dimanche 3 janvier 2010

Les règles régissant la rétractation de jugement en matières pénales

Blanchette c. Sherbrooke (Ville de), 2008 QCCS 156 (CanLII)

[36] C'est aux articles 250 et 253 C.p.p. que sont édictées les principales règles applicables en l'espèce :

[37] En 1994, la Cour d'appel prononçait l'arrêt Hébert, qui constitue l'arrêt de principe concernant la rétractation de jugement en matière pénale québécoise.

[38] Rédacteur de l'opinion unanime, le juge Gendreau exposait que le juge saisi d'une demande de rétractation de jugement doit procéder en deux temps :

• l'examen du rescindant, soit une explication de l'omission de se défendre avant que jugement soit prononcé;

• l'examen du rescisoire, soit un motif de contester le bien-fondé du jugement rendu (paragraphes 9, 10 et 11).

[39] Tout d'abord, quant au rescindant, le juge Gendreau expliquait la norme applicable :

(L)e requérant doit soulever ses moyens de rétractation par écrit et ils doivent être suffisants pour convaincre le juge qu'ils sont sérieux (art. 250 et 253 C.p.p.). Il lui appartient donc de démontrer, suivant la balance des probabilités, qu'il s'est trouvé dans une situation telle qu'il n'a pas eu la possibilité de se faire entendre, soit parce qu'il n'a pas été régulièrement assigné et donc n'a pas su qu'il était l'objet d'une interpellation judiciaire, soit parce que, bien que dûment appelé, il a été empêché de se défendre. Le premier cas réfère à l'absence d'une signification légale, tandis que le second se rapporte à la conduite et l'attitude de l'inculpé après qu'il ait légalement su qu'il devait répondre à une assignation en justice (paragraphe 10).

[40] Le juge Gendreau ajoutait, quant au fardeau de la preuve :

(I)l appartient au requérant de démontrer qu'il n'a pas été régulièrement assigné et, s'il l'a été, les motifs qui justifient qu'il n'y ait pas répondu en temps utile. Cette explication n'a pas, à mon avis, à établir une impossibilité physique de comparaître, mais doit néanmoins être convaincante et sérieuse. Il faut que le requérant établisse que, bien qu'il ait apporté à répondre à cette signification la diligence que la personne raisonnable met à traiter d'une affaire importante, un contretemps ou quelque autre circonstance l'ont empêché de se défendre en temps opportun (paragraphe 10).

[41] Le juge Gendreau commentait enfin le rôle du juge saisi de la demande de rétractation :

C'est donc à partir de faits allégués et prouvés que le juge dégagera sa conclusion de l'occurrence de motifs suffisamment sérieux pour rétracter un jugement rendu légalement, du moins prima facie. Cette qualification est donc fonction des preuves reçues. Dès lors, il serait à tout le moins périlleux de tenter de dégager ou définir des facteurs d'application du critère, chaque cas offrant sa spécificité propre (paragraphe 10).

[42] En 1996, dans R. c. Hudon, la Cour supérieure s'appuyait sur l'arrêt Hébert pour préciser que « le requérant doit établir qu'il a été diligent dans l'exercice de ses droits et que malgré ce fait, il a été empêché de se défendre. Ainsi, la diligence doit s'analyser en fonction des circonstances factuelles que l'on retrouve au dossier de façon globale » (paragraphes 10 et 11).

[43] Appliquées au cas d'espèce, ces normes statutaires et jurisprudentielles imposaient à Jacques Blanchette, au stade du rescindant, le fardeau d'invoquer par écrit puis de prouver, une explication convaincante et sérieuse de son empêchement de se présenter à son procès, malgré diligence équivalant à celle d'une personne raisonnable met à traiter d'une affaire importante. Pour sa part, le juge Houle devait vérifier cette explication à partir des faits allégués et prouvés. Le juge Houle pouvait tenir compte, qu'en l'espèce, cette personne raisonnable est un avocat plaideur.

[44] Le juge Gendreau a aussi, dans l'arrêt Hébert, commenté la règle de l'article 253 C.p.p. quant au rescisoire. Il écrivait :

(J)e ne crois pas que l'article 253 C.p.p. exige du requérant qu'il démontre des motifs d'erreur au jugement qui l'a condamné, comme un appelant doit le faire, non plus qu'il lui permette de demeurer totalement silencieux, comme un accusé le peut.

[…]

(L)e requérant en matière pénale ne doit pas être forcé à dévoiler sa preuve et peut s'en tenir à fournir la seule nature de sa contestation pourvu qu'elle soit suffisamment explicite pour que le juge puisse y voir une justification à la tenue d'un débat contradictoire sur l'accusation portée initialement (paragraphe 14).

[45] Dans le jugement Montréal (Ville de) c. Napolitano, la Cour supérieure précisait qu'il est insuffisant d'énoncer simplement que l'on a une bonne et valable défense à l'encontre de la dénonciation.

[46] Puis en 1997, dans Sawyer c. Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec, le Tribunal du travail rappelait que le requérant doit dévoiler la nature de sa contestation, le sens de sa défense, mais sans être tenu de dévoiler sa preuve à l'avance. Une fois ce critère satisfait, le juge n'a pas à évaluer les chances de réussite éventuelle de la défense.

[47] Il découle clairement de l'article 253 C.p.p. et de l'arrêt Hébert (paragraphe 15) que la requête en rétractation n'est accordée que si le requérant réussit le test du rescindant et le test du rescisoire.

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