Cyr c. R., 2010 QCCS 752 (CanLII)
[31] Cette affaire soulève la question de la preuve requise pour conclure, hors de tout doute raisonnable, qu’une personne a la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur alors que sa capacité de conduire ce véhicule est affaiblie par l’effet de l’alcool ou d’une drogue ou lorsqu’elle a consommé une quantité d’alcool telle que son alcoolémie dépasse 80 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang.
[32] L’article 258 (1) a) du Code criminel facilite la tâche du ministère public; il édicte une présomption de garde opposable à la personne qui occupe la place ou la position du conducteur d’un véhicule automobile.
[33] L’accusé peut se libérer de cette présomption en démontrant, par prépondérance des probabilités, son absence d’intention de mettre le véhicule en marche. S’il réussit, il appartient au ministère public de prouver autrement, hors de tout doute raisonnable, cet élément essentiel de l’accusation qu'est la garde ou le contrôle d'un véhicule automobile.
[34] À ce sujet, le juge Jerry Zigman, j.c.s, dans un jugement rendu le 26 mai 2005 dans R. c. Marcoux, écrit aux paragraphes 8, 10, 11, 12, 13 et 14 ce qui suit :
[8] La jurisprudence est claire. Même sans le bénéfice de la présomption légale de garde ou de contrôle d’un véhicule à moteur, la Couronne peut prouver la garde ou le contrôle en mettant en preuve des actes de garde ou de contrôle tels que définis dans l’arrêt Toews, (1985) 2 RCS 119 , de la Cour suprême du Canada, c’est-à-dire d’actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule, ou de ses accessoires qui comporteraient le risque de le mettre en mouvement, de sorte qu’il puisse devenir dangereux.
(…)
[10] Toews, supra, nous dit à la page 126 :
«… la jurisprudence citée illustre le point et amène à conclure que les actes de garde ou de contrôle, hormis l’acte de conduire, sont des actes qui comportent une certaine utilisation du véhicule ou de ses accessoires, ou une conduite quelconque à l’égard du véhicule qui comporterait le risque de le mettre en mouvement de sorte qu’il puisse devenir dangereux. Chaque affaire sera décidée en fonction de ses propres faits et les circonstances où l’on pourra conclure qu’il y a des actes de garde ou de contrôle varieront beaucoup.»
[11] Dans R. c. Vaillant, No. 500-36-003009-035, jugement rendu le 3 novembre 2003, l’honorable Richard Grenier, J.C.S., a dit aux paragraphes 22 et 29 :
« 22 Il faut comprendre que la mens rea de l’infraction, d’avoir la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur, est l’intention d’assumer la garde ou le contrôle dudit véhicule, après avoir volontairement consommé de l’alcool ou une drogue. La Cour d’appel du Québec, dans l’arrêt Hamel …, établit clairement que le risque auquel on réfère n’est pas le risque accidentel de mettre le véhicule en mouvement, mais plutôt le risque qu’une personne dont le jugement est altéré par l’alcool et qui a les moyens de mettre le véhicule en mouvement, ne le fasse.
…
29 Avec respect pour l’opinion contraire, le Tribunal est d’avis que le juge de première instance a erré, en imposant à la poursuite le fardeau de démontrer, hors de tout doute raisonnable, un risque réel de mise en mouvement. Il aurait plutôt dû se demander si la poursuite avait démontré, selon son fardeau, que l’accusé s’était placé dans une situation susceptible de devenir dangereuse, compte tenu des circonstances mises en preuve.»
[12] Dans Hamel, No. 200-10-000029-947, un jugement rendu le 2 septembre 1997, la Cour d’appel du Québec a dit :
«Il n’est pas requis que cette personne ait l’intention immédiate de mettre le véhicule en marche puisque la disposition vise à empêcher qu’une personne en état d’ébriété qui est en présence immédiate d’un véhicule et qui a le moyen de le contrôler ou de le mettre en mouvement, ne devienne un danger pour le public.»
[13] La Cour Suprême du Canada a dit dans Ford (1982) 1 R.C.S. 231 aux pages 248 et 249 :
«Il n’est pas non plus nécessaire, à mon avis, que la poursuite fasse la preuve de l’intention de mettre le véhicule en marche pour que soit reconnue coupable une personne accusée, en vertu du par. 236(1), d’avoir eu la garde d’un véhicule à moteur alors que son taux d’alcoolémie dépassait 80 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang. Il peut y avoir garde même en l’absence de cette intention lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, un accusé accomplit un acte ou une série d’actes ayant trait à l’utilisation du véhicule ou de ses accessoires, qui font que le véhicule peut être mis en marche involontairement, créant le danger que l’article vise à prévenir.»
[14] L’honorable juge Fish, siégeant alors à la Cour d'appel du Québec, écrivait dans R. v. Drakes (1991) 69 C.C.C. (3d) 274 à la page 285:
«An intent to set the vehicle in motion is not an essential ingredient of the mens rea and a specific, overt act, aimed at moving the vehicle or starting its motor for that purpose, is not a constituent element of the actus reus. The offense is complete if, with an excessive blood-alcohol level, the accused is shown to have been involved in "some course of conduct associated with the vehicle which would involve a risk of putting the vehicle in motion so that it could become dangerous”.»
[35] Dans un arrêt du 13 décembre 2005, Sergerie c. R., la Cour d’appel du Québec reprend ce que soulignait le juge Bastarache, alors à la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick dans R. c. Clarke, au paragraphe 9 :
Pour le déclarer coupable, il n’est pas nécessaire de prouver que le délinquant créait un danger immédiat pour le public. Ce qui constitue un problème de sécurité publique, c’est la possibilité que le véhicule soit mis en mouvement, délibérément ou non, par une personne en état d’ébriété.
* * *
[38] Toutefois, la lecture complète de la décision fait voir que le juge a considéré que l’ensemble des faits mis en preuve, les facultés affaiblies, le lieu où l’appelant se trouve, le moment de l’interception, l’absence d’alternative pour retourner chez lui, l’amène à conclure que ce dernier constitue un problème de sécurité publique, qu’il s’est placé dans une situation susceptible de devenir dangereuse, compte tenu de toutes les circonstances mises en preuve.
* * *
[40] Dans Genois-Pelletier c. R., le juge Louis De Blois, j.c.s., a accueilli un appel à l’encontre de verdicts de culpabilité et a prononcé des verdicts d’acquittement à l’égard d’accusations semblables à celles du présent dossier, commises dans les circonstances suivantes : les policiers trouvent l’appelant vers 3 h 25 endormi derrière le volant de son véhicule automobile, les clés sous lui, le siège abaissé vers l’arrière; le véhicule se trouve au milieu du stationnement d'un salon de quilles; aucun équipement ou accessoire ne fonctionne.
[41] Le juge de première instance n’avait toutefois pas tenu compte de l’affirmation de l’appelant qu’il avait prévu aller dormir chez une amie, voisine du salon de quilles, chez qui il avait passé une partie de la soirée avant de se rendre jouer aux quilles, affirmation confirmée par la voisine.
[42] Dans Lavoie c. R., le juge Jacques L. Lévesque, j.c.s., a accueilli un appel à l’encontre de verdicts de culpabilité et a prononcé l’acquittement de l’appelant à l’égard d’accusations, aussi similaires aux présentes, parce que l’appelant a été retrouvé endormi, allongé sur le siège du conducteur de son véhicule, en état d’ébriété, dans l’espace de stationnement d’un hôtel, sans que les clefs ne se trouvent dans le dispositif d’ignition et sans qu’il ait mis en marche quelque mécanisme du véhicule, alors qu’il attendait la venue d’un bon samaritain qui avait accepté de le prendre en charge. Le bon samaritain en question était la sœur de l’appelant, avec qui ce dernier s’était déplacé en matinée, le jour de son arrestation, de Notre-Dame-du-Lac à Rivière-du-Loup et à qui il venait de téléphoner, 40 minutes avant l’intervention policière, pour qu’elle vienne le chercher, prenne en charge le véhicule automobile et le conduise à Notre-Dame-du-Lac, version confirmée par la sœur en question et une belle-sœur.
[43] Saisi d’une requête pour permission d’appeler de ce jugement, un juge de la Cour d’appel l’a rejetée pour le motif suivant :
[1] Après étude du dossier et audition des avocats, j’estime que la requête ne démontre pas un intérêt suffisant pour que soient examinées les questions qu’elle soulève;
[44] Toutefois, dans Cloutier c. R., le même juge Lévesque a reconnu l’accusé en première instance, appelant devant lui, coupable de l’infraction « d’avoir eu la garde et le contrôle d’un véhicule à moteur, alors que ses facultés étaient affaiblies par l’effet de l’alcool » commise dans les circonstances suivantes : monsieur Cloutier après un « party d’employés » se trouve assis derrière le volant d’un véhicule automobile dont le moteur et les phares sont éteints, garé dans le stationnement d’un restaurant; au moment de son interception, il déclare aux policiers qu’il attend quelqu’un pour le raccompagner chez lui; la preuve révèle l’existence d’un service de raccompagnement; un témoin, monsieur Bériard, qui a quitté les lieux avant l’intervention policière, confirme les intentions de monsieur Cloutier. Le juge Lévesque tranche comme suit :
[16] La preuve établit toutefois, hors de tout doute raisonnable, que monsieur Cloutier avait la garde et le contrôle de son véhicule alors que ses facultés étaient affaiblies par l'alcool. Il était en effet, dans cet état, assis, à la place réservée au conducteur, et avait les clés du véhicule en sa possession.
[17] Cela est suffisant, à la lumière des enseignements de notre Cour d'appel, dans l'arrêt Rioux , pour qu'il soit trouvé coupable de l'infraction incluse. En effet, même si le témoignage de Monsieur Périard peut confirmer qu'il n'était pas dans l'intention de monsieur Cloutier de conduire son véhicule, il avait ses clés à portée de la main et pouvait, à tout moment, changer d'idée de sorte qu'il puisse mettre son véhicule en marche et qu'il devienne dangereux.
