samedi 6 février 2016

Il est permis de précoter les pièces et de les remettre préalablement au juge des faits

N'Drin Beugré c. R., 2014 QCCA 2002 (CanLII)

Lien vers la décision

[50]        Pour faciliter le travail des jurés et assurer un procès ordonné et efficace, les parties avaient, en juin 2010, consenti au dépôt des pièces P-181 et P-182, sous réserve des objections à l’introduction subséquente en preuve de leur contenu qui pourraient, le cas échéant, être formulées et de directives interdisant aux jurés de prendre connaissance des pièces avant leur production.
[51]        Au début du procès, le 20 septembre 2010, les pièces P-181 et P-182 furent donc remises aux jurés par le juge avec instructions de ne consulter que les documents effectivement reçus en preuve :
À cet effet, j’ai demandé que la preuve documentaire électronique soit mise à votre disposition dès le début du procès. Vous recevrez donc deux (2) CD de la preuve documentaire électronique. De cette façon, vous pourrez consulter la preuve documentaire dans votre salle de délibéré au fur et à mesure durant le procès. Par contre, les documents qui sont contenus dans les CD seront déposés en preuve individuellement, tout au long du procès. Madame la Greffière tiendra un registre des documents qui sont mis en preuve chaque jour. Avant qu’un document ne soit déposé en preuve dans la salle de Cour, il ne constitue pas de la preuve. Je répète. Avant qu’un document ne soit déposé en preuve dans la salle de Cour, il ne constitue pas de la preuve. Vous ne devez donc consulter que les documents qui portent une cote dans le dossier de la Cour. À moins qu’un document ne soit coté, il n’est pas en preuve et il vous est interdit de les consulter.
Cette directive est importante car ce sont uniquement les avocats qui décident des éléments de preuve que vous avez à considérer dans un procès. Ce sont les avocats qui contrôlent la preuve, et c’est donc important que vous ayez accès aux seuls éléments de preuve qui portent une cote de la Cour. D’autre part, il se pourrait qu’un document contenu dans votre CD soit déclaré inadmissible selon une décision que je rendrais. À ce moment, vous n’auriez pas le droit de consulter ou de prendre en considération ce document contenu dans votre CD, et je serai contraint de vous demander de ne pas en tenir compte… de ne pas tenir compte d’un tel document. C’est une des raisons pour lesquelles vous ne devez pas consulter les documents sur votre CD avant qu’ils ne soient déposés formellement en preuve en salle de Cour, avec une cote précise.
                                                                                                            [Je souligne]
[52]        Or, cette directive répond à toutes les préoccupations soulevées par l’avocate qui représentait l’appelant lors de la conférence préparatoire et constitue des instructions on ne peut plus claires sur la façon d’utiliser les pièces P-181 et P-182.
[53]        L’appelant soutient que le jury n’a pas respecté cette directive et qu’il « circulait allègrement » dans la preuve comme le démontreraient les notes J-2 et J‑3 que les jurés ont fait parvenir au juge.
[54]        La note J-2, qui est datée du 25 octobre 2010, indique au juge :
Il nous est impossible d’ouvrir les fichiers .doc et .xls, la suite de logiciels Word et Excel n’est pas installée sur nos ordinateurs.
[55]        Pourtant, les logiciels mentionnés ne sont pas requis pour consulter les pièces P‑181 et P‑182, mais le sont pour visualiser des documents contenus dans deux autres pièces déjà produites en preuve, mais qui n’apparaissent pas dans P-181 et P-182.
[56]        Ce n’est donc pas pour « circuler allègrement » dans P-181 et P-182 que les jurés adressent cette demande au juge, mais pour avoir accès à des pièces déjà admises en preuve. D’ailleurs, dans les minutes précédant la transmission de la note J-2, les jurés avaient assisté au témoignage de Veda Nancoo qui avait commenté des documents contenus dans la pièce INF-3 dont la consultation nécessitait l’utilisation du logiciel Word.
[57]        Le texte de la note J-3 que les jurés font parvenir au juge le 26 octobre 2010 mentionne par ailleurs ce qui suit :
Il manque les pages 434 et 435 de la pièce P-182 (cartable noir qui est la liste de pièces).
[58]        Les pages manquantes (434 et 435 de P-182) énumèrent des documents relatifs au chef de fraude n° 51 et, plus particulièrement, les pièces P-51.5 et P-51.6 qui avaient été discutées le 14 octobre précédent à l’occasion du témoignage de Ginette Rouleau.
[59]        Il était en conséquence tout à fait légitime et conforme aux instructions du juge que les jurés consultent P-182 et remarquent que des pages pertinentes étaient manquantes.
[60]        L’argument de l’appelant selon lequel les jurés ont fait fi des directives du juge relativement à la consultation des pièces P-181 et P-182 est en conséquence sans aucun fondement.

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