Fleury c. R., 2022 QCCS 943
[33] D’abord, les captures d’écran que la poursuite souhaite utiliser en preuve sont pertinentes puisqu’elles sont reliées à la principale question en litige qui est l’identification de l’auteur du meurtre.
[34] La défense a finalement choisi de ne pas contester l’admission de cette preuve puisqu’il est justifié et approprié de déposer un élément de preuve « matériel » (sous la forme d’une capture d’écran[3]) plutôt que les seules observations des policiers à propos de l’habillement de l’accusé lors de son arrivée au poste de police le 12 décembre 2018.
[35] En effet, un policier pourrait témoigner de l'habillement de l'accusé à ce moment et il pourrait même utiliser la capture d'écran pour se rafraichir la mémoire, que cette preuve soit jugée admissible ou non[4].
[36] Par ailleurs, il a déjà été décidé que le dépôt en preuve de photos et de vidéos prises d’un événement, lors d’une détention ou d’une arrestation, est légal lorsqu’il s’agit d’établir l’identification de l’accusé[5].
[37] Une telle preuve n'engage pas l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte) puisqu’il s'agit d'un moyen par lequel les policiers enregistrent leurs observations. L'apparence et la condition physique ne sont pas considérées en droit comme « émanant » de l'accusé.
[38] Le principe contre l'auto-incrimination n'est pas réellement soulevé par l'admission de preuve qualifiée de « non linguistic evidence » par les auteurs[6], laquelle concerne les preuves émanant de l’accusé comme les substances corporelles et la participation à une parade d’identification photographique, contrairement à des verbalisations.
[39] En ce sens, la preuve d’identification par photographie ou vidéo ne peut être considérée comme une preuve qui n'existerait pas sans la participation de l'accusé.
[40] Également, et à titre d’analogie, des décisions allant dans le même sens ont été rendues en matière d’identification des voix[7].
[41] Dans l’arrêt Parsons, la Cour d’appel de l’Ontario a énoncé que l'enregistrement photographique des caractéristiques du visage ou du corps ne viole pas le privilège contre l'auto-incrimination[8].
[42] Dans cette affaire, l'accusé avait été filmé pendant qu'il était au poste de police et la Cour en a conclu qu'il n'y avait pas de violation de l'article 7.
[43] La Cour d’appel de l’Ontario rendait une décision au même effet dans Shortreed où elle a tranché que l'enregistrement photographique des caractéristiques du visage ou autres n'implique pas la contrainte testimoniale ni ne brime la règle contre l'auto-incrimination[9].
[44] Dans tous les cas, il importe de cerner les circonstances entourant la prise de photo ou de vidéo et le but poursuivi par la poursuite par le dépôt de cette preuve, car ces considérations pourraient nuancer l'analyse.
[45] En l’espèce, de telles nuances n’existent pas. J’ai déjà conclu que l’accusé n’était pas détenu à son arrivée à la salle d’interrogatoire vidéo. Il a même spécifiquement consenti à ce que sa déclaration soit filmée.
[46] L’ensemble de la déclaration a ensuite été jugée inadmissible et écartée de la preuve non pas parce qu’il était détenu illégalement, mais parce qu’elle ne rencontrait pas les garanties de fiabilité exigées par la common law au titre de la règle des confessions.
[47] En conséquence, il n’y a aucun lien entre la capture d’image de l’accusé à son arrivée dans la salle d’interrogatoire où il s’est volontairement rendu et se savait filmé, et le non-respect de la règle des confessions.
[48] J’en conclus que la capture d’écran de la déclaration vidéo de Yanik Fleury faite le 12 décembre 2018 est admissible en preuve.
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