R. c. Maltais, 2007 QCCQ 1378 (CanLII)
[5] Tant le code d’éthique des membres du Barreau , que le droit d’un accusé en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés d’être représenté par un avocat loyal et compétent, oblige chaque avocat de s’assurer avant d’accepter un mandat qu’il peut le remplir sans risque de se retrouver en situation de conflit d’intérêts. Il y va de l’intégrité et du respect du système judiciaire par les citoyens, que chaque justiciable soit représenté, non seulement par des membres du Barreau compétents, mais libres de toute contrainte qui pourrait les entraver voire les gêner dans la défense des intérêts de leurs clients. Dans l’affaire Neil , le juge Binnie écrivait : « Si une partie à un litige n'est pas assurée de la loyauté sans partage de son avocat, ni cette partie ni le public ne croiront que le système juridique, qui leur paraît peut-être hostile et affreusement complexe, peut s'avérer un moyen sûr et fiable de résoudre leurs conflits et différends. » Voilà une ligne de conduite très claire pour tous les intervenants du système judiciaire.
[6] Rappelons qu’il n’appartient pas seulement à la partie opposée à soulever cette question, mais également à chaque avocat lui-même puisque ce sont les droits du justiciable qui sont en cause, et non ceux de l’avocat. Il est aussi évident que si la poursuite se doit de signaler, dès qu'elle le constate, toute situation de conflit d'intérêts, en aucun cas elle ne doit se servir de cette potentielle requête en déclaration d'inhabileté comme instrument de négociation quelconque, geste qui serait certes contraire à l'éthique . Il y va tout autant du devoir du tribunal présidant un procès de s’assurer qu’un accusé représenté par un avocat, ne le soit pas par un avocat qui est en situation de conflit d’intérêts réel ou potentiel , par souci de préserver les normes exigeantes de la profession d'avocat et d'intégrité du système judiciaire.
[7] Dans une décision qui constitue l’autorité en la matière, la Cour suprême fixe les règles applicables sur la question. Dans le résumé on peut y lire : « Pour décider s'il existe un conflit d'intérêts entraînant une inhabilité, la Cour doit prendre en considération trois valeurs en même temps: 1) le souci de préserver les normes exigeantes de la profession d'avocat et l'intégrité de notre système judiciaire; 2) en contrepoids, le droit du justiciable de ne pas être privé sans raison valable de son droit de retenir les services de l'avocat de son choix; 3) la mobilité raisonnable qu'il est souhaitable de permettre au sein de la profession. La "probabilité de préjudice", qui est le critère anglais traditionnel, n'est pas une norme assez exigeante pour assurer à la justice ce caractère apparent que le public exige d'elle. L'utilisation de renseignements confidentiels est habituellement impossible à prouver et le critère retenu doit donc tendre à convaincre le public, c'est-à-dire une personne raisonnablement informée, qu'il ne sera fait aucun usage de renseignements confidentiels. »
[8] Les précédents sont nombreux sur cette question de conflit d’intérêts. Ainsi est en situation de conflit le procureur qui « a antérieurement » représenté une personne, devenue maintenant témoin à charge en poursuite, et cela même si son mandat est terminé . Représenter plusieurs accusés dans un dossier conjoint entraîne toujours le risque de conflit, et la possibilité en appel pour un accusé déclaré coupable d’invoquer la question. Les accusations réfèrent-elles à un « complot » que forcément la situation est alors la plus susceptible de créer un conflit. Enfin est en situation de conflit d’intérêts on ne peut plus flagrante, l’avocat qui représente des accusés dont certains ont fait des déclarations incriminantes contre d’autres accusés qu’il représente également.
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