lundi 19 octobre 2009

Rapport présentenciel; faits de l'infraction; exclusions de certaines conclusions dudit rapport

R. c. Maria, 2007 QCCQ 6592 (CanLII)

[10] Dans l’arrêt Donovan, l’Honorable juge Ryan de la Cour d’appel du Nouveau Brunswick considère comme particulièrement troublante la conclusion défavorable tirée par l’agente de probation du refus du délinquant de répondre aux questions sur sa participation à l’infraction

"Un aspect particulièrement troublant du rapport présentenciel est une implication défavorable injustifiable indiquant que M. Donovan aurait refusé de collaborer avec l'agente de probation pendant l'entrevue. Celle-ci a commencé son entrevue de façon inappropriée en tentant d'interroger l'accusé sur sa participation à l'infraction. Il a consulté son avocat, qui lui a conseillé avec raison de ne pas répondre aux questions portant sur la perpétration de l'infraction. De telles investigations outrepassent les limites du rapport. Le cadre du rapport est régi par le libellé de l'article 721 du Code et par toute directive émanant du juge qui détermine la peine. Le rapport ne doit pas servir de moyen d'enquête policière, ni d'opération de renseignement au bénéfice des curieux ou des gens mal informés.
On pourrait tirer à tort une inférence défavorable par suite des mentions de son refus de discuter de sa [TRADUCTION] « participation […] à l'infraction » et des conseils de son avocat, particulièrement quand l'agente de probation a donné à M. Donovan [TRADUCTION] « l'occasion de communiquer avec son avocat avant de procéder à l'entrevue », ce qui confirme et rend plus grave encore l'intention de l'agente de probation d'interroger M. Donovan sur une question qui outrepassait ses pouvoirs.

Une personne déclarée coupable, ainsi que son avocat, peut se sentir forcée de discuter de l'acte criminel par crainte de faire l'objet d'un rapport défavorable de l'agent de probation.

Les tentatives d'obtenir des renseignements sur l'infraction dans un rapport présentenciel ont été déclarées interdites depuis plus d'un quart de siècle par les tribunaux de première instance et les tribunaux d'appel du Canada. Voir R. c. Martell (1984), 48 Nfld. & P.E.I.R. 79 (C.A.I.P.-É.), où le juge MacDonald a souscrit à la conclusion de la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse dans l'arrêt R. c. Craig (1975), 11 N.S.R. (2d) 695, à savoir qu'il n'est pas judicieux de s'appuyer sur les affirmations d'un rapport qui portent sur les détails de la perpétration d'une infraction. Au paragraphe 12, le juge MacDonald a également souscrit à la décision R. c. Bartkow (1978), 24 N.S.R. (2d) 518, de la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse, où le juge en chef MacKeigan, au paragraphe 10, a affirmé qu'un rapport présentenciel devrait se limiter à décrire les antécédents, la famille, l'éducation, l'expérience professionnelle, la santé physique et mentale, les relations, les activités sociales, le potentiel et les motivations de la personne.

Sous les rubriques des rapports présentenciels et des faits se rapportant à l'infraction, l'auteur Clayton C. Ruby affirme, à la page 97 de l'ouvrage Sentencing, 5e édition (Toronto et Vancouver : Butterworths, 1999):

3.116 Les faits se rapportant à l'infraction pour laquelle la peine de l'accusé doit être déterminée, et particulièrement les allégations relatives à des agissements qui ne sont pas visés par l'instance, ne devraient pas être inclus dans un rapport présententiel."

L'exclusion des allégations relatives à l'infraction vise également les assertions intéressées de l'accusé. [cf. Donovan c. R., ¶32]

[11] Le juge Ryan réfère ensuite à l’arrêt Regina c. Urbanovich and Brown, reflex, (1985), 19 C.C.C. (3d) 43, de la Cour d’appel du Manitoba qui a vivement critiqué l’insertion dans un rapport présentenciel des allégations du délinquant concernant le crime. Selon l’Honorable juge Brown de la Cour d’appel du Manitoba, les assertions intéressées d’un délinquant ne peuvent pas être admises sous le couvert du rapport présentenciel. [cf. Donovan c. R., ¶33]

[12] Dans l’arrêt Urbanovich et al., l'Honorable juge Riordon partage l’opinion de son collègue concernant l’inadmissibilité des observations de l’agente de probation relatives aux faits de l’infraction; il l’aurait réprimandé « pour sa tentative répréhensible d’examiner les circonstances de l’homicide involontaire coupable lui-même, surtout si c’est sa pratique courante…. » [cf. Donovan c. R., ¶ 34]

[13] Dans l’arrêt Donovan, la Cour d’appel du Nouveau Brunswick maintient la sentence imposée en première instance pour d’autres motifs, mais en soustrayant une période pour tenir compte de la détention provisoire du délinquant. La Cour d’appel a donc retenu les parties du rapport traitant du caractère du délinquant, sa toxicomanie et les circonstances familiales; cependant, les juges ont clairement exprimé leur opinion que les inférences tirées par l’agente de probation à partir de son analyse des faits de l’infraction sont inadmissibles et non fiables.

