R. c. Raymond, 2008 QCCQ 543 (CanLII)
[16] En matière de production de cannabis, les tribunaux, notamment la Cour d'appel du Québec, devant la prolifération de ce genre d'offenses font montre d'une plus grande sévérité dans l'imposition de peine en matière de production de cannabis.
[17] Bien sûr, il faut distinguer les productions de type artisanal qui ne profitent qu'à leur producteur, de celles qui sont destinées à alimenter le milieu de la drogue. À cette fin, il faut analyser, entre autres: le type de production, l'équipement, l'organisation, l'amplitude de la production, le nombre de plants, les récoltes obtenues, l'implication et la motivation de la personne impliquée dans la production.
[18] La Cour d'appel du Québec dans les arrêts R. c. Valence et R. c. Valiquette a émis certains principes concernant les offenses de production de cannabis; le juge Biron dans l'arrêt R. c. Valiquette mentionne:
« […] les ravages causés par la drogue, et davantage chez les jeunes, sont de connaissance judiciaire. Dans l'arrêt Valence, notre Cour a clairement indiqué qu'il faut donner du poids à l'élément dissuasion, tant à l'égard des gens vivant dans la localité régionale où ont été commises les infractions qu'à l'égard de la société en général, avant d'ajouter les propos suivants auxquels j'adhère entièrement :
Les crimes de cette nature sont en progression constante et produisent des conséquences qui visent de plus en plus les jeunes dans notre société. Non seulement plusieurs jeunes sont-ils de la sorte invités à consommer de la drogue mais cette consommation en amène certains à commettre d'autres crimes et à varier le type de drogue qu'ils consomment. »
[19] Dans l'arrêt Valence, la Cour d'appel a modifié une peine de 2 ans moins 1 jour à être purgée dans la collectivité par une peine de 18 mois à être purgée en milieu carcéral; la Cour d'appel a imposé cette peine malgré les facteurs suivants:
- Les accusés avaient plaidé coupable à la première occasion;
- Il y avait absence d'antécédent judiciaire;
- Les rapports présentenciels étaient favorables;
- Les risques de récidive étaient minimes;
- Les accusés avaient un emploi et une situation familiale stable.
Par ailleurs, la Cour d'appel a considéré:
- L'amplitude de l'organisation et son degré de planification;
- La grande quantité de plants à maturité;
- Le but de lucre poursuivi;
- Les sommes susceptibles d'être encaissées par les accusés si l'entreprise n'avait pas été démantelée;
- Le nombre de personnes impliquées;
- Le rôle directeur qu'ils y jouaient.
[20] Dans l'arrêt Valiquette, la Cour d'appel, pour un jeune homme de 26 ans, sans antécédent judiciaire, qui était impliqué dans deux productions de 440 plants et de 754 plants, a maintenu une peine de 1 an d'emprisonnement en milieu carcéral même si le jeune homme était aux études, que le rapport présentenciel était favorable et que les risques de récidive étaient faibles; la Cour d'appel a souligné particulièrement le but poursuivi de l'accusé soit l'appât du gain.
[21] La Cour d'appel du Québec dans l'arrêt Valiquette rappelle que le juge d'instance peut tenir compte de la situation locale et de la recrudescence de ce genre de crime dans une région donnée, comme c'est le cas notamment dans le district judiciaire de Terrebonne.
[22] Le juge Biron de la Cour d'appel du Québec en maintenant cette peine d'un an d'emprisonnement dans l'arrêt Valiquette mentionne que: "[…] le fait de modifier la peine d'emprisonnement de façon à ce qu'elle soit purgée dans la collectivité ne livrerait pas le bon message et serait contre-indiqué".
[23] La Cour d'appel du Québec a continué d'appliquer ces principes dans d'autres décisions où l'on a privilégié les critères d'exemplarité et de dissuasion tant individuelle que générale.
[24] Dans l'arrêt R. c. Sivret, rendu le 13 septembre 2004, la Cour d'appel du Québec, en rappelant l'enseignement constant de la Cour d'appel en pareilles matières, a cassé une peine d'emprisonnement de 15 mois avec sursis pour y substituer une peine de 6 mois en milieu carcéral pour un accusé sans antécédent judiciaire qui avait produit 500 plants de cannabis.
[25] Dans l'arrêt R. c. Ménard, rendu le 7 mars 2005, la Cour d'appel du Québec en considérant les arrêts de principe de R. c. Valence et R. c. Valiquette, a maintenu une peine de 6 mois d'emprisonnement suivie d'une ordonnance de probation de 2 ans pour un individu de 43 ans, ayant produit 84 plants de cannabis, possédant comme seul antécédent judiciaire une condamnation pour facultés affaiblies et ce, malgré un rapport présentenciel favorable; c'est l'appât du gain qui avait incité l'accusé à s'adonner à la production de cannabis; il y avait eu également vol d'électricité dans ce dossier.
[26] Récemment, la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt R. c. Parenteau, rendu le 11 juin 2007, a confirmé une peine de 18 mois d'emprisonnement pour des chefs de production de cannabis même si l'accusé n'avait pas d'antécédent judiciaire en mentionnant qu'"en matière de production et de trafic de stupéfiants, tant la dissuasion générale que la dissuasion spécifique sont nécessaires".
[27] Le 2 novembre 2007, la Cour d'appel a maintenu une décision émanant du district judiciaire de Terrebonne où une mère de famille de 3 enfants s'est vue imposer une peine de 12 mois d'emprisonnement; l'accusée s'occupait d'une production de 444 plants dans une maison utilisée quasi exclusivement à la culture de cannabis; la Cour d'appel rappelle que le juge d'instance n'avait pas accordé un poids excessif à l'objectif de dissuasion générale de même qu'à l'objectif de dénonciation.
[28] Bien sûr, il ne faut pas oublier que chaque peine doit être individualisée en regard des circonstances propres à l'espèce et au degré de responsabilité du délinquant; ce qui a d'ailleurs mené la Cour d'appel du Québec à confirmer une peine d'emprisonnement avec sursis pour un individu accusé de production de cannabis où le juge d'instance avait qualifié le dossier dont il était saisi de "cas exceptionnel"; dans ce dossier, l'accusé, toxicomane, a suivi deux thérapies, la seconde ayant été couronnée de succès; toutefois, la Cour d'appel mentionne, tout en confirmant la peine intervenue, "certes le juge de première instance aurait pu infliger une peine d'emprisonnement ferme".
[29] Donc, les objectifs de dissuasion générale et de dénonciation sont des facteurs prééminents pour ce genre d'offenses; ces objectifs devraient, de l'avis du Tribunal, trouver application dans les présents dossiers.
[33] La drogue, comme la Cour d'appel du Québec l'a mentionnée, constitue un fléau social particulièrement chez les jeunes; une peine d'emprisonnement s'impose dans les présents dossiers et l'emprisonnement avec sursis doit être écarté; et, pour reprendre les propos du juge Biron déjà cités dans l'arrêt R. c. Valiquette: "le fait de modifier la peine d'emprisonnement de façon à ce qu'elle soit purgée dans la collectivité ne livrerait pas le bon message et serait contre-indiqué"
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