samedi 13 novembre 2010

Un accusé qui, malgré une peine formelle de moins deux ans, fait l'objet d'une peine brute de plus de deux ans n'a pas à être sous le coup d'une ordonnance de probation

St-Germain c. R., 2007 QCCA 310 (CanLII)

[8] L'article 719.(1) C.cr. dispose que « La peine commence au moment où elle est infligée … » et l'article 719.(3) C.cr. dispose que « Pour fixer la peine … le tribunal peut prendre en compte toute période que la personne a passée sous garde par suite de l'infraction ». Malgré cela, dans R. c. Wust, 2000 CSC 18 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 455, et R. c. Fice, 2005 CSC 32 (CanLII), [2005] 1 R.C.S. 742, la Cour suprême nous enseigne qu'il ne faut pas s'attarder au sens littéral des dispositions en cause, mais qu'il faut voir quelle était l'intention du législateur.

[9] Dans Wust, la Cour suprême a décidé que, pour les fins du calcul d'une peine minimale, la détention provisoire est réputée faire partie de la peine. Ainsi, on ne saurait penser qu'en prévoyant une peine minimale, le législateur aurait voulu que la détention minimale s'ajoute à la détention provisoire.

[10] Dans Fice, la Cour suprême, à la majorité, a déclaré que, pour les fins de l'application de l'article 742.(1) C.cr., la durée de la détention provisoire doit être ajoutée à la peine formelle pour déterminer si la peine en est une de moins de deux ans. Ainsi, selon les juges majoritaires, le législateur n'a pas voulu qu'un accusé qui a commis un crime qui commande une peine d'au moins deux ans puisse se prévaloir de la disposition de l'article 742.(1) C.cr.

[11] Sous l'éclairage de ces deux arrêts on peut, par analogie, prétendre qu'un accusé qui, malgré une peine formelle de moins deux ans, fait l'objet d'une peine brute de plus de deux ans n'a pas à être sous le coup d'une ordonnance de probation.

[12] On peut également prétendre qu'il serait illogique qu'un accusé qui n'aurait pas été détenu provisoirement et qui serait condamné à plus de deux ans de détention n'ait pas à faire l'objet d'une ordonnance de probation alors que, s'il avait été détenu provisoirement durant deux jours et par la suite condamné à deux ans moins un jour d'incarcération, il pourrait faire l'objet d'une telle ordonnance.

[13] À l'appui de la proposition de l'accusé nous avons également l'arrêt de la Cour dans l'affaire Mathieu c. R., [2006] QCCA 1015.

[14] Néanmoins, me fondant sur les articles 719.(1) et 719.(3) je suis humblement d'avis que le premier juge pouvait rendre l'ordonnance de probation.

[15] Il faut dire que dans l'affaire Fice la Cour suprême, à la majorité, a bien souligné le fait que sa conclusion aurait peut‑être été différente dans un cas comme celui qui nous concerne. Pour sa part, le juge Fish, avec l'accord du juge Deschamps, suggère que dans un cas comme en l'espèce une ordonnance de probation est possible.

[16] Il faut aussi dire que dans l'affaire Mathieu, la Cour a tenu pour acquis que l'arrêt Fice règle la question.

[17] Si une ordonnance de probation peut porter atteinte à la liberté de l'accusé, c'est surtout un moyen de mettre l'accusé à l'épreuve et un moyen de protéger la société.

[18] Le législateur présume que, si un accusé séjourne dans un pénitencier et reçoit les services dont il a besoin, il est inutile d'ajouter à sa mise à l'épreuve une fois qu'il est libéré du pénitencier.

[19] Enfin l'ordonnance de probation est un outil utile pour le juge qui, détention provisoire ou pas, croit plus judicieux de condamner l'accusé à une détention de deux ans ou moins avec une certaine période de probation plutôt que de le condamner à être détenu dans un pénitencier. La question de la probation est donc en relation directe avec la détention qui a lieu après le prononcé de la sentence.

[20] Je note que dans les affaires suivantes on est arrivé à la solution que je suggère : R. c. Goeujon, [2006] BCCA 261, R. c. Fazekas, [2001] O.J. no 4128 (C.A.), R. c. Duczminski, [2003] M.J. no 223 et R. c. Robinson, [1997] B.C.J. no 2829 (C.A.).

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