[14] Dans son jugement, l’Honorable juge Ryan réfère aux jugements de la Division d’appel de la Cour suprême de la Nouvelle Écosse, R. c. Bartkow et R. c. Craig cités par le Requérant-accusé; il reprend leurs conclusions à l'effet qu’un rapport présentenciel devrait se limiter « aux antécédents, la famille, l’éducation, l’expérience professionnelle, la santé physique et mentale, les relations, les activités sociales, le potentiel et les motivations de la personne. » [op. cit] Évidemment, 30 ans plus tard, ces conclusions sont maintenant codifiées à l’article 721 C. cr.

[15] Dans l’arrêt R. c. Craig, la Cour d’appel de la Nouvelle Écosse décide qu’une preuve extrinsèque (extraneous) ou la preuve des circonstances du crime, même favorables à l’accusé, tel le fait qu’il avait bu, étaient inadmissibles. Le Tribunal se fonde en partie sur l’absence de contre-interrogatoire pour tester la crédibilité ou la fiabilité. Aujourd’hui, c’est l’article 724 C. cr. qui prévoit les règles de preuve lors de la présentation d’un rapport présentenciel contenant des faits contestés.

[16] Tout en confirmant le principe de la plus grande flexibilité des règles de la preuve lors de la détermination de la peine [Ruby, op cit ¶3.102, 3.103; Boilard, Manuel de preuve pénale, ¶3.108 ff; R. c. Gardiner[1], ¶3.177] le Code autorise maintenant le Tribunal, à certaines conditions, à requérir la présentation de preuves additionnelles ou de témoins, et notamment lorsqu’une partie a présenté une preuve par ouï-dire. [Article 723 C. cr.]

[32] Ses conclusions concernant la collaboration mitigée de l’accusé se fondent en partie sur cette divergence. En autant que les faits de l’infraction ne font pas légalement l’objet du rapport présentenciel, l’accusé ne devrait pas être interrogé à ce sujet, même s’il n’a pas l’obligation de répondre, surtout que son omission de répondre fera également objet d’une mention dans le rapport.

[35] Malgré les bonnes intentions, l’agente ne doit pas changer le contenu du rapport présentenciel tel que prévu à l’article 721 C. cr. Avec égard, l’analyse de l’étendue des faits de l'infraction reconnus par le Requérant-accusé n’est pas nécessaire pour évaluer son désir de réparer le tort. Que l’infraction ait été commise d’une manière ou d’une autre, l’accusé a commis l’infraction et a reconnu sa culpabilité; les éléments de l'infraction ont été admis. La nature ou la mesure du tort subi par la ou les victimes fait partie des représentations du ministère public et de la déclaration de la victime prévue à l’article 722 C. cr. et non du rapport présentenciel.

[36] Le remord de l’accusé est un facteur pertinent en autant qu’il peut indiquer la possibilité de réhabilitation. [R. c. Frances, (2006), 207 C.C.C. 3d), ¶536 (Ont. C.A.); dans Boilard, op cit ¶3.180] Par contre, l’absence de remords n’est pas un facteur aggravant. [cf Boilard, op cit, ¶3.180; R. c. A(K), (1999); R. v. Vu, 2003 BCCA 339 (CanLII), (2003), 176 C.C.C. (3d) 568, B.C.C.A.]

[37] Certes le Requérant-accusé peut toujours contester un fait qui se trouve dans un rapport présentenciel selon les termes de l’article 724 (3) C. cr. Ainsi, à part les faits aggravants ou les condamnations antérieures qui doivent être prouvés hors de tout doute raisonnable, le ministère public aurait à prouver les faits pertinents par une preuve prépondérante. Néanmoins, l’admission de la preuve des faits de l’infraction risque de prolonger indûment les procédures, sauf si le Tribunal juge suffisante la preuve faite lors du procès.

[39] Le Tribunal retient aussi qu'indépendamment du rapport présentenciel, le ministère public peut toujours présenter, selon l'article 723(2) C. cr., toute preuve pertinente, y compris une preuve par ouï-dire. Si les informations sur les faits de l'infraction devraient être soumis pour la détermination d'une peine juste, elles devraient plutôt être présentées par un témoignage assermenté et non dans le rapport présententiel.

R. c. Edwards, (1986) 60 Nlfd et P.F.I.R. 36 (PEI, C.A.)

Martell, (1984) 48 Nfld & PEIR 79 (PEI, C.A.) cité par Ruby op cit ¶3.159

"¶3.160 in Rudyk, the probation officer prepared a report which elicited from the offender his version of the facts of the case. As it turned out that version contradicted the guilty plea. The Appeal judge stated:

I would here urge that a presentence report be confined to its very necessary and salutary role of portraying the background, character and circumstances of the person convicted. It should not, however, contain the investigator's impressions of the facts relating to the offence charged, whether based on information received from the accused, the police, or other witnesses, and whether favourable or unfavourable to the accused. And if the report contains such information the trial judge should disregard it in considering sentence."

[40] Ceci ne nie pas que dans certaines circonstances, notamment concernant les traitements à recommander, un rapport présententiel pourrait aborder la participation du délinquant au crime, mais pour des fins bien spécifiques.

"… On the other hand a truly helpful presentence report does attempt to analyze what impelled the commission of the offence where, for example, a treatment-based regime can be recommended in order to protect the public from further offences in the future." (Ruby, op cit, ¶3.161)

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