R. c. Chaplin, [1995] 1 RCS 727, 1995 CanLII 126 (CSC)
25 Dans les cas où l'existence de certains renseignements a été établie, le ministère public est tenu de justifier la non‑divulgation en démontrant soit qu'il n'en a pas le contrôle soit qu'ils sont manifestement sans pertinence ou privilégiés. Le juge du procès doit accorder au ministère public la possibilité de présenter des éléments de preuve justifiant une telle allégation. Comme on le fait remarquer dans l'arrêt R. c. Stinchcombe, précité, à la p. 341:
Cela peut nécessiter non seulement que soient présentés des arguments mais que les déclarations et autres documents fassent l'objet d'un examen, et il pourra même s'avérer nécessaire, dans certains cas, de produire des témoignages de vive voix. Souvent, il conviendra de tenir un voir‑dire pour trancher ces questions.
La justification de la non‑divulgation fondée sur le privilège de l'intérêt public ou autre type de privilège peut entraîner certaines procédures spéciales, comme celle visée au par. 37(2) de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C‑5, afin de protéger la confidentialité de la preuve en question.
26 On trouve dans l'affaire R. c. Hutter (1993), 1993 CanLII 8478 (ON CA), 86 C.C.C. (3d) 81 (C.A. Ont.), un exemple d'un cas où l'existence des renseignements n'était pas en cause, mais où on en contestait la pertinence. Le juge en chef Dubin, au nom de la cour, a conclu à la p. 89 que le ministère public était tenu de divulguer les renseignements dont il disposait concernant la mauvaise moralité de l'accusé, même si le ministère public ne pouvait utiliser cette preuve qu'en contre‑preuve:
[TRADUCTION] L'accusé pourrait raisonnablement se servir des renseignements concernant sa moralité se trouvant en la possession du ministère public pour faire valoir un moyen de défense ou pour prendre une décision susceptible d'influer sur la conduite de la défense, par exemple, la décision de produire ou de ne pas produire certains éléments de preuve.
27 Dans les affaires d'écoute électronique, la question de l'existence des tables d'écoute (à la différence de l'espèce) n'est généralement pas en litige. Par exemple, dans l'affaire Dersch, précitée, le ministère public avait fait part aux accusés de son intention de produire des éléments de preuve recueillis par écoute électronique effectuée, en vertu d'autorisations accordées conformément au Code criminel, dans le cadre d'enquêtes sur les accusations en question. Les accusés avaient demandé une ordonnance leur donnant accès au contenu des paquets scellés contenant les affidavits produits pour obtenir les autorisations dont ils prétendaient avoir besoin pour présenter une défense pleine et entière. Notre Cour, qui a rétabli l'ordonnance du juge du procès faisant droit à la demande des accusés, a souligné que ces derniers ne pouvaient avoir accès aux affidavits que s'ils établissaient les motifs de cet accès, mais qu'ils ne pouvaient faire cette preuve que si l'accès leur était accordé. Cependant l'aspect important de l'affaire Dersch, et ce en quoi elle diffère de la présente espèce, est le fait que l'existence de communications interceptées se rapportant aux accusations portées n'avait jamais été mise en doute.
28 Un autre exemple de ce genre de cas, où l'existence des communications interceptées n'était pas en cause, est l'affaire R. c. Durette, 1994 CanLII 123 (CSC), [1994] 1 R.C.S. 469, dans laquelle les accusés, au terme d'une enquête policière de grande envergure, avaient été inculpés de complot en vue de faire le trafic de méthamphétamine. Fait important, la nature de l'enquête laissait supposer que la police avait eu recours à l'écoute électronique. La défense a donc sollicité la communication du paquet scellé contenant les affidavits déposés à l'appui de demandes d'autorisation d'écoute, affidavits dont le juge du procès avait supprimé certaines parties en fonction de propositions faites par le ministère public. Dans un arrêt portant uniquement sur la communication d'affidavits déposés à l'appui de demandes d'autorisation d'écoute électronique, les juges majoritaires de notre Cour ont conclu que la défense avait droit au contenu complet du paquet.
29 D'autres décisions, de juridictions inférieures, visaient également des situations où le fait de l'interception des communications n'était pas contesté. Par exemple, dans l'affaire R. c. Desjardins (No. 5) (1991), 1991 CanLII 7555 (NL SCTD), 88 Nfld. & P.E.I.R. 149 (C.S.T.‑N., 1re inst.), il était allégué que l'interception de communications entre avocat et client violait le droit à l'assistance d'un avocat garanti par la Charte. Il s'agissait d'allégations analogues à celles avancées par la défense en l'espèce. Il faut souligner que, dans cette affaire, aucune question ne se posait concernant l'interception de communications car l'avocat de la défense avait établi qu'un appareil d'écoute avait été trouvé (aux pp. 155 et 156).
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