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dimanche 15 juin 2025

Il n'est pas nécessaire de préciser le moment exact de la commission du crime, à moins qu'il ne constitue un élément essentiel de l'infraction imputée et que l'inexactitude du moment indiqué n'induise l'accusé en erreur et ne lui porte préjudice

R. c. Douglas, 1991 CanLII 81 (CSC)

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Il ressort de cette jurisprudence qu'un acte d'accusation est adéquat s'il contient des détails suffisants pour renseigner raisonnablement l'accusé sur l'accusation et pour identifier l'affaire mentionnée, de sorte qu'il est en mesure de bien préparer sa défense.  La question de savoir si l'acte d'accusation est suffisant dépend des faits de l'espèce et de la nature de l'accusation.  Il n'est pas nécessaire de préciser le moment exact à moins qu'il ne constitue un élément essentiel de l'infraction imputée et que l'inexactitude du moment indiqué n'induise l'accusé en erreur et ne lui porte préjudice.

 

               De même, on peut généralement affirmer que la preuve de l'infraction a été faite s'il a été établi qu'elle a été commise durant la période indiquée dans l'acte d'accusation.  Voir, par exemple, Container Materials Ltd. v. The King1942 CanLII 1 (SCC)[1942] R.C.S. 147, à la p. 159 et R. v. Hoffmann‑La Roche Ltd. (1980), 1980 CanLII 1615 (ON SC)53 C.C.C. (2d) 1, à la p. 52, conf. par (1981), 1981 CanLII 1690 (ON CA)62 C.C.C. (2d) 118 (C.A. Ont.).  Dans l'affaire Hoffmann, l'accusée était inculpée d'une infraction prévue par la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, la vente d'articles à des prix déraisonnablement bas.  Aux pages 52 et 53, le juge Linden dit:

 

[traduction]  Je ne pense pas que la défense ait raison d'affirmer que le ministère public doit prouver en l'espèce que l'accusée a pratiqué des prix déraisonnablement bas de manière continue, pendant toute la période du 1er janvier 1968 au 30 novembre 1974.  L'acte d'accusation dit que l'infraction a été commise "entre" ces dates‑là et non qu'elle s'est poursuivie durant toute cette période.  Il suffit, à mon sens, de prouver que l'infraction a été commise à un moment de la période indiquée.  Je conclus que le ministère public y est parvenu en prouvant que de tels prix ont été pratiqués entre le 25 juin 1970 et le 30 juin 1971, période qui est nettement comprise entre les dates mentionnées.  [Je souligne.]

 

               Dans l'arrêt R. c. B. (G.)1990 CanLII 7308 (CSC)[1990] 2 R.C.S. 30, aux pp. 44 et 45, le juge Wilson a exposé avec beaucoup de clarté les exigences qu'une dénonciation doit respecter:

 

               Il ressort de ces arrêts que ce qui constitue une dénonciation raisonnable ou adéquate relativement à l'acte ou à l'omission qui doit être établi contre l'accusé différera nécessairement d'une affaire à l'autre.  Les faits à la base de certaines infractions se prêtent à une description plus précise que dans le cas d'autres infractions.  De même, la nature et le caractère juridiques de l'infraction reprochée sont un facteur important dans toute appréciation du caractère raisonnable de la dénonciation.  Toutefois, il appert également qu'en général on n'annulera pas une dénonciation ou un acte d'accusation pour la simple raison que le moment exact de l'infraction n'est pas précisé.  La question sera plutôt entendue sur le fond.  Bien qu'il soit de toute évidence important de fournir à l'accusé suffisamment de renseignements pour lui permettre d'identifier l'infraction reprochée et de préparer sa défense, la précision du moment exact de cette infraction n'est habituellement pas nécessaire à cette fin.  Il va sans dire, évidemment, que le contraire peut être vrai dans certaines affaires.

 

Finalement, il faudra déterminer si l'acte d'accusation en cause respecte ces exigences.

Le mandat doit préciser adéquatement l'objet de la fouille & le recours à l'amplification

R. v. Ting, 2016 ONCA 57

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[47]      Broadly defined, a search warrant is an order issued by a justice of the peace that authorizes the police to enter a specified place to search for and seize specific property: see A.G. (Nova Scotia) v. MacIntyre1982 CanLII 14 (SCC), [1982] 1 S.C.R. 175, at 179.

