Rodrigue c. R., 2005 QCCA 310 (CanLII)
[18] Je rappelle tout d’abord que la disposition du Code criminel en vertu de laquelle l’appelant a été mis en accusation énonce ce qui suit :
88. (1) Commet une infraction quiconque porte ou a en sa possession une arme, une imitation d’arme, un dispositif prohibé, des munitions ou des munitions prohibées dans un dessein dangereux pour la paix publique ou en vue de commettre une infraction.
(2) Quiconque commet l’infraction prévue au paragraphe (1) est coupable :
a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans;
b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
Là où il est question de possession dans cet article, on doit tenir compte des précisions que fournit le paragraphe 4(3) du même code sur le sens de ce terme:
4. (3) Pour l'application de la présente loi :
a) une personne est en possession d'une chose lorsqu'elle l'a en sa possession personnelle ou que, sciemment :
(i) ou bien elle l'a en la possession ou garde réelle d'une autre personne,
(ii) ou bien elle l'a en un lieu qui lui appartient ou non ou qu'elle occupe ou non, pour son propre usage ou avantage ou celui d'une autre personne;
b) lorsqu'une de deux ou plusieurs personnes, au su et avec le consentement de l'autre ou des autres, a une chose en sa garde ou possession, cette chose est censée en la garde et possession de toutes ces personnes et de chacune d'elles.
[19] La Cour suprême du Canada a déjà précisé dans l’arrêt R. c. Cassidy que l’article 88 exige la preuve de la possession d’une arme et la preuve que la possession de cette arme visait un dessein dangereux pour la paix publique. Rédigeant les motifs unanimes de la Cour dans cet arrêt, le juge Lamer (qui n’était pas encore juge en chef à l’époque) écrit : «Il doit y avoir à un moment quelconque rencontre de ces deux éléments.» Plusieurs des décisions publiées de tribunaux canadiens traitent de la difficulté qui survient parfois au regard de l’article 88 lorsqu’une personne utilise illicitement une arme légalement en sa possession. Mais ce problème ne se pose pas ici car la preuve, comme l’a noté la juge de première instance, ne permet aucunement de rattacher les coups de feu entendus dans l’après-midi à la personne de l’appelant.
[24] Il n’est pas douteux, je crois, que les éléments de l’infraction créée par le par. 88(1) comprennent une intention spécifique. Cela est implicite dans l’arrêt Cassidy, précité. Notre Cour, dans l’arrêt R. c. Le, décrivait cette intention en ces termes : «L’infraction prévue par l’article 87 C. cr. […] exigeait non seulement la preuve de la détention de l’arme, mais aussi de l’intention de s’en servir pour mettre en danger la sécurité publique.» Dans cette affaire, sur laquelle s’appuie l’appelant, on avait perquisitionné l’appartement dont l’accusé était colocataire et on avait découvert dans une garde-robe un fusil en trois morceaux (la crosse de l’arme ayant été sciée près du canon et la partie restante de la crosse ayant été démontée).
[26] (...) Dans le cas qui nous intéresse, l’expert a témoigné non pas sur les coutumes de la Maffia, mais sur les façons de faire de groupes de motards criminalisés. À la lumière de ce témoignage et de l’ensemble des faits mis en preuve – le lieu précis où les armes et les munitions ont été trouvées, à portée de la main de la personne affectée à la surveillance du local fortifié, le caractère élaboré des installations de surveillance et de sécurité, l’heure à laquelle la perquisition a eu lieu, la présence des vêtements de l’appelant dans la pièce de surveillance et l’appartenance de l’appelant à un groupe criminalisé – la juge de première instance pouvait conclure à l’absence de tout doute raisonnable quant au dessein dangereux qui animait l’appelant.
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jeudi 3 septembre 2009
lundi 31 août 2009
Éléments pouvant être pertinents pour répondre à la question à savoir s'y il y a eu agression sexuelle
R. c. Bernier (1997-08-27), Cour d'appel, dossier 200‑10‑000189‑949
Quatre éléments peuvent être pertinents pour répondre à la question dans le contexte du jugement de première instance: (1) les différentes parties du corps touchées revêtent toutes un caractère sexuel indéniable; (2) les gestes reprochés à l'intimé n'ont pas été motivés par la recherche d'un plaisir ou d'une gratification sexuelle personnelle; (3) les gestes reprochés ne sont pas empreints d'hostilité ni de violence physique proprement dite; (4) les gestes ont été posés publiquement dans un contexte où l'intimé "riait, s'amusait, dérangeait et taquinait".
Les composantes n'en sont pas précisées. Dans l'affaire R. c. Chase, la Cour suprême tente toutefois de formuler une définition large du concept d'agression sexuelle. Elle le fait avec la réserve suivante:
Dans tous les arrêts mentionnés, on a reconnu qu'il était nécessaire d'adopter un point de vue plus large et qu'il était difficile de le formuler. Je serais d'accord pour dire qu'il serait difficile et probablement mal avisé de tenter de donner une définition précise et exhaustive de la nouvelle infraction d'agression sexuelle à ce stade-ci de son élaboration, mais il me semble nécessaire de tenter de régler certaines considérations qui peuvent aider les tribunaux à mettre au point en fonction de chaque cas particulier une définition pratique de l'infraction.
Après cette mise en garde, le juge McIntyre propose la définition suivante:
L'agression sexuelle est une agression, au sens de l'une ou l'autre des définitions de ce concept au par. 244(1) du Code criminel (maintenant 265(1) C.cr.), qui est commise dans des circonstances de nature sexuelle, de manière à porter atteinte à l'intégrité sexuelle de la victime. Le critère qui doit être appliqué pour déterminer si la conduite reprochée comporte la nature sexuelle requise est objectif: «Compte tenu de toutes les circonstances, une personne raisonnable peut-elle percevoir le contexte sexuel ou charnel de l'agression"»
Instruite de ces propos, j'estime que le jugement dont appel comporte, en ce qui a trait à la première question, deux erreurs de droit qui ont eu pour effet de dénaturer le crime d'agression sexuelle.
a) L'absence de caractère "hostile" de l'agression
Le premier juge indique que la preuve ne révèle pas le caractère hostile propre à une agression et qu'il ne peut, pour cette raison, conclure à la culpabilité de l'intimé. Les attouchements reprochés auraient été posés dans un contexte qui s'apparente beaucoup plus à une mauvaise plaisanterie qu'à la violence.
Une agression suppose-t-elle nécessairement le recours à la force physique ou à une forme quelconque d'hostilité physique? N'existe-t-il pas des situations où un agresseur n'a pas besoin d'utiliser sa force pour porter atteinte à l'intégrité physique ou sexuelle de sa victime?
Comme l'indique son appellation, l'agression sexuelle (sexual assault) exige d'abord et avant tout une agression (assault). Ce terme est défini au paragraphe 265(1) C.cr., tandis que le paragraphe 265(2) prévoit que cette définition s'applique à tous les types d'agressions sexuelles:
Le sous-paragraphe 265(1)a) stipule que l'emploi intentionnel de la force, directement ou indirectement, est nécessaire pour commettre une agression. Toutefois, le terme force souffre d'imprécision. Quel degré de force est requis pour constituer une agression? S'agit-il d'une force physique extrême ou négligeable?
À cet égard, la Common law a adopté une approche souple pour définir la force. Les auteurs Smith et Hogan adoptent la notion de "intentional touching... without consent and lawful excuse":
An assault is an act by which D, intentionally or recklessly, causes P to apprehend immediate and unlawful personal violence (...). But "violence" here includes any unlawful touching of another, however slight, for, as Blackstone wrote:
"the law cannot draw the line between different degrees of violence, and therefore prohibits the first and lowest stage of it; every man's person being sacred, and no other having a right to meddle with it, in any the slightest manner."
As Lane LCJ put it:
"An assault is any intentional touching of another person without the consent of that person and without lawful excuse. It need not necessarily be hostile, or rude, or aggressive, as some of the cases seem to indicate."
Selon cette définition, tout toucher intentionnel sans excuse légitime est donc une agression.
D'ailleurs dans un contexte d'agression sexuelle, l'agression qui revêt un caractère sexuel ne présente pas toujours le caractère hostile d'une agression au sens commun du terme. De fait, la composante agression de l'agression sexuelle provient plutôt de l'absence de consentement de la victime en regard du toucher:
In indecent assaults D's attitude to P will frequently not be "hostile" in the ordinary sense, but unduly affectionate! "Hostile", it is submitted, cannot mean more than against the will of P.
Dans l'affaire Boucher c. La Reine, notre Cour indique qu'elle rejette la proposition qui veut que l'agression sexuelle se limite aux situations où la victime avait été l'objet d'un acte de violence.
L'utilisation de la force n'est qu'un facteur parmi d'autres pour déterminer si la conduite reprochée comporte une connotation sexuelle. La Cour suprême a clairement indiqué sa position dans Chase:
La partie du corps qui est touchée, la nature du contact, la situation dans laquelle cela s'est produit, les paroles et les gestes qui ont accompagné l'acte, et toutes les autres circonstances entourant la conduite, y compris les menaces avec ou sans emploi de la force, constituent des éléments pertinents.
Finalement, dans l'affaire R. c. Pitt, la majorité de la Cour d'appel de l'Ontario a refusé d'ordonner un nouveau procès suite à la directive du premier juge concernant la notion de force dans un contexte d'agression sexuelle:
Force simply means physical contact. There can be force without any violence. In other words, this ingredient is proved if you are satisfied, beyond a reasonable doubt, that Roderick Pitt, the accused, touched C.B., the victim.
Plus tard, la Cour suprême confirmait la majorité.
