samedi 29 septembre 2018

Principe de la publicité des débats judiciaires

Personne désignée c. Vancouver Sun, [2007] 3 RCS 253, 2007 CSC 43 (CanLII)

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31                              Le « principe de la publicité des débats en justice » est une « caractéristique d’une société démocratique », comme notre Cour l’a déclaré dans l’arrêt Vancouver Sun (Re)[2004] 2 R.C.S. 3322004 CSC 43 (CanLII), par. 23.  Comme notre Cour l’a signalé dans cet arrêt, ce principe « est depuis longtemps reconnu comme une pierre angulaire de la common law » (par. 24) et figure au nombre de nos principes de droit depuis les arrêts Scott c. Scott,[1913] A.C. 417 (H.L.), et Ambard c. Attorney‑General for Trinidad and Tobago[1936] A.C. 322 (C.P.), dans lequel lord Atkin s’est exprimé ainsi à la p. 335 : [TRADUCTION] « La justice ne se rend pas derrière des portes closes ».  « La publicité est le souffle même de la justice.  Elle est la plus grande incitation à l’effort et la meilleure des protections contre l’improbité » (J. H. Burton, dir., Benthamiana : or, Select Extracts from the Works of Jeremy Bentham (1843), p. 115).

32                              La publicité des débats judiciaires présente plusieurs avantages distincts.  L’accès du public aux tribunaux offre à toute personne qui le souhaite la possibilité de constater « que la justice est administrée de manière non arbitraire, conformément à la primauté du droit » : Société Radio‑Canada c. Nouveau‑Brunswick (Procureur général)1996 CanLII 184 (CSC)[1996] 3 R.C.S. 480 (« Société Radio‑Canada »), par. 22.  La publicité des débats judiciaires favorise l’indépendance et l’impartialité des tribunaux.  S’il y a apparence de justice, il est alors plus probable que justice soit rendue.  La publicité des débats constitue « l’élément principal » de la légitimité du processus judiciaire : Vancouver Sun, par. 25.


33                              Outre son rôle de longue date comme règle de common law inhérente à la primauté du droit, le principe de la publicité des débats judiciaires est d’autant plus important qu’il est manifestement lié à la liberté d’expression, garantie à l’al. 2b) de la Charte.  Dans le contexte du présent pourvoi, il importe de noter que l’al. 2b) dispose que l’État ne doit pas empêcher les particuliers « d’examiner et de reproduire les dossiers et documents publics, y compris les dossiers et documents judiciaires » (Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général)1989 CanLII 20 (CSC)[1989] 2 R.C.S. 1326, p. 1338, citant Nixon c. Warner Communications, Inc., 435 U.S. 589 (1978), p. 597).  Le juge La Forest ajoute au par. 24 de l’arrêt Société Radio‑Canada que « [p]our que la presse exerce sa liberté d’informer le public, il est essentiel qu’elle puisse avoir accès à l’information » (je souligne).  L’alinéa 2b) protège également le droit de la presse d’assister aux instances judiciaires (Société Radio‑Canada, par. 23; Ruby c. Canada (Solliciteur général)[2002] 4 R.C.S. 3,2002 CSC 75 (CanLII), par. 53).

Comment la cour traite une affaire soulevant des questions essentiellement factuelles, où la crédibilité des témoignages joue un rôle crucial et que le témoignage de l’accusé consiste en un « general denial »

R. v. Potvin, 1994 CanLII 5460 (QC CA)

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In cases that involve opposing versions of the main events, "there is always a danger that the trier of fact will be lured into seeing the issue as one of whether to believe the complainant or the accused": per Wood J.A., speaking for the Court in R. v. K.(V.) (1991), 1991 CanLII 5761 (BC CA)68 C.C.C. (3d) 18 (B.C.C.A.), at p. 34

It is imperative on account of this danger that juries be systematically instructed in the clearest of terms on how to deal with the problem. 

The underlying principles are at once simple and clear -- to state, if not to apply.  Judges who state them can help juries to apply them by framing the rules sequentially.

In making this suggestion, we do not mean to propose that juries be instructed how to deliberate: see Morin and MacKenzie, both previously cited.  Our view is that judges should simply lay out the rules in an order that can be easily grasped and retained.  One way to do this is by relating them to the elementary principles concerning the presumption of innocence, the burden of proof, and the rule of reasonable doubt.

The main points, where the complainant and the accused have both testified and credibility is an important issue, can be made, for example, in this way:

(1)           The defendant in a criminal trial is presumed innocent. 

(2)           The burden of proof is on the Crown.

(3)           This means that the accused does not have to prove his or her innocence.  Rather, the Crown must prove that the accused is guilty.

(4)           The accused enjoys a right of silence and is not required to testify.  When the accused does testify, the burden of proof remains unchanged: the prosecution must still prove that the accused is guilty.


(5)           In order to discharge its burden of proof, the prosecution must establish the guilt of the accused beyond a reasonable doubt. 
(6)           In determining whether this burden has been discharged, the jury must consider all of the evidence.

(7)           If the jury, after considering all of the evidence, believes the testimony of the accused, then the accused must be acquitted.

