R. c. Gionet, 2009 NBCP 10 (CanLII)
23. Le moyen de défense fondé sur la contrainte pour un participant à une infraction par l’application de l’article 21(1)(b) du Code criminel est conservé par le paragraphe 8(3) du Code criminel. Il s’agit d’un moyen de défense reconnu en common law au Canada depuis longtemps. Ce moyen de défense doit être différencié de celui retrouvé dans l’article 17 du Code criminel. Dans l’arrêt Paquette c. La Reine 1976 CanLII 24 (C.S.C.), [1977] 2 R.C.S. 189, la Cour suprême du Canada a conclu que l’article 17 du Code criminel ne s’appliquait qu’aux personnes qui sont l’auteur principal d’une infraction et non aux personnes qui sont participants à une infraction par l’application de l’article 21 du Code criminel. Pour cette raison, M. Gionet ne peut pas fonder son moyen de défense sur l’article 17 - il n’était pas l’auteur principal du vol : voir R. c. Hibbert 1995 CanLII 110 (C.S.C.), [1995] 2 R.C.S. 973.
24. Le moyen de défense de common law fondé sur la contrainte fournit une « excuse » et protège absolument contre une déclaration de culpabilité à l’infraction. Une excuse reconnaît que l’acte en question était répréhensible mais empêche à son auteur l’imputation de criminalité ou de responsabilité criminelle. La notion de caractère involontaire au sens moral empêche l’attribution d’une responsabilité délictuelle en raison du fait que l’auteur du délit, qui reconnaît sa participation à l’infraction, est nonobstant excusé pour sa criminalité en raison des circonstances extrêmes dans lesquelles il a agi. Un individu ne devrait pas être reconnu criminellement responsable pour des gestes s’il réagissait à une menace de préjudice imminent. Si l’on élimine le choix viable ou raisonnable, l’auteur d’un délit agit de façon inévitable. Il n’avait pas, selon lui, aucun choix que de commettre l’infraction en question. La contrainte fournit également une excuse aux personnes qui aident quelqu’un à commettre une infraction par suite de menaces de violence grave : voir R. c. Hibbert (supra) au paragraphe 38.
25. Le moyen de défense fondé sur la contrainte entre en jeu « dans des circonstances où une personne est exposée à un danger extérieur et qui, pour éviter le danger qui la menace, accomplit un acte qui serait par ailleurs criminel » : R. c. Hibbert (supra) au paragraphe 50. La jurisprudence renseigne que les éléments constitutifs du moyen de défense de contrainte fondé sur la common law sont les suivants :
1) Que l’accusé a agi uniquement en résultat des menaces de mort ou de lésions corporelles graves. Les menaces doivent viser l’intégrité de la personne. Il doit exister un lien temporel étroit entre les menaces et le préjudice que l’on menace de causer;
2) Que les menaces étaient de telle nature à porter l’accusé à croire qu’elles pourraient être mises en œuvre. Les menaces devaient être des menaces réelles qui ont influencé l’accusé au moment où il a commis l’infraction. Les menaces peuvent être de nature explicite ou implicite - voir R. v. Mena 1987 CanLII 2868 (ON C.A.), (1987) 34 C.C.C. (3d) 304 (C.A. Ont) à la page 322 :
« Mere fear does not constitute duress in the absence of a threat, either express or implied. Where an implied threat is relied upon to constitute duress either under s. 17 or under the common law, the threshold question is whether the acts, conduct or words of the person alleged to have made the threat could reasonably be construed as a threat of the required kind.” . . .
3) Que les menaces devaient être si graves ou sérieuses qu’elles auraient l’effet de causer chez la personne raisonnable qui se situe dans la même situation que l’accusé à agir de la même façon. Il s’agit donc d’appliquer une norme à la fois subjective et objective dans l’appréciation de la gravité des menaces. Il existe une exigence de proportionnalité entre les menaces proférées et l’acte criminel à accomplir. Selon R. c. Ruzic, 2001 CSC 24 (CanLII), [2001] 1 R.C.S. 687 au paragraphe 62 :
« . . . un accusé soumis à une contrainte ne possède pas seulement des droits, mais encourt également des obligations envers autrui et la société. L’accusé assume, envers les autres êtres humains, l’obligation fondamentale d’adapter sa conduite en fonction de la gravité et de la nature des menaces proférées. »
4) Que l’accusé n’avait pas de moyen de s’en sortir sans danger. Encore une fois, la norme subjective et objective entre en jeu pour déterminer la viabilité d’un moyen de s’en sortir sans danger. Il faut préciser que la loi n’oblige aucunement que l’accusé demande la protection de la police dans tous les cas. L’exigence d’objectivité doit tenir compte de la situation particulière dans laquelle se trouvait l’accusé et de la façon dont il percevait la situation dont il faisait face : voir R. c. Ruzic (supra) au paragraphe 98.
26. En ce qui concerne les troisième et quatrième volets des éléments constitutifs, l’application de la norme objective et subjective exige que le tribunal examine objectivement, du point de vue de la personne raisonnable, les éléments de preuve qui soutiennent la gravité de la menace ainsi que l’existence d’un moyen de s’en sortir sans danger, mais le tribunal doit prendre en considération :
« . . . la situation particulière dans laquelle se trouvait le prévenu et la capacité de celui-ci de discerner une solution autre que celle de commettre un crime, compte tenu de ses antécédents et de ses caractéristiques essentielles. Le processus comporte une appréciation pragmatique de la situation de l’accusé, tempérée par la nécessité d’éviter d’écarter la responsabilité criminelle sur la foi d’une excuse purement subjective et invérifiable. » (Voir R. c. Ruzic, (supra) au paragraphe 61.)
Cet arrêt reconnaît aussi qu’il existe chez l’accusé la responsabilité de démontrer un certain courage et d’opposer une résistance normale aux menaces proférées. (Voir le paragraphe 62.)
27. C’est à l’accusé d’invoquer le moyen de défense. Il doit présenter des preuves à ce sujet. Il n’est pas cependant obligé de témoigner, mais peut avancer le moyen de défense par d’autres preuves admissibles. Une fois que l’accusé a présenté suffisamment de preuve pour invoquer le moyen de défense en question, il incombe au ministère public d’établir hors de tout doute raisonnable que l’accusé n’a pas agi sous l’effet de la contrainte. (Voir R. c. Ruzic (supra) au paragraphe 100.)
28. Nonobstant que l’excuse fondée sur la contrainte exonère l’accusé de toute responsabilité personnelle en mettant l’accent non pas sur l’acte répréhensible mais plutôt sur les circonstances du délit ainsi que la capacité personnelle de l’accusé de l’éviter, il faut toujours prendre en ligne de compte que ce moyen de défense est considéré comme une concession à la faiblesse humaine. Comme le précise le juge LeBel au paragraphe 40 de l’arrêt Ruzic : « La loi est conçue pour s’appliquer aux personnes ordinaires et non à une collectivité de saints ou de héros ».
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