[48]      An adequate description of the place to be searched is a fundamental component of a search warrant. Its importance cannot be overstated: see R. v. Le2011 MBCA 83, 270 Man.R. (2d) 82, at para. 77; James A. Fontana and David Keeshan, The Law of Search and Seizure in Canada, 8th ed (Markham: LexisNexis Canada Inc., 2010) at 87-92.

[49]       Without an adequate description of the premises, the issuing justice of the peace would not be assured that he or she is not granting too broad an authorization, or an authorization without proper reason. The police officers called on to execute the search warrant would not know the scope of their search powers. Further, those subject to the warrant would be left in doubt as to whether there is valid authorization for those searching their premises.

[50]       Accordingly, a warrant that does not adequately describe the place to be searched is invalid. As articulated in Re McAvoy[1970] N.W.T.J. No. 5 (Terr. Ct.), at para. 50,:

To avoid search warrants becoming an instrument of abuse it has long been understood that if a search warrant fails to adequately describe the offence, fails to accurately describe the premises to be searched, or fails to give an accurate description of the articles to be seized then it will be invalid.

[51]      Just what constitutes an adequate description will vary with the location to be searched and the circumstances of each case. With respect to a multi-unit, multi-use building, as seen in this case, it is not enough to simply provide a street address that distinguishes the building from others. The description must adequately differentiate the units within the building, as those in a multi-unit dwelling have the same expectation of privacy as those in a single-unit dwelling. The Supreme Court of Canada articulated this point in R. v. Campbell2011 SCC 32, [2011] 2 S.C.R. 549, at para. 15:

[The accused’s] expectation of privacy in his room within the townhouse is just as high as that of a resident of a single dwelling unit. In drafting ITOs proposing to search more than one unit within a multi-unit dwelling, this principle should be reflected by clearly setting out reasonable and probable grounds for each unit to be searched.

[59]      It is not enough, however, for the ITO to accurately describe the premises to be searched. For a search warrant to fulfill its functions, those who are relying on it – including police officers who are executing it and third parties whose cooperation is sought – must not be required to look past the warrant to the ITO. The warrant itself must be clear and limited on its face with respect to the location to be searched: see Re Times Square Book Store and the Queen (1985), 1985 CanLII 170 (ON CA), 21 C.C.C. (3d) 503 (Ont. C.A.), at 513; and R. v. Parent (1989), 1989 CanLII 217 (YK CA), 47 C.C.C. (3d) 385 (Y.C.A.), at 396-97.

[60]      A function of a warrant is to guide and limit the actions of the police officers. A warrant that is ambiguous cannot perform that function. Neither can the subject of the warrant know whether the police are authorized to search the premises.

[63]      The role of a judge reviewing a search warrant is not to ask whether she would have granted the warrant were she the issuing judge, but to determine whether the warrant could have been issued: see R. v. Garofoli, 1990 CanLII 52 (SCC), [1990] 2 S.C.R. 1421, at 1452.

[64]      In doing so, the application judge may be permitted to rely on “amplification evidence”, which is additional evidence presented at the voir dire. There are limitations to the use of amplification evidence, as set out in R. v. Morelli2010 SCC 8, [2010] 1 S.C.R. 253, at paras. 42-43:

Amplification evidence is not a means for the police to adduce additional information so as to retroactively authorize a search that was not initially supported by reasonable and probable grounds.

Rather, reviewing courts should resort to amplification evidence of the record before the issuing justice only to correct “some minor, technical error in the drafting of their affidavit material” so as not to “put form above substance in situations where the police had the requisite reasonable and probable grounds and had demonstrated investigative necessity but had, in good faith, made” such errors.

Un tribunal possède un pouvoir limité de réexaminer et de modifier sa décision dans une affaire tant qu'il n'a pas épuisé ses pouvoirs à cet égard

