dimanche 17 janvier 2010

Analyse de l'absolution par la Cour d'appel - accusé a plaidé coupable à des chefs d’agression sexuelle et de bris de condition

Corbeil-Richard c. R., 2009 QCCA 1201 (CanLII)

[8] Le 6 février 2008, l'appelant plaide coupable à deux chefs d’accusation, soit d’avoir agressé sexuellement X, une jeune fille âgée de moins de 14 ans, (271(1)a) C.cr.) et d’avoir omis de se conformer à une des conditions contenues dans une promesse remise à un agent de la paix, soit s’abstenir de communiquer avec X (145(5.1)a) C.cr.)

[32] Avant de répondre aux questions soulevées par l’appelant, je crois qu’il est utile de rappeler les critères prévus par le législateur afin que l’accusé obtienne l’absolution. De plus, je tiens à rappeler les enseignements de la Cour suprême concernant la norme d’intervention que doit appliquer une cour d’appel lors des pourvois concernant la détermination de la peine.

1) L’absolution

[33] L’absolution, conditionnelle ou inconditionnelle, est une peine prévue à l’article 730 du Code criminel dont j'ai déjà cité le paragraphe 1.

[34] Afin que l’accusé puisse obtenir l’absolution, l’accusé doit tout d’abord être reconnu coupable d’une infraction pour laquelle le législateur n’a pas prévu une peine minimale et qui n’est pas punissable d’une incarcération de 14 ans ou à perpétuité.

[35] Ensuite, pour que l’accusé obtienne l’absolution, deux autres conditions doivent être remplies. Tout d’abord, il faut que ce soit dans l’intérêt véritable de l’accusé. Une décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique résume l’état du droit à ce sujet :

(3) Of the two conditions precedent to the exercise of the jurisdiction, the first is that the Court must consider that it is in the best interests of the accused that he should be discharged either absolutely or upon condition. If it is not in the best interests of the accused that, of course, is the end of the matter. If it is decided that it is in the interest of the accused, then that bring the next consideration into operation.

[…]

(5) Generally, the first condition would presuppose that the accused is a person of good character, without previous conviction, that it is not necessary to enter a conviction against him in order to deter him from future offences or to rehabilitate him, that the entry of conviction against him may have significant adverse repercussions.

[36] Ensuite l’absence de condamnation qui résulte de l’imposition de l’absolution ne doit pas nuire à l’intérêt public. Cela « ne signifie pourtant pas que l’absolution doit être elle-même dans l’intérêt public ».

[37] Clayton C. Ruby et ses collègues s’expriment de la façon suivante concernant la notion d’intérêt public :

The Court must consider whether or not a discharge would be contrary to the public interest, and it is not sufficient to ask whether a discharge would be in the best interests of the community.

[…]

The need for deterrence of other individuals is no doubt a factor which the court can take into account.

[…]

It will be more difficult to get a discharge where the offence is a break of trust because in breach of trust cases, denunciation and deterrence are paramount considerations.

[38] Le juge Béliveau dans l’affaire Rozon déclare ce qui suit au sujet de la notion d’intérêt public :

Quant à la notion d’intérêt public, elle doit prendre en cause l’objectif de la dissuasion générale, la gravité de l’infraction, son incidence dans la communauté, l’attitude du public à son égard et la confiance de ce dernier dans le système judiciaire.

2) La norme d’intervention de la Cour d’appel

[39] Je tiens à rappeler les enseignements de la Cour suprême à l’égard de la norme d’intervention de la Cour d’appel lors d’un appel à propos de la détermination de la peine.

[40] Tout d’abord, sous la plume du juge LeBel, la Cour suprême souligne qu'une cour d’appel doit faire preuve de retenue dans les cas de pourvoi concernant la détermination la peine. Le juge LeBel s’exprime de la façon suivante :

La nature profondément contextuelle du processus de détermination de la peine, qui laisse une large discrétion au juge du fait, justifie une norme de contrôle fondée sur une exigence de retenue de la part des juridictions d’appel. En effet, le juge infligeant la peine « sert en première ligne de notre système de justice pénale » et possède des qualifications uniques sur les plans de l’expérience et de l’appréciation des commentaires formulés par le ministère public et le contrevenant (M. (C.A.), par. 91). En somme, en l’espèce, la Cour d’appel était tenue de conserver une attitude de respect à l’égard de la sentence prononcée par la première juge, et ce pour des raisons fonctionnelles, la juge du fait restant la mieux placée pour évaluer la peine que méritait L.M.

[41] Ensuite, la Cour suprême rappelle que la cour d’appel ne doit intervenir que si elle considère que la peine n’est pas justifiée ou nettement déraisonnable. Comme l’exprime clairement le juge LeBel, « une Cour d’appel ne peut modifier une peine pour la seule raison qu’elle aurait prononcé une sentence différente»

[54] Voici ce qu'énoncent les auteurs Béliveau et Vauclair quant aux circonstances pouvant donner lieu à une telle absolution :

2175. En principe, l'intérêt de l'accusé présuppose que ce dernier est une personne de bon caractère, qui n'a généralement pas d'antécédents judiciaires et qui ne présente pas de problème en matière de dissuasion spécifique et de réhabilitation. Ainsi, la présence d'une autre absolution au dossier, même pour une infraction commise postérieurement, devra être prise en considération sous l'angle du caractère de l'accusé et mènera généralement au refus d'une deuxième absolution. Cela étant, la Cour d'appel du Québec, dans l'arrêt Chevalier, a précisé que l'existence d'antécédents judiciaires n'exclut pas le recours à l'absolution dans la mesure où le Code ne prévoit pas le contraire.

2176. Quant à l'intérêt public, il s'évalue, entre autres, par la gravité de la conduite et son incidence dans la collectivité, par le besoin de dissuasion générale et, enfin, par l'importance de maintenir la confiance du public dans l'administration de la justice. À cet égard, le fait que l'accusé ait tenté de tromper la cour lors de son témoignage milite contre l'octroi de l'absolution. Le juge doit aussi tenir compte du fait qu'il n'est pas dans l'intérêt public que l'accusé perde son emploi et ne puisse assurer sa subsistance et celle de sa famille.

2177. Généralement, une telle ordonnance est prononcée lorsque les circonstances de l'infraction présentent peu de gravité alors que les conséquences d'une condamnation pourraient s'avérer très sérieuses; il n'y a toutefois pas lieu d'interpréter la disposition de manière restrictive ou exceptionnelle, le seul test étant l'équilibre entre les intérêts de la société et ceux de l'accusé. Il y a notamment déséquilibre entre ces intérêts lorsque la loi prévoit qu'en cas de condamnation criminelle, un individu devient inhabile à exercer un métier ou une profession

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