Je conclus que le premier juge s'est mal dirigé en droit. La culpabilité de l'intimé ne dépendait pas d'une preuve susceptible d'établir le caractère hostile de l'agression. L'intimé a utilisé la force au sens des articles 271 et 265 du Code en se livrant volontairement à des attouchements à caractère sexuel sur des bénéficiaires sachant qu'ils n'y consentaient pas ou encore, qu'ils n'étaient vraisemblablement pas en mesure de consentir, élément sur lequel je reviendrai plus tard.
b) L'intention criminelle
À l'instar des anciennes infractions de viol et d'attentat à la pudeur, pour des raisons de politique sociale, afin d'éviter de faire échouer l'objet de la nouvelle disposition, la Cour suprême, dans Chase, s'est dite d'avis que le crime d'agression sexuelle ne requérait qu'une intention générale. Aussi, il est suffisant que l'accusé ait sciemment effectué un toucher à connotation sexuelle, sachant que la victime n'y consentait pas ou n'était pas en mesure de donner un consentement valide.
Le but recherché par l'agresseur n'est rien de plus qu'un facteur pertinent à considérer pour déterminer si la conduite reprochée comporte la nature sexuelle requise par le libellé de l'article 271 C.cr. Le juge McIntyre écrit, dans Chase:
L'intention ou le dessein de la personne qui commet l'acte, dans la mesure où cela peut ressortir des éléments de preuve, peut également être un facteur à considérer pour déterminer si la conduite est sexuelle. Si le mobile de l'accusé était de tirer un plaisir sexuel, dans la mesure où cela peut ressortir de la preuve, il peut s'agir d'un facteur à considérer pour déterminer si la conduite est sexuelle. Toutefois, il faut souligner que l'existence d'un tel mobile constitue simplement un des nombreux facteurs dont on doit tenir compte et dont l'importance variera selon les circonstances.
Comme la preuve de la recherche par l'agresseur d'une gratification sexuelle n'est pas un élément essentiel de l'infraction, exiger une preuve de motivation sexuelle aurait pour effet de transformer l'infraction d'agression sexuelle en une infraction d'intention spécifique. Que la motivation de l'agresseur se retrouve dans la recherche d'un plaisir sexuel, dans le désir d'infliger des souffrances à autrui, celui d'humilier ou de ridiculiser la victime, ne change rien au caractère criminel de sa conduite.
Or, en l'espèce, tous les éléments de l'infraction sont présents. Le juge de première instance a repoussé la défense d'accident. La preuve révèle que l'intimé s'est volontairement livré à des attouchements sur les organes sexuels des bénéficiaires dont il avait la charge. Il a touché aux seins de l'une et aux testicules des autres. La connotation sexuelle des gestes reprochés ne fait aucun doute. Compte tenu de toutes les circonstances, une personne raisonnable est en mesure de percevoir le contexte sexuel des attouchements. Saisi de la preuve de la commission de l'infraction, le juge ne dispose pas d'un pouvoir discrétionnaire qui lui permet d'acquitter l'appelant au motif que les gestes sont anodins ou ne sont posés que pour jouer. La plus ou moins grande gravité des gestes ne peut être prise en considération qu'à l'étape de la peine
Quatre éléments peuvent être pertinents pour répondre à la question dans le contexte du jugement de première instance: (1) les différentes parties du corps touchées revêtent toutes un caractère sexuel indéniable; (2) les gestes reprochés à l'intimé n'ont pas été motivés par la recherche d'un plaisir ou d'une gratification sexuelle personnelle; (3) les gestes reprochés ne sont pas empreints d'hostilité ni de violence physique proprement dite; (4) les gestes ont été posés publiquement dans un contexte où l'intimé "riait, s'amusait, dérangeait et taquinait".
Les composantes n'en sont pas précisées. Dans l'affaire R. c. Chase, la Cour suprême tente toutefois de formuler une définition large du concept d'agression sexuelle. Elle le fait avec la réserve suivante:
Dans tous les arrêts mentionnés, on a reconnu qu'il était nécessaire d'adopter un point de vue plus large et qu'il était difficile de le formuler. Je serais d'accord pour dire qu'il serait difficile et probablement mal avisé de tenter de donner une définition précise et exhaustive de la nouvelle infraction d'agression sexuelle à ce stade-ci de son élaboration, mais il me semble nécessaire de tenter de régler certaines considérations qui peuvent aider les tribunaux à mettre au point en fonction de chaque cas particulier une définition pratique de l'infraction.
Après cette mise en garde, le juge McIntyre propose la définition suivante:
L'agression sexuelle est une agression, au sens de l'une ou l'autre des définitions de ce concept au par. 244(1) du Code criminel (maintenant 265(1) C.cr.), qui est commise dans des circonstances de nature sexuelle, de manière à porter atteinte à l'intégrité sexuelle de la victime. Le critère qui doit être appliqué pour déterminer si la conduite reprochée comporte la nature sexuelle requise est objectif: «Compte tenu de toutes les circonstances, une personne raisonnable peut-elle percevoir le contexte sexuel ou charnel de l'agression"»
Instruite de ces propos, j'estime que le jugement dont appel comporte, en ce qui a trait à la première question, deux erreurs de droit qui ont eu pour effet de dénaturer le crime d'agression sexuelle.
a) L'absence de caractère "hostile" de l'agression
Le premier juge indique que la preuve ne révèle pas le caractère hostile propre à une agression et qu'il ne peut, pour cette raison, conclure à la culpabilité de l'intimé. Les attouchements reprochés auraient été posés dans un contexte qui s'apparente beaucoup plus à une mauvaise plaisanterie qu'à la violence.
Une agression suppose-t-elle nécessairement le recours à la force physique ou à une forme quelconque d'hostilité physique? N'existe-t-il pas des situations où un agresseur n'a pas besoin d'utiliser sa force pour porter atteinte à l'intégrité physique ou sexuelle de sa victime?
Comme l'indique son appellation, l'agression sexuelle (sexual assault) exige d'abord et avant tout une agression (assault). Ce terme est défini au paragraphe 265(1) C.cr., tandis que le paragraphe 265(2) prévoit que cette définition s'applique à tous les types d'agressions sexuelles:
Le sous-paragraphe 265(1)a) stipule que l'emploi intentionnel de la force, directement ou indirectement, est nécessaire pour commettre une agression. Toutefois, le terme force souffre d'imprécision. Quel degré de force est requis pour constituer une agression? S'agit-il d'une force physique extrême ou négligeable?
À cet égard, la Common law a adopté une approche souple pour définir la force. Les auteurs Smith et Hogan adoptent la notion de "intentional touching... without consent and lawful excuse":
An assault is an act by which D, intentionally or recklessly, causes P to apprehend immediate and unlawful personal violence (...). But "violence" here includes any unlawful touching of another, however slight, for, as Blackstone wrote:
"the law cannot draw the line between different degrees of violence, and therefore prohibits the first and lowest stage of it; every man's person being sacred, and no other having a right to meddle with it, in any the slightest manner."
As Lane LCJ put it:
"An assault is any intentional touching of another person without the consent of that person and without lawful excuse. It need not necessarily be hostile, or rude, or aggressive, as some of the cases seem to indicate."
Selon cette définition, tout toucher intentionnel sans excuse légitime est donc une agression.
D'ailleurs dans un contexte d'agression sexuelle, l'agression qui revêt un caractère sexuel ne présente pas toujours le caractère hostile d'une agression au sens commun du terme. De fait, la composante agression de l'agression sexuelle provient plutôt de l'absence de consentement de la victime en regard du toucher:
In indecent assaults D's attitude to P will frequently not be "hostile" in the ordinary sense, but unduly affectionate! "Hostile", it is submitted, cannot mean more than against the will of P.
Dans l'affaire Boucher c. La Reine, notre Cour indique qu'elle rejette la proposition qui veut que l'agression sexuelle se limite aux situations où la victime avait été l'objet d'un acte de violence.
L'utilisation de la force n'est qu'un facteur parmi d'autres pour déterminer si la conduite reprochée comporte une connotation sexuelle. La Cour suprême a clairement indiqué sa position dans Chase:
La partie du corps qui est touchée, la nature du contact, la situation dans laquelle cela s'est produit, les paroles et les gestes qui ont accompagné l'acte, et toutes les autres circonstances entourant la conduite, y compris les menaces avec ou sans emploi de la force, constituent des éléments pertinents.
Finalement, dans l'affaire R. c. Pitt, la majorité de la Cour d'appel de l'Ontario a refusé d'ordonner un nouveau procès suite à la directive du premier juge concernant la notion de force dans un contexte d'agression sexuelle:
Force simply means physical contact. There can be force without any violence. In other words, this ingredient is proved if you are satisfied, beyond a reasonable doubt, that Roderick Pitt, the accused, touched C.B., the victim.
Plus tard, la Cour suprême confirmait la majorité.
Je conclus que le premier juge s'est mal dirigé en droit. La culpabilité de l'intimé ne dépendait pas d'une preuve susceptible d'établir le caractère hostile de l'agression. L'intimé a utilisé la force au sens des articles 271 et 265 du Code en se livrant volontairement à des attouchements à caractère sexuel sur des bénéficiaires sachant qu'ils n'y consentaient pas ou encore, qu'ils n'étaient vraisemblablement pas en mesure de consentir, élément sur lequel je reviendrai plus tard.
b) L'intention criminelle
À l'instar des anciennes infractions de viol et d'attentat à la pudeur, pour des raisons de politique sociale, afin d'éviter de faire échouer l'objet de la nouvelle disposition, la Cour suprême, dans Chase, s'est dite d'avis que le crime d'agression sexuelle ne requérait qu'une intention générale. Aussi, il est suffisant que l'accusé ait sciemment effectué un toucher à connotation sexuelle, sachant que la victime n'y consentait pas ou n'était pas en mesure de donner un consentement valide.
