dimanche 14 juillet 2013

On ne peut tirer une inférence négative du silence de l'accusé lors de son arrestation

Prasakis c. R., 2007 QCCS 4316 (CanLII)


[40]            Ce commentaire est lié à celui sur la discussion entre les frères Prasakis au sujet de leur témoignage. On doit conclure que la juge d'instance semble considérer que l'omission de M. Prasakis d'informer les policiers que son frère était le conducteur désigné affecte négativement sa crédibilité.

[41]            La question autorisée n'était pas admissible car il s'agit clairement d'une violation du droit au silence de l'accusé tel que l'a établit la Cour d'appel du Québec dans R. c. Gosselin.

[42]            Dans cette affaire, lors du contre-interrogatoire de l'accusé, tant le procureur de la poursuite que le juge du procès lui avaient reproché de ne pas avoir mentionné aux policiers lors de son arrestation la quantité d'alcool qu'il avait consommé.

[43]            Le juge Proulx conclut en ces termes sur cette question :

En l'espèce, je suis d'avis que tant les questions du procureur de la poursuite que celles du juge constituent une violation du droit au silence: ces questions, comme les directives du juge au jury, ont clairement fait comprendre au jury qu'il pouvait tirer une conclusion défavorable de son silence.

J'ajoute que dans le cas présent il n'est pas possible de déterminer s'il y avait "une question à laquelle était pertinente l'omission de répondre de l'appelant" (extrait de l'opinion du juge Martin ci-haut citée par le juge Sopinka). En effet, les circonstances entourant l'interpellation de l'appelant par les policiers de même que sa détention n'ont pas été mises en preuve, ce qui signifie que le dossier est absolument muet sur ce qui s'est dit ou ne s'est pas dit à compter du moment où l'appelant a quitté l'auberge en compagnie des policiers.

Le préjudice qui découle de cette violation d'un droit aussi fondamental est irréparable. Comme je l'ai souligné plus haut, la déclaration qu'on reprochait à l'appelant de ne pas avoir divulguée constituait la base même de l'accusation de parjure et la conclusion défavorable que le jury fut invité à tirer du silence de l'appelant rendait très illusoire toute défense possible contre l'accusation.

S'ajoute au préjudice l'intervention non justifiée du juge de première instance, qui a contribué, par ses questions, à mettre encore plus d'emphase sur l'omission de l'appelant de divulguer cet élément aux policiers.

[44]             M. Prasakis n'avait aucune obligation légale de fournir une explication aux policiers qui l'ont arrêté et on ne pouvait lui poser aucune question à ce sujet lors du procès.

[45]            Comme le décide la Cour d'appel dans R. c. Rivard, on ne peut tirer une inférence négative du silence de l'accusé lors de son arrestation.

[46]            Toutefois, on doit tenir compte d'un autre passage du jugement où la juge d'instance distingue la situation dans l'affaire Rivard et le dossier dont elle était saisi.  Elle affirme ce qui suit:

Alors, on a fait le reproche au juge et on a fait également le reproche au juge d'avoir mis trop d'accent sur le fait que l'accusé n'avait pas expliqué, n'avait pas fourni son explication aux policiers lorsqu'il a été arrêté et le juge a accordé beaucoup d'importance, ce que je ne fais pas iciJe le souligne que l'accusé n'a pas dit que son frère était le chauffeur désigné mais je n'en fais pas l'argument principal. Bien que, même si l'accusé l'avait mentionné, je peux dire que toutes les circonstances, y compris le témoignage du frère, font en sorte qu'il n'apparaît pas comme le chauffeur désigné.

(Nous soulignons)

[47]            Ce passage exige que l'on détermine l'importance que la juge d'instance a effectivement accordée à la réponse à la question litigieuse.

[48]            Dans R. c. Jabarianha, la Cour suprême est confrontée à une question similaire à la nôtre.  Dans cette affaire, la Cour suprême conclut que la poursuite ne doit pas être autorisée à poser des questions à l'accusé sur sa connaissance de la protection de l'article 13 de laCharte. Cependant, après avoir analyser les motifs du juge d'instance, elle conclut que l'erreur est sans conséquence.

[49]            Compte tenu du dernier passage du jugement de la juge d'instance que nous avons cité, le Tribunal conclut, tout comme la Cour suprême dans Jabarianha qu'en l'espèce, «[m]ême si c’était une erreur de droit de permettre ce contre-interrogatoire, le fait que la juge du procès ne se soit fondée que de façon minimale sur la réponse du témoin, comme on l’a vu plus haut, démontre qu’il ne s’est produit aucun tort important et aucune erreur judiciaire grave».  Nous analyserons de nouveau cette question dans le cadre de l'application du sous-al. 686(1)b)(iii) C. cr.

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