samedi 26 décembre 2009

Certain nombre de principes de base qui encadrent les enquêtes policières

R. c. Côté, 2008 QCCS 3749 (CanLII)

[82] Dans l'arrêt Hill c. Commission des services policiers de la municipalité régionale de Hamilton-Wentworth, la Cour suprême rappelle que c'est le devoir des policiers d'enquêter sur les crimes. Au Québec, en vertu de l'art. 48 de la Loi sur la police, les policiers ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime et de rechercher les auteurs de crime.

[83] Une enquête criminelle «prompte et approfondie» vise «à rassembler tous les éléments de preuve pertinents de manière à permettre une prise de décision judicieuse et éclairée sur l’opportunité de porter des accusations».

[84] Tous s'entendent pour dire que les policiers doivent être «habilités à réagir avec rapidité, efficacité et souplesse aux diverses situations qu’ils rencontrent quotidiennement aux premières lignes du maintien de l’ordre». Cependant, l'urgence à mener une enquête criminelle prompte et approfondie n'est pas une justification sans limites. L'urgence n'existe que si «une action immédiate est requise pour assurer la sécurité des policiers ou préserver des éléments de preuve concernant un crime».

[85] Par ailleurs, la Cour suprême reconnaît «l’importance que l’interrogatoire revêt dans le travail d’enquête des policiers» pour mener une enquête criminelle :

Ce que la common law reconnaît, c’est le droit d’un individu de garder le silence. Toutefois, cela ne signifie pas que quelqu’un a le droit de ne pas se faire adresser la parole par les autorités de l’État. On ne saurait douter de l’importance que l’interrogatoire revêt dans le travail d’enquête des policiers. On comprendra aisément qu’il serait difficile pour la police d’enquêter sur un crime sans poser de questions aux personnes qui, selon elle, sont susceptibles de lui fournir des renseignements utiles. La personne soupçonnée d’avoir commis le crime à l’origine de l’enquête ne fait pas exception. Du reste, s’il a effectivement commis le crime, le suspect est vraisemblablement la personne ayant le plus de renseignements à fournir au sujet de l’épisode en question. La common law reconnaît donc aussi l’importance de l’interrogatoire policier dans les enquêtes criminelles.

[86] Même si les enquêtes policières doivent procéder avec célérité et efficacité, une enquête criminelle doit être menée «conformément aux règles de droit, qui sont multiples et englobent notamment les restrictions prescrites par la Charte et le Code criminel».

[87] L'environnement constitutionnel canadien exige donc la conciliation entre «les obligations légales des policiers envers les suspects suivant la Charte et les lois qui régissent la police, de même que l’importance de concilier l’efficacité de l’enquête policière et la protection des droits fondamentaux du suspect ou de l’inculpé».

[88] Cependant, la Charte n'exige pas que l'on fasse preuve d'angélisme indu dans la conduite des enquêtes criminelles ou que les policiers manquent d'ingéniosité, car «le droit à la protection contre les enquêtes de l’État [n']est assujetti [qu']à des restrictions constitutionnellement acceptables».

[89] Dans l'arrêt R. c. Oickle, le juge Iacobucci examine la question des ruses policières dans l'examen de la règle des confessions. Il s'exprime ainsi:

Le juge Lamer s’est également empressé de souligner que les tribunaux doivent se garder de ne pas limiter indûment le pouvoir discrétionnaire des policiers (à la p. 697):

[U]ne enquête en matière criminelle et la recherche des criminels ne sont pas un jeu qui doive obéir aux règles du marquis de Queensbury. Les autorités, qui ont affaire à des criminels rusés et souvent sophistiqués, doivent parfois user d’artifices et d’autres formes de supercherie, et ne devraient pas être entravées dans leur travail par l’application de la règle. Ce qu’il faut réprimer avec vigueur, c’est, de leur part, une conduite qui choque la collectivité.

[90] De plus, comme l'écrit le juge Cory dans R. c. Cook, les policiers peuvent et doivent parfois mentir dans le cadre d'une enquête criminelle:

Au cours d’une enquête, les policiers doivent parfois mentir. Dans bien des situations, cela peut non seulement être convenable mais également nécessaire et c’est de toute évidence tout à fait acceptable. Toutefois, il est fondamentalement inéquitable et dérogatoire aux droits garantis par la Charte de mentir à des individus ou de les tromper sur leurs droits constitutionnels. De fait, approuver une telle conduite déconsidérerait l’administration de la justice.

[91] Lorsque la conduite d'une enquête fait l'objet d'une contestation, comme en l'espèce, les tribunaux doivent, comme l'énonce la Cour suprême dans l'arrêt Mann:

[M]ettre en balance les droits à la liberté individuelle et au respect à la vie privée d’une part, et l’intérêt de la société à disposer de services efficaces de maintien de l’ordre. Sauf règle de droit à l’effet contraire, les gens sont libres d’agir comme ils l’entendent. En revanche, les policiers (et, d’une manière plus générale, l’État) ne peuvent agir que dans la mesure où le droit les autorise à le faire. La vitalité d’une démocratie ressort de la sagesse manifestée par celle-ci lors des moments critiques où l’action de l’État intersecte et menace d’entraver des libertés individuelles.

Le domaine des enquêtes criminelles est incontestablement celui où ces intérêts entrent le plus fréquemment en collision. Les droits garantis par la Charte n’existent pas dans l’abstrait; ils entrent en jeu pratiquement à toutes les étapes de l’intervention policière

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