Le but recherché par l'agresseur n'est rien de plus qu'un facteur pertinent à considérer pour déterminer si la conduite reprochée comporte la nature sexuelle requise par le libellé de l'article 271 C.cr. Le juge McIntyre écrit, dans Chase:
L'intention ou le dessein de la personne qui commet l'acte, dans la mesure où cela peut ressortir des éléments de preuve, peut également être un facteur à considérer pour déterminer si la conduite est sexuelle. Si le mobile de l'accusé était de tirer un plaisir sexuel, dans la mesure où cela peut ressortir de la preuve, il peut s'agir d'un facteur à considérer pour déterminer si la conduite est sexuelle. Toutefois, il faut souligner que l'existence d'un tel mobile constitue simplement un des nombreux facteurs dont on doit tenir compte et dont l'importance variera selon les circonstances.
Comme la preuve de la recherche par l'agresseur d'une gratification sexuelle n'est pas un élément essentiel de l'infraction, exiger une preuve de motivation sexuelle aurait pour effet de transformer l'infraction d'agression sexuelle en une infraction d'intention spécifique. Que la motivation de l'agresseur se retrouve dans la recherche d'un plaisir sexuel, dans le désir d'infliger des souffrances à autrui, celui d'humilier ou de ridiculiser la victime, ne change rien au caractère criminel de sa conduite.
Or, en l'espèce, tous les éléments de l'infraction sont présents. Le juge de première instance a repoussé la défense d'accident. La preuve révèle que l'intimé s'est volontairement livré à des attouchements sur les organes sexuels des bénéficiaires dont il avait la charge. Il a touché aux seins de l'une et aux testicules des autres. La connotation sexuelle des gestes reprochés ne fait aucun doute. Compte tenu de toutes les circonstances, une personne raisonnable est en mesure de percevoir le contexte sexuel des attouchements. Saisi de la preuve de la commission de l'infraction, le juge ne dispose pas d'un pouvoir discrétionnaire qui lui permet d'acquitter l'appelant au motif que les gestes sont anodins ou ne sont posés que pour jouer. La plus ou moins grande gravité des gestes ne peut être prise en considération qu'à l'étape de la peine
L'identification n'est rien d'autre qu'une opinion
R. c. Rodrigue, Cour du Québec , dossier numéro 760-01-017129-005 (2001-09-25)
[59] La Défense prétend que l'identification n'est qu'une question d'opinion et en tant que telle n'a aucune force probante. Elle cite l'auteur Jacques Fortin en pages 536 et 537 de son volume intitulé "La Preuve Pénale". Le Tribunal juge approprié de reproduire les propos du Juge Fortin.
"Identification en tant qu'opinion.
L'identification n'est rien d'autre qu'une opinion et en tant que telle n'a aucune force probante au-delà des faits sur lesquels le témoin la fonde. La Cour d'Appel de Colombie Britannique a bien exprimé cette idée dans l'arrêt BROWN & ANGUS. Si on rationalise l'assertion "c'est lui", on s'aperçoit qu'elle est une opinion et non une affirmation d'un fait. Tout ce qu'un témoin peut dire, c'est qu'en raison du souvenir qu'il a gardé d'une personne, au regard d'un fait quelconque, il pense que cette personne est bien celle-là. Un témoin reconnaît une personne à travers une certaine personnalité qu'elle a prise à ses yeux. Cette personnalité se reflète dans ses caractéristiques de la personne qui, une fois associée avec quelque chose dans l'esprit du témoin, amène ce dernier à s'en souvenir d'une manière particulière. À moins que le témoin puisse témoigner avec certitude des caractéristiques et du quelque chose qui a éveillé et éclairé sa mémoire, et l'a amené à reconnaître la personne, l'identification qui se borne à l'affirmation "c'est lui", ne peut en soi être davantage qu'une vague description générale et ne peut être considérée comme fiable dans toute une sphère d'activités où la certitude est indispensable."
[60] Le Tribunal est bien au fait qu'il doit être extrêmement prudent lorsque la preuve de la Poursuite se fonde sur l'identification de l'accusé par un tiers. Ainsi dans la cause de PROULX c. LA REINE, 1992, Rapports de Jurisprudence du Québec, page 2047, la Cour d'Appel rappelait que la mise en garde énoncée dans l'arrêt LA REINE c. TURNBULL, 1976, 3 ALLERS, 49, et le Tribunal se réfère à la page 2067 de l'affaire Proulx.
Les composantes essentielles de cette mise en garde comprennent d'abord une directive quant à la faiblesse inhérente à la preuve de l'identification, ensuite des éclaircissements sur la nécessité d'une telle mise en garde. Enfin, l'instruction spécifique au jury d'examiner soigneusement les conditions dans lesquelles l'identification a été faite. De plus, il ne suffit pas que le juge informe un jury de la nécessité de montrer la prudence en abordant cette preuve. Il faut encore que le juge établisse le lien entre cette nécessité et les faits de l'espèce, attirant l'attention du jury particulièrement sur toute entrave matérielle aux observations et aux souvenirs des témoins oculaires ainsi que sur toute procédure irrégulière d'identification susceptible de fausser le résultat. La valeur probante d'une preuve d'identification visuelle peut être partiellement ou totalement détruite par l'utilisation des moyens d'identification préjudiciables. L'emploi de tels moyens en l'espèce exige de la part du juge un avertissement approprié."
[61] Dans l'affaire dont le Tribunal est saisi, il apparaît clair que l'identification par parade photographique s'est effectuée d'une façon conforme aux règles de l'art. Il y a plus, non seulement deux (2) témoins, principales victimes aux chefs 3 et 4, ont-elles reconnu la physionomie de l'accusé mais bien plus, contrairement aux prétentions de la Défense, elles ont noté un signe distinctif, soit les profonds sillons partant du nez pour se rendre près des commissures des lèvres.
[62] Il s'agit d'une preuve directe doublée d'une preuve indirecte, soit l'existence d'empreintes digitales. À ce sujet, le même auteur Fortin, dans son volume intitulé "La Preuve Pénale", exposait ce qui suit en page 536:
"Il va sans dire que la Poursuite doit prouver que l'accusé est l'auteur de l'infraction qu'on lui reproche. Cette obligation se traduit complètement par la peuve de l'identité de l'accusé. Celle-ci peut être établie par une preuve indirecte de nature scientifique ou non. Par exemple, un relevé d'empreintes digitales sur les lieux du crime, appuyé par l'opinion d'un expert qu'il s'agit de celles de l'accusé, est une preuve indirecte de l'identité. Mais l'identité peut aussi faire l'objet d'une preuve directe comme c'est le cas lorsqu'on demande à un témoin s'il identifie l'accusé comme étant l'auteur du crime".
[59] La Défense prétend que l'identification n'est qu'une question d'opinion et en tant que telle n'a aucune force probante. Elle cite l'auteur Jacques Fortin en pages 536 et 537 de son volume intitulé "La Preuve Pénale". Le Tribunal juge approprié de reproduire les propos du Juge Fortin.
"Identification en tant qu'opinion.
L'identification n'est rien d'autre qu'une opinion et en tant que telle n'a aucune force probante au-delà des faits sur lesquels le témoin la fonde. La Cour d'Appel de Colombie Britannique a bien exprimé cette idée dans l'arrêt BROWN & ANGUS. Si on rationalise l'assertion "c'est lui", on s'aperçoit qu'elle est une opinion et non une affirmation d'un fait. Tout ce qu'un témoin peut dire, c'est qu'en raison du souvenir qu'il a gardé d'une personne, au regard d'un fait quelconque, il pense que cette personne est bien celle-là. Un témoin reconnaît une personne à travers une certaine personnalité qu'elle a prise à ses yeux. Cette personnalité se reflète dans ses caractéristiques de la personne qui, une fois associée avec quelque chose dans l'esprit du témoin, amène ce dernier à s'en souvenir d'une manière particulière. À moins que le témoin puisse témoigner avec certitude des caractéristiques et du quelque chose qui a éveillé et éclairé sa mémoire, et l'a amené à reconnaître la personne, l'identification qui se borne à l'affirmation "c'est lui", ne peut en soi être davantage qu'une vague description générale et ne peut être considérée comme fiable dans toute une sphère d'activités où la certitude est indispensable."
[60] Le Tribunal est bien au fait qu'il doit être extrêmement prudent lorsque la preuve de la Poursuite se fonde sur l'identification de l'accusé par un tiers. Ainsi dans la cause de PROULX c. LA REINE, 1992, Rapports de Jurisprudence du Québec, page 2047, la Cour d'Appel rappelait que la mise en garde énoncée dans l'arrêt LA REINE c. TURNBULL, 1976, 3 ALLERS, 49, et le Tribunal se réfère à la page 2067 de l'affaire Proulx.
Les composantes essentielles de cette mise en garde comprennent d'abord une directive quant à la faiblesse inhérente à la preuve de l'identification, ensuite des éclaircissements sur la nécessité d'une telle mise en garde. Enfin, l'instruction spécifique au jury d'examiner soigneusement les conditions dans lesquelles l'identification a été faite. De plus, il ne suffit pas que le juge informe un jury de la nécessité de montrer la prudence en abordant cette preuve. Il faut encore que le juge établisse le lien entre cette nécessité et les faits de l'espèce, attirant l'attention du jury particulièrement sur toute entrave matérielle aux observations et aux souvenirs des témoins oculaires ainsi que sur toute procédure irrégulière d'identification susceptible de fausser le résultat. La valeur probante d'une preuve d'identification visuelle peut être partiellement ou totalement détruite par l'utilisation des moyens d'identification préjudiciables. L'emploi de tels moyens en l'espèce exige de la part du juge un avertissement approprié."
