mardi 22 mai 2018

Le droit de la preuve prévoit diverses techniques qui permettent d'établir le fait recherché

R. c. Berniquez, 1996 CanLII 6387 (QC CA)

Lien vers la décision

Il est constant d'affirmer que pour pallier la mémoire défaillante d'un témoin au procès, le droit de la preuve prévoit diverses techniques qui permettent d'établir le fait recherché, soit en ravivant sa mémoire à l'aide d'un document («present recollection revived») ou encore, à défaut, en utilisant comme preuve du fait consigné le document lui-même. («past recollection recorded»).

                              Première hypothèse, le jeune Lachance ne se souvient pas du numéro mais sa mémoire est ravivée grâce à sa note rédigée à l'époque.  Ou encore, sa note n'est pas disponible mais il a vérifié l'exactitude de la transcription de sa note dans le rapport du policier:  il peut alors se rafraîchir la mémoire grâce au rapport du policier.  Dans l'un ou l'autre cas, le jeune Lachance aurait témoigné d'un fait, soit le numéro d'immatriculation,  après avoir rafraîchi sa mémoire à l'aide d'un document.  C'est sa réponse qui fait preuve du fait consigné dans l'aide-mémoire et de son exactitude.  Or, en l'espèce, on ne peut appliquer ces règles: sa note est disparue et il n'était pas présent lors de la rédaction du rapport policier.

                             Ceci nous mène à la seconde hypothèse où, cette fois, c'est le document qui sert de preuve.  L'écrit fait preuve mais aux quatre conditions suivantes:  (1) le témoin ne se souvient plus du fait consigné, (2) le témoin a eu une connaissance personnelle du fait consigné dans la note ou le rapport policier, (3) la consignation est contemporaine au fait constaté, et (4) le témoin peut affirmer que cette consignation était alors exacte.  Encore là, ceci ne pouvait jouer en l'espèce car la note n'est pas disponible et son auteur n'a pas pu vérifier l'exactitude de la transcription dans le rapport policier.

                             En l'espèce, le rapport policier constituait le seul document qui pouvait être utilisé pour établir la preuve du fait recherché.  C'est la fiabilité de ce document qui était en cause et, même en faisant preuve de souplesse dans l'administration des preuves et en élargissant les règles ci-haut énoncées, il n'en demeure pas moins que le lien a été rompu entre l'auteur de la note et le policier qui en a consigné le contenu.  Deux éléments auraient pu, l'un ou l'autre, fournir une garantie de fiabilité: la disponibilité de la note elle-même, ou encore, la déposition de la mère qui aurait pu établir l'authenticité du fait consigné en rapport avec la note prise par son fils.  Vu l'absence de ces garanties, la preuve du numéro observé par le témoin n'était pas disponible.

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