R. c. Adams, 1995 CanLII 56 (CSC)

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29        Un tribunal possède un pouvoir limité de réexaminer et de modifier sa décision dans une affaire tant qu'il n'a pas épuisé ses pouvoirs à cet égard.  Il continue d'être saisi de l'affaire et n'a pas épuisé ses pouvoirs tant que le jugement officiel n'est pas rédigé et rendu.  Voir Oley c. City of Fredericton (1983), 1983 CanLII 2822 (NB CA)50 R.N.‑B. (2e) 196 (C.A.).  En ce qui concerne les ordonnances rendues au procès relativement à son déroulement, la démarche suivie est moins formaliste et plus souple.  En règle générale, ces ordonnances ne donnent pas lieu à la rédaction d'une ordonnance formelle et les circonstances dans lesquelles elles peuvent être modifiées ou annulées sont également moins strictes.  La facilité avec laquelle il est possible de modifier ou d'annuler une telle ordonnance dépend de son importance et de la nature de la règle de droit sur laquelle elle est fondée.  Par exemple, s'il s'agit d'une ordonnance discrétionnaire rendue en vertu d'une règle de common law, les conditions préalables à sa modification ou à son annulation seront moins rigides.  Par contre, des conditions plus strictes s'appliqueront à la modification ou à l'annulation d'une ordonnance rendue aux termes d'une loi.  Cela est d'autant plus vrai si la délivrance initiale de l'ordonnance est impérative.

 

30        En règle générale, toute ordonnance relative au déroulement d'un procès peut être modifiée ou annulée s'il y a eu changement important des circonstances qui existaient au moment où elle a été rendue.  Pour que le changement soit important, il doit se rapporter à une question qui a justifié, au départ, la délivrance de l'ordonnance.  Dans l'arrêt R. c. Khela1995 CanLII 46 (CSC)[1995] 4 R.C.S. 201, notre Cour a eu l'occasion d'examiner cette question relativement à une ordonnance enjoignant au ministère public de communiquer la preuve conformément aux principes formulés par notre Cour dans l'arrêt R. c. Stinchcombe1991 CanLII 45 (CSC)[1991] 3 R.C.S. 326.  Dans les motifs majoritaires, on affirme ce qui suit au sujet de la façon dont il convient d'aborder le réexamen d'une telle ordonnance (aux pp. 210 et 211):

 

Lorsque le ministère public entre en possession de nouveaux éléments de preuve susceptibles de justifier la modification des conditions de l'obligation qui lui incombe en matière de communication de la preuve, c'est une demande de modification qu'il convient de présenter au juge du procès.  En effet, ce dernier a le pouvoir discrétionnaire de modifier une ordonnance de communication de la preuve sur la foi d'éléments de preuve établissant qu'il s'est produit un changement dans les faits sur lesquels était fondée l'ordonnance en question.  Une telle demande doit être présentée à la première occasion.  En cas de difficulté de se conformer à une ordonnance en matière de communication de la preuve, le problème devrait être réglé en présentant une demande de modification des obligations de communication, plutôt qu'en omettant de se conformer à ces obligations et en tentant, après coup, de justifier ce manquement en affirmant que de nouveaux faits seraient survenus.

 

Lorsqu'une ordonnance est requise par une loi, les circonstances pertinentes sont celles qui rendent l'ordonnance impérative.  Tant que ces circonstances existent, il ne peut y avoir de changement de circonstances important.

L'appréciation du caractère adéquat des motifs de la décision d'instance par un Tribunal d'appel

R. c. J.J.R.D., 2006 CanLII 40088 (ON CA)

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[26]         L'une des particularités du système de justice pénale est que si un accusé est jugé par un jury, la loi exige un verdict d'un ou deux mots et interdit toute explication de ce verdict. Cependant, si le même accusé est jugé pour la même accusation par un juge seul, la même loi exige une explication raisonnée du verdict.

[27]          Dans les procès devant juge siégeant seul, la plupart des appels portent essentiellement sur les motifs du jugement. Avant l'arrêt R. c. Sheppard (2002), 2002 CSC 26 (CanLII), 162 C.C.C. (3d) 298 (C.S.C.), et l'arrêt connexe, R. c. Braich (2002), 2002 CSC 27 (CanLII), 162 C.C.C. (3d) 324 (C.S.C.), les arguments fondés sur les lacunes des motifs du juge de première instance prenaient l'une ou l'autre de ces deux voies, ou les deux à la fois. Dans certains cas, il a été soutenu que l'insuffisance des motifs découlait d’ une erreur juridique sous-jacente ou implicite dans le processus de raisonnement du juge de première instance.  Le meilleur exemple est peut-être l'argument, avancé dans de nombreux appels, selon lequel l'absence de renvoi aux principes énoncés dans l'arrêt R. c. W.(D.)précité, reflète une mauvaise application de la norme du doute raisonnable au regard de la détermination de la crédibilité : voir par exemple R. v. Strong[2001] O.J. no 1362 (C.A.).

