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jeudi 6 décembre 2012

L'intention peut s'inférer des gestes posés par l'accusé

Guité c. R., 2008 QCCA 1433 (CanLII)

[93]           Les éléments essentiels de l'infraction de fraude ont été analysés par la Cour suprême dans trois arrêts de principe : R. c. Olan, 1978 CanLII 9 (CSC), [1978] 2 R.C.S. 1175; R. c. Théroux, 1993 CanLII 134 (CSC), [1993] 2 R.C.S. 5 et R. c. Zlatic, 1993 CanLII 135 (CSC), [1993] 2 R.C.S. 29. Dans ces affaires, la Cour suprême a énoncé ce que constitue la mens rea de l'infraction de fraude en distinguant l'actus reus qui sera établi par la preuve d'un acte malhonnête dont l'appréciation doit se faire à partir de la norme objective de la personne raisonnable.

[94]           La perception réelle ou personnelle de l'accusé n'intervient que dans l'appréciation de la mens rea de l'infraction de fraude, soit qu'il savait qu'il commettait un acte malhonnête et que celui-ci entraînerait une privation pour la victime. Il faut rappeler qu'il y a privation dès qu'il y a un risque de préjudice pour les intérêts pécuniaires de la victime : R. c. Olan et R. c. Zlatic, précités.

[95]           En l'occurrence, le juge a bien expliqué la distinction entre l'élément moral de l'actus reus et la mens rea de l'infraction dont la norme d'appréciation diffère. Il a bien exposé au jury l'exigence d'établir un état d'esprit coupable, soit que l'accusé a sciemment accompli l'acte prohibé (acte malhonnête) et qu'il savait que son comportement était susceptible d'entraîner la privation de la victime. Il est certain que l'intention pouvait s'inférer des gestes posés par l'appelant dans le cadre de l'octroi des contrats signés avec Groupaction pour lesquels aucun travail n'avait été effectué, et ce, à la connaissance de l'appelant qui autorisait les factures sans s'assurer du suivi à titre de chargé de projet pour ces cinq contrats.

On ne peut se servir de l'argent des autres sans leur consentement

R. c. Savard, 1996 CanLII 5771 (QC CA)

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Traitant de la bonne foi ou de la "croyance honnête" de l'appelant au consentement du créancier MBCC à l'utilisation des faux "assignment of proceeds", le premier juge a complètement écarté ces moyens de défense en concluant, à sa façon, "qu'on ne peut se servir de l'argent des autres sans leur consentement, même en croyant sincèrement être en mesure de le remettre", et que ses bonnes intentions ne peuvent "efface(r) les actes malhonnêtes de fabrication de faux dans le dessein de conserver un capital contre le gré de la victime, mettant ainsi ses intérêts économiques en péril" et ce, s'appuyant sur les arrêts R. c. Théroux 1993 CanLII 134 (CSC), [1993] 2 R.C.S. 5 et R. c. Zlatic 1993 CanLII 135 (CSC), [1993] 2 R.C.S. 29.  L'appelant ne nous a démontré aucune erreur de droit ou aucune erreur manifeste dans l'évaluation de la preuve qui permettrait d'infirmer les déterminations de fait et de droit du premier juge.

Principes de base en matière de fraude

R. c. J.E., 1997 CanLII 10605 (QC CA)

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Madame la juge McLachlin reprenait ainsi, sous une autre forme, les propos de M. le juge en chef Dickson formulés quelques années auparavant dans R. c. Olan, 1978 CanLII 9 (CSC), [1978] 2 R.C.S. 1175, lorsqu'il écrivait:

Les mots «autres moyens dolosifs» couvrent les moyens qui ne sont ni des mensonges, ni des supercheries; ils comprennent tous les autres moyens qu'on peut proprement qualifier de malhonnêtes


 L'article 380(1) C.cr. ne limite pas la fraude au seul mensonge et à la seule supercherie.  Il vise aussi tout «...autre moyen dolosif.....» c'est-à-dire, selon l'arrêt R. c. Olan, 1978 CanLII 9 (CSC), [1978] 2 R.C.S. 1175, tout moyen que l'on peut qualifier de malhonnête.  Cette malhonnêteté consiste à cacher ou à taire les véritables intentions de son auteur.


Le mensonge peut consister en un acte positif, mais aussi parfois en une simple réticence, c'est-à-dire en une situation où, par son silence, un individu cache à l'autre un élément capital et essentiel. 

Encore faut-il toutefois que ce silence ou cette réticence ait été de nature à induire en erreur une «personne raisonnable».

lundi 3 décembre 2012

Les principes applicables en matière de conflit d'intérêt

R. c. Angers, 2004 CanLII 65 (QC CQ)

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[10] Les jugements de principe en matière de conflit d'intérêt sont les arrêts Succession Mac Donald c Martin 1990 CanLII 32 (CSC), [1990] 3 R.C.S. 1235 et R. c Neil 2002 CSC 70 (CanLII), [2002] 3 R.C.S. 631; 168 C.C.c. (3d) 321.