[61] Dans l'affaire dont le Tribunal est saisi, il apparaît clair que l'identification par parade photographique s'est effectuée d'une façon conforme aux règles de l'art. Il y a plus, non seulement deux (2) témoins, principales victimes aux chefs 3 et 4, ont-elles reconnu la physionomie de l'accusé mais bien plus, contrairement aux prétentions de la Défense, elles ont noté un signe distinctif, soit les profonds sillons partant du nez pour se rendre près des commissures des lèvres.
[62] Il s'agit d'une preuve directe doublée d'une preuve indirecte, soit l'existence d'empreintes digitales. À ce sujet, le même auteur Fortin, dans son volume intitulé "La Preuve Pénale", exposait ce qui suit en page 536:
"Il va sans dire que la Poursuite doit prouver que l'accusé est l'auteur de l'infraction qu'on lui reproche. Cette obligation se traduit complètement par la peuve de l'identité de l'accusé. Celle-ci peut être établie par une preuve indirecte de nature scientifique ou non. Par exemple, un relevé d'empreintes digitales sur les lieux du crime, appuyé par l'opinion d'un expert qu'il s'agit de celles de l'accusé, est une preuve indirecte de l'identité. Mais l'identité peut aussi faire l'objet d'une preuve directe comme c'est le cas lorsqu'on demande à un témoin s'il identifie l'accusé comme étant l'auteur du crime".
L'intention criminelle dans le cadre d'une accusation de voies de fait
R. c. Robert, 2000 CanLII 21499 (QC C.M.)
Dans le cas d'agression, il s'agit d'une offense d'intention générale. Il suffit que l'accusé ait sciemment effectué l'acte reproché, sachant que la victime n'y consentait pas.
Dans l'arrêt R. c. Gilles Boyer, la Cour d'appel du Québec s’est prononcée sur la mens rea de la façon suivante :
« L'appelant, avec deux autres comparses, a volé une chaise dans un hôtel. Il a été déclaré coupable de vol et une sentence de $25 d'amende et de 8 jours de prison lui a été imposée. Il en appelle, tant de la déclaration de culpabilité que de la sentence, prétextant qu'il ne s'agit que d'une plaisanterie envers le propriétaire de l'hôtel et qu'il y a donc absence de mens rea. »
Les juges Bélanger et Mayrand s'expriment ainsi en maintenant la condamnation :
« La mens rea est l'intention de poser les actes constituant les éléments de l'actus reus, ou l'insouciance déréglée envers ces actes. L'existence d'un esprit malhonnête en général, en plus d'une intention rattachée aux éléments de l'infraction n'est pas requise quoique sa constatation révèle habituellement la mens rea. Celui qui a posé volontairement les actes qui constituent un vol s'en rend coupable si sa seule défense est que son mobile était la plaisanterie. La gravité de l'infraction est atténuée. »
Le juge André Massé de la Cour municipale de Montréal s'est prononcé dans le même sens, dans l'arrêt R. c. Vincent Arciresi décision confirmée par le juge Jean-Guy Boilard de la Cour supérieure. Le juge Massé s'exprimait ainsi :
« La manière intentionnelle s'infère de la présomption de fait que "toute personne est censée avoir voulu les conséquences naturelles et probables de ses actes ". Dans les cas d'agression, il s'agit d'offense d'intention générale. Il suffit que l'accusé ait eu l'intention de poser l'acte constitutif de l'offense. Il n'est pas nécessaire de faire la preuve de l'intention d'en rechercher les conséquences. »
Le juge André Sirois de la Chambre de la jeunesse, a, lui aussi, émis les mêmes commentaires:
« Compte tenu de la notion de voies de fait (art. 265(l) C.Cr.), tout toucher intentionnel, sans excuse légitime, est une agression. L'intégrité physique de toute personne est sacrée et doit être respectée. C'est pourquoi on ne peut employer la force, si minime soit-elle, contre une personne sans excuse légitime ou sans son consentement. »
Dans le cas d'agression, il s'agit d'une offense d'intention générale. Il suffit que l'accusé ait sciemment effectué l'acte reproché, sachant que la victime n'y consentait pas.
Dans l'arrêt R. c. Gilles Boyer, la Cour d'appel du Québec s’est prononcée sur la mens rea de la façon suivante :
« L'appelant, avec deux autres comparses, a volé une chaise dans un hôtel. Il a été déclaré coupable de vol et une sentence de $25 d'amende et de 8 jours de prison lui a été imposée. Il en appelle, tant de la déclaration de culpabilité que de la sentence, prétextant qu'il ne s'agit que d'une plaisanterie envers le propriétaire de l'hôtel et qu'il y a donc absence de mens rea. »
Les juges Bélanger et Mayrand s'expriment ainsi en maintenant la condamnation :
« La mens rea est l'intention de poser les actes constituant les éléments de l'actus reus, ou l'insouciance déréglée envers ces actes. L'existence d'un esprit malhonnête en général, en plus d'une intention rattachée aux éléments de l'infraction n'est pas requise quoique sa constatation révèle habituellement la mens rea. Celui qui a posé volontairement les actes qui constituent un vol s'en rend coupable si sa seule défense est que son mobile était la plaisanterie. La gravité de l'infraction est atténuée. »
Le juge André Massé de la Cour municipale de Montréal s'est prononcé dans le même sens, dans l'arrêt R. c. Vincent Arciresi décision confirmée par le juge Jean-Guy Boilard de la Cour supérieure. Le juge Massé s'exprimait ainsi :
« La manière intentionnelle s'infère de la présomption de fait que "toute personne est censée avoir voulu les conséquences naturelles et probables de ses actes ". Dans les cas d'agression, il s'agit d'offense d'intention générale. Il suffit que l'accusé ait eu l'intention de poser l'acte constitutif de l'offense. Il n'est pas nécessaire de faire la preuve de l'intention d'en rechercher les conséquences. »
Le juge André Sirois de la Chambre de la jeunesse, a, lui aussi, émis les mêmes commentaires:
« Compte tenu de la notion de voies de fait (art. 265(l) C.Cr.), tout toucher intentionnel, sans excuse légitime, est une agression. L'intégrité physique de toute personne est sacrée et doit être respectée. C'est pourquoi on ne peut employer la force, si minime soit-elle, contre une personne sans excuse légitime ou sans son consentement. »
La contrainte / seule la conduite volontaire entraîne l’imputation de la responsabilité criminelle
R. c. Ruzic, [2001] 1 R.C.S. 687, 2001 CSC 24
Sous réserve d’un contrôle de conformité avec la Constitution, le législateur conserve le pouvoir de limiter ou d’éliminer complètement l’accès à un moyen de défense en matière criminelle. Les tribunaux doivent se demander si la limitation de l’accès au moyen de défense respecte les droits garantis par la Charte. Le tribunal saisi du moyen d’inconstitutionnalité n’est pas tenu de faire preuve d’une retenue particulière en ce qui concerne les moyens de défense prévus par la loi. La détermination des cas dans lesquels il convient d’excuser une personne qui a adopté un comportement par ailleurs criminel met certes en jeu certaines valeurs, mais les moyens de défense prévus par la loi ne justifient pas une plus grande retenue du seul fait qu’ils résultent de jugements moraux complexes.
Bien que le caractère involontaire au sens moral n’annule ni l’actus reus ni la mens rea d’une infraction, il s’agit d’un principe qui, à l’instar du caractère involontaire au sens physique, mérite d’être protégé par l’art. 7 de la Charte. Un principe de justice fondamentale veut que seule la conduite volontaire — le comportement qui résulte du libre arbitre d’une personne qui a la maîtrise de son corps, en l’absence de toute contrainte extérieure — entraîne l’imputation de la responsabilité criminelle et la stigmatisation que cette dernière provoque. Priver une personne de sa liberté et la marquer du stigmate de la responsabilité criminelle contreviendrait aux principes de justice fondamentale dans le cas où aucun choix réaliste ne s’offrait à elle.
L’article 17 du Code viole l’art. 7 de la Charte puisqu’il permet de déclarer criminellement responsables des individus qui ont agi involontairement. Cet article prévoit que le moyen de défense fondé sur la contrainte ne peut être invoqué que par quelqu’un qui a commis une infraction sous l’effet de menaces de mort immédiate ou de lésions corporelles proférées par une personne présente lors de l’infraction. Le sens ordinaire de l’art. 17 a une portée très restrictive. L’expression « présente lorsque l’infraction est commise », conjuguée au critère d’immédiateté, indique que l’auteur des menaces doit se trouver sur les lieux du crime ou encore à tout autre endroit où il lui sera possible de mettre ses menaces à exécution immédiatement si la personne qu’il menace refuse d’obtempérer.
En pratique, des menaces de préjudice sont rarement considérées comme immédiates si leur auteur n’est pas physiquement présent sur les lieux du crime. Les exigences d’immédiateté et de présence, prises ensemble, excluent nettement les menaces de préjudice futur. Même si l’art. 17 peut viser les menaces contre des tiers, les critères d’immédiateté et de présence entravent toujours considérablement l’accès à ce moyen de défense dans le cas de prises d’otages ou d’autres situations impliquant des tiers. La portée trop limitative de l’art. 17 viole l’art. 7 de la Charte. Le ministère public n’a pas tenté devant notre Cour de justifier les exigences d’immédiateté et de présence dans le cadre d’une analyse fondée sur l’article premier et il ne s’est donc pas acquitté de l’obligation qui lui incombe en vertu de cette disposition. Quoi qu’il en soit, ces exigences ne satisferaient probablement pas au critère de proportionnalité requis par une analyse fondée sur l’article premier. En particulier, ces exigences ne semblent pas porter le moins possible atteinte aux droits que l’art. 7 garantit à l’accusée.
