’accusé était un délinquant sexuel qui était encore considéré comme un délinquant sexuel non traité et présentant un risque élevé de récidive à la fin de sa peine. La Commission lui avait imposé une interdiction de communiquer avec des personnes de moins de 16 ans. Il s’avère que le délinquant, dans le passé, avait trouvé ses victimes après avoir développé une relation avec un adulte de leur entourage.

[30] Trois semaines après sa remise en liberté, il a lié connaissance avec un couple qui avait un petit-fils de 10 ans. Il les a invités chez lui, a demandé à l’enfant son adresse courriel puis lui a offert un cadeau. Il a communiqué à nouveau avec le couple le lendemain. Ils ont porté plainte. Il a plaidé coupable à l’accusation d’avoir fait défaut de respecter une condition de son ordonnance de surveillance de longue durée.

[31] En première instance, après 14 mois de détention provisoire, (que la Cour d’appel calcule comme 21 mois sans expliquer pourquoi), le juge a imposé une peine de 2 ans rappelant que la protection de la société était le critère à privilégier en cette matière, que les circonstances de l’infraction faisait douter de la possibilité de pouvoir gérer dans la communauté le risque que posait le délinquant et qu’une peine de 2 ans pouvait permettre de réduire le risque de récidive puisque pendant cette période l’accusé pourrait suivre une thérapie destinée aux délinquants sexuels.

[32] La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a confirmé qu’à l’étape de la détermination de la peine pour une infraction à l’article 753.3 C.cr. la protection de la société était le critère le plus important. La Cour dit ceci :

"the gravity of an offence under s. 753.3 must be measured with reference not only to the conduct that gave rise to the offence, but also with regard to what it portends in light of the offender’s entire history of criminal conduct. To consider only the moral turpitude associated with the sort of innocuous conduct that s. 753.3 renders criminal (e.g. engaging a child in conversation) is not a useful way to gauge the appropriate sentence for breach of a long term supervision order." (par. 51).

[33] En l’espèce, la Cour a estimé que l’infraction était très grave parce que le délinquant avait adopté exactement le comportement qui était sous-jacent à la commission des crimes qui avaient entraîné la déclaration de délinquant à contrôler ("the first step of his modus operandi").

[34] Dans R c. Charles Trépanier 2006 QCCA 1260 (CanLII), 2006 QCCA 1260, après avoir référé à l’arrêt S.J.D. (précité) où la peine globale était de 45 mois, et fait certaines distinctions factuelles, le juge de première instance, avait estimé que la peine appropriée était de 24 mois. Il avait donc imposé une peine de 18 mois vu une détention provisoire de 3 mois comptée en double. Dans cette affaire, le délinquant avait omis de se présenter en thérapie. Il s’agissait d’une récidive.

[35] Dans son jugement, la Cour d’appel du Québec a pris pour acquis, que la peine imposée dans S.J.D. était de 24 mois (elle était de 45 mois). Elle retient le fait que l’accusé avait fourni une raison pour ne pas vouloir poursuivre sa thérapie avec le psychologue désigné et que sa conduite ne constituait pas la répétition de son modus operandi comme dans S.J.D. (précité). Estimant que la nature du bris n’offrait aucune similarité avec celui de l’accusé dans l’arrêt de la Colombie-Britannique, elle a reproché au premier juge de ne pas avoir imposé une peine proportionnée aux circonstances. La Cour a imposé une peine de 4 mois et n’a pas jugé nécessaire de décider de la façon dont la détention provisoire devait être calculée.

[36] D’autres décisions de première instance permettent d’alimenter la réflexion.

[37] Dans R. v. Anderson (2004) N.J. No. 246, l’accusé, alors qu’il était en maison de transition, a fait l’objet d’un mandat de suspension de ses conditions pour des raisons disciplinaires. Au policier qui venait exécuter le mandat, l’accusé a brandi un couteau de cuisine en s’avançant sur lui. Le tribunal a retenu que l’accusé avait un historique d’actes de violence sur la personne et que le geste avait été posé dans un milieu institutionnel. Il a conclu que le bris était grave parce qu'il touchait l'objectif fondamental de l'ordonnance de surveillance. La peine imposée pour le défaut de se conformer à une ordonnance de surveillance a été de 2 ans plus une peine de 3 mois consécutifs pour l’accusation de voies de fait armées.