[45] La Cour d’appel a rejeté l’appel de l’appelant
Rechercher sur ce blogue
mardi 6 avril 2010
Examen de la jurisprudence en matière de peines pour des infractions de complot de meurtre
Billette c. R., 2010 QCCS 1140 (CanLII)
[50] Tout d'abord, je remarque que la jurisprudence ici est peu abondante. Par ailleurs, tous les jugements que j'ai consultés ont un point en commun: ils ont toujours accordé une plus grande importance aux principes de dénonciation et de dissuasion par rapport à celui de la réinsertion sociale des délinquants.
[51] Dans tous les cas que je connais, il a été décidé que la peine appropriée, avant la computation de la détention préventive, en était une de pénitencier. Généralement, les peines rapportées vont de 6 à 15 ans. Exceptionnellement, elles sont de trois à quatre ans.
[52] Dans une affaire de Martel-Dubé c.R. la juge Tourigny s'exprimait comme suit au nom de la Cour d'appel au sujet de l'infraction de complot pour meurtre:
"La gravité objective du crime, le degré de préméditation et la nécessité de persuader celles ou ceux qui pourraient être tenter, de désespoir, d'agir de la même façon, exige un traitement plus sévère."
À ma connaissance, cette affirmation n'a jamais remise en question depuis
[50] Tout d'abord, je remarque que la jurisprudence ici est peu abondante. Par ailleurs, tous les jugements que j'ai consultés ont un point en commun: ils ont toujours accordé une plus grande importance aux principes de dénonciation et de dissuasion par rapport à celui de la réinsertion sociale des délinquants.
[51] Dans tous les cas que je connais, il a été décidé que la peine appropriée, avant la computation de la détention préventive, en était une de pénitencier. Généralement, les peines rapportées vont de 6 à 15 ans. Exceptionnellement, elles sont de trois à quatre ans.
[52] Dans une affaire de Martel-Dubé c.R. la juge Tourigny s'exprimait comme suit au nom de la Cour d'appel au sujet de l'infraction de complot pour meurtre:
"La gravité objective du crime, le degré de préméditation et la nécessité de persuader celles ou ceux qui pourraient être tenter, de désespoir, d'agir de la même façon, exige un traitement plus sévère."
À ma connaissance, cette affirmation n'a jamais remise en question depuis
Analyse des aspects juridique d'une requête de type Corbett
Delisle c. R., 2010 QCCA 491 (CanLII)
[30] Tout d'abord, il faut rappeler que l'article 12 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), c. C-5, (ci-après Loi), prévoit que tout témoin peut être contre-interrogé relativement à ses antécédents judiciaires. Dans l'arrêt R. c. Corbett, 1988 CanLII 80 (C.S.C.), [1988] 1 R.C.S. 670, la Cour suprême reconnaît toutefois qu'un juge peut limiter l'usage des condamnations antérieures en contre-interrogatoire dans le cadre de sa discrétion judiciaire. Cependant, les juges majoritaires, sous la plume du juge en chef Dickson, concluent qu'exclure la preuve d'une condamnation pour meurtre aurait induit le jury en erreur et créé un déséquilibre, d'autant que la question à trancher par le jury en était une de crédibilité.
[31] En l'espèce, exclure la condamnation de meurtre de l'appelant aurait induit le jury en erreur en regard de sa crédibilité, leur laissant croire que depuis sa dernière condamnation en 1996 pour une infraction de supposition de personne, il était complètement réhabilité, d'autant qu'au moment des aveux faits aux codétenus, il était incarcéré, et ce, à la connaissance du jury. Comme le rappelait le juge Proulx dans l'arrêt R. c. Atouani, [2002] J.Q. no 5081, (permission d'appeler à la Cour suprême refusée à [2003] 2 R.C.S. v),en regard de cette question :
[12] Depuis l'arrêt R. c. Corbett, 1988 CanLII 80 (C.S.C.), [1988] 1 R.C.S. 670, on reconnaît au tribunal une discrétion pour écarter d'un contre-interrogatoire sur les antécédents judiciaires de l'accusé selon l'art. 12 de la Loi sur la preuve au Canada la preuve des antécédents dans les cas exceptionnels où serait compromis le droit d'un inculpé à un procès équitable. Dans Corbett, la Cour a indiqué les facteurs qui justifient exceptionnellement l'exclusion et doivent être pondérés par le souci de maintenir l'équilibre entre les droits de l'inculpé et le risque que le jury obtienne une vision tronquée de la réalité, ou encore, entre le préjudice et la valeur probante : c'est dans ce cadre que doit s'exercer la discrétion judiciaire. Selon le juge en chef Dickson, rédacteur de l'opinion majoritaire dans Corbett, on aurait bien tort de trop insister sur le risque que le jury puisse faire mauvais usage de cette preuve, compte tenu de la mise en garde formelle que doit recevoir le jury à cet égard : «We should regard with grave suspicion arguments which assert that depriving the jury of all relevant information is preferable to giving them everything, with a careful explanation as to any limitations on the use to which they may put that information» (p. 692).
[13] Cela dit, reste à déterminer le cas où les circonstances exceptionnelles justifieront l'exclusion. Dans Corbett, une affaire de meurtre reliée au décès de l'un des associés de l'inculpé dans un trafic de stupéfiants, la défense avait attaqué en force la crédibilité des témoins à charge, des criminels endurcis : la majorité des juges a conclu qu'en expurgeant le casier judiciaire pour faire abstraction d'un antécédent de meurtre commis dix ans auparavant, dans un cas où la crédibilité se situait au cœur du litige, le jury aurait été induit en erreur pour apprécier cette question cruciale.
[14] C'est dans le même sens qu'a conclu la Cour suprême dans R. c. Charland, 1997 CanLII 300 (C.S.C.), [1997] 3 R.C.S. 1006, confirmant R. c. Charland 1996 CanLII 7284 (AB C.A.), (1996), 110 C.C.C. (3d) 300 (C.A. Alb.), la Cour d'appel d'Ontario dans R. c. Saroya, 1994 CanLII 955 (ON C.A.), [1994] 36 C.R. (4th) 253; notre Cour, dans R. c. Mantha, [2001] J.Q. no 1712 (C.A.).
[32] Par ailleurs, comme le rappelait le juge Doyon dans R. c. Tremblay 2006 QCCA 75 (CanLII), (2006), 209 C.C.C. (3d) 212 (C.A. Qué.), paragr. 22, « la limitation de la divulgation des antécédents judiciaires constitue l'exception et non la règle ».
[33] De plus, il faut faire preuve de déférence à l'égard de la décision du juge de première instance s'il se fonde sur les principes juridiques pertinents : R. c. Tremblay, précité, paragr. 26; R. c. Simpson, 2004 ABCA 146 (CanLII), 2004 ABCA 146 (C.A. Alb.).
[34] Comme l'a indiqué le juge, la crédibilité était ici une question cruciale. Le jury devait apprécier les aveux de l'appelant en regard de la crédibilité à accorder aux deux codétenus. Si l'appelant avait nié toute participation à ce crime dans son éventuel témoignage, la situation aurait été bien inégale entre les différents témoins. En excluant cette dernière condamnation, le jury aurait eu un portrait faussé de la réalité, d'autant que l'appelant a largement contre-interrogé les témoins sur leurs antécédents judiciaires et sur des crimes qu'ils auraient commis sans qu'aucune accusation ne soit portée.
[35] Dans ces circonstances, je suis d'avis que l'appelant n'a pas démontré que la décision rendue constitue un exercice erroné du pouvoir discrétionnaire du juge.
[36] En terminant sur cette question, je crois utile de rappeler que l'appelant a choisi de ne pas témoigner malgré que le juge ait clairement indiqué qu'une directive spécifique quant à l'usage limité d'une telle preuve serait donnée au jury. Dans l'arrêt Atouani, précité, le juge Proulx précise l'aspect théorique d'un tel reproche lorsque l'accusé choisit de ne pas témoigner. Il écrit au paragraphe 17 :
J'ajouterais que même si le premier juge a eu tort sur ce point, l'appelant peut difficilement s'en plaindre. Celui-ci ne s'est pas fait entendre comme témoin et voudrait maintenant que cette Cour présume du préjudice qui aurait découlé d'un verdict de culpabilité contaminé par la preuve de ses antécédents judiciaires. On ne saura jamais pourquoi l'appelant n'a pas témoigné: le tribunal d'appel peut difficilement spéculer sur le motif véritable, même si l'on peut raisonnablement croire que la crainte de divulguer ses antécédents peut expliquer cette stratégie, ou encore que ce soit, comme l'avocate de l'appelant l'a exposé à l'audition, une appréhension qu'une mise en garde adéquate ne soit pas donnée au jury. On ne saura jamais non plus ce qu'un jury aurait décidé si l'appelant avait témoigné, et toujours en tenant pour acquis qu'une erreur a été commise, comment pourrait-on ici appliquer la disposition réparatrice et conclure à l'existence d'un tort substantiel en se prêtant à des hypothèses?
[37] Ces propos sont intégralement transposables en l'espèce. L'appelant peut difficilement se plaindre d'un préjudice alors qu'il n'a pas témoigné et qu'une directive appropriée aurait su remédier à l'impact de la similarité de la condamnation antérieure avec l'infraction en cause. Par ailleurs, malgré la similitude des deux infractions, les facteurs - crédibilité au cœur du litige, contemporanéité, portrait faussé de la réalité, contre-interrogatoires musclés sur les antécédents judiciaires des deux codétenus - militent en faveur de l'inclusion de cette condamnation antérieure.
[38] Je suis d'avis que ce moyen doit échouer.
[30] Tout d'abord, il faut rappeler que l'article 12 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), c. C-5, (ci-après Loi), prévoit que tout témoin peut être contre-interrogé relativement à ses antécédents judiciaires. Dans l'arrêt R. c. Corbett, 1988 CanLII 80 (C.S.C.), [1988] 1 R.C.S. 670, la Cour suprême reconnaît toutefois qu'un juge peut limiter l'usage des condamnations antérieures en contre-interrogatoire dans le cadre de sa discrétion judiciaire. Cependant, les juges majoritaires, sous la plume du juge en chef Dickson, concluent qu'exclure la preuve d'une condamnation pour meurtre aurait induit le jury en erreur et créé un déséquilibre, d'autant que la question à trancher par le jury en était une de crédibilité.
