dimanche 19 mai 2024

Comment la Poursuite peut utiliser les procédures civiles dans le cadre d'un procès criminel

R. c. Sheikh, 2016 QCCS 4672

Lien vers la décision


[29]      Une personne accusée séparément d’une infraction est un témoin contraignable au procès criminel d’une autre personne accusée de la même infraction[4].

[30]      La Cour d’appel du Québec résume l’état du droit concernant les protections offertes à un accusé contre son auto-incrimination dans le cadre d’un témoignage forcé[5] :

L’immunité contre l’utilisation de la preuve empêche que le témoignage incriminant qu’un individu a été contraint de livrer soit utilisé directement contre lui dans une instance ultérieure. L’immunité contre l’utilisation de la preuve dérivée empêche que le témoignage incriminant qu’un individu a été contraint de livrer serve à obtenir d’autres éléments de preuve, sauf si ces éléments de preuve peuvent être découverts par d’autres moyens. L’exemption constitutionnelle confère une forme de droit absolu de ne pas témoigner lorsque les procédures engagées visent ou servent essentiellement à recueillir des éléments de preuve qui permettront de poursuivre le témoin. Ensemble, ces garanties nécessaires établissent les paramètres à l’intérieur desquels un témoignage incriminant peut être obtenu.

[31]      Le ministère public ne peut nullement et en aucun temps se servir de ces témoignages pour incriminer Abbas Sheikh ou Richard Vallières dans leur procès respectif alors qu’ils ont le statut d’accusé.

[32]      Il ne peut déposer ces témoignages en preuve à charge[6].

[33]      Un témoin contraignable en vertu d’une loi est un témoin forcé pour l’application de l’article 13 en ce qui a trait à sa déposition à l’interrogatoire préalable dans le cadre de l’action civile[7].

[34]      Un témoignage incriminant est le témoignage que le témoin a fourni lors d’une procédure initiale et que la poursuite pourrait utiliser, à supposer qu’elle soit autorisée à l’utiliser pour démontrer la culpabilité du témoin, c’est-à-dire pour prouver ou pour l’aider à prouver l’un ou plusieurs des éléments constitutifs de l’infraction reprochée au témoin lors de son procès ultérieur[8].

[35]      Le but recherché par le ministère public est d’interroger un témoin ordinaire, Abbas Sheikh, lors du procès de l’accusé Richard Vallières et vice versa.

[36]      L’utilisation de ces témoignages est assujettie à l’autorisation du Tribunal conformément aux articles 9 et 10 de la Loi sur la preuve.

[37]      Le Tribunal pèsera l’intérêt supérieur de la justice à l’utilisation de l’information dans les relations entre les parties et, le cas échéant, à l’égard des tiers, par rapport au droit de tenir l’information confidentielle. Des facteurs multiples qu’on ne saurait examiner exhaustivement seront alors mis en compte. La communication des parties ou de la totalité d’un interrogatoire ou des pièces produites à l’occasion de celui-ci pourra aussi être acceptée, dans des cas où un intérêt important pour la justice ou les parties sera en jeu. Tel pourrait être le cas, par exemple, lorsqu’il s’agirait de démontrer dans un autre procès qu’un témoin a donné des versions contradictoires d’un même fait[9].

[38]      Les procureurs de Abbas Sheikh et Richard Vallières s’inquiètent de la possibilité que leur défense soit dévoilée. « La simple possibilité de dévoilement de la défense n’est pas en soi suffisante et ne confère pas aux circonstances le caractère exceptionnel nécessaire »[10].

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