jeudi 3 juillet 2014

La procédure pour entendre la requête présentée en vertu de 487.3 Ccr

R. c. Construction De Castel inc., 2014 QCCA 1125 (CanLII)


[61]        Le paragraphe 487.3 (4) C.cr. ne précise pas la procédure applicable à une demande de modification d’une ordonnance de mise sous scellés. Dans Audette c. R., mon collègue Martin Vauclair, alors qu’il était à la Cour du Québec, écrit au sujet de cette disposition :
[13] La procédure d’accès édictée par le Code criminel offre un forum pratique, rapide et surtout public, par opposition à ex parte. Le débat qui s’engage cherche à vérifier si les circonstances qui justifiaient de sceller les informations avant l’exécution du mandat sont toujours existantes après son exécution fructueuse. Cela dit, il y aura des cas où, de toute évidence, le juge devra entendre des représentations à huis clos ou prendre connaissance de documents ex parte pour trancher certaines questions.
[14] Contrairement au juge qui entend le dénonciateur ex partela procédure d’accès permet à un juge de recevoir tout l’éclairage de la part de toutes les parties intéressées sur les raisons qui justifiaient le secret, lesquelles peuvent être variées. Rappelons que le Code permet d’invoquer le secret, entre autres, pour « toute autre raison suffisante ». Le juge de paix ou le juge n’est pas alors appelé à substituer sa discrétion à celle du premier juge, mais son devoir est de s’assurer, à la lumière des représentations qu’on peut lui faire, que les raisons invoquées sont toujours d’actualité ou, à l’inverse, de déterminer dans quelle mesure il y a lieu de lever le secret. […]
(je souligne et renvois omis)
[62]        La procédure doit demeurer flexible afin de permettre au juge saisi d’une telle demande de s’ajuster en fonction des faits propres à la situation. Il importe cependant que celui-ci s’assure du caractère équitable de la procédure adoptée et que la partie qui s’oppose à l’ouverture du paquet scellé, ici le ministère public, présente ses motifs de façon organisée et avec la transparence nécessaire pour permettre un débat éclairé de la part de toutes les parties intéressées sur la nécessité du secret.
[63]        Dans R. c. Canadian Broadcasting Corporation, aussi connue sous le nom de R. c. Gardiner, la Cour d’appel de l’Ontario énonce une façon de faire qui permet un débat éclairé. Dans cette affaire, la Cour d’appel de l’Ontario faisait face, tout comme le juge en l’espèce, à des motifs insuffisants de la part du juge réviseur et à des vices de procédure relativement à une demande d’ouverture d’un paquet scellé d’un mandat de perquisition. Pour éviter ce genre de situation, elle propose la procédure suivante :
[51] Where a sealing order is imposed and an application to unseal warrant materials is commenced, some of the further problems encountered in this case can be avoided by the application judge taking firmer control of how the parties – primarily the Crown – proceed on the application.  For example, at the outset, the judge should require the Crown to identify the grounds upon which it opposes allowing access to the specific portions of the warrant materials.  The Crown should set out its position in an organized format, such as the table prepared by the Crown and incorporated in Nordheimer J.’s reasons in Toronto Star.  This document should be provided to the other parties to allow them to make effective submissions.  The Crown should provide an unedited copy of the warrant materials to the court, with the edited information identified by highlighting or otherwise, to clearly indicate what portions it seeks to have sealed.
[52] Preliminary orders may be required to decide what information is provided to the parties and on what terms they are to receive it.  In the present case, it would have been preferable if the application judge had decided not to proceed with the merits of the application after learning that the parties had not received the edited information in time to make submissions on it.
[53] Placing the onus on the Crown to perform the burdensome task just described reflects the presumption that once a search warrant has been executed, the warrant and the information upon which it is based must be made available to the public unless it is demonstrated that the ends of justice would be subverted by disclosure of the information.  The Crown, as the only party with access to all of the information, is in the best position to perform this task.
[54] The hearing must, of course, be tailored to the particular case.  However, regardless of how the hearing proceeds, requiring the Crown to set out the alleged grounds for a sealing order ensures that there will be in place a starting point for resolving the issues at hand.  This document will also prove helpful in dealing with procedural issues that might arise, including what material should be disclosed to other counsel to facilitate argument, on what basis such disclosure should be made, as well as whether some part of the hearing must proceed in camera.