[31] En l'espèce, exclure la condamnation de meurtre de l'appelant aurait induit le jury en erreur en regard de sa crédibilité, leur laissant croire que depuis sa dernière condamnation en 1996 pour une infraction de supposition de personne, il était complètement réhabilité, d'autant qu'au moment des aveux faits aux codétenus, il était incarcéré, et ce, à la connaissance du jury. Comme le rappelait le juge Proulx dans l'arrêt R. c. Atouani, [2002] J.Q. no 5081, (permission d'appeler à la Cour suprême refusée à [2003] 2 R.C.S. v),en regard de cette question :
[12] Depuis l'arrêt R. c. Corbett, 1988 CanLII 80 (C.S.C.), [1988] 1 R.C.S. 670, on reconnaît au tribunal une discrétion pour écarter d'un contre-interrogatoire sur les antécédents judiciaires de l'accusé selon l'art. 12 de la Loi sur la preuve au Canada la preuve des antécédents dans les cas exceptionnels où serait compromis le droit d'un inculpé à un procès équitable. Dans Corbett, la Cour a indiqué les facteurs qui justifient exceptionnellement l'exclusion et doivent être pondérés par le souci de maintenir l'équilibre entre les droits de l'inculpé et le risque que le jury obtienne une vision tronquée de la réalité, ou encore, entre le préjudice et la valeur probante : c'est dans ce cadre que doit s'exercer la discrétion judiciaire. Selon le juge en chef Dickson, rédacteur de l'opinion majoritaire dans Corbett, on aurait bien tort de trop insister sur le risque que le jury puisse faire mauvais usage de cette preuve, compte tenu de la mise en garde formelle que doit recevoir le jury à cet égard : «We should regard with grave suspicion arguments which assert that depriving the jury of all relevant information is preferable to giving them everything, with a careful explanation as to any limitations on the use to which they may put that information» (p. 692).
[13] Cela dit, reste à déterminer le cas où les circonstances exceptionnelles justifieront l'exclusion. Dans Corbett, une affaire de meurtre reliée au décès de l'un des associés de l'inculpé dans un trafic de stupéfiants, la défense avait attaqué en force la crédibilité des témoins à charge, des criminels endurcis : la majorité des juges a conclu qu'en expurgeant le casier judiciaire pour faire abstraction d'un antécédent de meurtre commis dix ans auparavant, dans un cas où la crédibilité se situait au cœur du litige, le jury aurait été induit en erreur pour apprécier cette question cruciale.
[14] C'est dans le même sens qu'a conclu la Cour suprême dans R. c. Charland, 1997 CanLII 300 (C.S.C.), [1997] 3 R.C.S. 1006, confirmant R. c. Charland 1996 CanLII 7284 (AB C.A.), (1996), 110 C.C.C. (3d) 300 (C.A. Alb.), la Cour d'appel d'Ontario dans R. c. Saroya, 1994 CanLII 955 (ON C.A.), [1994] 36 C.R. (4th) 253; notre Cour, dans R. c. Mantha, [2001] J.Q. no 1712 (C.A.).
[32] Par ailleurs, comme le rappelait le juge Doyon dans R. c. Tremblay 2006 QCCA 75 (CanLII), (2006), 209 C.C.C. (3d) 212 (C.A. Qué.), paragr. 22, « la limitation de la divulgation des antécédents judiciaires constitue l'exception et non la règle ».
[33] De plus, il faut faire preuve de déférence à l'égard de la décision du juge de première instance s'il se fonde sur les principes juridiques pertinents : R. c. Tremblay, précité, paragr. 26; R. c. Simpson, 2004 ABCA 146 (CanLII), 2004 ABCA 146 (C.A. Alb.).
[34] Comme l'a indiqué le juge, la crédibilité était ici une question cruciale. Le jury devait apprécier les aveux de l'appelant en regard de la crédibilité à accorder aux deux codétenus. Si l'appelant avait nié toute participation à ce crime dans son éventuel témoignage, la situation aurait été bien inégale entre les différents témoins. En excluant cette dernière condamnation, le jury aurait eu un portrait faussé de la réalité, d'autant que l'appelant a largement contre-interrogé les témoins sur leurs antécédents judiciaires et sur des crimes qu'ils auraient commis sans qu'aucune accusation ne soit portée.
[35] Dans ces circonstances, je suis d'avis que l'appelant n'a pas démontré que la décision rendue constitue un exercice erroné du pouvoir discrétionnaire du juge.
[36] En terminant sur cette question, je crois utile de rappeler que l'appelant a choisi de ne pas témoigner malgré que le juge ait clairement indiqué qu'une directive spécifique quant à l'usage limité d'une telle preuve serait donnée au jury. Dans l'arrêt Atouani, précité, le juge Proulx précise l'aspect théorique d'un tel reproche lorsque l'accusé choisit de ne pas témoigner. Il écrit au paragraphe 17 :
J'ajouterais que même si le premier juge a eu tort sur ce point, l'appelant peut difficilement s'en plaindre. Celui-ci ne s'est pas fait entendre comme témoin et voudrait maintenant que cette Cour présume du préjudice qui aurait découlé d'un verdict de culpabilité contaminé par la preuve de ses antécédents judiciaires. On ne saura jamais pourquoi l'appelant n'a pas témoigné: le tribunal d'appel peut difficilement spéculer sur le motif véritable, même si l'on peut raisonnablement croire que la crainte de divulguer ses antécédents peut expliquer cette stratégie, ou encore que ce soit, comme l'avocate de l'appelant l'a exposé à l'audition, une appréhension qu'une mise en garde adéquate ne soit pas donnée au jury. On ne saura jamais non plus ce qu'un jury aurait décidé si l'appelant avait témoigné, et toujours en tenant pour acquis qu'une erreur a été commise, comment pourrait-on ici appliquer la disposition réparatrice et conclure à l'existence d'un tort substantiel en se prêtant à des hypothèses?
[37] Ces propos sont intégralement transposables en l'espèce. L'appelant peut difficilement se plaindre d'un préjudice alors qu'il n'a pas témoigné et qu'une directive appropriée aurait su remédier à l'impact de la similarité de la condamnation antérieure avec l'infraction en cause. Par ailleurs, malgré la similitude des deux infractions, les facteurs - crédibilité au cœur du litige, contemporanéité, portrait faussé de la réalité, contre-interrogatoires musclés sur les antécédents judiciaires des deux codétenus - militent en faveur de l'inclusion de cette condamnation antérieure.
[38] Je suis d'avis que ce moyen doit échouer.
lundi 5 avril 2010
Droit à l’assistance de l’avocat de son choix
R. c. Poissant, 2010 QCCQ 1907 (CanLII)
[16] La Cour d’appel du Québec, sous la plume du juge Proulx, dans l’arrêt R. c. Dozois, [1996] A.Q. no 3752, rappelle que la Cour suprême du Canada a souligné à maintes reprises que l’al. 10b) de la Charte impose aux policiers des obligations non seulement pour informer une personne arrêtée de ses droits, mais aussi quant à la mise en application de l’exercice de ses droits.
[17] Ainsi, lorsqu’une personne arrêtée a exprimé le désir d’exercer son droit à l’assistance d’un avocat après en avoir été dûment informée, deux obligations incombent à l’État : (1) fournir une possibilité raisonnable à la personne arrêtée d’exercer son droit et (2) surseoir à l’enquête ou s’abstenir de prendre d’autres mesures jusqu’à ce que la personne ait eu cette possibilité raisonnable. C’est ce qui a été réitéré dans l’arrêt R. c. Prosper, 1994 CanLII 65 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 236.
[18] Ce droit n’est toutefois pas absolu. À moins que la personne détenue ne fasse valoir son droit et qu’elle ne l’exerce avec diligence, l’obligation correspondante des policiers de lui donner la possibilité raisonnable de l’exercer et de s’abstenir de tenter de lui soutirer des éléments de preuve, soit ne prendra pas naissance, soit sera suspendue : R. c. Bartle, 1994 CanLII 64 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 173, p. 192, le juge Lamer se référant à R. c. Tremblay, 1987 CanLII 28 (C.S.C.), [1987] 2 R.C.S. 435, p. 439 et R. c. Black, 1989 CanLII 75 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 138, p. 154‑155.
[19] Néanmoins, si l’avocat choisi ne peut être disponible dans un délai raisonnable, le détenu devra alors communiquer avec un autre avocat : R. c. Ross, 1989 CanLII 134 (C.S.C.), [1989] 1 R.C.S. 3, p. 11. L’enquête policière ne peut être suspendue indéfiniment.
[20] Dans l’arrêt R. c. Brydges, 1990 CanLII 123 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 190, p. 216, la Cour suprême est d’opinion « qu’il se peut qu’il soit déraisonnable de ne pas demander des conseils à l’avocat qui est disponible lorsque le seul disponible est un avocat de garde ou un avocat de l’aide juridique ».
[22] L’accusé a certes pu communiquer avec le service de garde de l’aide juridique après qu’on l’eut avisé qu’on ne pouvait joindre Me Chaloux. Cette information n’est pas fausse, mais inexacte et demeure incomplète. L’accusé a cru à tort à la non-disponibilité de Me Chaloux alors que ce n’était pas le cas. C’est la raison pour laquelle il a accepté de s’entretenir avec une avocate de l’aide juridique.
[23] La policière aurait dû minimalement laisser un message dans la boîte vocale de Me Chaloux. Il n’y avait pas urgence d’agir de la sorte même si le médecin a été obligé d’attendre avant d’effectuer le prélèvement sanguin. Ce faisant, elle n’a pas offert à l’accusé toute l’aide nécessaire pour qu’il puisse consulter l’avocat de son choix.
