dimanche 30 août 2009

Les communications entre un pasteur et un membre de l'Église sont‑elles protégées par un privilège de common law?

R. c. Gruenke, 1991 CanLII 40 (C.S.C.)

Le fait que les tribunaux anglais et canadiens n'ont pas, en pratique, obligé les membres du clergé à divulguer des communications religieuses confidentielles ne répond pas à la question de savoir s'il existe un privilège juridique de common law en ce qui a trait aux communications religieuses. L'existence d'un privilège légal limité en matière religieuse dans certains ressorts n'indique pas l'existence d'un privilège de common law; elle indique plutôt que la common law ne protégeait pas les communications religieuses et que, par conséquent, il était nécessaire d'avoir une protection légale.

La question de savoir s'il existe un privilège prima facie en ce qui a trait aux communications religieuses est essentiellement une question de principe. À titre de principe général, tous les éléments de preuve pertinents sont admissibles. Les raisons de principe qui justifient l'existence d'un privilège générique en matière de communications religieuses doivent être aussi sérieuses que les raisons qui sous‑tendent le privilège générique en matière de communications entre l'avocat et son client: les rapports et les communications entre l'avocat et son client sont essentiels au bon fonctionnement du système juridique. Pareilles communications sont inextricablement liées au système qui veut que la communication soit divulguée. Les communications religieuses, nonobstant leur importance sociale, ne sont pas inextricablement liées de cette manière au système de justice.

Bien que la valeur de la liberté de religion, consacrée à l'al. 2a), soit importante dans certains cas, cette valeur ne doit pas nécessairement être reconnue sous la forme d'un privilège prima facie pour que la garantie prévue par la Charte s'applique pleinement. La mesure (le cas échéant) dans laquelle la divulgation des communications portera atteinte à la liberté de religion d'une personne dépendra des circonstances particulières en cause. Les facteurs pertinents comprennent la nature de la communication, l'objet de celle‑ci, la manière dont elle a été faite et les parties à celle‑ci.

Le critère de Wigmore, qui s'applique pour déterminer si une communication est privilégiée, exige:

(1) que les communications aient été transmises confidentiellement avec l'assurance qu'elles ne seraient pas divulguées,
(2) que le caractère confidentiel soit un élément essentiel au maintien complet et satisfaisant des rapports entre les parties,
(3) que les rapports soient de la nature de ceux qui, selon l'opinion de la collectivité, doivent être entretenus assidûment, et
(4) que le préjudice permanent que subiraient les rapports par la divulgation des communications soit plus considérable que l'avantage à retirer d'une juste décision.

Ce critère est conforme à une façon, fondée sur des principes, d'aborder la question qui tient compte, à bon droit, des circonstances particulières de chaque cas. Ces critères ne sont pas gravés dans la pierre et ne constituent qu'un cadre général à l'intérieur duquel des considérations de principe et les exigences en matière de recherche des faits peuvent être évaluées et comparées en fonction de leur importance relative dans l'affaire particulière soumise à la cour. Ils n'empêchent pas l'identification d'une nouvelle catégorie fondée sur des principes.

Une analyse de chaque cas permet aux tribunaux de déterminer si, dans les circonstances particulières, la liberté de religion d'une personne sera compromise par l'admission de la preuve. Cette analyse doit commencer par l'adoption d'un point de vue "non confessionnel". Le fait que les communications n'ont pas été faites à un prêtre ou à un pasteur ordonné ou qu'elles ne constituaient pas une confession formelle n'écartera pas la possibilité de les exclure. Il faut tenir compte de toutes les circonstances pertinentes et le critère de Wigmore doit être appliqué d'une manière qui tient compte du patrimoine multiculturel du Canada. Ce sera plus important aux deuxième et troisième étapes de l'examen relatif au critère de Wigmore. Une telle façon de procéder selon les circonstances de chaque cas aura pour effet d'éviter le problème de la "compartimentation".

Les communications visées en l'espèce ont été admises à bon droit. Elles ne satisfont même pas à la première condition, c'est‑à‑dire, qu'elles aient été transmises confidentiellement avec l'assurance qu'elles ne seraient pas divulguées. L'expectative de caractère confidentiel est absolument cruciale pour que les communications puissent être qualifiées de "privilégiées" car, sans celle‑ci, le privilège n'a pas de raison d'être.

Les déclarations et le comportement des parties relativement à la communication ‑‑ et non l'absence d'une pratique formelle de "confession" dans l'Église de l'appelante ‑‑ indiquent qu'elles avaient été faites davantage pour soulager l'appelante de son stress émotionnel qu'à des fins religieuses ou spirituelles. Bien que l'existence d'une pratique formelle de "confession" puisse bien indiquer fortement que les parties s'attendaient à ce que la communication soit confidentielle, l'absence d'une telle pratique formelle n'est pas, en soi, déterminante.

L'appelante n'a pas été privée d'un procès équitable par suite de l'omission du juge du procès de tenir un voir‑dire formel et de sa décision de statuer sur la requête de la défense en fonction des arguments et des témoignages présentés à l'enquête préliminaire. Même si une question de privilège soulevée dans un procès peut être mieux tranchée dans le cadre d'un voir‑dire, l'omission de suivre cette procédure ne rend pas nécessairement le procès inéquitable. Le juge du procès en l'espèce a essentiellement tenu un voir‑dire de façon informelle, en l'absence du jury, car les avocats ont eu l'occasion de présenter des éléments de preuve et des arguments relativement à la requête de la défense visant à exclure la preuve. Bien que le juge du procès ait la responsabilité ultime de trancher les questions de recevabilité, il n'est pas tenu de faire plus que d'accorder à l'avocat une occasion raisonnable de présenter sa preuve et d'avancer des arguments sur ces questions avant de rendre une décision.

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