[28]          La deuxième approche consiste à souligner les lacunes que présentent les motifs pour étayer une allégation selon laquelle le verdict est déraisonnable au sens du sous-alinéa 686(1)a)(i) du Code criminel. Dans ce contexte, le caractère insuffisant des motifs est censé refléter des erreurs ou des lacunes dans l'analyse juridique du juge de première instance ou dans le traitement de la preuve et est souligné pour expliquer comment le juge, vraisemblablement une personne raisonnable, aurait pu arriver à un verdict déraisonnable : voir par exemple R. c. Biniaris (2000), 2000 CSC 15 (CanLII), 143 C.C.C. (3d) 1, au para. 36 (C.S.C.).

[29]         Après les arrêts Sheppard et Braich, un troisième type d'argument fondé sur le caractère censément insuffisant des motifs du juge du procès a souvent été invoqué. Selon cet argument, les lacunes dans les motifs sont suffisantes pour justifier l'annulation en soi, sans qu'il soit nécessaire d'en déduire une erreur de droit sous-jacente et de conclure que le verdict était déraisonnable. La cour d’appel a conclu dans ces deux affaires que l'absence de motifs (Sheppard) ou le caractère gravement insuffisant des motifs (Braich) peut constituer une erreur de droit autonome justifiant l'annulation du verdict et le prononcé d’une ordonnance de nouveau procès.

[30]          Dans l'arrêt Sheppardprécité, au par. 53, le juge Binnie a souligné que l'allégation selon laquelle les motifs d'un jugement sont insuffisants et que cette insuffisance équivaut à une erreur de droit doit être vérifiée sur le plan fonctionnel et dans le contexte de l'affaire en question. Il a reconnu, aux par. 18-23, que les motifs servent divers objectifs salutaires dans le processus de justice pénale, y compris la communication de renseignements à la partie perdante quant aux raisons de sa défaite. Dans le contexte de l’examen en appel, cependant, le juge Binnie, au paragraphe 25, a décrit la fonction des motifs de jugement en ces termes :

La question qui nous est soumise présuppose que la décision a fait l'objet d'un recours. Dans ce contexte, l'objectif est, à mon avis, de préserver et d'améliorer le contrôle juridictionnel de la justesse de la décision (qui englobe à la fois les erreurs de droit et les erreurs de fait manifestes et prépondérantes).  Si les lacunes dans les motifs n'empêchent pas, dans un cas particulier, un véritable contrôle en appel, mais permettent son plein exercice, elles ne justifient pas une intervention en vertu de l'article 686 du Code criminel.  [Soulignement ajouté.]

[31]          Après avoir passé en revue la jurisprudence, le juge Binnie est revenu sur ce qu'il considérait comme la question cruciale de l'examen en appel du caractère adéquat des motifs du procès, au para. 46 :

Ces affaires montrent clairement, je pense, que l'obligation de motiver, lorsqu'elle existe, découle des circonstances d'une affaire particulière.  Lorsqu'il ressort clairement du dossier qu'un accusé a été condamné ou acquitté et que l'absence ou l'insuffisance des motifs ne constitue pas un obstacle significatif à l'exercice du droit d'appel, la cour d'appel n'interviendra pas pour cette raison.  En revanche, lorsque le chemin emprunté par le juge de première instance à travers des preuves confuses ou contradictoires n'est pas du tout évident, ou qu'il existe des questions de droit difficiles qui doivent être confrontées mais que le juge de première instance a contournées sans explication, ou lorsque (comme en l'espèce) il existe des théories contradictoires sur les raisons pour lesquelles le juge de première instance aurait pu décider comme il l'a fait, dont certaines au moins constitueraient clairement une erreur réversible, la cour d'appel peut dans certains cas se considérer comme incapable de donner effet au droit d'appel prévu par la loi.  Dans ce cas, l'une ou l'autre des parties peut contester la justesse du résultat, mais elle aura été privée à tort, en raison de l'absence ou de l'insuffisance des motifs, de la possibilité d'examiner correctement le verdict de première instance en appel.  Dans ce cas, même si le dossier révèle des éléments de preuve qui, d'un certain point de vue, pourraient étayer un verdict raisonnable, les lacunes dans les motifs peuvent constituer une erreur de droit et justifier l'intervention de la cour d'appel.  Il appartiendra à la cour d'appel de déterminer si, dans un cas particulier, l'insuffisance des motifs l'empêche de s'acquitter correctement de sa fonction d'appel. [Soulignement ajouté.]