[24] Dans les arrêts R. c. Littleford, 2001 CanLII 8559 (ON C.A.), 2001 CanLII 8559 (ON C.A.) et R. c. Sheppard, 2005 NLCA 45 (CanLII), 2005 NLCA 45 (CanLII), les cours d’appel de l’Ontario et de Terre-Neuve et du Labrador ont conclu à la non-violation du droit à l’avocat de son choix même si les policiers ont rapidement mis l’accusé en contact avec le « duty counsel » après avoir laissé un message sur le répondeur de l’avocat d’abord choisi.
[25] Dans la présente affaire, bien que l’accusé ait, par la suite, contacté le service de garde de l’aide juridique, la Cour estime qu’il n’avait pas clairement renoncé à parler à Me Chaloux. Cette renonciation équivoque était basée sur un renseignement erroné fourni par l’agente Huneault, ce qui a eu pour effet de le priver non pas de consulter un avocat, mais bien du droit de recourir à l’assistance de l’avocat de son choix.
[26] En conséquence, la Cour conclut, par prépondérance, à la violation du droit de l’accusé à l’assistance de l’avocat de son choix.
[16] La Cour d’appel du Québec, sous la plume du juge Proulx, dans l’arrêt R. c. Dozois, [1996] A.Q. no 3752, rappelle que la Cour suprême du Canada a souligné à maintes reprises que l’al. 10b) de la Charte impose aux policiers des obligations non seulement pour informer une personne arrêtée de ses droits, mais aussi quant à la mise en application de l’exercice de ses droits.
[17] Ainsi, lorsqu’une personne arrêtée a exprimé le désir d’exercer son droit à l’assistance d’un avocat après en avoir été dûment informée, deux obligations incombent à l’État : (1) fournir une possibilité raisonnable à la personne arrêtée d’exercer son droit et (2) surseoir à l’enquête ou s’abstenir de prendre d’autres mesures jusqu’à ce que la personne ait eu cette possibilité raisonnable. C’est ce qui a été réitéré dans l’arrêt R. c. Prosper, 1994 CanLII 65 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 236.
[18] Ce droit n’est toutefois pas absolu. À moins que la personne détenue ne fasse valoir son droit et qu’elle ne l’exerce avec diligence, l’obligation correspondante des policiers de lui donner la possibilité raisonnable de l’exercer et de s’abstenir de tenter de lui soutirer des éléments de preuve, soit ne prendra pas naissance, soit sera suspendue : R. c. Bartle, 1994 CanLII 64 (C.S.C.), [1994] 3 R.C.S. 173, p. 192, le juge Lamer se référant à R. c. Tremblay, 1987 CanLII 28 (C.S.C.), [1987] 2 R.C.S. 435, p. 439 et R. c. Black, 1989 CanLII 75 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 138, p. 154‑155.
[19] Néanmoins, si l’avocat choisi ne peut être disponible dans un délai raisonnable, le détenu devra alors communiquer avec un autre avocat : R. c. Ross, 1989 CanLII 134 (C.S.C.), [1989] 1 R.C.S. 3, p. 11. L’enquête policière ne peut être suspendue indéfiniment.
[20] Dans l’arrêt R. c. Brydges, 1990 CanLII 123 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 190, p. 216, la Cour suprême est d’opinion « qu’il se peut qu’il soit déraisonnable de ne pas demander des conseils à l’avocat qui est disponible lorsque le seul disponible est un avocat de garde ou un avocat de l’aide juridique ».
[22] L’accusé a certes pu communiquer avec le service de garde de l’aide juridique après qu’on l’eut avisé qu’on ne pouvait joindre Me Chaloux. Cette information n’est pas fausse, mais inexacte et demeure incomplète. L’accusé a cru à tort à la non-disponibilité de Me Chaloux alors que ce n’était pas le cas. C’est la raison pour laquelle il a accepté de s’entretenir avec une avocate de l’aide juridique.
[23] La policière aurait dû minimalement laisser un message dans la boîte vocale de Me Chaloux. Il n’y avait pas urgence d’agir de la sorte même si le médecin a été obligé d’attendre avant d’effectuer le prélèvement sanguin. Ce faisant, elle n’a pas offert à l’accusé toute l’aide nécessaire pour qu’il puisse consulter l’avocat de son choix.
[24] Dans les arrêts R. c. Littleford, 2001 CanLII 8559 (ON C.A.), 2001 CanLII 8559 (ON C.A.) et R. c. Sheppard, 2005 NLCA 45 (CanLII), 2005 NLCA 45 (CanLII), les cours d’appel de l’Ontario et de Terre-Neuve et du Labrador ont conclu à la non-violation du droit à l’avocat de son choix même si les policiers ont rapidement mis l’accusé en contact avec le « duty counsel » après avoir laissé un message sur le répondeur de l’avocat d’abord choisi.
[25] Dans la présente affaire, bien que l’accusé ait, par la suite, contacté le service de garde de l’aide juridique, la Cour estime qu’il n’avait pas clairement renoncé à parler à Me Chaloux. Cette renonciation équivoque était basée sur un renseignement erroné fourni par l’agente Huneault, ce qui a eu pour effet de le priver non pas de consulter un avocat, mais bien du droit de recourir à l’assistance de l’avocat de son choix.
[26] En conséquence, la Cour conclut, par prépondérance, à la violation du droit de l’accusé à l’assistance de l’avocat de son choix.
Résumé du juge C. Chapdelaine de la démarche établie par la Cour suprême concernant l’examen de l’admissibilité des éléments de preuve corporelle
R. c. Gerrior, 2009 QCCQ 15307 (CanLII)
[39] Dans deux arrêts récents, R. c. Grant et R. c. Harrison, la Cour suprême établit un cadre d'analyse révisé concernant l'exclusion de la preuve en vertu de l'article 24(2) ainsi que des règles découlant des arrêts R. c. Collins et R. c. Stillman, et cela en réponse à certaines critiques formulées entre autres dans les décisions de R. c. Megahy et de R. c. Banman.
[40] La Cour suprême rappelle que l'analyse en vertu de l'article 24(2) doit se faire en tenant compte des circonstances de la violation et en ayant à l'esprit que la société a intérêt à connaître la vérité et que l'accusé a droit à une procédure équitable.
« [69] L’objet du par. 24(2) n’est pas seulement à long terme, il est également prospectif. L’existence d’une violation de la Charte signifie que l’administration de la justice a déjà été mise à mal. Le paragraphe 24(2) part de là et vise à faire en sorte que les éléments de preuve obtenus au moyen de cette violation ne déconsidèrent pas davantage le système de justice.
[70] Enfin, le par. 24(2) a un objet sociétal. Il ne vise pas à sanctionner la conduite des policiers ou à dédommager l’accusé, il a plutôt une portée systémique. Il se rapporte aux importantes répercussions de l’utilisation d’éléments de preuve sur la considération à long terme portée au système de justice. »
[41] Après avoir énuméré les différents types de preuve obtenus en mobilisant l'accusé contre lui-même (déclaration faite par l'accusé – la preuve corporelle – les éléments de preuve matérielle non corporelle – la preuve dérivée) les juges majoritaires définissent trois facteurs pertinents et leur application à ces différents types de preuve.
[42] Ces trois facteurs sont la gravité de la conduite attentatoire de l'état, l'incidence de la violation sur les droits de l'accusé garantis par la Charte et l'intérêt de la société à ce que l'affaire soit jugée au fond.
[43] Appliqué aux différents types de preuve, la Cour suprême constate que l'examen peut varier considérablement en fonction de la nature de la preuve obtenue, des circonstances dans lesquelles elle a été obtenue et de la fiabilité de cette preuve.
[44] Plus particulièrement, concernant les différences existant selon les divers types de preuve corporelle, la Cour suprême précise :
« [103] L’admissibilité des éléments de preuve doit se déterminer suivant une méthode souple et multifactorielle, en raison non seulement du libellé du par. 24(2), mais aussi des importantes différences existant entre les différents types de preuve corporelle. La gravité de la conduite policière et l’incidence de l’obtention de la preuve corporelle sur les droits de l’accusé peuvent varier considérablement. Il se peut que le prélèvement d’un cheveu ne soit pas intrusif et que l’intérêt de l’accusé en matière de vie privée quant à cet élément de preuve puisse être relativement ténu. À l’inverse, l’examen de cavités corporelles ou la fouille à nu peuvent être intrusifs, avilissants et répréhensibles. Un critère universel fondé sur la mobilisation de l’accusé contre lui‑même ne permet pas de tenir compte de telles différences d’une manière qui correspond à l’objet de l’examen requis par le par. 24(2), soit d’établir si l’utilisation des éléments de preuve est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.
[104] Il appert de décisions récentes que l’opinion selon laquelle l’admissibilité d’échantillons corporels ne doit pas dépendre uniquement de la question de savoir s’ils ont été obtenus en mobilisant l’accusé contre lui‑même fait de plus en plus consensus […].
[105] La deuxième critique, connexe à la première, élevée contre le recours à un critère d’admissibilité de la preuve corporelle uniquement fondé sur la mobilisation de l’accusé contre lui‑même, pour l’application du par. 24(2), lui fait grief d’assimiler à tort la preuve corporelle aux déclarations obtenues d’un accusé. Dans la plupart des cas, les questions relatives à l’administration de la justice soulevées par ces deux types de preuve diffèrent profondément.
[…] le prélèvement de substances corporelles ne porte pas atteinte à l’autonomie de l’accusé de la même façon que l’obtention illégale d’une déclaration. Le droit de garder le silence avant le procès garanti par l’art. 7, le droit de ne pas être contraint de témoigner contre soi‑même garanti par l’al. 11c) et le droit à ce qu’aucun témoignage incriminant ne soit utilisé subséquemment garanti par l’art. 13 ont servi de base au traitement des déclarations pour l’application du par. 24(2). Or, ces concepts ne s’appliquent pas de façon cohérente aux échantillons de substances corporelles, qui ne participent pas de la nature d’une communication. L’auto‑incrimination comme seul facteur permettant de statuer sur l’admissibilité de ces éléments de preuve s’en trouve affaiblie.
