R. c. L. (W.-L.), 2000 CanLII 6983 (QC C.Q.)
[5] Le critère applicable pour déterminer si une personne est, face à celle ayant fait une déclaration, en autorité, à la fois objective et subjective. Il faut déterminer si objectivement la personne a un pouvoir d’arrestation, de détention, d’interrogatoire ou d’accusation ou si elle agit à titre de mandataire de police et subjectivement, si elle peut être perçue par la personne ayant fait la déclaration comme ayant un pouvoir sur d’éventuelles poursuites.
[6] La Cour suprême a clairement exprimé ce principe dans les décisions de Rothman c. La Reine et R. c. Hodgson, où le juge Cory s’exprime comme suit :
Au fil des ans, les tribunaux ont établi à quel moment et dans quelles circonstances une personne est réputée être une personne en situation d’autorité pour l’application de la règle des confessions.
…
Ces décisions n’ont pas dérogé à la règle directrice qui définit la personne en situation d’autorité en fonction de la perception qu’a l’accusé du rôle que joue, dans l’enquête ou la poursuite du crime, la personne à laquelle il fait la déclaration; et elles n’ont pas non plus défini la personne en situation d’autorité en fonction uniquement de l’autorité personnelle que cette personne peut exercer sur l’accusé. Dans les cas où les tribunaux ont jugé que la personne qui avait reçu la déclaration était une personne en situation d’autorité, ils ont systématiquement conclu que l’accusé croyait que cette personne était un allié des autorités étatiques et pouvait influencer l’enquête ou les poursuites le visant.
Le facteur important à souligner dans toutes ces affaires est que, hormis les agents de la paix et les gardiens de prison, il n’existe aucune liste de personnes qui sont considérées d’office comme des personnes en situation d’autorité du seul fait de leur qualité. Un parent, un médecin, un enseignant ou un employeur peuvent tous être considérés comme des personnes en situation d’autorité si les circonstances le justifient, mais leur qualité, ou le simple fait qu’ils peuvent exercer une certaine autorité personnelle sur l’accusé, ne suffit pas à faire d’eux des personnes en situation d’autorité pour l’application de la règle des confessions.
[7] Le surveillant d’une école, est, dans la vie quotidienne des étudiants, une personne ayant sur eux une autorité. Cette autorité factuelle découlant du rôle assumé par tous les intervenants d’une école ne doit cependant pas, suivant les règles édictées par la Cour Suprême, amener la conclusion automatique qu’il s’agit, au sens de la common law, d’une personne en autorité aux fins de la règle des confessions. Il faut évaluer la situation en appliquant le critère objectif et subjectif déjà énoncé.
[8] Le surveillant n’a pas, à l’égard de l’adolescent, un pouvoir objectif d’arrestation, de détention, d’interrogatoire ou d’accusation. Le procureur de la défense soutient plutôt qu’il a agi à titre de mandataire du policier en acceptant de donner suite à sa demande. Le Tribunal n’est pas de cet avis compte tenu de l’enseignement de la Cour suprême du Canada dans R. c. M. (M.R.). Dans cette affaire, le plus haut Tribunal du pays avait à déterminer si le directeur adjoint d’une école ayant procédé à une fouille sur la personne d’un étudiant en présence d’un policier agissait en tant que mandataire de ce dernier. Le juge Cory s’exprime comme suit :
(...)
[9] Dans la présente affaire, l’implication du surveillant auprès de l’adolescent a été mineure. Le Tribunal estime que cette implication, qui s’inscrit dans une collaboration nécessaire entre les autorités scolaires et les policiers pour tenter de mettre fin aux infractions relatives aux stupéfiants dans une école, ne fait pas de ce surveillant un mandataire du policier.
[10] Aucun élément de preuve permet de conclure que l’adolescent, dans la présente affaire, pouvait subjectivement croire que le surveillant agissait à titre de personne en autorité selon la définition retenue aux fins de la règle des confessions. Le fait que l’adolescent doive se soumettre à la demande du surveillant de l’école de le suivre ne permet pas pour autant de conclure que subjectivement il croyait (en présumant qu’il était informé du but de la démarche) qu’il avait un certain pouvoir sur d’éventuelles poursuites criminelles.
[11] En conséquence, le Tribunal conclut que le surveillant Audet ne peut, tant à la lumière du critère objectif que subjectif, être considéré comme une personne en autorité. En conséquence, la poursuite ne devait pas nécessairement le faire entendre comme témoin dans le cadre du voir-dire.
[12] Par ailleurs, le Tribunal croit pertinent de préciser que si monsieur Audet avait été considéré comme étant une personne en autorité, cela n’aurait pas pour autant justifié la requête en non-lieu présentée par la défense.
[13] L’auteur de doctrine, le Juge Jean-Guy Boilard, a analysé la conséquence de l’absence au voir-dire d’une personne en autorité. Il conclut que cette absence ne constitue qu’une des circonstances devant être considérées par le juge du procès afin de décider si la poursuite s’est déchargée de son fardeau d’établir, hors de tout doute raisonnable, le caractère libre et volontaire de la confession.
[14] Une requête en non-lieu convient seulement lorsqu’il n’y a aucune preuve sur un élément essentiel et non pas lorsque l’absence d’une personne en autorité au voir-dire est un élément à considérer dans l’ensemble de la preuve pour déterminer l’admissibilité de la déclaration.
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