L’article 17 du Code n’a jamais complètement remplacé le moyen de défense de common law fondé sur la contrainte, qui peut toujours être invoqué par la personne qui a participé à une infraction. Le moyen de défense de common law échappe désormais aux restrictions d’immédiateté et de présence et paraît donc s’accorder davantage avec les valeurs de la Charte. Comme notre Cour l’a réitéré dans l’arrêt Hibbert, les règles de common law sur la contrainte reconnaissent qu’un accusé soumis à une contrainte ne possède pas seulement des droits, mais a également des obligations envers autrui et la société. L’accusé assume, envers les autres êtres humains, l’obligation fondamentale d’adapter sa conduite en fonction de la gravité et de la nature des menaces proférées. Le droit applicable comporte une exigence de proportionnalité entre les menaces proférées et l’acte criminel à accomplir, évaluée en fonction de la norme à la fois objective et subjective de la personne raisonnable qui se trouve dans une situation similaire.
On doit s’attendre à ce que l’accusé démontre un certain courage et oppose une résistance normale aux menaces proférées. Les menaces doivent viser l’intégrité de la personne. De plus, elles doivent priver l’accusé de tout moyen de s’en sortir sans danger, selon la norme de la personne raisonnable placée dans une situation similaire.
À l’avenir dans les cas d’utilisation du moyen de défense de common law fondé sur la contrainte, le juge du procès devrait donner au jury des directives claires sur ses éléments constitutifs, dont la nécessité d’un lien temporel étroit entre les menaces et le préjudice que l’on menace de causer. L’attention du jury devrait être également attirée sur la nécessité de procéder à une appréciation à la fois objective et subjective du critère du moyen de s’en sortir sans danger.
Sous réserve d’un contrôle de conformité avec la Constitution, le législateur conserve le pouvoir de limiter ou d’éliminer complètement l’accès à un moyen de défense en matière criminelle. Les tribunaux doivent se demander si la limitation de l’accès au moyen de défense respecte les droits garantis par la Charte. Le tribunal saisi du moyen d’inconstitutionnalité n’est pas tenu de faire preuve d’une retenue particulière en ce qui concerne les moyens de défense prévus par la loi. La détermination des cas dans lesquels il convient d’excuser une personne qui a adopté un comportement par ailleurs criminel met certes en jeu certaines valeurs, mais les moyens de défense prévus par la loi ne justifient pas une plus grande retenue du seul fait qu’ils résultent de jugements moraux complexes.
Bien que le caractère involontaire au sens moral n’annule ni l’actus reus ni la mens rea d’une infraction, il s’agit d’un principe qui, à l’instar du caractère involontaire au sens physique, mérite d’être protégé par l’art. 7 de la Charte. Un principe de justice fondamentale veut que seule la conduite volontaire — le comportement qui résulte du libre arbitre d’une personne qui a la maîtrise de son corps, en l’absence de toute contrainte extérieure — entraîne l’imputation de la responsabilité criminelle et la stigmatisation que cette dernière provoque. Priver une personne de sa liberté et la marquer du stigmate de la responsabilité criminelle contreviendrait aux principes de justice fondamentale dans le cas où aucun choix réaliste ne s’offrait à elle.
L’article 17 du Code viole l’art. 7 de la Charte puisqu’il permet de déclarer criminellement responsables des individus qui ont agi involontairement. Cet article prévoit que le moyen de défense fondé sur la contrainte ne peut être invoqué que par quelqu’un qui a commis une infraction sous l’effet de menaces de mort immédiate ou de lésions corporelles proférées par une personne présente lors de l’infraction. Le sens ordinaire de l’art. 17 a une portée très restrictive. L’expression « présente lorsque l’infraction est commise », conjuguée au critère d’immédiateté, indique que l’auteur des menaces doit se trouver sur les lieux du crime ou encore à tout autre endroit où il lui sera possible de mettre ses menaces à exécution immédiatement si la personne qu’il menace refuse d’obtempérer.
En pratique, des menaces de préjudice sont rarement considérées comme immédiates si leur auteur n’est pas physiquement présent sur les lieux du crime. Les exigences d’immédiateté et de présence, prises ensemble, excluent nettement les menaces de préjudice futur. Même si l’art. 17 peut viser les menaces contre des tiers, les critères d’immédiateté et de présence entravent toujours considérablement l’accès à ce moyen de défense dans le cas de prises d’otages ou d’autres situations impliquant des tiers. La portée trop limitative de l’art. 17 viole l’art. 7 de la Charte. Le ministère public n’a pas tenté devant notre Cour de justifier les exigences d’immédiateté et de présence dans le cadre d’une analyse fondée sur l’article premier et il ne s’est donc pas acquitté de l’obligation qui lui incombe en vertu de cette disposition. Quoi qu’il en soit, ces exigences ne satisferaient probablement pas au critère de proportionnalité requis par une analyse fondée sur l’article premier. En particulier, ces exigences ne semblent pas porter le moins possible atteinte aux droits que l’art. 7 garantit à l’accusée.
L’article 17 du Code n’a jamais complètement remplacé le moyen de défense de common law fondé sur la contrainte, qui peut toujours être invoqué par la personne qui a participé à une infraction. Le moyen de défense de common law échappe désormais aux restrictions d’immédiateté et de présence et paraît donc s’accorder davantage avec les valeurs de la Charte. Comme notre Cour l’a réitéré dans l’arrêt Hibbert, les règles de common law sur la contrainte reconnaissent qu’un accusé soumis à une contrainte ne possède pas seulement des droits, mais a également des obligations envers autrui et la société. L’accusé assume, envers les autres êtres humains, l’obligation fondamentale d’adapter sa conduite en fonction de la gravité et de la nature des menaces proférées. Le droit applicable comporte une exigence de proportionnalité entre les menaces proférées et l’acte criminel à accomplir, évaluée en fonction de la norme à la fois objective et subjective de la personne raisonnable qui se trouve dans une situation similaire.
On doit s’attendre à ce que l’accusé démontre un certain courage et oppose une résistance normale aux menaces proférées. Les menaces doivent viser l’intégrité de la personne. De plus, elles doivent priver l’accusé de tout moyen de s’en sortir sans danger, selon la norme de la personne raisonnable placée dans une situation similaire.
À l’avenir dans les cas d’utilisation du moyen de défense de common law fondé sur la contrainte, le juge du procès devrait donner au jury des directives claires sur ses éléments constitutifs, dont la nécessité d’un lien temporel étroit entre les menaces et le préjudice que l’on menace de causer. L’attention du jury devrait être également attirée sur la nécessité de procéder à une appréciation à la fois objective et subjective du critère du moyen de s’en sortir sans danger.
Aider et encourager / quelqu’un qui agit pour le compte d’un acheteur de stupéfiants peut être jugé comme ayant participé à l’infraction de trafic
R. c. Greyeyes, 1997 CanLII 313 (C.S.C.)
25. Peut‑on conclure que la personne qui agit à titre de mandataire d’un acheteur de stupéfiants, ou qui aide un acheteur à acquérir des stupéfiants, participe à l’infraction de trafic au sens du par. 21(1) du Code, en aidant ou en encourageant à vendre des stupéfiants? À mon avis, il faut répondre qu’il est effectivement possible de conclure que cette personne a participé à l’infraction.
26. Les termes «aider» et «encourager» sont souvent utilisés ensemble pour déterminer si des personnes ont participé à une infraction. Bien que leur sens soit semblable, ce sont des concepts distincts: R. c. Meston (1975), 28 C.C.C. (2d) 497 (C.A. Ont.), aux pp. 503 et 504. Aider, au sens de l’al. 21(1)b), signifie assister la personne qui agit ou lui donner un coup de main: Mewett & Manning on Criminal Law (3e éd. 1994), à la p. 272; E. G. Ewaschuk, Criminal Pleadings & Practice in Canada (2e éd. 1987 (feuilles mobiles)), à la p. 15‑7, par. 15:2020 (publié en mai 1997). Encourager, au sens de l’al. 21(1)c), signifie notamment inciter et instiguer à commettre un crime, ou en favoriser ou provoquer la perpétration: Mewett & Manning on Criminal Law, op. cit., à la p. 272; Criminal Pleadings & Practice in Canada, op. cit., à la p. 15‑11, par. 15:3010 (publié en décembre 1996).
28. Dans l’arrêt Meston, précité, la Cour d’appel de l’Ontario s’est demandé si un acheteur de drogue aide ou encourage le vendeur. Dans cette affaire, l’accusation de trafic résultait de la vente d’environ trois quarts de livre de marijuana. Le juge Martin a convenu, au nom de la cour, qu’en principe la conduite d’un acheteur qui encourage la vente d’une substance qu’il sait qu’il est illégal pour le vendeur de vendre relève du sens ordinaire du mot «encourage» utilisé au par. 21(1)c) du Code. Par conséquent, l’acheteur devrait être participant à l’infraction de vente.
29. Cependant, le juge Martin a ensuite examiné l’arrêt de notre Cour Poitras c. La Reine, 1973 CanLII 156 (C.S.C.), [1974] R.C.S. 649. Les motifs de cet arrêt l’ont convaincu qu’un acheteur ne devrait pas, du seul fait de l’achat qu’il a effectué, être considéré comme ayant participé à l’infraction de trafic. À la page 507, le juge Martin renvoie au passage suivant des motifs de dissidence du juge Laskin (plus tard Juge en chef), tiré de la p. 655 de l’arrêt Poitras:
. . . vu que la possession d’un stupéfiant est une infraction, et qu’il incombe à l’accusé qui nie sa culpabilité à une accusation portée en vertu de l’art. 4, par. 2, d’établir qu’il n’était pas en possession du stupéfiant pour en faire le trafic (voir l’art. 8 de la Loi), il y aurait, à mon avis, incongruité à transformer un simple acheteur en un trafiquant en ayant recours à l’art. 21 du Code criminel pour suppléer au manque de définition.
Il a ensuite conclu qu’il ressortait implicitement des motifs que le juge Dickson (plus tard Juge en chef) avait rédigés au nom des juges majoritaires, dans l’arrêt Poitras, que lui aussi acceptait que la personne qui achète un stupéfiant n’en fait pas, pour autant, le trafic. Je suis d’accord avec cette conclusion.