[11] De ces arrêts on peut retenir les règles suivantes:

1. Pour résoudre la question de l'inhabilité d'un avocat à agir dans une affaire, la Cour doit prendre en considération les trois valeurs suivantes: le souci de préserver les normes exigeantes de la profession d'avocat et l'intégrité du système judiciaire; le droit d'un justiciable de ne pas être privé sans raison valable de son droit de retenir les services de l'avocat de son choix et la mobilité raisonnable qu'il est souhaitable de permettre au sein de la profession.

2. Il y a à travers les divers codes de déontologie concernant l'exercice de la profession d'avocat au Canada une volonté d'imposer une norme très stricte qui régit la conduite des avocats dans une situation où des renseignements confidentiels pourraient être utilisés contre un ancien client.

3. Le critère fondamental pour résoudre la question de savoir s'il existe un conflit d'intérêt entraînant une inhabilité est la possibilité d'un préjudice réel c'est-à-dire la simple possibilité d'un mauvais usage de renseignements confidentiels par un avocat au détriment d'un ancien client. Ce critère de la possibilité d'un préjudice réel participe du précepte qui veut que la justice soit non seulement rendue mais qu'il soit évident qu'elle est rendue.

4. L'utilisation de renseignements confidentiels est habituellement impossible à prouver sans révéler les renseignements confidentiels que l'on cherche justement à protéger: on ne peut résoudre ce dilemme sans faire perdre tout son sens à la requête.

5. Conséquemment, le critère retenu doit tendre à convaincre le public, c'est-à-dire une personne raisonnablement informée qu'il ne sera fait aucun usage de renseignements confidentiels.

6. Le tribunal saisi d'une requête en déclaration d'inhabilité doit décider deux questions:

a) l'avocat a-t-il appris des faits confidentiels grâce à des rapports antérieurs d'avocat à client dont la connexité avec le mandat dont on veut priver l'avocat est suffisante?

b) Y a-t-il un risque que ces renseignements soient utilisés au détriment du client?

7. Dès que le requérant a prouvé l'existence d'un lien antérieur dont la connexité est suffisante, la Cour doit en inférer que des renseignements confidentiels ont été transmis, sauf si l'avocat convainc la Cour qu'aucun renseignement pertinent n'a été communiqué en s'acquittant d'un fardeau de preuve lourd et difficile.

8. Même en l'absence de connexité, le devoir de la faute envers les clients actuels englobe un principe de portée beaucoup plus large de prévention des conflits d'intérêts qui peut mettre en cause, ou non, l'utilisation de renseignements confidentiels. Le devoir de fiduciaire envers ses clients interdit à un avocat de représenter un client dont les intérêts sont directement opposés aux intérêts immédiats d'un autre client, même si les deux mandats n'ont aucun rapport entre eux.

9. La seconde question reçoit une réponse automatique. Un avocat qui a appris des fait confidentiels pertinents ne peut pas agir contre son client ou son ancien client. Il sera automatiquement déclaré inhabile à agir.

Autre arrêt concernant l'utilisation de la justice criminelle à des fins civiles

R. c. Liakas, 2000 CanLII 1312 (QC CA)

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[49] Il faut noter que, dès que les représentants de la banque ont eu des motifs raisonnables de croire que l'appelant avait posé des actes frauduleux, ils ont avisé la GRC de l'affaire. En conséquence, dès le début la banque perdait le contrôle sur la question de savoir si une dénonciation allait éventuellement être faite.

[50] Deuxièmement, la banque n'a jamais fait de menaces ou de promesses à l'appelant qu'il y aurait ou qu'il n'y aurait pas une poursuite pénale.

[51] Enfin, il s'agit d'un crime sérieux (une fraude pour une somme d'environ 4 000 000 $) et l'arrêt de la procédure aurait jeté du discrédit sur l'administration de la justice. La doctrine suivant laquelle on blâme la victime d'une fraude d'avoir recours au tribunal pénal par suite du fait que l'auteur de la fraude néglige ou refuse d'indemniser la victime trouve surtout application lorsque le préjudice subi par la victime est peu considérable et que la victime, pour convaincre l'auteur de l'indemniser, promet de ne pas dénoncer son acte ou le menace d'une poursuite. Ainsi, dans ce genre de situation, il paraît évident que la victime se sert du système pénal pour recouvrer sa créance. Mais on ne saurait blâmer la victime d'une vaste fraude, qui désire à la fois recouvrer sa créance et faire punir l'auteur de la fraude, de mettre en branle et le système civil et le système pénal. Bref, ce n'est pas parce que la victime a une voie de droit civile qu'elle ne peut pas dénoncer le crime et que, si elle dénonce le crime, l'auteur de la fraude a droit à l'arrêt de la procédure du fait que la victime avait une voie de droit civile.