[106] En troisième lieu, on a reproché au critère d’admissibilité de la preuve corporelle axé sur la mobilisation de l’accusé contre lui‑même de produire parfois des résultats aberrants en pratique, entraînant l’exclusion en application du par. 24(2) d’éléments de preuve qui, en principe, devraient être utilisés : voir Dolynchuk, R. c. Shepherd, 2007 SKCA 29 (CanLII), 2007 SKCA 29, 218 C.C.C. (3d) 113, la juge Smith, dissidente, conf. par 2009 CSC 35 (CanLII), 2009 CSC 35 (CanLII), 2009 CSC 35 (CanLII), 2009 CSC 35 (rendu simultanément au présent arrêt) et R. c. Padavattan 2007 CanLII 18137 (ON S.C.), 2007 CanLII 18137 (ON S.C.), (2007), 223 C.C.C. (3d) 221 (C.S.J. Ont.), le juge Ducharme. Par exemple, des échantillons d’haleine produits en preuve dans des affaires de conduite avec facultés affaiblies ont souvent été écartés automatiquement alors que la violation était mineure et qu’elle n’était pas réellement susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, tandis que, dans d’autres types d’affaires — comportant notamment la saisie de drogues illégales en violation de l’art. 8 — les éléments de preuve ont été utilisés malgré des violations plus graves, parce qu’ils n’avaient pas été obtenus en mobilisant l’accusé contre lui‑même. On peut estimer avec raison que cette incongruité manifeste est préoccupante.
[107] Ainsi, pour l’application du par. 24(2), nous estimons qu’il convient de remplacer l’examen de l’admissibilité des éléments de preuve corporelle s’attachant uniquement à déterminer s’ils ont été obtenus par mobilisation de l’accusé contre lui‑même par un critère souple tenant compte de l’ensemble des circonstances, comme l’exige le libellé du par. 24(2). Comme pour les autres types d’éléments de preuve, leur admissibilité devrait s’apprécier en examinant l’effet qu’aurait leur utilisation sur la considération dont jouit le système de justice, compte tenu de la gravité de la conduite policière, des incidences de la violation de la Charte sur les intérêts protégés de l’accusé et de la valeur de l’instruction au fond de l’affaire. »
[39] Dans deux arrêts récents, R. c. Grant et R. c. Harrison, la Cour suprême établit un cadre d'analyse révisé concernant l'exclusion de la preuve en vertu de l'article 24(2) ainsi que des règles découlant des arrêts R. c. Collins et R. c. Stillman, et cela en réponse à certaines critiques formulées entre autres dans les décisions de R. c. Megahy et de R. c. Banman.
[40] La Cour suprême rappelle que l'analyse en vertu de l'article 24(2) doit se faire en tenant compte des circonstances de la violation et en ayant à l'esprit que la société a intérêt à connaître la vérité et que l'accusé a droit à une procédure équitable.
« [69] L’objet du par. 24(2) n’est pas seulement à long terme, il est également prospectif. L’existence d’une violation de la Charte signifie que l’administration de la justice a déjà été mise à mal. Le paragraphe 24(2) part de là et vise à faire en sorte que les éléments de preuve obtenus au moyen de cette violation ne déconsidèrent pas davantage le système de justice.
[70] Enfin, le par. 24(2) a un objet sociétal. Il ne vise pas à sanctionner la conduite des policiers ou à dédommager l’accusé, il a plutôt une portée systémique. Il se rapporte aux importantes répercussions de l’utilisation d’éléments de preuve sur la considération à long terme portée au système de justice. »
[41] Après avoir énuméré les différents types de preuve obtenus en mobilisant l'accusé contre lui-même (déclaration faite par l'accusé – la preuve corporelle – les éléments de preuve matérielle non corporelle – la preuve dérivée) les juges majoritaires définissent trois facteurs pertinents et leur application à ces différents types de preuve.
[42] Ces trois facteurs sont la gravité de la conduite attentatoire de l'état, l'incidence de la violation sur les droits de l'accusé garantis par la Charte et l'intérêt de la société à ce que l'affaire soit jugée au fond.
[43] Appliqué aux différents types de preuve, la Cour suprême constate que l'examen peut varier considérablement en fonction de la nature de la preuve obtenue, des circonstances dans lesquelles elle a été obtenue et de la fiabilité de cette preuve.
[44] Plus particulièrement, concernant les différences existant selon les divers types de preuve corporelle, la Cour suprême précise :
« [103] L’admissibilité des éléments de preuve doit se déterminer suivant une méthode souple et multifactorielle, en raison non seulement du libellé du par. 24(2), mais aussi des importantes différences existant entre les différents types de preuve corporelle. La gravité de la conduite policière et l’incidence de l’obtention de la preuve corporelle sur les droits de l’accusé peuvent varier considérablement. Il se peut que le prélèvement d’un cheveu ne soit pas intrusif et que l’intérêt de l’accusé en matière de vie privée quant à cet élément de preuve puisse être relativement ténu. À l’inverse, l’examen de cavités corporelles ou la fouille à nu peuvent être intrusifs, avilissants et répréhensibles. Un critère universel fondé sur la mobilisation de l’accusé contre lui‑même ne permet pas de tenir compte de telles différences d’une manière qui correspond à l’objet de l’examen requis par le par. 24(2), soit d’établir si l’utilisation des éléments de preuve est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.
[104] Il appert de décisions récentes que l’opinion selon laquelle l’admissibilité d’échantillons corporels ne doit pas dépendre uniquement de la question de savoir s’ils ont été obtenus en mobilisant l’accusé contre lui‑même fait de plus en plus consensus […].
[105] La deuxième critique, connexe à la première, élevée contre le recours à un critère d’admissibilité de la preuve corporelle uniquement fondé sur la mobilisation de l’accusé contre lui‑même, pour l’application du par. 24(2), lui fait grief d’assimiler à tort la preuve corporelle aux déclarations obtenues d’un accusé. Dans la plupart des cas, les questions relatives à l’administration de la justice soulevées par ces deux types de preuve diffèrent profondément.
[…] le prélèvement de substances corporelles ne porte pas atteinte à l’autonomie de l’accusé de la même façon que l’obtention illégale d’une déclaration. Le droit de garder le silence avant le procès garanti par l’art. 7, le droit de ne pas être contraint de témoigner contre soi‑même garanti par l’al. 11c) et le droit à ce qu’aucun témoignage incriminant ne soit utilisé subséquemment garanti par l’art. 13 ont servi de base au traitement des déclarations pour l’application du par. 24(2). Or, ces concepts ne s’appliquent pas de façon cohérente aux échantillons de substances corporelles, qui ne participent pas de la nature d’une communication. L’auto‑incrimination comme seul facteur permettant de statuer sur l’admissibilité de ces éléments de preuve s’en trouve affaiblie.
[106] En troisième lieu, on a reproché au critère d’admissibilité de la preuve corporelle axé sur la mobilisation de l’accusé contre lui‑même de produire parfois des résultats aberrants en pratique, entraînant l’exclusion en application du par. 24(2) d’éléments de preuve qui, en principe, devraient être utilisés : voir Dolynchuk, R. c. Shepherd, 2007 SKCA 29 (CanLII), 2007 SKCA 29, 218 C.C.C. (3d) 113, la juge Smith, dissidente, conf. par 2009 CSC 35 (CanLII), 2009 CSC 35 (CanLII), 2009 CSC 35 (CanLII), 2009 CSC 35 (rendu simultanément au présent arrêt) et R. c. Padavattan 2007 CanLII 18137 (ON S.C.), 2007 CanLII 18137 (ON S.C.), (2007), 223 C.C.C. (3d) 221 (C.S.J. Ont.), le juge Ducharme. Par exemple, des échantillons d’haleine produits en preuve dans des affaires de conduite avec facultés affaiblies ont souvent été écartés automatiquement alors que la violation était mineure et qu’elle n’était pas réellement susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, tandis que, dans d’autres types d’affaires — comportant notamment la saisie de drogues illégales en violation de l’art. 8 — les éléments de preuve ont été utilisés malgré des violations plus graves, parce qu’ils n’avaient pas été obtenus en mobilisant l’accusé contre lui‑même. On peut estimer avec raison que cette incongruité manifeste est préoccupante.
[107] Ainsi, pour l’application du par. 24(2), nous estimons qu’il convient de remplacer l’examen de l’admissibilité des éléments de preuve corporelle s’attachant uniquement à déterminer s’ils ont été obtenus par mobilisation de l’accusé contre lui‑même par un critère souple tenant compte de l’ensemble des circonstances, comme l’exige le libellé du par. 24(2). Comme pour les autres types d’éléments de preuve, leur admissibilité devrait s’apprécier en examinant l’effet qu’aurait leur utilisation sur la considération dont jouit le système de justice, compte tenu de la gravité de la conduite policière, des incidences de la violation de la Charte sur les intérêts protégés de l’accusé et de la valeur de l’instruction au fond de l’affaire. »
La "chaîne de possession" VS les "maillons manquants" dans la chaîne susceptibles de créer un doute raisonnable sur l'authenticité de la pièce
R. c. Castillo-Reyes, 2010 QCCQ 1518 (CanLII)
[31] Il faut savoir qu'une grande partie des témoignages rendus au cours du procès a porté sur ce qu'il est convenu d'appeler "la chaine de possession" des choses saisies dans le véhicule de l'accusé, plus particulièrement la "chaine de possession" de l'arme.
[32] Évidemment, la première obligation de la poursuite était d'établir hors de tout doute raisonnable que l'arme saisie en possession de l'accusé est bien l'arme expertisée. Non pas que c'est probablement la même arme, mais que c'est bel et bien la même arme et ce, hors de tout doute raisonnable.
[33] Je dirai d'entrée de jeu que j'ai été très étonné du traitement que les policiers ont réservé aux choses saisies dans le véhicule de l'accusé, particulièrement à l'arme. Il s'agit tout de même du cœur de l'accusation, une accusation sérieuse, et j'aurais cru que la "chaine de possession" de l'arme serait religieusement préservée. Or, tel n'a pas été le cas.