[32]         Les circonstances du cas d'espèce détermineront le caractère adéquat des motifs de jugement et l'effet, le cas échéant, de l'insuffisance des motifs ou de l'issue du recours. Les motifs de jugement doivent être examinés dans le contexte de l'ensemble de l’instance, en particulier la nature des preuves entendues et les arguments avancés.

[33]        Les cours d'appel ne devraient pas non plus surestimer la complexité de la plupart des litiges pénaux ou sous-estimer la capacité des personnes participant au procès à comprendre les motifs du résultat. La plupart des procès pénaux, même les plus difficiles, ne sont pas particulièrement compliqués. La plupart des accusés, même ceux qui sont farouchement en désaccord avec le résultat, ne comprennent que trop bien pourquoi ils ont été condamnés. Une fois de plus, je reviens aux mots du juge Binnie dans l'affaire Sheppardsupra, au par. 60 :

[D]ans la grande majorité des affaires pénales, les questions en jeu et le chemin emprunté par le juge de première instance pour parvenir au résultat seront probablement clairs pour toutes les parties concernées.  L'obligation de rendre compte vise l'équité fondamentale, et non la perfection, et ne justifie pas que l'on passe indûment de la justesse du résultat à une dissection ésotérique des mots utilisés pour exprimer le processus de raisonnement qui l'a sous-tendu.

[34]          Dans ses observations, l'avocat a souligné que les motifs du juge du procès n'expliquaient pas le rejet pur et simple de la preuve de l'appelant. L'avocat a fait valoir que lorsque la preuve du ministère public ne peut être qualifiée d'accablante et que la preuve de l'accusé n'est pas manifestement non fiable ou non crédible, l’omission du juge de première instance de donner une explication motivée pour le rejet de la preuve de l'accusé constitue une erreur de droit.

[35]         Assurément, le juge du procès doit expliquer à l'accusé pourquoi il l'a condamné. Lorsque l'accusé a témoigné, le juge doit notamment expliquer pourquoi il a rejeté la dénégation de l'accusé. Toutefois, lorsque le caractère suffisant des motifs est contesté en appel, l'issue de l'appel doit dépendre de la possibilité d'un véritable examen en appel de la procédure de première instance : voir R. c. G.(L.) (2006), 2006 SCC 17 (CanLII), 207 C.C.C. (3d) 353, au par. 14 (C.S.C.). Cela ressort clairement de l'observation faite dans l'affaire Sheppardsupra, au par. 55 :

Lorsque la décision de première instance n'explique pas suffisamment le résultat aux parties, mais que la cour d'appel s'estime en mesure de le faire, l'explication de la cour d'appel dans ses propres motifs est suffisante. Dans ce cas, il n'est pas nécessaire de tenir un nouveau procès.

[36]          En mettant l'accent sur la possibilité de réexaminer l’instance en tant que question ultime, je ne diminue pas l'importance de l'absence de toute explication discernable pour le rejet de la dénégation apparemment plausible d'un accusé. L'absence de toute explication peut largement contribuer à mettre les motifs hors de portée d'un véritable examen en appel : voir R. v. Maharaj (2004), 2004 CanLII 39045 (ON CA), 186 C.C.C. (3d) 247, aux par. 26-29 (C.A. Ont.), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2004] C.S.C.A. no 340.

[37]          Dans certaines circonstances, si le juge de première instance n'explique pas de façon adéquate les motifs pour lesquels il a rejeté la dénégation de l'accusé, il sera impossible pour la cour d'appel de s'assurer que la condamnation était fondée sur l'application des bons principes juridiques aux conclusions de fait que le juge de première instance avait raisonnablement la possibilité de tirer. Il existe plusieurs exemples de circonstances dans lesquelles notre Cour a établi un lien entre l'absence de motifs clairs pour rejeter des éléments de preuve à décharge et l'incapacité de procéder à un contrôle efficace en appel : voir R. c. Maharajsupra, par. 29 ; R. c. Lagace (2003), 2003 CanLII 30886 (ON CA), 181 C.C.C. (3d) 12, par. 44 (C.A. Ont.) ; R. v. D.(S.J.) (2004), 2004 CanLII 31872 (CA ON), 186 C.C.C. (3d) 304 (C.A. Ont.), autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, [2004] S.C.C.A. no 365.