30. Les dispositions de la Loi sur les stupéfiants qui ont trait à la possession d’un stupéfiant permettant de prétendre que l’acheteur est dans une situation exceptionnelle et ne devrait pas être considéré comme ayant participé à l’infraction de trafic simplement en raison de l’achat qu’il a fait. Le mot «trafic» défini à l’art. 2 de la Loi s’entend notamment de la fabrication, de la vente, du transport, de la livraison et de la distribution, mais non de l’achat, d’un stupéfiant. Cependant, le par. 3(1) de la Loi prévoit que la possession d’un stupéfiant constitue une infraction. En outre, bien qu’il ait été jugé que la disposition portant inversion du fardeau de la preuve contrevient à l’al. 11d) de la Charte (voir R. c. Oakes, 1986 CanLII 46 (C.S.C.), [1986] 1 R.C.S. 103), le fait que le par. 8(2) soit allé jusqu’à prévoir que l’accusé visé par une conclusion de possession d’un stupéfiant a la charge de démontrer qu’il n’avait pas l’intention d’en faire le trafic, présente un intérêt historique quant à l’intention du Parlement. Le Parlement a établi un régime législatif clair concernant la culpabilité des personnes impliquées dans l’achat de stupéfiants. Comme le juge Martin l’a conclu dans l’arrêt Meston, précité, à la p. 507:
[traduction] Si l’acheteur qui a encouragé la vente d’un stupéfiant à lui‑même ne peut être déclaré coupable de trafic, ce doit être parce que la Loi sur les stupéfiants révèle l’intention du législateur qu’un simple acheteur n’encoure aucune responsabilité quant à l’infraction de trafic commise par le vendeur.
Une observation semblable est faite dans le texte utile Criminal Pleadings & Practice in Canada, op. cit., à la p. 15‑9, par. 15:2090 (publié en mai 1997):
[traduction] Il semble que l’acheteur de drogue, bien qu’il se trouve, en fait, à aider ou à encourager le vendeur, n’aide pas ou n’encourage pas, en droit, le vendeur, c’est‑à‑dire le trafiquant de drogue, étant donné que l’acheteur commet l’infraction distincte (lorsqu’il achète la drogue) de possession simple de drogue ou de possession de drogue en vue d’en faire le trafic. [En italique dans l’original.]
31. Il ne fait sûrement aucun doute que la personne qui achète un stupéfiant doit aider le vendeur à réaliser la vente. Sans l’acheteur, il ne saurait y avoir de vente du stupéfiant. Cependant, le Parlement a choisi d’aborder la question de la culpabilité des acheteurs d’une façon différente. Dès qu’une personne entre en possession d’un stupéfiant, elle peut être accusée de possession ou de possession en vue du trafic. Pourtant, il est clair que la définition de «trafic» ne s’applique pas à elle. Elle ne peut pas non plus, du seul fait de l’achat, être déclarée coupable d’avoir aidé ou encouragé à commettre l’infraction de trafic. Le Parlement a défini d’autres infractions dont l’acheteur peut être accusé en raison de l’achat qu’il effectue.
32. Il faut souligner que le législateur n’a prévu à l’égard de ceux qui aident l’acheteur ou qui agissent pour son compte, aucune intention semblable à celle prévue à l’égard des acheteurs. Le trafic de la drogue, de par sa nature même, est une entreprise qui implique et dépend de nombreux «intermédiaires». Si l’exception qui s’applique aux acheteurs était également appliquée aux mandataires de l’acheteur, ceux-ci pourraient alors échapper à toute responsabilité. Il ne devrait pas en être ainsi. Il n’y a tout simplement aucune raison d’appliquer l’exception concernant les acheteurs à ceux qui aident ou encouragent des acheteurs dans le cadre d’une vente illégale. Les activités du mandataire d’un acheteur ou d’une personne qui aide un acheteur à acquérir des stupéfiants relèvent certainement de la définition des mots «aider» ou «encourager» que l’on trouve au par. 21(1) du Code. En réunissant la source d’approvisionnement et l’acheteur éventuel, ces personnes aident évidemment à la vente de stupéfiants. Agir comme porte‑parole d’un acheteur a pour effet d’aider l’acheteur et le vendeur à conclure un marché. Il s’ensuit que le mandataire d’un acheteur ou la personne qui aide l’acheteur à acquérir la drogue peuvent être déclarés, à bon droit, coupables d’avoir participé à l’infraction de trafic, au sens du par. 21(1) du Code.
33. Ce point de vue est appuyé par l’arrêt Poitras, précité. Dans cette affaire, un agent d’infiltration de la GRC s’était adressé à Poitras pour lui demander deux grammes de haschich. Poitras avait répondu qu’il s’en allait en chercher à une maison située près de là, et avait accepté l’argent de l’agent d’infiltration. Une vingtaine de minutes plus tard, une connaissance qui avait présenté l’agent d’infiltration à Poitras et qui avait assisté à la conclusion du marché a livré le haschich à l’agent d’infiltration dans un bar local. Poitras a été accusé d’avoir fait le trafic de haschich ou d’avoir aidé au trafic de haschich. Le juge du procès a déclaré l’accusé non coupable pour le motif que la preuve pouvait autant laisser croire que l’accusé avait agi seulement pour le compte du policier qui avait acheté le haschich, que laisser croire qu’il avait participé au trafic. Il avait donc un doute raisonnable quant à la culpabilité de l’accusé.
34. Le juge Dickson a conclu, au nom de la Cour à la majorité, que le juge du procès avait commis une erreur dans son raisonnement. Il a fait remarquer que, même s’il se pouvait que Poitras ait agi pour le compte du policier, cela ne l’empêchait pas d’être coupable de trafic ou d’avoir aidé à commettre l’infraction de trafic. Il a fait observer ce qui suit, à la p. 653:
On a soutenu pour l’appelant que le mot «acheter» ne figure pas dans la définition de «trafic» dans la Loi sur les stupéfiants; par conséquent, un simple acheteur ne trafique pas et un mandataire de l’acheteur s’abrite sous la même couverture. Je ne suis pas d’accord. On ne peut pas appliquer dans ce contexte les règles du droit civil concernant le «mandat». Le «mandat» ne sert pas à rendre non criminel un acte auquel s’attacheraient autrement des conséquences criminelles. Même si l’on pouvait dire que l’appelant était un «mandataire» du gendarme Arsenault pour les fins de la responsabilité civile, ses activités peuvent néanmoins équivaloir à faire le trafic de stupéfiants ou à aider à un tel trafic
La Cour à la majorité était ainsi disposée à accepter qu’il est possible de conclure que quelqu’un qui a agi pour le compte d’un acheteur a aidé au trafic de stupéfiants.
35. En résumé, quelqu’un qui agit pour le compte d’un acheteur de stupéfiants peut être jugé comme ayant participé à l’infraction de trafic, au sens du par. 21(1) du Code. Il en est ainsi parce que cette personne aide à la perpétration d’une infraction en amenant l’acheteur au vendeur. Sans cette intervention ou aide, la vente n’aurait jamais lieu. Il n’y a rien dans la Loi sur les stupéfiants, dans les principes de droit criminel applicables ou dans des motifs de politique générale qui indique qu’un statut spécial devrait être accordé aux personnes qui aident des acheteurs de drogue, de manière à les soustraire à l’application des dispositions claires de l’art. 21 du Code.
25. Peut‑on conclure que la personne qui agit à titre de mandataire d’un acheteur de stupéfiants, ou qui aide un acheteur à acquérir des stupéfiants, participe à l’infraction de trafic au sens du par. 21(1) du Code, en aidant ou en encourageant à vendre des stupéfiants? À mon avis, il faut répondre qu’il est effectivement possible de conclure que cette personne a participé à l’infraction.
26. Les termes «aider» et «encourager» sont souvent utilisés ensemble pour déterminer si des personnes ont participé à une infraction. Bien que leur sens soit semblable, ce sont des concepts distincts: R. c. Meston (1975), 28 C.C.C. (2d) 497 (C.A. Ont.), aux pp. 503 et 504. Aider, au sens de l’al. 21(1)b), signifie assister la personne qui agit ou lui donner un coup de main: Mewett & Manning on Criminal Law (3e éd. 1994), à la p. 272; E. G. Ewaschuk, Criminal Pleadings & Practice in Canada (2e éd. 1987 (feuilles mobiles)), à la p. 15‑7, par. 15:2020 (publié en mai 1997). Encourager, au sens de l’al. 21(1)c), signifie notamment inciter et instiguer à commettre un crime, ou en favoriser ou provoquer la perpétration: Mewett & Manning on Criminal Law, op. cit., à la p. 272; Criminal Pleadings & Practice in Canada, op. cit., à la p. 15‑11, par. 15:3010 (publié en décembre 1996).
28. Dans l’arrêt Meston, précité, la Cour d’appel de l’Ontario s’est demandé si un acheteur de drogue aide ou encourage le vendeur. Dans cette affaire, l’accusation de trafic résultait de la vente d’environ trois quarts de livre de marijuana. Le juge Martin a convenu, au nom de la cour, qu’en principe la conduite d’un acheteur qui encourage la vente d’une substance qu’il sait qu’il est illégal pour le vendeur de vendre relève du sens ordinaire du mot «encourage» utilisé au par. 21(1)c) du Code. Par conséquent, l’acheteur devrait être participant à l’infraction de vente.