[38] Dans R. v. Barnhardt 2007 ONCJ 337 (CanLII), 2007 ONCJ 337, le délinquant avait comme condition une interdiction de consommer des drogues ou de l’alcool et un test d’urine a révélé qu’il avait consommé de la marihuana. La preuve a démontré un lien de causalité entre la consommation de drogue ou d’alcool et la commission par l’accusé de crimes violents. La condition était donc essentielle à la gestion du risque de récidive. Le juge écrit :

"The purpose of this sentence is not to punish Mr. Barnhardt for his past crimes. He has already served those sentences. The purpose of this sentence is to protect society…Specific deterrence is paramount. General deterrence and denunciation are considerations, though to a lesser degree as is rehabilitation." (par. 30-31)

[39] Tenant compte du plaidoyer de culpabilité et des progrès réalisés durant les 9 premiers mois de la surveillance, le juge a dit que la peine appropriée était de 1 an. Vu la détention préventive de 6 ½ mois, la peine a été de 3 mois.

[40] Dans R. v. Priaulx 2008 SKPC 3 (CanLII), 2008 SKPC 3, la condition qui n’a pas été respectée était celle de ne pas avoir de contact avec des mineurs sans la présence d’un adulte autorisé par l’agent de surveillance. L’accusé avait purgé des peines totales de 9 ans de pénitencier pour des abus sexuels sur des enfants avant de commencer sa période de surveillance de 10 ans. Durant son incarcération, il avait participé à de nombreuses thérapies et continuait à faire des rencontres de soutien après sa remise en liberté.

[41] Alors qu’il résidait chez son beau-fils mais que celui-ci était absent, la propriétaire du logement est venue réclamer le paiement du loyer. Pendant que l’accusé faisait la conversation avec la dame, ses deux enfants sont venus la rejoindre. L'accusé les a tous invités à entrer dans l’appartement. Il a offert de la crème glacée aux enfants et prêté un jeu vidéo à l’un d’eux. Après avoir bu son café, la mère est repartie avec ses enfants.

[42] Le juge a considéré que l’infraction était grave parce que la condition non respectée était une condition très importante dans la gestion du risque de récidive. Il a tenu compte du plaidoyer de culpabilité, des thérapies suivies en détention et du maintien du support thérapeutique après la remise en liberté ; il a tenu compte du fait que l’accusé fonctionnait bien dans la communauté depuis près d’un an, qu’il occupait un emploi. Il a retenu que l’arrivée des enfants à son appartement était fortuite et que l’accusé avait pu craindre que son beau-fils perde son logement ce qui avait pu l’inciter à faire la conversation avec la propriétaire pour gagner sa sympathie.

[43] Le juge a estimé que la peine appropriée était de 22 mois. Compte tenu de la détention préventive de 10 ½ mois qu’il a compté en double – l’accusé avait été placé en ségrégation et gardé en cellule entre 19 et 23 heures par jour pendant 202 jours – le juge a imposé une peine d’un mois additionnel.

[44] Dans R. v. Sam (2007) Carswell Yukon 74, il s’agit d’un jugement succinct. L’accusé faisait l’objet d’une ordonnance de surveillance de longue durée (10 ans) à cause d’un lourd dossier d’infractions à caractère sexuel impliquant des enfants. En 2005, 5 mois après sa sortie du pénitencier, il a pris la fuite. Il a été accusé d’évasion d’une garde légale et d’avoir brisé une condition de son ordonnance. Il a été condamné à 27 mois de pénitencier. Après avoir purgé sa peine, il est retourné à la maison de transition qu’il a, à nouveau, quittée sans permission 5 mois plus tard.

[45] Il a plaidé coupable à l’accusation de ne pas avoir respecté une condition de son ordonnance de surveillance. La poursuite a concédé que les faits étaient moins graves que la fois précédente. Le juge en a tenu compte. Cependant il s’agissait d’une récidive et l’accusé avait été retrouvé en possession de condoms et de marihuana. Le juge a rappelé que l’utilisation de substances pouvant désinhiber faisait partie de l’historique du délinquant. Il a imposé une peine de 18mois.

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