[34] Tout au long du processus, les divers agents qui ont manipulé l'arme ne se sont pas assurés d'être en mesure plus tard d'identifier l'arme saisie, de l'individualiser, pour évidemment être en mesure de la reconnaître lors de leur témoignage, surtout, comme dans le cas présent, lorsque l'arme ne comporte aucun signe distinctif, aucun numéro de série. Et ce, pour être en mesure d'affirmer qu'il s'agit bel et bien de l'arme saisie, ou de l'arme qu'ils ont reçue d'un collègue, ou de l'arme qu'ils ont transmise à un autre collègue.
[35] Pour ce faire, ou bien en posant quelque chose directement sur l'arme, une étiquette par exemple (il semble que dans le cas qui nous occupe, cela aurait pu contaminer l'arme et empêcher des expertises ultérieures), ou encore, en plaçant l'arme dans un contenant, un sac ou une enveloppe, clairement identifié qui aurait pu "suivre", accompagner l'arme tout au long de l'enquête. En pareil cas, s'il est impossible d'identifier l'arme à l'aide de l'arme elle-même, il est possible de le faire par le contenant, qui lui, est clairement identifié.
[36] Au cours du procès, alors qu'on leur exhibait l'arme, et seulement l'arme, rien d'autre, au moins deux témoins, les agents Tremblay-Quenneville et Fournier, ont affirmé dans leur témoignage que l'arme qui leur était exhibée était bel et bien l'arme saisie. Or, rien ne pouvait leur permettre d'affirmer une telle chose. Il n'y avait rien sur l'arme elle-même, et rien d'autre, le sac dans lequel elle aurait été placée par exemple, qui pouvait leur permettre de le faire. Au plus, elles pouvaient dire que ce qu'on leur montrait ressemblait pas mal à ce qui avait été saisi.
[37] Par ailleurs, même si le chemin choisi n'a pas été le plus facile, je suis satisfait que l'arme qui s'est retrouvée entre les mains de l'agent Poulin, de la section de l'identité judiciaire, est bel et bien l'arme qui a été saisie en possession de l'accusé. Le témoignage de l'agent Tremblay-Quenneville, qui a saisi l'arme, et celui des enquêteurs Meilleur et Fournier, mais surtout le témoignage de l'agent Poulin, notamment ses photos, l'établissent clairement.
[38] Par contre, la situation est toute autre à partir du moment où les pièces, notamment l'arme, quittent la possession de l'agent Poulin.
[39] En effet, celle-ci explique qu'après avoir sécurisé l'arme, elle l'a envoyée à la Sûreté du Québec, on ne sait pas où et à qui, à travers un officier de liaison, on n'en sait pas plus là non plus. La preuve ne révèle pas de quelle façon elle s'y est prise pour assurer la "continuité de possession" de l'arme. La preuve ne révèle pas si l'arme a été placée dans un sac, un sac clairement identifié, et surtout identifiable pour l'avenir, pour, encore une fois, être en mesure d'individualiser l'arme, de pouvoir affirmer plus tard, en se basant sur quelque chose de concret, qu'il s'agit bel et bien de l'arme saisie.
[40] Par la suite, il semble que cette arme, après s'être retrouvée à la Sûreté du Québec, s'est retrouvée au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale (LSJML) puis à la "balistique". Encore là, rien dans la preuve n'établit si l'authenticité de l'arme été préservée, si oui, comment elle l'a été.
[41] Le témoin Gravel a témoigné comme expert en balistique. Il dit avoir expertisé une arme et deux chargeurs. Évidemment, à observer l'arme lors de son témoignage, il ne peut dire s'il s'agit de l'arme qu'il a expertisée. Elle lui ressemble dit-il, mais il n'a aucun moyen de l'identifier. Après lui avoir montré l'arme, on lui exhibe un sac de plastique de son service, mais l'arme n'est pas dans le sac. L'arme a été à un moment donné dissociée du sac. À partir de ce moment- là, il n'a donc aucun moyen d'affirmer que l'arme devant lui est celle qu'il a expertisée.
[42] On a bien tenté d'aider le témoin en lui exhibant des étiquettes et des photos. Mais les étiquettes en particulier n'étaient rattachées à rien et se retrouvaient pêle mêle parmi d'autres pièces. D'ailleurs, tellement pêle mêle que le témoin Gravel a découvert une étiquette, par hasard, au beau milieu de son témoignage, comme si elle sortait d'une boîte à surprise. Et j'exagère à peine.
[43] Dans son témoignage, monsieur Gravel explique qu'à son bureau, il reçoit les choses à expertiser après que celles-ci aient été reçues et classées dans une salle d'exhibits. Il explique qu'un préposé amène les choses et que celles-ci sont alors dans un sac de plastique scellé. On ne connaît ni la provenance du sac ni la personne qui a scellé le sac en question.
[44] Monsieur Gravel ajoute que l'arme a été expertisée et qu'elle a ensuite été retournée, encore là, je ne sais trop comment, à la salle d'exhibits. Selon monsieur Gravel, un préposé ramène les exhibits à l'avant et "l'affaire suit son cours". Mais encore là, aucune preuve n'a été présentée pour démontrer comment l'affaire a effectivement suivi son cours et surtout, si dans le cours de l'affaire, l'authenticité des choses saisies est préservée, et si oui, comment. Et finalement, comment ces pièces se sont retrouvées à la salle d'exhibits du Palais de justice, et ultimement, devant moi.
[45] À ce propos, le fouillis dans lequel les pièces se sont retrouvées devant moi lors du procès n'est rien pour m'amener à conclure que l'authenticité de l'arme a été préservée correctement. Pour employer un langage vernaculaire, toutes les pièces, notamment les douilles, étaient "mélangées", personne ne peut dire qui les a "mélangées", et quand on les a ainsi "mélangées". Tout était mêlé, les étiquettes, les sacs, les douilles. Même le pauvre témoin Gravel était tout mêlé.
[46] Je suis tout à fait conscient que la "chaîne de possession" d'une pièce saisie n'est pas une règle de droit en soi, ni une exigence légale. Il s'agit purement et simplement de l'illustration de l'obligation pour la poursuite de prouver hors de tout doute raisonnable que ce qui a été saisi, est bel et bien ce qui est allégué dans l'accusation.
[47] C'est pourquoi la poursuite n'a pas l'obligation de faire entendre toutes les personnes qui ont été en contact ou qui ont eu la pièce saisie en leur possession (R. v. Oracheski, reflex, (1979), 48 C.C.C. (2d) 217, ACA). Cela ne lui sera pas nécessairement fatal.
[48] Ce le sera seulement si ces "maillons manquants" dans la chaîne sont susceptibles de créer un doute raisonnable sur l'authenticité de la pièce. Et j'estime que c'est le cas ici.
[49] L'accusé est en conséquence acquitté.
[31] Il faut savoir qu'une grande partie des témoignages rendus au cours du procès a porté sur ce qu'il est convenu d'appeler "la chaine de possession" des choses saisies dans le véhicule de l'accusé, plus particulièrement la "chaine de possession" de l'arme.
[32] Évidemment, la première obligation de la poursuite était d'établir hors de tout doute raisonnable que l'arme saisie en possession de l'accusé est bien l'arme expertisée. Non pas que c'est probablement la même arme, mais que c'est bel et bien la même arme et ce, hors de tout doute raisonnable.
[33] Je dirai d'entrée de jeu que j'ai été très étonné du traitement que les policiers ont réservé aux choses saisies dans le véhicule de l'accusé, particulièrement à l'arme. Il s'agit tout de même du cœur de l'accusation, une accusation sérieuse, et j'aurais cru que la "chaine de possession" de l'arme serait religieusement préservée. Or, tel n'a pas été le cas.
[34] Tout au long du processus, les divers agents qui ont manipulé l'arme ne se sont pas assurés d'être en mesure plus tard d'identifier l'arme saisie, de l'individualiser, pour évidemment être en mesure de la reconnaître lors de leur témoignage, surtout, comme dans le cas présent, lorsque l'arme ne comporte aucun signe distinctif, aucun numéro de série. Et ce, pour être en mesure d'affirmer qu'il s'agit bel et bien de l'arme saisie, ou de l'arme qu'ils ont reçue d'un collègue, ou de l'arme qu'ils ont transmise à un autre collègue.
[35] Pour ce faire, ou bien en posant quelque chose directement sur l'arme, une étiquette par exemple (il semble que dans le cas qui nous occupe, cela aurait pu contaminer l'arme et empêcher des expertises ultérieures), ou encore, en plaçant l'arme dans un contenant, un sac ou une enveloppe, clairement identifié qui aurait pu "suivre", accompagner l'arme tout au long de l'enquête. En pareil cas, s'il est impossible d'identifier l'arme à l'aide de l'arme elle-même, il est possible de le faire par le contenant, qui lui, est clairement identifié.
[36] Au cours du procès, alors qu'on leur exhibait l'arme, et seulement l'arme, rien d'autre, au moins deux témoins, les agents Tremblay-Quenneville et Fournier, ont affirmé dans leur témoignage que l'arme qui leur était exhibée était bel et bien l'arme saisie. Or, rien ne pouvait leur permettre d'affirmer une telle chose. Il n'y avait rien sur l'arme elle-même, et rien d'autre, le sac dans lequel elle aurait été placée par exemple, qui pouvait leur permettre de le faire. Au plus, elles pouvaient dire que ce qu'on leur montrait ressemblait pas mal à ce qui avait été saisi.
[37] Par ailleurs, même si le chemin choisi n'a pas été le plus facile, je suis satisfait que l'arme qui s'est retrouvée entre les mains de l'agent Poulin, de la section de l'identité judiciaire, est bel et bien l'arme qui a été saisie en possession de l'accusé. Le témoignage de l'agent Tremblay-Quenneville, qui a saisi l'arme, et celui des enquêteurs Meilleur et Fournier, mais surtout le témoignage de l'agent Poulin, notamment ses photos, l'établissent clairement.
