R. c. Normandin, 2009 QCCQ 1220 (CanLII)
[26] Il y a lieu de noter que le législateur accorde un pouvoir discrétionnaire à la cour d'accorder ou non une requête en restitution de bien saisi revendiqué par une tierce partie. À l'article 19(3), on dit bien que le "tribunal "peut" ordonner que des biens qui seraient autrement saisis en vertu des paragraphes 16 et 17 soient restitués en tout ou en partie à une personne…" L'emploi du verbe "peut" au lieu du verbe "doit" indique clairement que le Tribunal n'a pas le devoir ou l'obligation d'agir, mais une discrétion de rendre ou non l'ordonnance prévue à cet article. À la version anglaise de cet article, le législateur utilise le terme "may" quand il décrit le pouvoir d'un tribunal saisi d'une requête présentée en vertu de l'article 19(3) de la L.r.d.s.
[27] L'interprétation facultative des pouvoirs du tribunal à l'article 19(3) est renforcée par le fait qu'on retrouve ailleurs dans cette même Loi des termes qui connotent clairement un devoir obligatoire au tribunal de rendre une ordonnance. Ainsi, à l'article 16 de cette Loi, le législateur dicte que le tribunal "doit" ordonner la confiscation dans certaines circonstances. Dans le texte anglais de cette disposition, le législateur emploie le terme "shall" et non "may" pour signaler le devoir obligatoire du tribunal. Le fait que le législateur emploie le verbe "shall" au lieu de "may" démontre que c'est volontairement que le verbe "peut" a été employé dans la disposition en cause. Ainsi, le mot "peut", à l'article 19(3), doit être interprété comme donnant un pouvoir discrétionnaire au tribunal d'accorder ou non une requête en restitution.
[28] Évidemment, la discrétion du tribunal doit être exercée judicieusement. Dans l'exercice de sa discrétion, la Cour tiendra compte des faits particuliers de la cause et de l'objet de la Loi.
[29] Dans la cause de Scotia Mortgage Corp. V. Leung, le juge en chef Brenner de British Columbia Supreme Court, décrit l'objectif législatif de l'article 16 de la L.r.d.s. ainsi:
Section 16 of the CDSA sets out the provisions dealing with the forfeiture of offence-related property. It was submitted by the Attorney General on this application and I agree that the overall intent of the forfeiture scheme is "to ensure that offence-related property is not returned to the offender and the interest of innocent third parties and persons with valid interests in the property are protected."
It is clear that the forfeiture scheme ender the CDSA serves three purposes. First, forfeiture punishes the offender by taking away the property that was used in the commission of the designated substance offence. Second, forfeiture is a deterrent in the sense that it "raises the stakes" by imposing a "very real cost" to those who either use, or permit thier propery to be used, in the commission of a designated substance offence. Third, forfeiture unsures that the propery is no longer available for continued use in criminal activities.
[30] Dans la cause de R. c. Gisby, la Cour d'Appel de l'Alberta a émis les commentaires suivants quant au but visé par le régime de confiscation de bien infractionnel:
The forfeiture provisions serve another purpose. In addition to punishment and deterrence, they help prevent or at least reduce the likelihood of future offences by removing from the illicit drug industry property which, by virtue of the definition found at s. 2(1), is being used to facilitate the commission of a designated substance offence. Provided that all requisite conditions are met, property that has been used to facilitate such offences will be forfeited and thus cannot be used to facilitate such offences will be forfeited and thus cannot be used to aid the perpetration of future offences.
[31] En somme, le législateur a décrété un régime de confiscation de bien infractionnel afin d'atteindre les objectifs suivants:
1. Priver l'accusé du bien infractionnel;
2. Rendre plus onéreuse la commission de certains crimes et de ce fait, servir comme facteur de dissuasion général;
3. S'assurer que le bien infractionnel ne sert plus à des activités criminelles.
[32] Dans l'exercice de la discrétion que la Loi lui confère, la Cour doit considérer si la restitution du bien saisi à une tierce personne rencontre les objectifs du législateur, tel que mentionné ci-haut. Ainsi, même si une tierce partie rencontre toutes les conditions énoncées au troisième paragraphe de l'article 19 de la L.r.d.s, la Cour pourra refuser d'exercer sa discrétion si la restitution du bien infractionnel n'atteint pas les objectifs de la Loi. Afin de déterminer si une ordonnance de restitution répond aux objectifs de la Loi, il y a lieu de considérer les faits particuliers de chaque cause et des conséquences pratiques d'une ordonnance de restitution.
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