R. c. Barnabé-Paradis, 2022 QCCS 3995
[57] Bien entendu, un juge doit faire montre d’ouverture d’esprit et être conscient des réalités sociales. Ainsi, le juge doit tenir compte des impacts pertinents du racisme systémique ou manifeste dans ses prises de décisions. Dans le contexte d’une requête Corbett, il s’agit de déterminer si le racisme affecte la mise en balance de la valeur probante et de l’effet préjudiciable de l’utilisation en contre-interrogatoire des antécédents judiciaires de l’accusé. Le racisme peut avoir eu des conséquences sur les circonstances personnelles de l’accusé et ainsi constituer un élément de contexte de ses antécédents judiciaires. En d’autres termes, les effets du racisme subi par l’accusé sont susceptibles de moduler la valeur probante des antécédents judiciaires de celui-ci. Les condamnations antérieures qui découlent de difficultés liées au racisme pourraient être moins révélatrices de la malhonnête de l’accusé qu’elles ne le seraient autrement. Il demeure que l’accusé doit démontrer que le racisme qu’il a subi personnellement affecte l’analyse en vertu de l’arrêt Corbett. À cet égard, il n’y a pas lieu d’exiger la preuve d’un lien de causalité directe impossible à établir, mais les allégations de l’accusé doivent être appuyées par la preuve. En considérant la preuve, le juge doit être ouvert d’esprit, sans pour autant être complaisant. Enfin, ajoutons que la criminalité dépend souvent de multiples facteurs et que l’importance relative du racisme quant à la criminalité de l’accusé peut varier selon les cas (R. c. King, 2022 ONCA 665; R. c. S. (R.D.), 1997 CanLII 324 (CSC), [1997] 3 RCS 484; R. c. Morris, 2021 ONCA 680; R. c. Anderson, 2021 NSCA 62).
[58] En l’espèce, M. Barnabé-Paradis n’a pas démontré que le racisme dont il aurait fait l’objet devait entrainer l’exclusion de ses antécédents judiciaires. Dans son témoignage sur voir-dire, il s’est plaint, en termes généraux, d’avoir été victime de racisme lors de ses interactions avec la police. Son récit est demeuré superficiel et peu convaincant. Par ailleurs, on a appris bien peu de choses sur son histoire personnelle. Sur la base de la preuve présentée, il n’est pas permis de conclure que le racisme a un impact pertinent sur le cadre d’analyse de l’arrêt Corbett dans le cas particulier de M. Barnabé-Paradis.
[59] M. Barnabé-Paradis a finalement décidé de ne pas témoigner devant le jury. S’il avait témoigné, il aurait été vraisemblablement approprié, à l’occasion des directives habituelles sur l’utilisation permise des antécédents judiciaires de l’accusé pour évaluer sa crédibilité, d’ajouter une mise en garde au jury contre le risque de tirer une inférence illégale de mauvais caractère ou de propension à cause de préjugés ou de stéréotypes fondés sur la race ou la couleur de la peau. Sans être obligatoire, une telle mise en garde spécifique aurait pu être utile. Aucune preuve n’était requise à cet égard. Le Tribunal a le devoir de s’assurer que le jury accomplit son devoir de façon impartiale, sans être influencé par les préjugés et stéréotypes, notamment au moyen de directives ciblées (R. c. Chouhan, 2021 CSC 26, para. 49-50; R. c. Barton, 2019 CSC 33. Para. 176).
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