[38] Par contre, la situation est toute autre à partir du moment où les pièces, notamment l'arme, quittent la possession de l'agent Poulin.
[39] En effet, celle-ci explique qu'après avoir sécurisé l'arme, elle l'a envoyée à la Sûreté du Québec, on ne sait pas où et à qui, à travers un officier de liaison, on n'en sait pas plus là non plus. La preuve ne révèle pas de quelle façon elle s'y est prise pour assurer la "continuité de possession" de l'arme. La preuve ne révèle pas si l'arme a été placée dans un sac, un sac clairement identifié, et surtout identifiable pour l'avenir, pour, encore une fois, être en mesure d'individualiser l'arme, de pouvoir affirmer plus tard, en se basant sur quelque chose de concret, qu'il s'agit bel et bien de l'arme saisie.
[40] Par la suite, il semble que cette arme, après s'être retrouvée à la Sûreté du Québec, s'est retrouvée au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale (LSJML) puis à la "balistique". Encore là, rien dans la preuve n'établit si l'authenticité de l'arme été préservée, si oui, comment elle l'a été.
[41] Le témoin Gravel a témoigné comme expert en balistique. Il dit avoir expertisé une arme et deux chargeurs. Évidemment, à observer l'arme lors de son témoignage, il ne peut dire s'il s'agit de l'arme qu'il a expertisée. Elle lui ressemble dit-il, mais il n'a aucun moyen de l'identifier. Après lui avoir montré l'arme, on lui exhibe un sac de plastique de son service, mais l'arme n'est pas dans le sac. L'arme a été à un moment donné dissociée du sac. À partir de ce moment- là, il n'a donc aucun moyen d'affirmer que l'arme devant lui est celle qu'il a expertisée.
[42] On a bien tenté d'aider le témoin en lui exhibant des étiquettes et des photos. Mais les étiquettes en particulier n'étaient rattachées à rien et se retrouvaient pêle mêle parmi d'autres pièces. D'ailleurs, tellement pêle mêle que le témoin Gravel a découvert une étiquette, par hasard, au beau milieu de son témoignage, comme si elle sortait d'une boîte à surprise. Et j'exagère à peine.
[43] Dans son témoignage, monsieur Gravel explique qu'à son bureau, il reçoit les choses à expertiser après que celles-ci aient été reçues et classées dans une salle d'exhibits. Il explique qu'un préposé amène les choses et que celles-ci sont alors dans un sac de plastique scellé. On ne connaît ni la provenance du sac ni la personne qui a scellé le sac en question.
[44] Monsieur Gravel ajoute que l'arme a été expertisée et qu'elle a ensuite été retournée, encore là, je ne sais trop comment, à la salle d'exhibits. Selon monsieur Gravel, un préposé ramène les exhibits à l'avant et "l'affaire suit son cours". Mais encore là, aucune preuve n'a été présentée pour démontrer comment l'affaire a effectivement suivi son cours et surtout, si dans le cours de l'affaire, l'authenticité des choses saisies est préservée, et si oui, comment. Et finalement, comment ces pièces se sont retrouvées à la salle d'exhibits du Palais de justice, et ultimement, devant moi.
[45] À ce propos, le fouillis dans lequel les pièces se sont retrouvées devant moi lors du procès n'est rien pour m'amener à conclure que l'authenticité de l'arme a été préservée correctement. Pour employer un langage vernaculaire, toutes les pièces, notamment les douilles, étaient "mélangées", personne ne peut dire qui les a "mélangées", et quand on les a ainsi "mélangées". Tout était mêlé, les étiquettes, les sacs, les douilles. Même le pauvre témoin Gravel était tout mêlé.
[46] Je suis tout à fait conscient que la "chaîne de possession" d'une pièce saisie n'est pas une règle de droit en soi, ni une exigence légale. Il s'agit purement et simplement de l'illustration de l'obligation pour la poursuite de prouver hors de tout doute raisonnable que ce qui a été saisi, est bel et bien ce qui est allégué dans l'accusation.
[47] C'est pourquoi la poursuite n'a pas l'obligation de faire entendre toutes les personnes qui ont été en contact ou qui ont eu la pièce saisie en leur possession (R. v. Oracheski, reflex, (1979), 48 C.C.C. (2d) 217, ACA). Cela ne lui sera pas nécessairement fatal.
[48] Ce le sera seulement si ces "maillons manquants" dans la chaîne sont susceptibles de créer un doute raisonnable sur l'authenticité de la pièce. Et j'estime que c'est le cas ici.
[49] L'accusé est en conséquence acquitté.
Requête pour exclure de la preuve des antécédents judiciaires de l'accusé
Michaud c. R., 2007 QCCS 2253 (CanLII)
[12] Le Tribunal doit s’assurer que seule la preuve pertinente et légalement admissible est utilisée lors du procès.
[13] L’article 12 de la Loi sur la preuve prévoit que :
« Un témoin peut être interrogé sur la question de savoir s’il a déjà été déclaré coupable d’une infraction autre qu’une infraction qualifiée de contravention en vertu de la Loi sur les contraventions, mais incluant une telle infraction si elle aboutit à une déclaration de culpabilité par mise en accusation. »
[14] L’article 12 s’applique à tous les témoins. L’accusé, lorsqu’il décide de témoigner, peut donc être contre-interrogé sur ses antécédents judiciaires. Cependant, la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Corbett, a reconnu que sa situation est différente de celle des autres témoins. Dans son cas, le Tribunal a le pouvoir discrétionnaire d’exclure du contre-interrogatoire les antécédents dont l’effet préjudiciable l’emporterait sur la valeur probante. Cette exclusion se justifie parce que la pertinence des antécédents a trait uniquement à la crédibilité de l’accusé et qu’en aucun cas ils ne peuvent être utilisés comme preuve de propension de l’accusé à commettre l’infraction.
[15] L’arrêt Corbett demeure l’arrêt de principe en cette matière. Le juge Brossard de la Cour d’appel du Québec a subséquemment résumé les principes applicables avec concision dans l’arrêt Trudel :
«- Il y aura ouverture possible à une telle preuve dans tous les cas où la crédibilité d'un accusé est mise en cause, soit de façon directe dans le cadre de son propre témoignage, soit dans les cas où lui-même, dans son témoignage, attaque la crédibilité des témoins à charge;
-Il y aura lieu, cependant, de peser la valeur probante de cette preuve en regard du préjudice qu'elle est susceptible de causer à l'accusé relativement à la nature de l'infraction qui lui est reprochée. Il faut garder à l'esprit, à ce sujet, que l'objet de cette preuve est d'attaquer la crédibilité de l'accusé et non de faire une preuve de caractère visant à établir que l'accusé est un individu qui a la personnalité voulue pour commettre un crime de la nature de celui qui lui est reproché;
-La valeur probante et l'effet préjudiciable de la condamnation antérieure découlent donc directement de la nature de cette dernière. Comme le souligne le juge La Forest, "plus l'infraction qui a donné lieu à la condamnation antérieure ressemble à la conduite pour laquelle l'accusé subit son procès, plus le préjudice résultant de son admission en preuve risque d'être grand." Par ailleurs, un antécédent "de fraude, de tromperie, ou de tricherie, indiquant un manque d'honnêteté ou d'intégrité, vise directement la crédibilité du témoignage de l'accusé," ainsi que le disait la Court of Appeal, du district de Columbia, dans l'arrêt Gordon v The United States, auquel réfère avec approbation le juge La Forest;
-Le Tribunal doit donc être fort réticent à admettre en preuve une condamnation pour un crime antérieur similaire, dont la nature n'a rien à voir avec la crédibilité ou la véracité possible du témoignage de l'accusé;
-La pertinence de la preuve ayant comme contrepoids la nature du préjudice possible, il y a donc lieu pour le juge du procès d'écarter tout élément de preuve dont la valeur probante se révélerait nettement inférieure à l'effet préjudiciable possible;
-C'est donc la connexité entre la crédibilité et la nature de l'antécédent judiciaire qu'il faut considérer et non la connexité entre la nature de cet antécédent et la nature du crime en l'instance;
-La proximité dans le temps entre les deux infractions constitue également un facteur susceptible d'affecter soit sa pertinence, soit le degré de préjudice causé à l'accusé;
-Enfin, la preuve de cet antécédent constitue-t-elle un élément de preuve nécessaire ou utile à la Couronne au point que la résolution du litige peut en dépendre. »
[16] Le juge Doyon rappelle, dans l’arrêt Tremblay, que l’accusé assume le fardeau de démontrer l’inadmissibilité d’un antécédent judiciaire. Il s’exprime ainsi :
« Lorsqu'il s'agit de déterminer si une condamnation antérieure doit être exclue, le juge doit se demander si l'accusé a démontré, selon le poids des probabilités, que l'admissibilité de cette condamnation antérieure entraînerait pour lui un préjudice supérieur à la valeur probante de cette preuve. Il n'y a pas de règle absolue et cet exercice s'effectue en tenant compte de plusieurs facteurs et critères. Chaque décision constitue un cas d'espèce et dépendra des faits particuliers d'une affaire. Dans R. c. Corbett, précité, le juge Dickson précise, à la p. 697, que, dans le doute, l'admissibilité en preuve doit être privilégiée :
''La valeur probante d'un élément de preuve peut être forte, faible ou nulle. En cas de doute, il vaut mieux pécher par inclusion que par exclusion et, à mon avis, conformément à la transparence de plus en plus grande de notre société, nous devrions nous efforcer de favoriser l'admissibilité, à moins qu'il n'existe une raison très claire de politique générale ou de droit qui commande l'exclusion.'' »
[17] Chaque cas est un cas d’espèce et s’évalue selon les paramètres spécifiques du dossier sous étude. L’inclusion des antécédents judiciaires de l’accusé est la règle. D’ailleurs, il y a unanimité sur cette question des juges de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Corbett.