[55] The document will also simplify the court’s obligation to give reasons for its conclusions.  In order to be susceptible to appellate review, the application judge’s reasons should indicate the specific basis upon which particular portions of the warrant materials are to be kept under seal.  This laborious task would be made much simpler if the court were able to indicate its disposition of each proposed redaction in an organized format such as that used by the court in Toronto Star.  The use of such a format will also help to alleviate the concern expressed by the application judge in this case that the rendering of reasons might have the effect of making the sealing order ineffective.
(je souligne)
[64]        Le tableau auquel il est fait référence au paragraphe 51 est plus amplement décrit au paragraphe 48 :
[48] Before the hearing, the Crown reviewed the search warrant materials and redacted those portions about which it had specific concerns.  The Crown prepared a table setting out its position in an organized format.  The table contained three columns: the page numbers of the warrant material, the grounds for redacting any of those pages, and a description of the edited information. The Crown consented to a preliminary order permitting it to provide the actual sealing order and the edited version of the information used to obtain the warrants to each of the media applicants.  The edited version and the table setting out the Crown’s position provided the basis for the submissions to the application judge. To facilitate the judge’s review of the material, the Crown provided him with a copy of the warrant materials, with the edited portions identified by highlighter, thus eliminating the need to compare the edited version with the original.
(je souligne)
[65]        Une telle approche se compare à celle énoncée dans R. c. Garofoli en matière d’écoutes électroniques, avec les adaptations nécessaires et me semble tout à fait appropriée pour permettre un débat éclairé sur une demande d’ouverture des scellés.
[66]        La procédure adoptée par le juge, qui cite d’ailleurs à bon droit ces deux arrêts, s’inspire en grande partie de cette approche, mais s’en distingue à deux égards.
[67]        D’abord, bien que le juge fût d’avis qu’une copie caviardée de la dénonciation ou un résumé de celle-ci aurait été possible, l’intimée n’a pas eu la possibilité de soumettre ses représentations à la lumière de ces documents, vu l’opposition du ministère public à ce que quelques documents, même caviardés, ne lui soient remis. Je note par ailleurs qu’en procédant ainsi, le juge suivait la façon de procéder suggérée par le ministère public.
[68]        Ensuite, les motifs invoqués par le ministère public pour s’opposer à la levée des scellés n’ont pas été présentés de façon ordonnée et schématique, de sorte qu’il demeure difficile de réconcilier les paragraphes concernés avec chacun des motifs allégués.
[69]        Vu la conclusion à laquelle le juge en arrive, la façon de procéder qu’il a adoptée n’a occasionné aucun préjudice à l’intimée en première instance. Par contre, elle soulève des difficultés lors de l’appel, même si le ministère public a, depuis le jugement de la Cour supérieure, communiqué à l’intimée la version caviardée de la dénonciation. L’intimée n’a toujours pas un résumé des paragraphes de la dénonciation ainsi caviardés ou de la déclaration additionnelle, ni les motifs d’opposition propres à chacun d’eux. De plus, l’exposé du ministère public ne permet pas plus de réconcilier les paragraphes caviardés avec les moyens invoqués. Dans ces circonstances, l’exercice que requiert le ministère public reste entier dans la mesure où l’intimée doit pouvoir faire ses représentations avec les outils adéquats.
[70]        La révision d’une ordonnance de mise sous scellés relève de la discrétion judiciaire et requiert un exercice délicat de pondération entre les intérêts de la justice et l’accès à l’information. En principe, notre Cour ne devrait pas être appelée à exercer un tel pouvoir de novo, encore moins sans le bénéfice des représentations des parties dont la teneur pourrait être différente à la lumière de l’ensemble des documents pertinents au cœur du débat et sans le bénéfice du raisonnement du juge. Pour paraphraser la juge McLachlin dans Charkaoui c. Canada, les efforts du juge, aussi consciencieux soient-ils, ne constituent pas un substitut valable à la participation éclairée. De plus, il ne revient pas à la Cour, pas plus d’ailleurs qu’au juge saisi d’une demande en vertu du paragraphe 487.3 (4) C.cr., de refaire l’exercice de conciliation sans les outils appropriés.

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