jeudi 26 mai 2011

Le cas où la preuve par ouï-dire peut être jugée admissible, suivant la méthode d'analyse raisonnée, vu les indices de fiabilité et de nécessité

R. c. Teuritahar Moeino, 2007 QCCS 649 (CanLII)

[10] Pour permettre pareilles verbalisations, qui constituent du ouï-dire, le Tribunal doit être convaincu qu'il est en présence d'un cas où la preuve par ouï-dire, même si elle ne relève pas d'une exception traditionnelle, peut être jugée admissible, suivant la méthode d'analyse raisonnée, compte tenu des indices de fiabilité et de nécessité établis lors d'un voir-dire.

[11] Dans l'arrêt Seaboyer, madame la juge McLachlin réaffirme la règle élargissant les règles de preuve en matière de ouï-dire :

« Dans l'arrêt Ares c. Venner, 1970 CanLII 5 (C.S.C.), [1970] R.C.S. 608, notre Cour a statué que les anciennes catégories de preuve ne sont plus absolues et que la preuve par ouï-dire, qui ne relève pas des exceptions traditionnelles, pouvait être admise une fois établie a) sa nécessité, b) sa fiabilité. Cette attitude a récemment été confirmée par notre Cour dans l'arrêt R. c. Khan, 1990 CanLII 77 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 531. La raison de ce changement est simple. Les juges se sont rendu compte que les règles de preuve restreignaient injustement le droit de produire des éléments de preuve pertinents et utiles et portaient ainsi atteinte à la capacité du Tribunal de découvrir la vérité et de rendre justice. Les tribunaux ont donc élargi la règle pour répondre à leur sens de la justice en permettant au juge convaincu de la fiabilité et de l'exactitude d'une preuve de l'admettre même si elle ne relève pas des exceptions traditionnelles à la règle du ouï-dire. »

[12] Depuis l'arrêt Khelawon, arrêt rendu le 16 décembre 2006, le Tribunal est justifié de considérer la présence des éléments de preuve venant soutenir les déclarations que la poursuite veut mettre en preuve.

[13] Le rôle du juge qui préside un procès par jury est simplement de faire une appréciation préliminaire du « seuil de fiabilité », des déclarations relatées, il doit laisser aux membres du jury, les juges des faits, le soin d'en déterminer la valeur probante.

[14] Le président du Tribunal, conscient que la preuve par ouï-dire est présumée inadmissible, est d'avis que dans la présente affaire, il y a, selon l'expression du juge Lamer dans l'arrêt K.G.B, « des garanties circonstancielles de fiabilité suffisantes » qui sont de nature à rendre les déclarations soumises par la poursuite admissibles, quant au fond, puisque ces déclarations sont à la fois nécessaires et suffisamment fiables.

[15] Comme l'écrivait le juge Lamer dans l'affaire K.G.B., précitée :

« C'est au juge des faits qu'il appartient de se prononcer sur la fiabilité de la déclaration, sur le poids qu'il y a lieu de lui accorder. Ce que vise l'élément fiabilité d'une analyse fondée sur les principes de la règle de l'exclusion du ouï-dire, c'est un seuil de fiabilité, et non la fiabilité absolue ou indiscutable. Il n'appartient pas au juge du droit de soupeser le poids ou la qualité de la fiabilité de la déclaration, ce qui est le rôle du juge des faits. Le juge du droit doit s'assurer en quelque sorte qu'il y a une preuve prima facie de fiabilité et de nécessité qui devra être déterminée par le juge des faits. »

« Le critère de la fiabilité vise un seuil de fiabilité et non une fiabilité absolue. La tâche du juge du procès se limite à déterminer si les déclarations relatées en question renferment suffisamment d'indices de fiabilité pour fournir au juge des faits une base satisfaisante pour examiner la véracité de la déclaration. Plus particulièrement, le juge doit cerner les dangers spécifiques du ouï-dire auquel donne lieu la déclaration et déterminer ensuite si les faits entourant cette déclaration offrent suffisamment de garanties circonstancielles de fiabilité pour contrebalancer ces dangers. Il continue d'appartenir au juge des faits de se prononcer sur la fiabilité absolue de la déclaration et le poids à lui accorder. »

[16] L'arrêt Khelawon, précité, fait la revue de la jurisprudence pertinente sur le sujet depuis les arrêts Khan, précité, et Smith, décisions qui ont établi que la preuve par ouï-dire sera admissible, quant au fond, lorsqu'elle est nécessaire et suffisamment fiable. Cette décision permet au juge du droit de tenir compte, dans l'évaluation du seuil de fiabilité, de la preuve de nature confirmative, ce que prohibait R. c. Starr.

[17] Madame la juge Charron reprend, dans Khelawon, avec approbation, l'opinion du juge Kennedy dans Idaho c. Wright, 497 U.S. 805 (990). Celui-ci affirme :

« [TRADUCTION] Je ne vois rien qui justifie constitutionnellement cette décision de dissocier la preuve corroborante de l'examen de la question de savoir si les déclarations d'un enfant sont fiables. Il va de soi, pour la plupart des gens, que l'un des meilleurs moyens de savoir si quelqu'un est digne de foi consiste à vérifier si ses propos sont corroborés par une autre preuve. Par exemple, dans un cas de violence envers un enfant, si une partie de la déclaration relatée de l'enfant veut que l'assaillant lui ait lié les poignets ou qu'il ait une cicatrice au bas de l'abdomen, qu'une preuve matérielle ou un témoignage corrobore cette déclaration – preuve que l'enfant n'aurait pas pu fabriquer -, nous serons probablement plus enclins à croire que l'enfant a dit la vérité. À l'inverse, on peut penser à la déclaration qu'un enfant fait de manière spontanée ou, par ailleurs, dans des circonstances indiquant qu'elle est fiable, et qui contient aussi des inexactitudes factuelles incontestées si énormes que la crédibilité de ces déclarations s'en trouvent considérablement minée. »

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