[18] Finalement, citons les propos du juge Doyon dans l’arrêt Tremblay, lorsque la défense se prévaut de son droit de contre-interroger les témoins de la poursuite sur leur passé judiciaire afin de les rendrent non-crédibles aux yeux du jury :
« Par ailleurs, comme il est permis de contre-interroger les autres témoins sur leurs antécédents judiciaires, le fait d'"épurer" le casier judiciaire d'un accusé ou, pire, d'en taire complètement l'existence, peut avoir pour effet de donner au jury un portrait faussé de la réalité en lui laissant croire que seuls les témoins de la poursuite ont des antécédents et que leur crédibilité est donc affaiblie par rapport à celle de l'accusé qui, lui, n'en possède pas ou encore, en apparence, a été condamné moins souvent et pour des crimes différents de la réalité. Dans R. c. Charland 1996 CanLII 7284 (AB C.A.), (1996), 110 C.C.C. (3d) 300, (pourvoi rejeté par la Cour suprême, [1997] R.C.S. 1006), la Cour d'appel de l'Alberta indique qu'il ne faut pas donner faussement au jury l'impression que l'accusé a mené une vie exemplaire :
''Generally, previous convictions for violent offences such as sexual assault do not directly reflect on honesty and truthfulness and, depending on the circumstances of the case, have limited probative value in assessing credibility. However, particularly in the context of a lengthy criminal record, such prior convictions have probative value that is greater than trifling because a jury could reasonably conclude that the convictions reflect a disregard for the laws and rules of society, making it more likely that the person who harbours such attitudes would lie. Here, excluding the sexual assault convictions from the cross-examination could leave the jury with an erroneous impression that the accused had not been convicted of any offences since 1988. The accused would have appeared to have lived a "crime free" life in the community for six years, when a substantial portion of that time was spent in jail. In the circumstances of this case, I cannot say that the trial judge's finding that the probative value of the accused's prior sexual assault convictions outweighed the prejudicial effect, constituted a clear or palpable error.” »
[12] Le Tribunal doit s’assurer que seule la preuve pertinente et légalement admissible est utilisée lors du procès.
[13] L’article 12 de la Loi sur la preuve prévoit que :
« Un témoin peut être interrogé sur la question de savoir s’il a déjà été déclaré coupable d’une infraction autre qu’une infraction qualifiée de contravention en vertu de la Loi sur les contraventions, mais incluant une telle infraction si elle aboutit à une déclaration de culpabilité par mise en accusation. »
[14] L’article 12 s’applique à tous les témoins. L’accusé, lorsqu’il décide de témoigner, peut donc être contre-interrogé sur ses antécédents judiciaires. Cependant, la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Corbett, a reconnu que sa situation est différente de celle des autres témoins. Dans son cas, le Tribunal a le pouvoir discrétionnaire d’exclure du contre-interrogatoire les antécédents dont l’effet préjudiciable l’emporterait sur la valeur probante. Cette exclusion se justifie parce que la pertinence des antécédents a trait uniquement à la crédibilité de l’accusé et qu’en aucun cas ils ne peuvent être utilisés comme preuve de propension de l’accusé à commettre l’infraction.
[15] L’arrêt Corbett demeure l’arrêt de principe en cette matière. Le juge Brossard de la Cour d’appel du Québec a subséquemment résumé les principes applicables avec concision dans l’arrêt Trudel :
«- Il y aura ouverture possible à une telle preuve dans tous les cas où la crédibilité d'un accusé est mise en cause, soit de façon directe dans le cadre de son propre témoignage, soit dans les cas où lui-même, dans son témoignage, attaque la crédibilité des témoins à charge;
-Il y aura lieu, cependant, de peser la valeur probante de cette preuve en regard du préjudice qu'elle est susceptible de causer à l'accusé relativement à la nature de l'infraction qui lui est reprochée. Il faut garder à l'esprit, à ce sujet, que l'objet de cette preuve est d'attaquer la crédibilité de l'accusé et non de faire une preuve de caractère visant à établir que l'accusé est un individu qui a la personnalité voulue pour commettre un crime de la nature de celui qui lui est reproché;
-La valeur probante et l'effet préjudiciable de la condamnation antérieure découlent donc directement de la nature de cette dernière. Comme le souligne le juge La Forest, "plus l'infraction qui a donné lieu à la condamnation antérieure ressemble à la conduite pour laquelle l'accusé subit son procès, plus le préjudice résultant de son admission en preuve risque d'être grand." Par ailleurs, un antécédent "de fraude, de tromperie, ou de tricherie, indiquant un manque d'honnêteté ou d'intégrité, vise directement la crédibilité du témoignage de l'accusé," ainsi que le disait la Court of Appeal, du district de Columbia, dans l'arrêt Gordon v The United States, auquel réfère avec approbation le juge La Forest;
-Le Tribunal doit donc être fort réticent à admettre en preuve une condamnation pour un crime antérieur similaire, dont la nature n'a rien à voir avec la crédibilité ou la véracité possible du témoignage de l'accusé;
-La pertinence de la preuve ayant comme contrepoids la nature du préjudice possible, il y a donc lieu pour le juge du procès d'écarter tout élément de preuve dont la valeur probante se révélerait nettement inférieure à l'effet préjudiciable possible;
-C'est donc la connexité entre la crédibilité et la nature de l'antécédent judiciaire qu'il faut considérer et non la connexité entre la nature de cet antécédent et la nature du crime en l'instance;
-La proximité dans le temps entre les deux infractions constitue également un facteur susceptible d'affecter soit sa pertinence, soit le degré de préjudice causé à l'accusé;
-Enfin, la preuve de cet antécédent constitue-t-elle un élément de preuve nécessaire ou utile à la Couronne au point que la résolution du litige peut en dépendre. »
[16] Le juge Doyon rappelle, dans l’arrêt Tremblay, que l’accusé assume le fardeau de démontrer l’inadmissibilité d’un antécédent judiciaire. Il s’exprime ainsi :
« Lorsqu'il s'agit de déterminer si une condamnation antérieure doit être exclue, le juge doit se demander si l'accusé a démontré, selon le poids des probabilités, que l'admissibilité de cette condamnation antérieure entraînerait pour lui un préjudice supérieur à la valeur probante de cette preuve. Il n'y a pas de règle absolue et cet exercice s'effectue en tenant compte de plusieurs facteurs et critères. Chaque décision constitue un cas d'espèce et dépendra des faits particuliers d'une affaire. Dans R. c. Corbett, précité, le juge Dickson précise, à la p. 697, que, dans le doute, l'admissibilité en preuve doit être privilégiée :
''La valeur probante d'un élément de preuve peut être forte, faible ou nulle. En cas de doute, il vaut mieux pécher par inclusion que par exclusion et, à mon avis, conformément à la transparence de plus en plus grande de notre société, nous devrions nous efforcer de favoriser l'admissibilité, à moins qu'il n'existe une raison très claire de politique générale ou de droit qui commande l'exclusion.'' »
[17] Chaque cas est un cas d’espèce et s’évalue selon les paramètres spécifiques du dossier sous étude. L’inclusion des antécédents judiciaires de l’accusé est la règle. D’ailleurs, il y a unanimité sur cette question des juges de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Corbett.
[18] Finalement, citons les propos du juge Doyon dans l’arrêt Tremblay, lorsque la défense se prévaut de son droit de contre-interroger les témoins de la poursuite sur leur passé judiciaire afin de les rendrent non-crédibles aux yeux du jury :
« Par ailleurs, comme il est permis de contre-interroger les autres témoins sur leurs antécédents judiciaires, le fait d'"épurer" le casier judiciaire d'un accusé ou, pire, d'en taire complètement l'existence, peut avoir pour effet de donner au jury un portrait faussé de la réalité en lui laissant croire que seuls les témoins de la poursuite ont des antécédents et que leur crédibilité est donc affaiblie par rapport à celle de l'accusé qui, lui, n'en possède pas ou encore, en apparence, a été condamné moins souvent et pour des crimes différents de la réalité. Dans R. c. Charland 1996 CanLII 7284 (AB C.A.), (1996), 110 C.C.C. (3d) 300, (pourvoi rejeté par la Cour suprême, [1997] R.C.S. 1006), la Cour d'appel de l'Alberta indique qu'il ne faut pas donner faussement au jury l'impression que l'accusé a mené une vie exemplaire :
''Generally, previous convictions for violent offences such as sexual assault do not directly reflect on honesty and truthfulness and, depending on the circumstances of the case, have limited probative value in assessing credibility. However, particularly in the context of a lengthy criminal record, such prior convictions have probative value that is greater than trifling because a jury could reasonably conclude that the convictions reflect a disregard for the laws and rules of society, making it more likely that the person who harbours such attitudes would lie. Here, excluding the sexual assault convictions from the cross-examination could leave the jury with an erroneous impression that the accused had not been convicted of any offences since 1988. The accused would have appeared to have lived a "crime free" life in the community for six years, when a substantial portion of that time was spent in jail. In the circumstances of this case, I cannot say that the trial judge's finding that the probative value of the accused's prior sexual assault convictions outweighed the prejudicial effect, constituted a clear or palpable error.” »
S'abonner à :
Messages (Atom)
Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine
La possession d'une quantité de drogue plus grande que pour usage personnel est une assise permettant au juge de conclure à la possession en vue de trafic / se débarrasser de la drogue via une toilette ne permet pas de conclure à la possession en vue de trafic de ladite substance
R. v. Scharf, 2017 ONCA 794 Lien vers la décision [ 9 ] Although not the subject of submissions by the appellant, we do not agree ...
-
Marcotte c. R., 2017 QCCS 62 (CanLII) Lien vers la décision [ 32 ] Les motifs raisonnables de croire sont définis comme étant ...
-
Desjardins c. R., 2010 QCCA 1947 (CanLII) Lien vers la décision [ 24 ] L' article 490 C.cr . prévoit un régime pour ...
-
R. c. Allard, 2014 QCCQ 13779 (CanLII) Lien vers la décision [ 80 ] Quant au chef concernant la possession d'une arme prohi...