[38]          Dans d'autres cas, le fait que le juge de première instance ne mentionne pas explicitement les facteurs de la preuve de l'appelant justifiant son rejet de cette preuve n'empêche pas un examen significatif en appel : voir par exemple R. c. R.L.2002 CanLII 49356 (ON CA), [2002] O.J. no3061 au par. 3 (C.A.) ; R. v. S.(A.) (2002), 2002 CanLII 44934 (ON CA), 165 C.C.C. (3d) 426, aux par. 33-34 (C.A. Ont.) ; R. v. Tzarfin2005 CanLII 30045 (ON CA), [2005] O.J. no3531 au par. 11 (C.A.).

[39]         Il n'y a pas de divergence d'opinion jurisprudentielle sous-jacente aux différents résultats obtenus dans les affaires susmentionnées. Les différents résultats reflètent les évaluations fonctionnelles et contextuelles de la justesse des motifs dictées par les arrêts Sheppard et Braich. Selon cette approche, une lacune dans les motifs rendra dans certains cas les motifs inadéquats, mais cette même lacune n'aura pas cet effet dans d'autres cas où le contexte est différent.

[40]          Par exemple, dans l'arrêt Maharajsupra, le juge Laskin, après avoir examiné l'ensemble des motifs et le dossier du procès, a observé au par. 29 :

En outre, l'absence de motifs adéquats pour rejeter les preuves de l'appelant rend problématique un examen significatif en appel.  La Cour ne peut être convaincue que le juge de première instance a correctement appliqué la charge de la preuve ou les principes sous-jacents à l'arrêt W.(D.). [Soulignement ajouté.]       

[41]         Comme la Cour n'a pas pu se convaincre que les principes fondamentaux applicables au fardeau de la preuve avaient été suivis dans l'affaire Maharaj, les motifs ne permettaient pas un examen en appel et étaient tellement insuffisants qu'ils équivalaient à une erreur de droit.

[42]          Maharaj peut être comparé à R. v. S.(A.)supra. Le juge Feldman, dans le cadre de l'examen d'un argument relatif au caractère suffisant des motifs du juge de première instance, a déclaré au par. 34 :

Sur la base de l'ensemble de la preuve, le juge du fond est en droit de croire la plaignante et de rejeter les dénégations de l'accusé.  En l'espèce, le juge du fond a d'abord rejeté les preuves de l'accusé sans expliquer clairement ce rejet.  Toutefois, plus loin dans ses motifs, il a expliqué pourquoi il acceptait les preuves de la plaignante comme étant vraies.  Aucun élément de la preuve de l'appelant n'a soulevé de doute dans l'esprit du juge du fond.  Il était en droit de procéder à cette évaluation et de tirer ces conclusions en se fondant sur l'ensemble des éléments de preuve considérés dans leur totalité. [Soulignement ajouté.]  

[43]        Les juges Feldman et Laskin ont tous deux procédé à une analyse contextuelle et fonctionnelle du caractère adéquat des motifs. Se fondant sur les dossiers respectifs dont ils disposaient, ils sont parvenus à des conclusions différentes. Le juge Feldman a pu être convaincu que le juge de première instance avait appliqué la norme de preuve appropriée. Le juge Laskin n'a pas pu en être convaincu.  Dans l'affaire dont le juge Feldman était saisi, les motifs considérés dans le contexte de l'ensemble du dossier n'ont pas empêché un examen efficace en appel, malgré l'absence d'une explication explicite de la part du juge du procès quant au rejet de la preuve disculpatoire de l'appelant.

[44]          J'en viens maintenant aux motifs du jugement dans la présente affaire. Il ne s'agit pas d'un cas comme celui de Sheppard, dans lequel le juge de première instance n'a pas donné de motifs valables. La plainte porte sur le caractère adéquat des motifs. Comme les motifs dans Braichsupra, au par. 20 : «  Il n'y a aucun doute sur ce que le juge de première instance a décidé et sur la façon dont il est parvenu à sa décision ».

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