vendredi 25 décembre 2009

Possession selon l'article 4(3) du Code criminel (dans le cadre plus spécifique de l'infraction de possession de pornographie juvénile)

R. c. Therrien , 2008 QCCQ 9175 (CanLII)

[86] Ayant statué que l'accusé était le propriétaire de l'appareil cellulaire, est-ce que cela implique, nécessairement, qu'il doit être trouvé coupable de possession de pornographie juvénile? Au paragraphe 4 (3) du Code criminel, le terme "possession" est défini comme suit:

4(3) Pour l'application de la présente loi:

a) une personne est en possession d'une chose lorsqu'elle l'a en sa possession personnelle ou que, sciemment:

(i) ou bien elle l'a en sa possession ou garde réelle d'une autre personne,

(ii) ou bien elle l'a en un lieu qui lui appartient ou non ou qu'elle occupe ou

non, pour son propre usage ou avantage ou celui d'une autre personne.

[87] La référence en matière de toutes questions relatives à la possession est la cause de la Cour suprême de R. c. Beaver,1957 CanLII 14 (S.C.C.), [1957] R.C.S 531. Dans cette affaire, l'accusé et son frère furent arrêtés pour possession et pour vente illégale d'un narcotique à un agent double. Puisque l'objet illégal fut vendu par le frère de l'accusé, la poursuite contre ce dernier fut basée sur le concept de la complicité. En défense, l'accusé a plaidé qu'il ignorait la nature réelle de la substance vendue à l'agent double; en effet, il pensait que le paquet contenait du lait et du sucre. Sous la plume du juge Cartwright pour la majorité, la Cour a établi que la connaissance de l'existence et du caractère d'un objet, jumelée au fait d'avoir un certain contrôle sur celui-ci, est nécessaire pour établir la possession de cet objet. En somme, dans une cause où on reproche à un accusé une possession illégale, il incombe à la Poursuite de prouver hors de tout doute raisonnable que celui-ci avait un contrôle et une connaissance de l'objet illicite.

[88] Les mêmes éléments de contrôle et de connaissance doivent être présents pour qu'un accusé soit trouvé coupable de possession de pornographie juvénile. Dans la cause de R. c. Tripp, [2007] N.B.J No.336, il s'agissait de photos de pornographie juvénile sauvegardées dans le disque dur d'un ordinateur. Au paragraphe 14 de ce jugement, le juge P.W. Arsenault écrit ceci:

«Comme le révèle la définition du terme "possession", et comme l'a indiqué le juge Reinhardt dans l'affaire R. c. Panko, [2006] O.J. No. 2208, au paragraphe 69, pour prouver la possession au sens du droit criminel les éléments suivants doivent exister:

a) la connaissance de la nature de matériel;

b) un certain contrôle sur le matériel.»

[89] Est-ce que la preuve circonstancielle dans notre cause prouve hors de tout doute raisonnable que l'accusé était en possession de pornographie juvénile le 22 octobre ? Plus particulièrement, est-ce que la preuve est concluante sur les éléments constitutifs du principe de possession au sens du Code criminel?

[90] À l'appui de ses prétentions que l'accusé n'avait pas la possession dans le sens du Code criminel, la Défense s'est appuyée sur les arrêts de R. c Tripp, supra, R. c. Treissera, [2006] B.C.J. No 1593, et R. c. Panko, supra. Dans ces trois arrêts, les accusés furent accusés de possession de pornographie juvénile par rapport à des images trouvées dans le disque dur de leur ordinateur. Les accusés dans chacune de ces causes furent acquittés, car la preuve circonstancielle n'était pas compatible uniquement avec une conclusion de culpabilité. Plus particulièrement, dans lesdites affaires il y avait une preuve substantielle pour appuyer la position que l'accusé n'avait pas la connaissance des fichiers inappropriés conservés dans son ordinateur.

[91] Dans Treissera, supra, le juge D.M. Smith de la Cour supérieure de la Colombie-Britannique a noté plusieurs facteurs pour appuyer que la preuve ne concluait pas hors de tout doute raisonnable la connaissance du matériel pornographique. Pour n'en nommer que deux, il y avait une preuve que d'autres personnes avaient accès au disque dur de l'ordinateur et il y avait une preuve que les fichiers auraient pu être téléchargés à l'insu de l'accusé. À la fin de son jugement, le juge Smith résume la teneur de la preuve circonstancielle de la façon suivante:

"In short, the proven facts and circumstances do not rationally support a finding that the only reasonable inference to be drawn from the evidence is that of Mr. Treissera's guilt. Other reasonable inferences from the proven facts and circumstances raise a reasonable doubt that Mr. Treissera was the individual who was in possession of the prohibited material."

[92] Dans la cause de Tripp, supra, le juge Arsenault a noté les éléments de preuve pour appuyer la position de la défense à l'effet que la preuve circonstancielle ne concluait pas hors de tout doute raisonnable que l'accusé connaissait la nature du matériel prohibé:

«Le caractère raisonnable de l'inférence qu'on me demande de tirer, soit celle voulant que M. Tripp était nécessairement au courant de la présence des fichiers en question et qu'il avait un contrôle sur ces derniers, doit également être évalué à la lumière des autres éléments de preuve, comme le fait que n'importe qui pouvait facilement avoir accès aux fichiers, l'absence d'éléments de preuve relativement à la présence ou à l'absence de mots de passe pour accéder aux fichiers, l'absence d'éléments de preuve quant à l'existence de comptes de courrier électronique, ce qui aurait pu révéler qui utilisait probablement cet ordinateur, le fait que Julie Champman aurait aussi eu un accès égal à cet ordinateur, l'absence d'éléments de preuve directe démontrant que l'accusé avait déjà utilisé cet ordinateur. Ces circonstances militent toutes contre l'hypothèse voulant que la seule inférence raisonnable qui puisse être tirée de la preuve soit que l'accusé avait connaissance des images incriminées et avait un contrôle sur celles-ci. (para. 22)»

[93] Dans Panko, supra, on se retrouve également devant une situation de faits où la preuve circonstancielle s'apprêtait à une solution autre que la culpabilité. Essentiellement, on a fait valoir que le matériel prohibé aurait pu être téléchargé à distance par une tierce personne à l'insu de l'accusé. Tel que l'explique le juge Reinhardt au paragraphe 106 de sa décision:

"According to the evidence of the Crown witness, the technology of computers and the internet lead directly to another, innocent explanation, namely, the remote access to the computer, by others, not detectable or known to the computer user, in this case, Mr. Panko."

[94] En somme, dans les arrêts cités par la Défense, la preuve circonstancielle ne conduisait pas l'esprit logique uniquement à la seule et unique conclusion de culpabilité. En effet, la preuve, considérée dans son ensemble, était compatible avec une autre solution logique. Dans la présente cause, est-ce que la preuve circonstancielle s'apprête à une solution logique autre que la culpabilité hors de tout doute raisonnable de l'accusé?

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