R. c. Chaplin, [1995] 1 RCS 727, 1995 CanLII 126 (CSC)
20 La raison d'être de l'obligation de divulgation incombant au ministère public découle de l'art. 7 de la Charte, qui traduit, comme l'a dit notre Cour dans l'arrêt R. c. Stinchcombe, précité, à la p. 336:
. . . la crainte prépondérante que la non‑divulgation n'empêche l'accusé de présenter une défense pleine et entière. Ce droit reconnu par la common law a acquis une nouvelle vigueur par suite de son inclusion parmi les principes de justice fondamentale visés à l'art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. [. . .] Le droit de présenter une défense pleine et entière constitue un des piliers de la justice criminelle, sur lequel nous comptons grandement pour assurer que les innocents ne soient pas déclarés coupables.
Ce principe sous‑jacent définit les limites de la divulgation.
21 Notre Cour a clairement établi que le ministère public a l'obligation générale de divulguer tous renseignements, inculpatoires ou disculpatoires, sauf s'il s'agit d'une preuve qui échappe au contrôle de la poursuite, qui est manifestement sans pertinence ou qui fait l'objet d'un privilège: R. c. Stinchcombe, précité, à la p. 339; R. c. Egger, 1993 CanLII 98 (CSC), [1993] 2 R.C.S 451. Du fait de l'obligation lui incombant de divulguer toute preuve pertinente et non privilégiée, qu'elle soit favorable ou défavorable à l'accusé, le ministère public doit faire preuve de la plus grande bonne foi en déterminant quels renseignements communiquer et en veillant à ce que cette communication se fasse de façon suivie. L'omission de s'acquitter de cette obligation initiale et permanente de divulguer toute preuve pertinente et non privilégiée peut aboutir à un arrêt des procédures ou autre réparation, et peut constituer un manquement grave aux normes éthiques. En ce qui concerne ce dernier point, il faut nécessairement se fier dans une large mesure à l'intégrité de la police et des avocats de la poursuite, de qui on attend une conduite témoignant de la plus grande bonne foi. C'est la raison pour laquelle tout écart par rapport à cette lourde obligation est traité comme un manquement très grave à la déontologie.
22 Toutefois, l'obligation de divulgation incombant au ministère public n'est pas absolue (R. c. Stinchcombe, précité, à la p. 339):
Si le ministère public pèche, ce doit être par inclusion. Il n'est toutefois pas tenu de produire ce qui n'a manifestement aucune pertinence.
Et la pertinence est déterminée en fonction de l'usage que la défense compte faire des renseignements (à la p. 340):
Le juge du procès qui effectue un contrôle doit se laisser guider par le principe général selon lequel il ne faut refuser de divulguer aucun renseignement s'il existe une possibilité raisonnable que la non‑divulgation porte atteinte au droit de l'accusé de présenter une défense pleine et entière, à moins que cette non‑divulgation ne se justifie par le droit au secret.
Dans l'arrêt R. c. Egger, précité, aux pp. 466 et 467, on trouve le résumé suivant:
L'obligation de divulgation qu'a le ministère public est assujettie à un pouvoir discrétionnaire, dont la justification lui incombe, de retenir les renseignements qui, de toute évidence, ne sont pas pertinents ou dont la non‑divulgation est exigée par les règles en matière de privilège, ou de retarder la divulgation de renseignements lorsque cela est nécessaire pour protéger des témoins ou pour terminer une enquête: Stinchcombe, précité, aux pp. 335 et 336, 339 et 340. Ainsi qu'on le souligne dans cet arrêt à la p. 340, «(c)omme la règle générale consiste à divulguer tous les renseignements pertinents, il faut alors que le ministère public invoque l'application d'une exception à cette règle».
. . .
Une façon de mesurer la pertinence d'un renseignement dont dispose le ministère public est de déterminer son utilité pour la défense: s'il a une certaine utilité, il est pertinent et devrait être divulgué ‑‑ Stinchcombe, précité, à la p. 345. Le juge qui effectue le contrôle doit déterminer si l'accusé peut raisonnablement utiliser la communication des renseignements pour réfuter la preuve et les arguments du ministère public, pour présenter un moyen de défense ou autrement pour parvenir à une décision susceptible d'avoir un effet sur le déroulement de la défense comme, par exemple, de présenter ou non une preuve.
23 Lorsque le ministère public prétend s'être acquitté de son obligation de divulgation, il peut y avoir lieu de se demander, dans les deux situations suivantes, si la divulgation est complète:
(1)celle où la défense soutient que des renseignements qui ont été désignés et qui existent auraient dû être produits;
(2)celle où la défense soutient que des renseignements dont l'existence est contestée auraient dû être produits.
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