samedi 1 juin 2024

La présence d’une maladie mentale ne constitue pas automatiquement un facteur atténuant

Sa Majesté la Reine c. Pond, 2020 NBCA 54

Lien vers la décision


[38]                                                           La présence d’une maladie mentale ne constitue pas automatiquement un facteur atténuant. Il ne suffit pas de démontrer que le délinquant a souffert de maladie mentale dans le passé ou même souffrait d’une maladie mentale au moment de l’infraction. Le juge chargé de la détermination de la peine doit déterminer si et dans quelle mesure la maladie mentale d’un délinquant a contribué au comportement délictuel, et ainsi diminué sa culpabilité morale (Williams, par. 81; et Badhesa, par. 43).

 

[39]                                                           La nécessité d’établir un lien entre l’état mental du délinquant et sa culpabilité morale a récemment été réitérée par la majorité et la dissidence dans R. c. R.D.F., en faisant référence à J.M.O., (majorité au para 57 et dissidence au para 215). Dans J.M.O., la Cour a déclaré qu’il faut démontrer, et non seulement supposer, que la santé mentale a atténué ou diminué la culpabilité morale du délinquant. Dans l’ensemble, je suis d’avis que le juge Mainella, qui a écrit des motifs exhaustifs au nom de la Cour, l’a bien expliqué :

 

[TRADUCTION]

Au cœur de cet appel se trouve la question de l’effet juridique des limites cognitives de l’adolescent, et particulièrement le fait qu’il souffre de TNDLA. La culpabilité morale moins élevée pour les besoins de la détermination de la peine, que ce soit pour un adulte ou un adolescent, en raison d’une maladie mentale reconnue et correctement diagnostiquée ou en raison d’un autre état qui affaiblit le fonctionnement de l’esprit, se détermine au cas par cas [TRADUCTION] « selon les faits de l’espèce » plutôt que par l’application machinale d’une règle selon laquelle la maladie mentale ou la limite cognitive a nécessairement eu une incidence sur la commission du crime en question (voir R. c. Roulette2015 MBCA 102, au par. 7R. c. Friesen2016 MBCA 50, au par. 23R. c. Manitowabi2014 ONCA 301, aux par. 55 à 57R. c. Ellis2013 ONCA 739, aux par. 107 à 127R. c. Ramsay2012 ABCA 257, aux par. 33 à 39R. c. Branton2013 NLCA 61, au par. 35; et R. c. M.J.H., 2004 SKCA 171, au par. 29).

 

La détermination de la culpabilité morale d’un délinquant atteint d’une maladie mentale ou d’une autre forme de limite cognitive est un exercice empreint de tact et de considération. En procédant à cette détermination, les juges doivent éviter de commettre l’une des deux erreurs de principe évidentes décrites dans ce qui suit. La première est d’être indifférent à la question de savoir si la situation mentale d’un délinquant a une incidence sur son degré de responsabilité. L’autre erreur de principe est le cas inverse, c’est-à-dire de supposer que la culpabilité morale d’un délinquant pour une infraction est automatiquement moins élevée parce qu’il souffre d’une maladie mentale ou d’une autre déficience cognitive […] [par. 72 et 73]

[C’est moi qui souligne.]

 

[40]                                                           Je fais miennes les observations suivantes du juge Mainella qui suggère la démarche à suivre par les juges chargés de déterminer la peine lorsque la maladie mentale d’un délinquant est signalée :

 

[TRADUCTION]

Il est suggéré que, lors de la détermination de la peine des délinquants atteints d’une maladie mentale ou d’une autre forme de limite cognitive, comme une forme de l’ETCAF, les juges chargés de la détermination de la peine évaluent séparément et correctement les questions suivantes :

 

1.      Existe-t-il une preuve forte selon laquelle le délinquant souffre d’une maladie mentale reconnue ou d’une autre limite cognitive?

 

2.      Existe-t-il des éléments de preuve démontrant la nature et la gravité de la situation mentale du délinquant qui permettent de prendre une décision éclairée sur la relation, s’il en est, entre cette situation et le comportement criminel?

 

3.      En supposant que le dossier soit suffisant, le juge qui prononce la peine doit décider du degré de responsabilité du délinquant à l’égard de l’infraction en tenant compte du fait que la maladie mentale ou les limites cognitives ont joué un rôle dans la conduite criminelle et, le cas échéant, de la mesure dans laquelle elles ont joué un tel rôle.

 

Voir R. c. Ramsay2012 ABCA 257, aux par. 19 à 39R. c. Draper2010 MBCA 35, au par. 20; et Manitowabi, au par. 64. [par. 73]

 

[41]                                                           Le juge Mainella suggère également, et j’en conviens, que le ou la juge pourrait pallier les insuffisances du dossier en exigeant la présentation d’éléments de preuve selon l’article 723(3) du Code ou à défaut, tirer des conclusions, selon la charge de preuve requise par l’art. 724(3) du Code:

 

[TRADUCTION]

Pour remédier aux insuffisances du dossier, le juge chargé de la détermination de la peine peut exiger la présentation des éléments de preuve qui l’aideront à porter un jugement éclairé sur la pertinence de la situation mentale du délinquant (voir le par. 723(3) du Code ou l’article 34 de la LSJPA) ou, à défaut, qui l’aideront à établir les faits dans le dossier existant à la lumière du fardeau de preuve applicable (voir le par. 724(3) du Code et R. c. Kunicki2014 MBCA 22, aux par. 21 et 26). Pour un tribunal d’appel, ce qui est important, c’est de savoir si le juge chargé de la détermination de la peine a établi si la maladie mentale du délinquant ou une autre forme de déficience cognitive a eu une incidence sur le degré de responsabilité de celui-ci à l’égard de l’infraction et, le cas échéant, si le dossier appuie raisonnablement les conclusions du juge qui a prononcé la peine. [par. 74]

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