R. c. Bulmer, 1987 CanLII 56 (CSC)
9. La défense d'erreur de fait existe depuis longtemps en droit et Blackstone l'a mentionnée comme un principe établi dans ses Commentaries on the Laws of England, dans la dernière partie du dix‑huitième siècle. À la page 25 du vol. 4 des Commentaries (Beacon Press, Boston, 1962), le paragraphe suivant se trouve sous la note marginale "Ignorance ou erreur":
[TRADUCTION] Cinquièmement; l'ignorance ou l'erreur est un autre défaut de la volonté; lorsqu'un homme qui a l'intention d'accomplir un acte légal accompli un acte illégal. Car dans ce cas‑là l'acte et la volonté agissent de manière distincte, il n'existe pas de conjonction entre les deux, ce qui est nécessaire pour constituer un acte criminel. Toutefois, cela doit être une ignorance ou une erreur de fait et non une erreur sur un point de droit. Si un homme qui a l'intention de tuer un voleur ou un cambrioleur dans sa propre maison, "dans des circonstances qui justifieraient cet acte" tue par erreur un membre de sa propre famille, il ne s'agit pas d'un acte criminel; toutefois si un homme croit qu'il a le droit de tuer une personne excommuniée ou hors‑la‑loi, où qu'il la rencontre, et le fait, il s'agit d'un meurtre prémédité. Toutefois, une erreur sur un point de droit, que toute personne censée non seulement peut mais doit connaître et est présumée connaître, ne constitue pas une défense dans une affaire criminelle. De même Ignorantia juris, quod quisque tenetur scire, neminem excusat, constitue la maxime de notre propre droit, comme elle était celle du droit romain.
La défense a été décrite de diverse façon et peut être commodément énoncée dans les termes suivants. Si un accusé croit sincèrement à l'existence d'un ensemble de circonstances qui, s'il existait au moment de la perpétration d'un acte par ailleurs criminel, aurait justifié son acte et lui aurait ôté son caractère criminel, il a le droit d'être acquitté. Le droit sur cette question, pour ce qui est du Canada, a été énoncé de manière précise dans l'arrêt Pappajohn c. La Reine, 1980 CanLII 13 (CSC), [1980] 2 R.C.S. 120. Le juge Dickson (maintenant juge en chef), dont les motifs sur ce point ont reçu l'accord de la majorité de la Cour, a conclu que la défense existait au Canada, qu'il fallait examiner la question de savoir si l'accusé avait la mens rea nécessaire pour la perpétration du crime visé et qu'il n'était pas nécessaire que la croyance erronée sur laquelle la défense est fondée soit raisonnable si elle est sincère. Le juge Wilson a exploré le sujet plus à fond dans ses motifs de jugement dans l'affaire R. c. Robertson,1987 CanLII 61 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 918 (rendue concurremment), et je suis d'accord avec ses observations. Notre tâche est donc d'examiner si, dans les circonstances de l'espèce, la défense aurait dû être présentée au jury et, lorsqu'elle l'a été, est‑ce que cela a été fait correctement?
13. Lorsque la défense d'erreur de fait, ou d'ailleurs tout autre moyen de défense, est soulevée, deux étapes distinctes doivent être franchies. La première étape exige que le juge du procès décide si le moyen de défense devrait être soumis au jury. C'est à l'égard de cette question, comme je l'ai déjà dit, que le critère de l'"apparence de vraisemblance" s'applique. Il n'a rien à voir avec le jury et ne constitue pas un facteur qu'il doit examiner. Si l'on décide de soumettre le moyen de défense au jury, la seconde étape exige que le juge du procès explique le droit au jury, passe en revue les éléments de preuve pertinents et laisse au jury le soin de trancher la question de la culpabilité ou de l'innocence. Le jury doit examiner tous les éléments de preuve et, avant de pouvoir rendre un verdict de culpabilité, il doit être convaincu hors de tout doute raisonnable dans le cas d'une accusation de viol qu'il n'y a eu aucun consentement. Lorsqu'il conclut qu'il y avait consentement ou croyance sincère au consentement ou s'il a un doute sur l'un ou l'autre point, il doit rendre un verdict d'acquittement. On devrait également lui dire qu'il n'est pas nécessaire que la croyance, si elle est sincère, soit fondée sur des motifs raisonnables. Avant d'aller plus loin, il convient de souligner que, depuis l'arrêt Pappajohn, le Code criminel a été modifié par l'adjonction du par. 244(4) qui prévoit:
(4) Lorsque l'accusé allègue qu'il croyait que le plaignant a consenti aux actes sur lesquels l'accusation est fondée, le juge doit, s'il est convaincu qu'il y a une preuve suffisante et que cette preuve constituerait une défense si elle était acceptée par le jury, demander à ce dernier de prendre en considération, en évaluant l'ensemble de la preuve qui concerne la détermination de la sincérité de la croyance de l'accusé, la présence ou l'absence de motifs raisonnables pour celle‑ci.
Cet article, à mon avis, ne modifie pas le droit appliqué dans l'arrêt Pappajohn. Il n'exige pas que la croyance erronée soit raisonnable ou jugée raisonnable. Il établit simplement de manière précise que, dans l'examen de la question de la sincérité de la croyance, la présence ou l'absence de motifs raisonnables à l'appui de cette croyance sont des facteurs pertinents que le jury doit prendre en considération. Je suis d'avis que cette position avait été annoncée dans l'arrêt Pappajohn par le juge Dickson aux pp. 155 et 156, lorsqu'il a dit:
Ni le système du jury ni l'intégrité de la justice criminelle ne sont bien servis par la perpétration de fictions. Le débat actuel dans les tribunaux et les journaux spécialisés sur la question de savoir si l'erreur doit être fondée, est important sur le plan conceptuel pour l'évolution harmonieuse du droit criminel, mais, à mon avis, c'est sans importance pratique, parce qu'il est peu probable que le jury croie l'accusé qui déclare être dans l'erreur à moins que celle‑ci ne soit, aux yeux du jury, fondée sur des motifs raisonnables. Le jury devra examiner le caractère raisonnable de tous les motifs qui appuient le moyen de défense d'erreur ou que l'on affirme tel. Bien que des "motifs raisonnables" ne constituent pas une condition préalable au moyen de défense de croyance sincère au consentement, ils déterminent le poids qui doit lui être accordé. Le caractère raisonnable ou non de la croyance de l'accusé n'est qu'un élément qui appuie ou non l'opinion que la croyance existait en réalité et que, par conséquent, l'intention était absente.
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