[52] Le fait que, si l'appelant avait remboursé la banque, celle-ci aurait cessé d'engager des frais d'avocats pour aider la GRC à accumuler des éléments de preuve et qu'elle se serait désintéressée de l'affaire est bien naturel et n'établit pas que la banque a voulu se servir d'une façon abusive du système de la justice pénale dans le but de percevoir une créance civile.

[53] Il n'est pas inutile d'ajouter qu'aucun reproche ne peut être fait au Ministère public qui, indépendamment de la conduite qu'aurait eu la banque, avait le devoir, dans l'intérêt public, de faire sanctionner le crime par l'appelant. Voir Régina c. Finn 1996 CanLII 6632 (NL CA), (1996), 106 C.C.C.(3d) 43 (Cour d'appel de Terre-Neuve) qui a été confirmé, du moins quant au résultat, par la Cour suprême du Canada à 1997 CanLII 398 (SCC), (1997), 112 C.C.C.(3d) 288.

Utilisation de la justice criminelle à des fins civiles

R. c. Finn, 1997 CanLII 398 (CSC), [1997] 1 RCS 10

Lien vers la décision

1               Le juge Sopinka ‑‑ Le présent pourvoi est formé de plein droit. À notre avis, ce n’est pas l’un des cas les plus manifestes où il y a lieu de conclure à l’existence d’un abus de procédure. Les accusations ont été portées à la suite d’une enquête et d’une décision indépendantes des autorités. On ne saurait donc affirmer que l’objet de la poursuite était de promouvoir l’intérêt, en droit civil, qu’aurait la plaignante à obtenir le paiement d’une dette. De plus, il n’y a eu aucune iniquité de nature à constituer un abus de procédure.




dimanche 2 décembre 2012

Irrégularité : fraude et erreur

Lorsque l'on rapproche le terme «fraude» et le terme «irrégularité», on peut avoir l'impression qu'ils sont
synonymes et qu'ils peuvent être utilisés indifféremment l'un pour l'autre. Pourtant, il existe entre ces deux
mots des différences de sens qu'il convient de respecter, en particulier dans la langue technique.
Une irrégularité, lit-on dans le Littré, est «une chose faite irrégulièrement; qui ne suit pas les règles1». Ainsi
utilisé, le terme «règle» revêt son sens le plus large et comprend aussi bien les dispositions législatives et
réglementaires que les pratiques administratives, l'application des procédés comptables, l'utilisation de
méthodes d'évaluation, l'attribution de tâches, etc. L'emploi du terme irrégularité se justifie alors fort bien dans les circonstances où l'on traite, de façon générale et sans se prononcer sur les intentions de leurs auteurs, des actes non conformes à des règles établies ou à des habitudes de fonctionnement.

Le terme «fraude» par contre est beaucoup plus précis. De fait, les actes frauduleux revêtent une double
caractéristique : d'une part, ils procèdent d'une intention manifeste et sont donc accomplis sciemment et,
d'autre part, ils ont pour objectif de tromper et visent à porter atteinte aux droits ou aux intérêts d'autrui. En
comptabilité, les fraudes peuvent se perpétrer «soit par des détournements, soit par une présentation erronée de renseignements financiers dans le but de dissimuler les détournements ou pour d'autres fins, par des moyens comme la manipulation, la falsification ou la modification des registres ou documents, la suppression de renseignements, d'opérations ou de documents, la comptabilisation d'opérations fictives ou l'application fautive des principes comptables2». Les fraudes peuvent être commises par des employés au préjudice de
l'organisation dont ils sont membres, ou encore inspirées par l'intérêt que peuvent avoir des gestionnaires à
présenter une situation fausse des affaires dont ils sont responsables dans le but soit d'améliorer, soit de
déprécier la situation de l'organisation telle qu'elle ressortirait d'une comptabilité régulièrement tenue3.

Si toute fraude est, de par sa nature, une irrégularité, on ne peut cependant conclure, à l'inverse, que toute
irrégularité soit une fraude. I1 est en effet possible que les écarts par rapport aux règles établies résultent, par
exemple, d'un oubli, d'un manque d'information ou d'une mauvaise interprétation, et qu'ils soient par
conséquent considérés comme des erreurs. II se peut également que les irrégularités soient commises
sciemment, mais sans intention de frauder, par exemple par simple désir de simplification ou par paresse.

Tiré de:  Terminologie comptable - Irrégularité : fraude et erreur
Lien vers le document
http://ocaq.qc.ca/terminologie/bulletin/volume_2/versionpdf/2-02-1.pdf

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Celui qui propose d'acheter une arme à feu ou de la drogue ne peut pas être reconnu coupable de trafic de cette chose

R. v. Bienvenue, 2016 ONCA 865 Lien vers la décision [ 5 ]           In  Greyeyes v. The Queen  (1997),  1997 CanLII 313 (SCC) , 116 C.C.C. ...