R. c.- Lalonde, 2008 QCCQ 3614 (CanLII)
[11] Le second paramètre qu'il faut garder à l'esprit au moment d'amorcer l'étude de la preuve circonstancielle a trait au mobile susceptible d'avoir animé l'accusé au moment où il aurait perpétré l'infraction reprochée.
[12] On se contentera cependant, à ce stade-ci, de rappeler l'état du droit sur la question: d'une part, le mobile n'est pas un élément essentiel de l'infraction et conséquemment, la Couronne n'est jamais tenue d'en prouver un; d'autre part, la présence ou l'absence d'un mobile peut être incorporée au processus décisionnel du juge des faits, dans la mesure où elle peut être pertinente afin de décider si l'élément intentionnel de l'infraction – la mens rea – est prouvé hors de tout doute raisonnable.
[13] Dans leur Traité de droit pénal canadien (Les Éditions Yvon Blais, Cowansville, 4e édition, 1998), les professeurs Côté-Harper, Rainville et Turgeon s'expriment dans les termes suivants à ce sujet, aux pages 494 et 497:
«Le droit criminel, fondé sur le principe «nulle peine sans faute», se préoccupe de l'intention du prévenu et non de la motivation qui l'anime. L'intention et le mobile sont deux concepts distincts. Le mobile n'est pas indispensable pour prouver l'intention.
Le juge se doit de ne pas confondre l'objet illégal et le mobile. On ne peut imposer à la Couronne le fardeau de prouver le mobile, élément non requis par la loi.
[…]
Bien qu'en principe le mobile n'affecte pas la culpabilité, il peut être pris en considération comme tout autre élément de preuve et ainsi servir à faire la preuve de l'intention.
La preuve du mobile sera pertinente pour faciliter la preuve de la mens rea bien qu'elle ne soit pas un «élément juridiquement essentiel de l'accusation».
Le mobile du prévenu peut parfois être pris en considération dans le contexte des infractions d'intention spécifique. La Couronne doit prouver l'existence d'une intention ultérieure ou d'un but ultérieur recherché par l'auteur du crime.»
[14] S'agissant ici d'infractions requérant une intention spécifique, ces enseignements sont par ailleurs d'autant plus pertinents que la preuve est totalement circonstancielle; ce qui crée la dynamique que les auteurs exposent ainsi, à la page 498 du même ouvrage:
«Bien que ce soit l'intention qu'il faille prouver et non pas le mobile, il n'en reste que moins que le mobile devient extrêmement important pour l'identité de l'auteur de l'acte lorsque la preuve s'avère exclusivement circonstancielle.
Le mobile peut alors être considéré avec d'autres éléments pour conclure à la culpabilité d'un accusé. Dans R. c. Yebes, [ [1987] 2 R.C.S. 168 ], la Cour suprême du Canada a énoncé qu'un mobile, joint à l'occasion exclusive de perpétrer le crime, peut servir à démontrer que la culpabilité de l'accusé est la seule conclusion logique et rationnelle.» [soulignements ajoutés]
[15] C'est donc dire que, en présence d'une preuve essentiellement circonstancielle comme c'est le cas ici, la Couronne n'a toujours pas le fardeau de prouver le mobile qui aurait incité à la commission des crimes, mais la preuve d'un mobile pourrait lui faciliter la tâche relativement à son fardeau de prouver l'intention coupable, et ce, surtout si cette preuve est couplée à d'autres éléments de preuve comme l'occasion exclusive et le comportement incriminant postérieurement à la commission des infractions.
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