R. c. Lachance, 2008 QCCQ 13267 (CanLII)
a) La nature et la définition du complot criminel
[32] La Cour suprême du Canada nous enseigne que le complot criminel, une infraction définie par la jurisprudence, ne réside pas seulement dans le dessein antisocial de deux ou plusieurs personnes qui discutent ensemble, mais dans l'entente conclue en vue de commettre un acte illégal.
[33] L'élément matériel de l'infraction est le fait de l'entente dans le but de perpétrer une infraction criminelle, au-delà de toute discussion si mal intentionnée soit-elle. En outre, chaque conspirateur doit avoir l'intention réelle de participer à l'entente qui vise à mettre le projet commun à exécution.
[34] Comme le mentionne le juge Fish, au nom de la Cour suprême, dans l'arrêt Déry, précité : “Le droit criminel ne punit pas les mauvaises pensées, ni les desseins antisociaux avant que les parties ne concluent d'entente pour commettre un acte illégal”.
b) Le désistement et la non-réalisation du trafic
[35] La Cour suprême du Canada a établi qu'il n'est pas nécessaire que l'entente soit accompagnée d'actes commis dans le but de la réaliser, ni non plus que le projet se soit matérialisé.
[36] De plus, le fait pour l'un des conspirateurs de se retirer de l'entente ou de refuser d'y donner suite, n'exonère pas cette personne de sa responsabilité criminelle dès que les parties ont franchi le stade de l'accord initial, comme ici.
c) La participation de l'agent civil d'infiltration
[37] Dans l'arrêt Dynard, précité, la Cour suprême a statué que lorsqu'un des supposés conspirateurs est un informateur de police qui n'a jamais eu l'intention de mettre le projet commun à exécution, il ne saurait être partie au complot.
[38] Dans cette affaire, le rôle de l'informateur de police se limitait à demander à l'accusé s'il acceptait de recycler de grosses sommes d'argent provenant d'un trafic illicite. Un très grand nombre de conversations enregistrées ont eu lieu entre les deux hommes, en préparation de la remise de fonds qui devait se faire par l'intermédiaire d'associés. Lors de la rencontre, un agent double d'une escouade spécialisée s'est fait passer pour l'associé de l'informateur et l'arrestation est survenue juste avant la remise des fonds.
[39] Ici, au contraire, toute la preuve démontre que l'agent civil d'infiltration, comme pour toute l'opération DESPOTE, avait l'intention de mettre le projet commun à exécution avec ses complices et qu'il n'y avait aucune opération policière prévue pour l'interrompre. De toute façon, notons que la présente accusation ne vise pas sa participation au complot.
d) La preuve concernant Robert Delarosbil
[40] La preuve de l'implication et du rôle de Robert Delarosbil dans le complot émane principalement des déclarations de l'accusé qui ont été enregistrées, respectivement, le 4 août, le 16 novembre et le 23 novembre 2004, ainsi que des éléments de preuve circonstancielle qui les confirment en partie provenant des déclarations et des rapports de contrôle de l'agent civil d'infiltration, et de la conversation qu'il a eue à son sujet avec Jean-Claude Lesage et Michel Ianiri, le 1er août 2004.
[41] Il en ressort que Robert Delarosbil, en complicité avec son associé Denis Lachance, deux bons clients, traitent depuis plusieurs années, par l'entremise de Jean-Paul Bédard, avec le réseau de distribution de cocaïne de Jean-Claude Lesage. Comme dans le passé, la livraison prévue pour le 5 août 2004, doit se faire au domicile de Robert Delarosbil, où habituellement il examine la substance et il effectue le paiement. De plus, le 23 novembre 2004, l'accusé confie à Jean-Paul Bédard que c'est “Robert” qui exerce le contrôle et qui prend la décision. Tout au long des discussions portant sur la cocaïne, l'accusé utilise le pluriel “nous” et il mentionne “j'ai parlé à Robert” ou “j'va voir Robert”. Enfin, l'accusé a reconnu, dans son témoignage, que durant la période alléguée, il n'a pas d'argent et qu'il est en difficulté financière.
e) Le complot avec des personnes inconnues
[43] Dans l'arrêt Dynard, précité, la Cour suprême a confirmé que le complot doit être le fait de plus d'une personne, même si tous les conspirateurs ne sont pas nécessairement connus, ni susceptibles d'être déclarés coupables.
[44] Lorsqu'une personne complote avec une organisation criminelle composée de plusieurs individus, il n'est pas nécessaire qu'elle connaisse l'identité et le rôle précis joué par tous les participants à la conspiration.
3. Les règles de preuve particulières applicables au complot
[45] Dans une accusation de complot, la règle des “actes manifestes” autorise la mise en preuve contre un accusé, à titre d'exception au ouï-dire, les faits, paroles et gestes de ses coconspirateurs dans la poursuite du but commun, pour faire la preuve de l'infraction de complot et également pour établir la preuve relative à l'infraction faisant l'objet de l'entente ou de toute infraction dérivée, au regard de l'article 21 du Code criminel, le cas échéant.
[47] Tous les autres éléments de preuve pertinents provenant, entre autres, des conversations enregistrées entre l'agent civil d'infiltration et l'accusé, plus particulièrement, celle du 4 août 2004, sont directement admissibles contre lui.
[48] La Cour suprême du Canada, dans les arrêts Carter et Mapara, précise et confirme l'analyse en trois étapes que doit suivre le juge dans l'utilisation des actes manifestes pour établir la responsabilité pénale de l'accusé à l'égard de l'inculpation de complot, notamment.
a) Première étape
[49] À partir de toute la preuve admissible, le juge doit se demander, à la première étape, s'il existe une preuve hors de tout doute raisonnable d'un complot criminel.
[50] En l'espèce, l'ensemble de la preuve révèle hors de tout doute raisonnable que, le 4 août 2004, l'accusé, qui discute également au nom de son associé, et Jean-Paul Bédard, le commissionnaire du clan de Jean-Claude Lesage, concluent une entente qui constitue un complot criminel, pour la livraison de deux kilos de cocaïne, en échange d'une somme de 73 000,00 $, le lendemain, à 11 h, au domicile de Robert Delarosbil.
b) Deuxième étape
[51] Si le juge conclut, à la première étape, comme ici, qu'il existe une preuve hors de tout doute raisonnable d'un complot criminel, à la deuxième étape, il doit, à partir de la seule preuve directement admissible contre l'accusé, se demander s'il existe une preuve, selon la prépondérance des probabilités, de sa participation au complot.
[52] Même si le tribunal ne retient que la preuve directement admissible contre l'accusé, la détermination hors de tout doute raisonnable, à la première étape, de l'existence d'un complot criminel, le 4 août 2004, implique nécessairement que l'accusé y a participé, à cause de son rôle essentiel dans la réalisation de l'entente.
c) Troisième étape
[53] Si le juge conclut, à la deuxième étape, comme ici, qu'il existe une preuve de la participation de l'accusé, à la troisième étape, il doit se demander, à la lumière de toute la preuve, y compris les actes manifestes, si la poursuite s'est déchargée de son fardeau d'établir hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l'accusé.
[54] En considérant toute la preuve, la cour conclut que la poursuite a établi hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l'accusé.
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