lundi 21 octobre 2013

Le droit applicable lors d’une requête pour retrait d’un plaidoyer de culpabilité

R. c. Bériault, 2013 QCCQ 4484 (CanLII)


[13]        Dans Bergeron c. R., [2000] J.Q. no 503 au paragr. 21, la Cour d'appel indique qu'un plaidoyer de culpabilité, parce qu’il entraîne pour l’accusé des conséquences graves, doit revêtir certaines qualités. Il doit être libre, volontaire, clair et informé (R. c. Lyons, [1989] 2 R.C.S. 309). [Mes soulignements]
[14]        Dans un autre arrêt Bergeron rendu subséquemment, la Cour d’appel réitère et précise : […] un plaidoyer de culpabilité, pour être valide, doit être volontaire, non équivoque et donné en toute connaissance de cause.  Le juge doit être convaincu de l’existence de ces caractéristiques. [Mes soulignements]
[15]        La cour cite les auteurs Béliveau et Vauclair et rappelle que le prévenu doit bien saisir la nature de l’infraction qui lui est reprochée, être conscient qu’il en admet les éléments essentiels et comprendre les conséquences de sa décision lorsqu’il plaide coupable.
[16]        Donc, l’accusé doit connaître et comprendre la nature de l’accusation pour laquelle il reconnaît sa culpabilité et être conscient des conséquences qui découlent de son plaidoyer. C’est-à-dire, le fait qu’il renonce ainsi à son procès et à la présomption d’innocence : R. c. Richard1996 CanLII 185 (CSC), [1996] 3 R.C.S. 525, au paragr. 22 in fine. Il doit savoir qu’il encoure une condamnation et l’imposition d’une peine.
[17]        Il va sans dire que l’accusé doit posséder « un état d’esprit conscient » lui permettant minimalement de saisir et comprendre les enjeux : R. c. T. (R.), [1993] 17 C.R. (4th) 247, p. 253, paragraphes 16 et 17. Une personne atteinte d’une déficience intellectuelle ou souffrant d’un problème de santé mentale pourrait selon le degré du problème ou l’importance de l’atteinte, ne pas posséder les capacités mentales requises pour enregistrer un plaidoyer de culpabilité valide. Un accusé sous l’effet d’une drogue ou en état d’ivresse serait dans la même situation. Il en va de même pour celui en « effondrement psychologique » ou ayant fait l’objet d’incitation ou de pressions indues. Tout est affaire de degré et de circonstances.
[18]        La Cour suprême a reconnu que le juge n’est pas tenu de faire enquête sur la validité du plaidoyer dans tous les cas. Cependant, si le contexte ou les explications fournies par l’accusé au moment d’enregistrer son plaidoyer de culpabilité jettent un doute sur le caractère volontaire du plaidoyer ou laissent transparaître l’existence d’un moyen de défense ou une contestation de l’un ou l’autre des éléments constitutifs de l’infraction, le Tribunal serait alors bien avisé de questionner davantage, voire de refuser le plaidoyer de culpabilité : R. c. Brosseau1968 CanLII 59 (SCC), [1969] R.C.S. 181; R. c. Adgey1973 CanLII 37 (CSC), [1975] 2 R.C.S. 426.
[19]        À noter que ces décisions sont antérieures à l’adoption des paragraphes 606(1.1) et (1.2) du Code criminel entrés en vigueur le 23 septembre 2002. Il est dorénavant préférable de tenir une telle enquête dont l’ampleur peut toutefois varier en fonction des circonstances.
[20]        Il est bien acquis que le Tribunal, tant qu’il n’a pas prononcé la peine, conserve un pouvoir discrétionnaire d'accorder ou non la requête enretrait de plaidoyer : R. c. Adgey, précité. Dans la mesure où les circonstances le justifient, la requête sera accordée. Une fois la peine rendue, il échoit aux tribunaux d’appel de statuer sur la validité d’un plaidoyer de culpabilité.
[21]        Le fardeau de la preuve repose sur les épaules du requérant. Il doit faire valoir, selon la balance des probabilités, un ou des motifs sérieux et valables justifiant le retrait de son plaidoyer de culpabilité : R. c. Hansen, [1977] 37 C.C.C. (2d) 371 (C.A. Man.). S’il invoque avoir fait l’objet de pressions indues, c’est à lui d’en convaincre le Tribunal.
[22]        Le requérant doit également démontrer l’existence de moyens de défense sérieux à faire valoir : R. c. Girouard, [1997] J.Q. No. 3209.
[23]        Un plaidoyer de culpabilité est présumé valide jusqu’à preuve du contraire : R. v. T. (R.) 1992 CanLII 2834 (ON CA), (1992), 17 C.R. (4th) 247 ; Regina v. Djekic,147 C.C.C. (3d) 572 au paragr. 6, particulièrement lorsque l’accusé est assisté d’un avocat expérimenté et compétent :R. c. Carignan, [2003] J.Q. No. 2581.
[24]        Le Tribunal ne doit pas permettre à un accusé, une fois déclaré coupable et les témoins libérés, de retirer son plaidoyer de façon routinière ou à la légère. Il en va ainsi particulièrement dans un cas où les procédures s'étirent, comme en l'espèce.
[25]        La question de l'existence d'un motif sérieux et valable est une question de fait du ressort du juge des faits.
[26]        Une représentation défectueuse de la part de l’avocat de la défense, jumelée à d’autres facteurs, peut vicier la procédure et amener le juge à accorder le retraitdu plaidoyer : R. c. Girouard, précité. Dans cette cause, la juge Lise Côté, alors à la Cour supérieure, souligne que le facteur primordial est celui du déni de justice.
[27]        Un manquement au devoir du poursuivant de communiquer la preuve à l’accusé peut rendre son plaidoyer de culpabilité mal éclairé et révisable : R. c. Taillefer et Duguay2003 CSC 70 (CanLII), 2003 CSC 70.
[28]        Évidemment, la décision d'enregistrer un plaidoyer de culpabilité demeure du domaine réservé de l'accusél'avocat ne doit pas imposer sa volonté à cet égard, ni subjuguer celle de son client : R. c. Carignan, précité au paragr. 48.
[29]        La ligne est parfois mince entre « conseils juridiques » et « pressions ». Pour paraphraser, j’emprunte ici une expression utilisée par le juge Rothman de la Cour d’appel dans R. c. Lamoureux lorsqu’il dit : « …counsel was on the wrong side of the line », ce qui a incité la cour à casser le verdict de culpabilité et ordonner un nouveau procès dans cette affaire.
[30]        Cela étant, il est également bien acquis qu'un regret ou de l'insatisfaction à l'égard de la peine imposée n'est pas un motif justifiant leretrait d'un plaidoyer de culpabilité, particulièrement lorsque le juge d’instance a respecté les dispositions prévues au paragraphe 606(1) C.cr. :Lamontagne c. La Reine2011 QCCA 1486 (CanLII), 2011 QCCA 1486.

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