dimanche 7 juillet 2024

Les éléments constitutifs de l’infraction de traite d’une personne mineure

R. c. Bédard, 2022 QCCQ 5399

Lien vers la décision


[167]         J’’analyserai l’infraction de traite dans la manière dont les accusés ont agi envers X dans l’optique d’une prestation de services sexuels moyennant rétribution. Les éléments essentiels[108] de l’infraction de traite d’une personne mineure prévue à l’article 279.011 (1) b) du Code criminel sont les suivants :

ÉLÉMENT MATÉRIEL / ACTUS REUS

ÉLÉMENT INTENTIONNEL / MENS REA

1)

Un comportement envers une personne, soit de l’avoir recrutée, transportée, transférée, détenue, cachée, ou hébergée; ou d’avoir exercé un contrôle, une direction ou une influence sur les mouvements de cette personne;

1)

Le comportement est intentionnel;

 

 

 

 

2)

Cette personne est âgée de moins de 18 ans;

2)

La connaissance ou l’aveuglement volontaire de l’accusé relativement au fait que la victime soit âgée de moins de 18 ans

3)

L’accusé exploite cette personne en l’amenant à fournir un travail ou des services par des agissements dont il est raisonnable de s’attendre, compte tenu du contexte, à ce qu’ils fassent croire qu’un refus de sa part mettrait en danger sa sécurité[109].

3)

L’accusé agit dans un but d’exploiter ou de faciliter l’exploitation de la victime

[168]         Les éléments constitutifs du comportement prohibé sont disjonctifs, et non cumulatifs[110]. La Cour d’appel du Québec, dans R. c. Urizarles interprète en ces termes:

« [74] Dans sa première partie, l'article 279.01 C.cr. utilise des termes qui reflètent une action précise : recrute, transporte, transfère, reçoit, détient, cache, héberge. Le second segment de l'article suggère un état des choses qui découle d'une série d'agissements plutôt que d'un acte isolé : exerce un contrôle, une direction ou une influence sur les mouvements d'une personne. Ces derniers termes évoquent la notion d'emprise, de mainmise, d'ascendant sur la personne et sur ses mouvements.

[75] Ici, le législateur emploie les mêmes mots que ceux qu'il utilise en matière de proxénétisme à l'article 212(1)h) C.cr. : « aux fins de lucre, exerce un contrôle, une direction ou une influence sur les mouvements d'une personne…». Dans l'arrêt Perreault c. R., notre Cour définit les éléments essentiels de cette infraction de la façon suivante :

L'élément contrôle réfère à un comportement envahissant, à une emprise laissant peu de choix à la personne contrôlée. Ce comportement inclut par conséquent des actes de direction et d'influence. Il y a exercice de direction sur les mouvements d'une personne lorsque des règles ou des comportements sont imposés. L'exercice de direction n'exclut pas que la personne dirigée dispose de latitude ou d'une marge d'initiative. L'exercice d'influence inclut des comportements moins contraignants. Sera considérée comme une influence, toute action exercée sur une personne en vue d'aider, encourager ou forcer à s'adonner à la prostitution.


 

[76] (…) Il ressort plutôt du texte de l'article 279.01 C.cr. que l'infraction peut être commise par des agissements qui, à degré variable, forment une contrainte sur les mouvements d'une personne en vue de l'exploiter ou de faciliter son exploitation. »[111]

(Références omises)

[169]         Les gestes à l’origine de l’exploitation s’évaluent selon un critère objectif, la victime devant être amenée à fournir ses services par des agissements dont il est raisonnable de s’attendre, compte tenu du contexte, à ce qu’ils fassent croire qu’un refus de sa part mettrait en danger sa sécurité ou celle d’une personne qu’elle connaît[112].

[170]         Le danger à la sécurité dont il est question à l’article 279.04 C.cr. ne se limite pas au préjudice physique, mais comprend également le préjudice psychologique[113]. Les gestes s’analysent de manière objective, sur la base de toutes les circonstances et il n’est pas obligatoire que la sécurité de la victime ait réellement été menacée[114]. Quant au consentement de la victime d’exploitation, il ne constitue pas une défense possible à cette accusation[115].

[171]         Quant à l’examen de l’élément mental de l’infraction de traite, il se fait à la lumière de la notion d’exploitation prévue à l’article 279.04(1) C.cr. Selon les arrêts Gallone[116] et Urizar[117], une preuve d’exploitation réelle n’est pas requise. La poursuite doit simplement prouver que les accusés avaient intentionnellement adopté l’une des conduites décrites en vue d’exploiter ou de faciliter l’exploitation de X.

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