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vendredi 1 août 2025

Les éléments constitutifs des infractions (1) d'utiliser d'une arme à feu, (2) Braquer une arme à feu, (3) Porter ou avoir en sa possession une arme dans un dessein dangereux pour la paix publique ou en vue de commettre une infraction et (4) Entreposer une arme à feu, à savoir une arme de poing d’une manière négligente ou sans prendre suffisamment de précautions pour la sécurité d’autrui

R. c. Jetté, 2024 QCCQ 2141

Lien vers la décision


[71]         En ce qui concerne l’infraction d’utilisation d’une arme à feu lors de la commission d’une infraction, le poursuivant doit démontrer qu’un accusé « utilise » une arme à feu au sens du paragraphe 85(1) C.cr. Le poursuivant doit prouver que l’accusé a manifesté par ses paroles ou gestes la présence ou la disponibilité immédiate de l’arme pour commettre un crime ou pour faciliter une fuite. Pour être déclaré coupable de cette infraction, il faut avoir été préalablement déclaré coupable de l’infraction sous‑jacente. Il est donc crucial que l’infraction sous‑jacente soit spécifiée dans l’acte d’accusation[15].

[72]         Le pistolet en question est une « arme à feu » au sens du paragraphe 85(1) C.cr. du fait qu’il est considéré comme une « arme à feu » en vertu de la définition de ce terme à l’article 2 C.cr.

[78]         Pour ce qui est de l’infraction de braquage d’une arme à feu, telle que prévue au paragraphe 87(1) C.cr., elle est interprétée dans son sens courant, à savoir qu’elle implique le fait de diriger ou de pointer une arme à feu au sens de l’article 2 C.cr. vers une personne. Cette infraction comporte une intention générale : l’accusée doit délibérément pointer son arme à feu, quel que soit le motif, et ce geste ne peut être excusé ou justifié par la Loi[16].

[79]         Rappelons que l’accusée admet que l’arme utilisée lors de l’altercation constitue une « arme à feu » au sens de l’article 2 C.cr. Il reste à décider si l’accusée a dirigé l’arme en direction de la plaignante ou non.

[81]         Une arme est considérée comme « utilisée » lorsqu’un accusé la tient et la pointe en direction d’une personne[17]. Étant donné que l’infraction pour l’utilisation de l’arme à feu lors de la perpétration d’une menace implique l’élément de braquage d’une arme, le principe Kineapple s’applique.

[83]         Le Tribunal passe maintenant à l’analyse du paragraphe 88(1) C.cr. Dans l’arrêt R. c. Kerr[18], la Cour suprême du Canada précise que le paragraphe 88(1) C.cr. comprend deux infractions : soit la possession d’une arme « dans un dessein dangereux pour la paix publique » et la possession d’une arme « en vue de commettre une infraction ».

[84]         Dans le cadre de la présente affaire, le Tribunal ne prend en compte que la première infraction. Le poursuivant doit prouver que l’accusée avait l’arme en sa possession et que cette possession visait un dessein dangereux pour la paix publique. La preuve de la possession et le dessein dangereux pour la paix publique doivent se rencontrer à un moment quelconque[19].

[85]         La preuve de l’actus reus est indubitable, car l’accusée a même reconnu avoir l’arme en sa possession en la tenant dans ses mains lorsqu’elle a ouvert la porte à la plaignante.

[86]         En ce qui concerne l’intention (mens rea) en vertu de l’article 88(1) C.cr., les juges de la Cour suprême du Canada ne sont pas unanimes quant au critère à appliquer.

[87]         Selon les juges Major et Bastarache, le « dessein dangereux pour la paix publique » est une intention spécifique, évaluée à la fois subjectivement et objectivement. Dans un premier temps, le Tribunal doit d’abord subjectivement identifier le dessein de l’accusée. Dans la détermination de l’intention subjective de l’accusée, le Tribunal peut considérer les éléments tels que le témoignage de l’accusée et la nature de l’arme. Dans un deuxième temps, il doit objectivement déterminer si ce dessein était, dans toutes les circonstances, dangereux pour la paix publique[20]. La notion de la paix publique renvoie généralement à l’ordre ou à l’état normal qui règne dans une société[21].

[88]         Le Tribunal applique le critère « subjectif‑objectif » proposé ci‑dessus à la présente affaire. En déterminant de manière subjective le dessein de l’accusée, le Tribunal prend en compte les éléments suivants : le pistolet est une arme à air comprimé et selon le rapport ENSALA, il n’était pas chargé.

[89]         Après avoir examiné subjectivement le dessein de l’accusée, le Tribunal conclut que l’accusée avait pour dessein d’utiliser l’arme pour intimider la plaignante. Aucun élément de la preuve ne suggère qu’elle avait l’intention de troubler l’ordre ou l’état normal au sein de la société.

[90]         De manière objective, après avoir pris en considération toutes les circonstances, le Tribunal estime que braquer un pistolet à air comprimé dépourvu de munitions sur une personne est un comportement répréhensible, mais ne constitue pas un danger pour le public.

[91]         Les juges Arbour et Lebel affirment qu’il faut appliquer un test entièrement subjectif au paragraphe 88(1) C.cr. Ils suggèrent de définir « un dessein dangereux pour la paix publique » comme étant l’intention de causer des lésions corporelles ou des dommages matériels, ou d’agir de manière insouciante à cet égard[22]. En se basant sur ce critère strictement objectif, aucun élément de la preuve fournie par le poursuivant ne suggère que l’accusée avait l’intention d’utiliser l’arme pour causer des blessures corporelles ou des dommages à la plaignante. Cette conclusion est corroborée par le fait que le pistolet n’était pas chargé.

[94]         L’actus reus de l’infraction dont l’accusée est reprochée consiste à entreposer une arme à feu au sens de l’article 2 C.cr. d’une manière négligente ou sans prendre suffisamment de précautions pour la sécurité d’autrui. À ce stade, l’analyse doit se concentrer sur le comportement objectif de l’accusée ou sur l’insuffisance de précautions lors de l’[entreposage] de l’arme à feu en vertu de l’article 86(1)[23].

[95]         La mens rea de cette infraction exige la démonstration, au‑delà de tout doute raisonnable, que l’[entreposage] négligent de l’arme à feu constitue un écart marqué par rapport à la conduite attendue d’une personne raisonnable placée dans la même situation que l’accusée, indépendamment de son état réel au moment de la perpétration de l’acte. En outre, pour engager la responsabilité criminelle, le comportement de l’accusée doit être sans excuse légitime[24].

[96]         Mis à part le fait que l’arme à poing est considérée comme une arme à feu au sens de l’article 2 C.cr., les autres éléments de l’infraction n’ont pas été établis. D’après le témoignage de l’accusée, le Tribunal conclut que l’arme à poing a été entreposée chez elle, mais sans plus de détails. Le Tribunal souligne qu’il s’agit d’un pistolet à air comprimé non chargé. Par conséquent, il est objectivement difficile de déterminer comment une personne raisonnable entreposerait une arme à air comprimé sans munitions. De surcroît, aucune preuve n’a étayé la manière négligente dont l’accusée entrepose l’arme à feu ou qu’elle n’a pas pris suffisamment de précautions pour assurer la sécurité d’autrui.

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