mardi 17 avril 2012

Comment gérer le potentiel crédit d'un jour et demi pour chaque jour de détention préventive

R. c. Bérubé, 2012 QCCS 1379 (CanLII)

Lien vers la décision

[48] Avant les amendements entrés en vigueur le 22 février 2010, les tribunaux considéraient, la plupart du temps, une journée de détention provisoire comme valant deux jours de peine.

[49] La défense me demande d'accorder le crédit maximal prévu à 719 (3.1), alors que la poursuite s'y oppose avec vigueur.

[50] Me Kling porte à l'attention du Tribunal l'article 38 de la Loi sur le système correctionnel du Québec, L.R.Q., chapitre S-40.1, qui se lit comme suit :

Par le respect qu'elle témoigne à l'égard du personnel et des autres personnes incarcérées, une personne contrevenante peut mériter une réduction de peine.

Cette réduction de peine est également conditionnelle au fait que la personne se conforme aux règlements et directives de l'établissement de détention, qu'elle respecte les conditions d'une permission de sortir et qu'elle participe aux programmes et aux activités prévus à son projet de réinsertion sociale.

La réduction de peine est calculée à raison d'un jour de réduction de peine pour deux jours d'emprisonnement pendant lesquels la personne se conforme aux conditions prévues au présent article, jusqu'à concurrence du tiers de la peine.

[51] Prenons l'exemple de deux coaccusés d'un même crime, A aurait bénéficié d'une remise en liberté provisoire, alors que B aurait été détenu de façon préventive pendant un an.

[52] Tenant pour acquis qu'ils méritent une peine identique, soit deux années d'emprisonnement, et qu'ils soient condamnés le même jour, A sera condamné à 12 mois, vu sa détention provisoire, et B à 24 mois.

[53] Si les deux condamnés ont une bonne conduite pendant leur incarcération, A purgera 8 mois avant d'être remis en liberté et B 16 mois. A aura purgé une période 20 mois avant de recouvrer sa liberté alors que B n'en aura purgé que 16, même s'ils méritent la même peine.

[54] Pourtant, l'article 718.2 du Code criminel impose l'obligation suivante :

Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants :

[…]

b) l'harmonisation des peines, c'est‑à‑dire l'infliction de peines semblables à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables.

[55] Dans R. c Hason, 2010 ONJ 735, le juge Bourque, de l'Ontario Court of Justice, condamne l'accusé en lui donnant un crédit d'un jour et demi pour chaque jour de détention préventive :

First of all, I am not precluded from considering 1.5 as there is no specific endorsement made by any Justice of the peace in any bail hearing which would preclude me from considering 1.5.

I do take judicial notice of what is more severe conditions in holding facilities, in contrast to the conditions in a provincial reformatory;

I do take judicial notice that in holding facility there are no significant programs available to assist in the rehabilitation of any defendant ; and

I take judicial notice of the fact that parole provisions for this offense do not give credit or the time served before sentence and thus, the statutory remission does not apply to the pretrial custody.

[56] Cette décision a été portée en appel, par la défense, mais il apparaît utile de souligner que la Cour d'appel de l'Ontario n'a fait aucun commentaire sur le dernier motif, se contentant de dire :

However, the sentencing judge also recognized the importance of the principle of totality, finding that it was appropriate to give the appellant credit for his pre-trial custody on an enhanced basis of 1.5 to 1. The sentence was fit and there was no error in principle.

[57] Ce raisonnement, quant à la valeur à accorder à la détention provisoire, a été appliqué dans plusieurs décisions : R. c. Dann, 2011 NSPC 22 (CanLII), 2011 NSPC 22, R. c. Clunies-Ross, 2011 YKTC 80 (CanLII), 2011 YKTC 80, R. c. Vittrekwa, 2011 YKTC 64 (CanLII), 2011 YKTC 64, R. c. Mullins, 2011 SKQ 478, R. c. J., 2011 CPC 0158, R. c. Billard, 2011 NSPC 31 (CanLII), 2011 NSPC 31.

[58] Au surcroît, le ministère public a, à l'origine, accusé monsieur Bérubé dans les districts de Longueuil et de Rimouski alors que tout cela aurait pu se faire dans le même district.

[59] Pendant un an et demi, on l'a transporté de Rimouski à Longueuil en passant par Québec et Trois-Rivières.

[60] À chaque occasion, il a dû interrompre ses activités intra-muros, être reclassé dans un nouveau secteur et subir différents préjudices qu'il a relatés dans son témoignage.

[61] Après le transfert à Rimouski du dossier de Longueuil et l'enregistrement d'un plaidoyer de culpabilité, le Tribunal a dû, à deux occasions, rendre des ordonnances, pour empêcher le transport de l'accusé à Longueuil, parce que la poursuite s'entêtait à ne pas faire rayer le dossier du rôle.

[62] Le comportement de l'accusé en détention provisoire a été excellent et si une remise de peine existait pour ce type de détention, il en aurait sûrement bénéficié.

[63] Le Tribunal conclut que l'ensemble des circonstances justifie l'exception prévue à l'article 719 (3.1) du Code criminel. Chaque journée de détention préventive que l'accusé a purgée sera considérée, aux fins du calcul de sa peine, comme équivalant à une journée et demie.

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