29. Cependant, le juge Martin a ensuite examiné l’arrêt de notre Cour Poitras c. La Reine, 1973 CanLII 156 (C.S.C.), [1974] R.C.S. 649. Les motifs de cet arrêt l’ont convaincu qu’un acheteur ne devrait pas, du seul fait de l’achat qu’il a effectué, être considéré comme ayant participé à l’infraction de trafic. À la page 507, le juge Martin renvoie au passage suivant des motifs de dissidence du juge Laskin (plus tard Juge en chef), tiré de la p. 655 de l’arrêt Poitras:
. . . vu que la possession d’un stupéfiant est une infraction, et qu’il incombe à l’accusé qui nie sa culpabilité à une accusation portée en vertu de l’art. 4, par. 2, d’établir qu’il n’était pas en possession du stupéfiant pour en faire le trafic (voir l’art. 8 de la Loi), il y aurait, à mon avis, incongruité à transformer un simple acheteur en un trafiquant en ayant recours à l’art. 21 du Code criminel pour suppléer au manque de définition.
Il a ensuite conclu qu’il ressortait implicitement des motifs que le juge Dickson (plus tard Juge en chef) avait rédigés au nom des juges majoritaires, dans l’arrêt Poitras, que lui aussi acceptait que la personne qui achète un stupéfiant n’en fait pas, pour autant, le trafic. Je suis d’accord avec cette conclusion.
30. Les dispositions de la Loi sur les stupéfiants qui ont trait à la possession d’un stupéfiant permettant de prétendre que l’acheteur est dans une situation exceptionnelle et ne devrait pas être considéré comme ayant participé à l’infraction de trafic simplement en raison de l’achat qu’il a fait. Le mot «trafic» défini à l’art. 2 de la Loi s’entend notamment de la fabrication, de la vente, du transport, de la livraison et de la distribution, mais non de l’achat, d’un stupéfiant. Cependant, le par. 3(1) de la Loi prévoit que la possession d’un stupéfiant constitue une infraction. En outre, bien qu’il ait été jugé que la disposition portant inversion du fardeau de la preuve contrevient à l’al. 11d) de la Charte (voir R. c. Oakes, 1986 CanLII 46 (C.S.C.), [1986] 1 R.C.S. 103), le fait que le par. 8(2) soit allé jusqu’à prévoir que l’accusé visé par une conclusion de possession d’un stupéfiant a la charge de démontrer qu’il n’avait pas l’intention d’en faire le trafic, présente un intérêt historique quant à l’intention du Parlement. Le Parlement a établi un régime législatif clair concernant la culpabilité des personnes impliquées dans l’achat de stupéfiants. Comme le juge Martin l’a conclu dans l’arrêt Meston, précité, à la p. 507:
[traduction] Si l’acheteur qui a encouragé la vente d’un stupéfiant à lui‑même ne peut être déclaré coupable de trafic, ce doit être parce que la Loi sur les stupéfiants révèle l’intention du législateur qu’un simple acheteur n’encoure aucune responsabilité quant à l’infraction de trafic commise par le vendeur.
Une observation semblable est faite dans le texte utile Criminal Pleadings & Practice in Canada, op. cit., à la p. 15‑9, par. 15:2090 (publié en mai 1997):
[traduction] Il semble que l’acheteur de drogue, bien qu’il se trouve, en fait, à aider ou à encourager le vendeur, n’aide pas ou n’encourage pas, en droit, le vendeur, c’est‑à‑dire le trafiquant de drogue, étant donné que l’acheteur commet l’infraction distincte (lorsqu’il achète la drogue) de possession simple de drogue ou de possession de drogue en vue d’en faire le trafic. [En italique dans l’original.]
31. Il ne fait sûrement aucun doute que la personne qui achète un stupéfiant doit aider le vendeur à réaliser la vente. Sans l’acheteur, il ne saurait y avoir de vente du stupéfiant. Cependant, le Parlement a choisi d’aborder la question de la culpabilité des acheteurs d’une façon différente. Dès qu’une personne entre en possession d’un stupéfiant, elle peut être accusée de possession ou de possession en vue du trafic. Pourtant, il est clair que la définition de «trafic» ne s’applique pas à elle. Elle ne peut pas non plus, du seul fait de l’achat, être déclarée coupable d’avoir aidé ou encouragé à commettre l’infraction de trafic. Le Parlement a défini d’autres infractions dont l’acheteur peut être accusé en raison de l’achat qu’il effectue.
32. Il faut souligner que le législateur n’a prévu à l’égard de ceux qui aident l’acheteur ou qui agissent pour son compte, aucune intention semblable à celle prévue à l’égard des acheteurs. Le trafic de la drogue, de par sa nature même, est une entreprise qui implique et dépend de nombreux «intermédiaires». Si l’exception qui s’applique aux acheteurs était également appliquée aux mandataires de l’acheteur, ceux-ci pourraient alors échapper à toute responsabilité. Il ne devrait pas en être ainsi. Il n’y a tout simplement aucune raison d’appliquer l’exception concernant les acheteurs à ceux qui aident ou encouragent des acheteurs dans le cadre d’une vente illégale. Les activités du mandataire d’un acheteur ou d’une personne qui aide un acheteur à acquérir des stupéfiants relèvent certainement de la définition des mots «aider» ou «encourager» que l’on trouve au par. 21(1) du Code. En réunissant la source d’approvisionnement et l’acheteur éventuel, ces personnes aident évidemment à la vente de stupéfiants. Agir comme porte‑parole d’un acheteur a pour effet d’aider l’acheteur et le vendeur à conclure un marché. Il s’ensuit que le mandataire d’un acheteur ou la personne qui aide l’acheteur à acquérir la drogue peuvent être déclarés, à bon droit, coupables d’avoir participé à l’infraction de trafic, au sens du par. 21(1) du Code.
33. Ce point de vue est appuyé par l’arrêt Poitras, précité. Dans cette affaire, un agent d’infiltration de la GRC s’était adressé à Poitras pour lui demander deux grammes de haschich. Poitras avait répondu qu’il s’en allait en chercher à une maison située près de là, et avait accepté l’argent de l’agent d’infiltration. Une vingtaine de minutes plus tard, une connaissance qui avait présenté l’agent d’infiltration à Poitras et qui avait assisté à la conclusion du marché a livré le haschich à l’agent d’infiltration dans un bar local. Poitras a été accusé d’avoir fait le trafic de haschich ou d’avoir aidé au trafic de haschich. Le juge du procès a déclaré l’accusé non coupable pour le motif que la preuve pouvait autant laisser croire que l’accusé avait agi seulement pour le compte du policier qui avait acheté le haschich, que laisser croire qu’il avait participé au trafic. Il avait donc un doute raisonnable quant à la culpabilité de l’accusé.
34. Le juge Dickson a conclu, au nom de la Cour à la majorité, que le juge du procès avait commis une erreur dans son raisonnement. Il a fait remarquer que, même s’il se pouvait que Poitras ait agi pour le compte du policier, cela ne l’empêchait pas d’être coupable de trafic ou d’avoir aidé à commettre l’infraction de trafic. Il a fait observer ce qui suit, à la p. 653:
On a soutenu pour l’appelant que le mot «acheter» ne figure pas dans la définition de «trafic» dans la Loi sur les stupéfiants; par conséquent, un simple acheteur ne trafique pas et un mandataire de l’acheteur s’abrite sous la même couverture. Je ne suis pas d’accord. On ne peut pas appliquer dans ce contexte les règles du droit civil concernant le «mandat». Le «mandat» ne sert pas à rendre non criminel un acte auquel s’attacheraient autrement des conséquences criminelles. Même si l’on pouvait dire que l’appelant était un «mandataire» du gendarme Arsenault pour les fins de la responsabilité civile, ses activités peuvent néanmoins équivaloir à faire le trafic de stupéfiants ou à aider à un tel trafic
La Cour à la majorité était ainsi disposée à accepter qu’il est possible de conclure que quelqu’un qui a agi pour le compte d’un acheteur a aidé au trafic de stupéfiants.
35. En résumé, quelqu’un qui agit pour le compte d’un acheteur de stupéfiants peut être jugé comme ayant participé à l’infraction de trafic, au sens du par. 21(1) du Code. Il en est ainsi parce que cette personne aide à la perpétration d’une infraction en amenant l’acheteur au vendeur. Sans cette intervention ou aide, la vente n’aurait jamais lieu. Il n’y a rien dans la Loi sur les stupéfiants, dans les principes de droit criminel applicables ou dans des motifs de politique générale qui indique qu’un statut spécial devrait être accordé aux personnes qui aident des acheteurs de drogue, de manière à les soustraire à l’application des dispositions claires de l’art. 21 du Code.
dimanche 30 août 2009
Les communications entre un pasteur et un membre de l'Église sont‑elles protégées par un privilège de common law?
R. c. Gruenke, 1991 CanLII 40 (C.S.C.)
Le fait que les tribunaux anglais et canadiens n'ont pas, en pratique, obligé les membres du clergé à divulguer des communications religieuses confidentielles ne répond pas à la question de savoir s'il existe un privilège juridique de common law en ce qui a trait aux communications religieuses. L'existence d'un privilège légal limité en matière religieuse dans certains ressorts n'indique pas l'existence d'un privilège de common law; elle indique plutôt que la common law ne protégeait pas les communications religieuses et que, par conséquent, il était nécessaire d'avoir une protection légale.
La question de savoir s'il existe un privilège prima facie en ce qui a trait aux communications religieuses est essentiellement une question de principe. À titre de principe général, tous les éléments de preuve pertinents sont admissibles. Les raisons de principe qui justifient l'existence d'un privilège générique en matière de communications religieuses doivent être aussi sérieuses que les raisons qui sous‑tendent le privilège générique en matière de communications entre l'avocat et son client: les rapports et les communications entre l'avocat et son client sont essentiels au bon fonctionnement du système juridique. Pareilles communications sont inextricablement liées au système qui veut que la communication soit divulguée. Les communications religieuses, nonobstant leur importance sociale, ne sont pas inextricablement liées de cette manière au système de justice.