(8)           If the jury, after considering all of the evidence, does not believe the testimony of the accused but are left in reasonable doubt by it, the accused must be acquitted.

(9)           If the jury, after considering all of the evidence, does not know whom to believe or has a reasonable doubt about whom to believe, they must give the benefit of that doubt to the accused and return a verdict of not guilty.

(10)         If, after considering all of the evidence, the jury is not left in doubt by the evidence of the accused, they should ask themselves whether the evidence they do accept satisfies them beyond a reasonable doubt that the accused is guilty.  If, and only if, the answer to this question is "yes", should the jury convict the accused.


Our purpose in setting the matter out this way is to illustrate, in paragraphs (1) to (6), one context in which judges might wish to instruct juries on the formula suggested by Cory J. in W.(D.),supra.  Paragraphs (7), (8) and (10) simply reproduce that formula, while paragraph (9) incorporates Justice Cory's injunction in W.(D.)[1] with the principle laid down in Nadeausupra, and reaffirmed in Mackenziesupra[2].  In this regard, see also R. v. H.(C.W.)supra, at p. 155.

The precise wording of the W.(D.) formula is not mandatory, but as Cory J. stated, at p. 409:

If that formula were followed, the oft-repeated error which appears in the recharge in this case would be avoided.  The requirement that the Crown prove the guilt of the accused beyond a reasonable doubt is fundamental in our system of criminal law.  Every effort should be made to avoid mistakes in charging the jury on this basic principle.

Les principes juridiques balisant l'allégation de l'incompétence de l'avocat

Alipoor c. R., 2017 QCCA 636 (CanLII)

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[47]        L’appelant formule une série de griefs contre le travail effectué par son avocat en première instance [l’Avocat]. Avant d’examiner ces arguments, revoyons les principes encadrant cette analyse :
         l’appelant doit prouver, selon la balance des probabilités, l’incompétence de son avocat;
         il existe une « forte présomption » de compétence de l’avocat;
         le principe de la stabilité des jugements doit être considéré;
         il faut éviter la « sagesse rétrospective »; à titre d’exemple, une stratégie infructueuse n’emporte aucune conclusion de ce seul fait;
         l’appelant doit démontrer par prépondérance le déni de justice qui résulte de la représentation inadéquate de son procureur.

