R. c. Perron, 2010 QCCQ 8245 (CanLII)
[33] Depuis les premières décisions rendues en la matière, les tribunaux de toute juridiction insistent sur le principe qui veut que l'existence d'un préjudice soit fondamentale dans l'analyse d'une requête en arrêt des procédures pour cause de délais déraisonnables.
[34] Ce préjudice causé par le délai, et qu'il faut distinguer des inconvénients consécutifs à l'inculpation, peut affecter trois domaines : le droit à la liberté de la personne, le droit à la sécurité de la personne et le droit à l'équité du procès.
[35] Généralement, le préjudice doit être prouvé.
[36] Cependant, le préjudice à la liberté et à la sécurité de la personne peut s'inférer du simple écoulement du temps.
[37] Mais, le préjudice au droit à un procès équitable ne s'infère pas de l'écoulement du temps et doit être prouvé. (R. c. CIP Inc. 1992 1 RCS 843, R. c. Delaronde 1996 RJQ 591 et 1997 1 RCS 213)
[38] En l'espèce, il n'est pas question de préjudice au droit à la liberté ou à la sécurité de la personne.
[39] Le requérant n'a pas été emprisonné de façon importante, n'a pas été soumis à des conditions restrictives de liberté et n'a pas démontré qu'il a vécu d'anxiété ou de vexations associées au délai de l'affaire.
[40] Quant au préjudice au droit à un procès équitable, le Tribunal estime que cet élément doit être analysé par rapport à la nature spécifique des accusations auxquelles le requérant doit faire face.
[41] L'accusation de garde et contrôle d'un véhicule à moteur avec une alcoolémie supérieure à la limite légale se prouve habituellement par le biais des présomptions d'exactitude et d'identité.
[42] En autant que la présomption d'exactitude est concernée, il est extrêmement important, pour que le requérant puisse espérer la réfuter, qu'il soit en mesure de prouver, entre autres éléments, la quantité d'alcool qu'il a consommé dans les heures précédant son arrestation.
[43] Or, en l'espèce, le Tribunal accepte le témoignage du requérant à l'effet que le délai de 30 mois entre son arrestation et le jour du procès, délai dont il n'assume aucune responsabilité et qu'il n'a jamais renoncé à invoquer, a causé un préjudice réel à sa possibilité de se défendre du chef de garde et contrôle d'un véhicule à moteur avec plus de 80 mg d'alcool dans le sang.
[44] Le Tribunal accepte son témoignage à l'effet qu'il ne se souvient plus de l'heure de son arrivée au bar, ni de la quantité d'alcool qu'il a bu et qu'il n'est pas parvenu à identifier la serveuse qui pourrait peut-être témoigner sur la quantité d'alcool qu'elle lui a servie.
[45] L'ami avec qui il était ce soir-là est, lui aussi, incapable de se souvenir des détails de leur consommation d'alcool.
[46] Le Tribunal est d'avis qu'un procès tenu dans ce contexte sur le chef de garde et contrôle avec une alcoolémie illégale serait inéquitable et conclut qu'à cet égard, l'arrêt des procédures s'impose.
[47] Quant au chef de garde et contrôle avec capacité de conduire affaiblie par l'alcool, le témoignage du requérant est à l'effet qu'il se souvient très bien avoir consommé de l'alcool, qu'il était ivre à sa sortie du bar, qu'il a décidé d'appeler un taxi pour retourner chez lui et, dans l'attente de son arrivée, d'avoir trouvé refuge dans sa camionnette pour se protéger du froid, de s'être installé à la place du conducteur et de s'être endormi.
[48] Le requérant se souvient adéquatement des évènements pertinents à cette accusation et il est parfaitement en mesure de se défendre.
[49] En conséquence, le Tribunal conclut que le requérant n'a pas réussi à établir que tenir un procès sous le chef d'accusation de garde et contrôle d'un véhicule à moteur avec capacité de le conduire diminuée par l'effet de l'alcool lui causerait préjudice en autant que son droit à la tenue d'un procès équitable est concerné.
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