Bien que la valeur de la liberté de religion, consacrée à l'al. 2a), soit importante dans certains cas, cette valeur ne doit pas nécessairement être reconnue sous la forme d'un privilège prima facie pour que la garantie prévue par la Charte s'applique pleinement. La mesure (le cas échéant) dans laquelle la divulgation des communications portera atteinte à la liberté de religion d'une personne dépendra des circonstances particulières en cause. Les facteurs pertinents comprennent la nature de la communication, l'objet de celle‑ci, la manière dont elle a été faite et les parties à celle‑ci.
Le critère de Wigmore, qui s'applique pour déterminer si une communication est privilégiée, exige:
(1) que les communications aient été transmises confidentiellement avec l'assurance qu'elles ne seraient pas divulguées,
(2) que le caractère confidentiel soit un élément essentiel au maintien complet et satisfaisant des rapports entre les parties,
(3) que les rapports soient de la nature de ceux qui, selon l'opinion de la collectivité, doivent être entretenus assidûment, et
(4) que le préjudice permanent que subiraient les rapports par la divulgation des communications soit plus considérable que l'avantage à retirer d'une juste décision.
Ce critère est conforme à une façon, fondée sur des principes, d'aborder la question qui tient compte, à bon droit, des circonstances particulières de chaque cas. Ces critères ne sont pas gravés dans la pierre et ne constituent qu'un cadre général à l'intérieur duquel des considérations de principe et les exigences en matière de recherche des faits peuvent être évaluées et comparées en fonction de leur importance relative dans l'affaire particulière soumise à la cour. Ils n'empêchent pas l'identification d'une nouvelle catégorie fondée sur des principes.
Une analyse de chaque cas permet aux tribunaux de déterminer si, dans les circonstances particulières, la liberté de religion d'une personne sera compromise par l'admission de la preuve. Cette analyse doit commencer par l'adoption d'un point de vue "non confessionnel". Le fait que les communications n'ont pas été faites à un prêtre ou à un pasteur ordonné ou qu'elles ne constituaient pas une confession formelle n'écartera pas la possibilité de les exclure. Il faut tenir compte de toutes les circonstances pertinentes et le critère de Wigmore doit être appliqué d'une manière qui tient compte du patrimoine multiculturel du Canada. Ce sera plus important aux deuxième et troisième étapes de l'examen relatif au critère de Wigmore. Une telle façon de procéder selon les circonstances de chaque cas aura pour effet d'éviter le problème de la "compartimentation".
Les communications visées en l'espèce ont été admises à bon droit. Elles ne satisfont même pas à la première condition, c'est‑à‑dire, qu'elles aient été transmises confidentiellement avec l'assurance qu'elles ne seraient pas divulguées. L'expectative de caractère confidentiel est absolument cruciale pour que les communications puissent être qualifiées de "privilégiées" car, sans celle‑ci, le privilège n'a pas de raison d'être.
Les déclarations et le comportement des parties relativement à la communication ‑‑ et non l'absence d'une pratique formelle de "confession" dans l'Église de l'appelante ‑‑ indiquent qu'elles avaient été faites davantage pour soulager l'appelante de son stress émotionnel qu'à des fins religieuses ou spirituelles. Bien que l'existence d'une pratique formelle de "confession" puisse bien indiquer fortement que les parties s'attendaient à ce que la communication soit confidentielle, l'absence d'une telle pratique formelle n'est pas, en soi, déterminante.
L'appelante n'a pas été privée d'un procès équitable par suite de l'omission du juge du procès de tenir un voir‑dire formel et de sa décision de statuer sur la requête de la défense en fonction des arguments et des témoignages présentés à l'enquête préliminaire. Même si une question de privilège soulevée dans un procès peut être mieux tranchée dans le cadre d'un voir‑dire, l'omission de suivre cette procédure ne rend pas nécessairement le procès inéquitable. Le juge du procès en l'espèce a essentiellement tenu un voir‑dire de façon informelle, en l'absence du jury, car les avocats ont eu l'occasion de présenter des éléments de preuve et des arguments relativement à la requête de la défense visant à exclure la preuve. Bien que le juge du procès ait la responsabilité ultime de trancher les questions de recevabilité, il n'est pas tenu de faire plus que d'accorder à l'avocat une occasion raisonnable de présenter sa preuve et d'avancer des arguments sur ces questions avant de rendre une décision.
Le fait que les tribunaux anglais et canadiens n'ont pas, en pratique, obligé les membres du clergé à divulguer des communications religieuses confidentielles ne répond pas à la question de savoir s'il existe un privilège juridique de common law en ce qui a trait aux communications religieuses. L'existence d'un privilège légal limité en matière religieuse dans certains ressorts n'indique pas l'existence d'un privilège de common law; elle indique plutôt que la common law ne protégeait pas les communications religieuses et que, par conséquent, il était nécessaire d'avoir une protection légale.
La question de savoir s'il existe un privilège prima facie en ce qui a trait aux communications religieuses est essentiellement une question de principe. À titre de principe général, tous les éléments de preuve pertinents sont admissibles. Les raisons de principe qui justifient l'existence d'un privilège générique en matière de communications religieuses doivent être aussi sérieuses que les raisons qui sous‑tendent le privilège générique en matière de communications entre l'avocat et son client: les rapports et les communications entre l'avocat et son client sont essentiels au bon fonctionnement du système juridique. Pareilles communications sont inextricablement liées au système qui veut que la communication soit divulguée. Les communications religieuses, nonobstant leur importance sociale, ne sont pas inextricablement liées de cette manière au système de justice.
Bien que la valeur de la liberté de religion, consacrée à l'al. 2a), soit importante dans certains cas, cette valeur ne doit pas nécessairement être reconnue sous la forme d'un privilège prima facie pour que la garantie prévue par la Charte s'applique pleinement. La mesure (le cas échéant) dans laquelle la divulgation des communications portera atteinte à la liberté de religion d'une personne dépendra des circonstances particulières en cause. Les facteurs pertinents comprennent la nature de la communication, l'objet de celle‑ci, la manière dont elle a été faite et les parties à celle‑ci.
Le critère de Wigmore, qui s'applique pour déterminer si une communication est privilégiée, exige:
(1) que les communications aient été transmises confidentiellement avec l'assurance qu'elles ne seraient pas divulguées,
(2) que le caractère confidentiel soit un élément essentiel au maintien complet et satisfaisant des rapports entre les parties,
(3) que les rapports soient de la nature de ceux qui, selon l'opinion de la collectivité, doivent être entretenus assidûment, et
(4) que le préjudice permanent que subiraient les rapports par la divulgation des communications soit plus considérable que l'avantage à retirer d'une juste décision.
Ce critère est conforme à une façon, fondée sur des principes, d'aborder la question qui tient compte, à bon droit, des circonstances particulières de chaque cas. Ces critères ne sont pas gravés dans la pierre et ne constituent qu'un cadre général à l'intérieur duquel des considérations de principe et les exigences en matière de recherche des faits peuvent être évaluées et comparées en fonction de leur importance relative dans l'affaire particulière soumise à la cour. Ils n'empêchent pas l'identification d'une nouvelle catégorie fondée sur des principes.
Une analyse de chaque cas permet aux tribunaux de déterminer si, dans les circonstances particulières, la liberté de religion d'une personne sera compromise par l'admission de la preuve. Cette analyse doit commencer par l'adoption d'un point de vue "non confessionnel". Le fait que les communications n'ont pas été faites à un prêtre ou à un pasteur ordonné ou qu'elles ne constituaient pas une confession formelle n'écartera pas la possibilité de les exclure. Il faut tenir compte de toutes les circonstances pertinentes et le critère de Wigmore doit être appliqué d'une manière qui tient compte du patrimoine multiculturel du Canada. Ce sera plus important aux deuxième et troisième étapes de l'examen relatif au critère de Wigmore. Une telle façon de procéder selon les circonstances de chaque cas aura pour effet d'éviter le problème de la "compartimentation".
Les communications visées en l'espèce ont été admises à bon droit. Elles ne satisfont même pas à la première condition, c'est‑à‑dire, qu'elles aient été transmises confidentiellement avec l'assurance qu'elles ne seraient pas divulguées. L'expectative de caractère confidentiel est absolument cruciale pour que les communications puissent être qualifiées de "privilégiées" car, sans celle‑ci, le privilège n'a pas de raison d'être.
Les déclarations et le comportement des parties relativement à la communication ‑‑ et non l'absence d'une pratique formelle de "confession" dans l'Église de l'appelante ‑‑ indiquent qu'elles avaient été faites davantage pour soulager l'appelante de son stress émotionnel qu'à des fins religieuses ou spirituelles. Bien que l'existence d'une pratique formelle de "confession" puisse bien indiquer fortement que les parties s'attendaient à ce que la communication soit confidentielle, l'absence d'une telle pratique formelle n'est pas, en soi, déterminante.
L'appelante n'a pas été privée d'un procès équitable par suite de l'omission du juge du procès de tenir un voir‑dire formel et de sa décision de statuer sur la requête de la défense en fonction des arguments et des témoignages présentés à l'enquête préliminaire. Même si une question de privilège soulevée dans un procès peut être mieux tranchée dans le cadre d'un voir‑dire, l'omission de suivre cette procédure ne rend pas nécessairement le procès inéquitable. Le juge du procès en l'espèce a essentiellement tenu un voir‑dire de façon informelle, en l'absence du jury, car les avocats ont eu l'occasion de présenter des éléments de preuve et des arguments relativement à la requête de la défense visant à exclure la preuve. Bien que le juge du procès ait la responsabilité ultime de trancher les questions de recevabilité, il n'est pas tenu de faire plus que d'accorder à l'avocat une occasion raisonnable de présenter sa preuve et d'avancer des arguments sur ces questions avant de rendre une décision.
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