Responsabilité pénale d’une personne morale en regard de la complicité

R. c. Hydrobec (9031-7579 Québec inc.), 2017 QCCQ 10710 (CanLII)

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[164]     Malgré une recherche exhaustive, tant au niveau de la jurisprudence que de la doctrine, le Tribunal n’a pas recensé de cas où une personne morale a participé à une infraction conformément à l’alinéa 21(1)b) C.cr.
[165]     La Cour d’appel de l’Alberta détermine cependant qu’une entreprise peut avoir la mens rea nécessaire pour engager sa responsabilité criminelle dans le cadre d’accusation où elle est un participant à l’infraction :
I find it difficult to see why a corporation which can enter into binding agreements with individuals and others corporations cannot be said to entertain mens rea when it enters into an agreement which is the gist of conspiracy, and if by its corporate act it can make a false pretence involving it in liability to pay damages for deceit why it cannot be said to have the capacity to make a representation involving criminal responsibility. 
[166]     Tout comme le souligne la Cour suprême, la théorie de l’identification s’applique lorsque la compagnie bénéficie ou est censée bénéficier des activités criminelles de son âme dirigeante :
[73] Ni la notion de la responsabilité du fait d'autrui, ni la théorie de l'identification ni aucune autre doctrine ne permet de rationaliser complètement la responsabilité criminelle d'une compagnie. À la différence des personnes physiques, une compagnie n'a pas d'esprit et ne peut donc avoir ce qui est appelé en droit criminel la mens rea. Pour les infractions exigeant la mens rea, le droit criminel ne considère pas le propriétaire employeur comme responsable des actes illégaux de ses employés, à moins qu'il n'y ait eu autorisation expresse ou implicite. […] Le droit canadien dans ce domaine a évolué en commençant, répétons-le, par l'arrêt Fane Robinson Ltd., précité, et en passant par l'arrêt St. Lawrence, précité, mais les tribunaux canadiens n'ont pas encore eu à fixer de limites à la théorie de l'identification. Il reste néanmoins que, appliquée pour déclarer une compagnie coupable en droit criminel de la conduite de son directeur lorsque celui-ci agit non pas en sa qualité d'âme dirigeante mais plutôt comme son ennemi juré, la théorie de l'identification n'a plus de fondement rationnel. […] Selon moi, les origines très pragmatiques de la règle de l'identification militent contre son extension de façon qu'elle s'applique à la situation qui se serait présentée en l'espèce si l'une ou plusieurs des âmes dirigeantes avaient agi entièrement dans son propre intérêt et avait visé principalement à frauder la compagnie qui était son employeur. Lorsque la compagnie en question a bénéficié ou était censée bénéficier des activités frauduleuses et criminelles de son âme dirigeante, l'application de la règle de l'identification est justifiée. Cependant, dans un cas où le mandataire s'est retourné contre la compagnie mandante, la règle n'a plus de raison d'être. [Caractères gras ajoutés]
[167]     Subsidiairement, l’article 22.2 C.cr. précise la participation d’une compagnie à la commission d’une infraction, lorsque la mens rea est un élément essentiel :
22.2 S’agissant d’une infraction dont la poursuite exige la preuve d’un élément moral autre que la négligence, toute organisation est considérée comme y ayant participé lorsque, avec l’intention, même partielle, de lui en faire tirer parti, l’un de ses cadres supérieurs, selon le cas :
a) participe à l’infraction dans le cadre de ses attributions;
b) étant dans l’état d’esprit requis par la définition de l’infraction, fait en sorte, dans le cadre de ses attributions, qu’un agent de l’organisation accomplisse le fait — action ou omission — constituant l’élément matériel de l’infraction;
c) sachant qu’un tel agent participe à l’infraction, ou est sur le point d’y participer, omet de prendre les mesures voulues pour l’en empêcher.
[168]     L’organisation, terme auquel se réfère le Code criminel à son article 22.2 est défini à l’article 2 C.cr. :
2. organisation Selon le cas :
a) corps constitué, personne morale, société, compagnie, société de personnes, entreprise, syndicat professionnel ou municipalité;
b) association de personnes qui, à la fois :
(i) est formée en vue d’atteindre un but commun,
(ii) est dotée d’une structure organisationnelle,
(iii) se présente au public comme une association de personnes. (organization)
[169]     Dans un jugement de la Cour du Québec, le juge Conrad Chapdeleine traite de l’article 22.2 C.cr. dans le cadre d’une poursuite intentée envers une compagnie pour des infractions à la Loi sur la concurrenceIl énumère les divers motifs ne permettant pas d’exclure la responsabilité d’une organisation, telle que définie par le Code criminel :
[79] La lecture de l'article 22.2 permet les constats suivants. Il peut exister plusieurs cadres supérieurs au sein d'une même organisation. Un cadre supérieur peut être associé à une sphère d'activité ou à un territoire précis, tout comme le voulait la théorie de l'identification. Cet article indique que l'on doit, afin de déterminer si un employé est un cadre supérieur, considérer les fonctions qu'il exerce et les responsabilités qui lui incombent dans le champ d'activités qui lui a été délégué. Il découle de cela que la notion de cadre supérieur n'inclut pas seulement les hauts dirigeants et le conseil d'administration d'une compagnie.
[80] De même, l'article 22.2 ne permet pas d'exclure la responsabilité d'une organisation aux motifs que :
- l'acte criminel visé n'a pas été expressément ordonné par un cadre supérieur ou un agent;
- il n'y a pas eu autorisation expresse d'autorité au cadre supérieur ou à l'agent ayant commis l'infraction;
- le conseil d'administration ou les membres de la direction ou de l'organisation n'étaient pas au courant des activités en cause;
- des instructions expresses ou implicites interdisant les actes illégaux précis ou toute conduite en général aient été données;
- le cadre supérieur ait agi, en partie, frauduleusement envers l'organisation;
- le cadre supérieur ait agi, en partie, pour son propre avantage.
[81] De plus, cet article permet également de conserver le moyen de défense reconnu par la Cour suprême dans l'affaire Canadian Dredge et d'exclure la responsabilité pénale d'une organisation lorsque le cadre supérieur fautif a agi entièrement dans son propre intérêt.
[170]     Finalement, la responsabilité criminelle d’une personne morale est limitée aux actes posés par une âme dirigeante qui ne sont pas entièrement frauduleux à l’égard de la personne morale :
Les limites quant à la responsabilité criminelle qu’assume une personne morale par l’acte d’une âme dirigeante reposent sur le fait que l’acte criminel est ou non entièrement frauduleux à l’endroit de la personne morale. En partant du principe qu’une personne, si malhonnête soit-elle, ne peut se frauder elle-même, il faut dissocier l’acte criminel d’une personne quand cet acte criminel est contraire aux intérêts de la personne morale et vise sa destruction: le représentant ne peut plus, dans ce cas, être considéré comme agissant en qualité d’âme dirigeante.
[171]     En l’espèce, la preuve révèle que l’accusé Dany Belley est administrateur et agit comme âme dirigeante des compagnies Hydrobec et Hydro Rive Sud. D’ailleurs, lors de son témoignage, il l’admet.
[172]     Le Tribunal a déjà conclu que la poursuite a prouvé, hors de tout doute raisonnable, que ce dernier a aidé, conformément à l’alinéa 21(1)b) C.cr., les producteurs de cannabis à commettre l’infraction prévue à l’alinéa 7(1)(2)b) de la LRDS. Comme l’acte criminel commis par l’accusé Belley n’est pas contraire aux intérêts des compagnies Hydrobec et Hydro Rive Sud, puisqu’il ne vise pas leur destruction, il en découle que ces deux personnes morales engagent leur responsabilité criminelle.

*** Attention, cette décision est portée en appel devant CAQ ***